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Egyptiens et des Chaldéens, qui tous
-avoient consacré les divisions célestes et
donné à l’Astrologie une si grande influence
sur la terre et sur ses habitans,
retracèrent l’harmonie du monde dans
l ’ordre religieux et dans l’ordre social.
La construction de leur temple, la distribution
de ses parties, les différens emblèmes
qu’il renfermoit, tout y peignoit
l ’ordre etl’harmonie de l’Univers. Toutes
les parties de ce temple corresnondoient
à celles de la Nature, et en offroient les
plus brillans tableaux. Clément d’Alexandrie
(t) assure qu’il renfermoit plusieurs
emblèmes relatifs au Temps, au Soleil,
à la Lune , aux Planètes , aux deux
Ourses, au Zodiaque, aux Elémens et
aux autres parties du monde.
Joseph,dans l’explication (2) qu’il nous
donne du tabernacle et des ornemens du
grand-prêtre des Juifs, rapporte également
tous ces emblèmes à îa. Nature.
» Voilà, dit cet historien éclairé , quels
3» étoient les habits du grand saCrinca-
3» teur ; et je ne saurois assez m’étonner
» de l’injustice de ceux qui nous haïs-
33 sent et nous traitent d’impies, à cause
33 que nous méprisons les Divinités qu’ils
33 adorent ; car s’ils veulent considérer
33 avec quelque soin la construction du
33 tabernacle , les vêtemens des sacri-
33 ficateurs et les vases sacrés dont' où
33 se sert pour offrir des sacrifices à
» Dieu , ils trouveront que notre Légis-
33 lateur étoit un homme divin, et que
33 -c’est très-faussement qu’on nous ac-
33 cuse , puisqu’il.est très-aisé de voir,
33 par toutes les choses que j ’ai rappor-
33 tées, qu’elles représéntolent en quel-
33 que sorte toi:t le monde. Car des
33 trois parties dans lesquelles la lon-
33 guéur du tabernacle est d iv is é e le s
33 deux où il est permis aux sacrificateurs
33 d’eiitrer, figurent la terré et la mer,
». qui sont ouvertes à tous, les hommes;
33 et la troisième partie , qui leur est 1
(1) Clem. Alex. Str. J. 5, 0. 565.
(2) Joseph. Antiq. Jud. 1. 3 , ç. 8,
(3) Strom. 1. 5 , p. 563., j
(4) Syncell. p, 133.
33 inaccessible, est comme le ciel réservé
33 pour Dieu seul , parce que le ciel est
33 sa demeure. Les douze pains de pro-
33 position signifient les douze mois de
-33 l ’année. Le chandelier, composé de
33 septante parties, représente les douze,
33 signes , par lesquels les sept planètes
33 font leur cours ; et les sept lampes
33 représentent les sept planètes. Ces voice
les, tissus de quatre couleurs, mai;-,
33 quent les quatre Elémens. La tunique,
>» du souverain sacrificateur , signifie
33 aussi la terre : l’hyacinthe , qui tire,
33 sur la couleur d’azur , représente Le
33 Ciel. L ’épliod, tissu de quatre cou-
33 leurs , représente de même toute la
33 Nature, et j ’estime que l’or y a été
33 ajouté pour représenter la Lumière.
33 Le Rational, qui est au milieu, repré-
33 sente aussi la terre , qui est au centre!
33 du .monde. Les deux -sardoines , qui
33 servent d’agraffes, marquent,le Soleil
33 et la Lune, et les douze autries pierres
33 précieuses, les mois , ou les, douze
33 Signes figurés par le cercle que les
33 Grecs appellent Zodiaque >*.
L ’explication que donne le savant évêque
d'Alexandrie de ces différens. orae-
mefts, et sur-tout du Rational (3) , coti sidéré
comme emblème ,de la lumière,
répandue dans les douze Signes p'endaint
les douze mois, est absolument la môme
que celle de Joseph, et elle nous paroît
être la véritable , la seule qu’on puisse
admettre («). Ce llational (4) tenait à la
science de la divination , laquelle s’opérait
par l’inspection des cieux et du heu
des sept Planètes dans les douze Signes.
Philon a. adopté foutes ces explications
(5) , dans ses;livres de la vie de
Moïse, de la monarchie et des victimes ;
tant elles ont paru simples et naturelles
£ ces écrivains.'Il voit dans le nombre
des pains de proposition , et dans lenr
division six par six, une figure des
douze mois -partagés par les deux points
(3) Phi], dé YitâMoysiç, i. 3, p. 316, 1 7 , 18,
19 , 20 ,2 1 . de fdenirch; b i , p. 637- de Vic-
P. 547; ; > 1 «
équinoxiaux, en hémisphère boréal et en
hémisphère austral, en signes des longs
jours et signes des longues nuits. Ainsi
les avoit envisagés Joseph ( 1 ). Macrobe
pareillement fixe à six signes ( 2 ) là
durée des vicissitudes qu’éprouve la
lumière, et à chaque septième signe
une variation périodique dans les révolutions
de l’année, du mois et du jour.
Philon fait la même remarque, (3) relativement
à la végétation , dont le printemps
et l’automne marquent les principales
époques.
La division des saisons en trois mois,
où celle de l’année en quatre parties,,
de trois signes chacune ,.a paru à Philon,
ainsi qu’à Joseph et à Clément d’Alexandrie,
énigmatiquement figurée par les
quatre groupes de pierres précieuses du
Rational, rangées sur quatre faces, dont
chacune regardoit un des points cardinaux
du monde. On sait d’ailleurs que
les anciens avoient partagé le cercle
de l ’horizon en douze parties , trois
pour chacun des points cardinaux, et
qu’ils avoient établi entre ces douze
points et les douze signes célestes, une
correspondance qui les lioit les uns aux
autres, et qui soumettoit ces douze
cases de l’horizon aux douze signes
célestes-
Cette distribution du Rational et de
ses pierres, se trouve toute entière dans
la cité sainte ( 4 ) , dont parle Jean dans
l ’Apocalypse, et c’est Arles, ou l ’agneau,
qui , comme dans le Zodiaque, est le
chef de Cette distribution duodécimale.
Nous n’entrerons point dans le détail
des explications de chacun des omemens
du grand prêtre, qu’on peut voir dans
l ’ouvrage de Philon (5) , explications
conformes à celles des auteurs ci-dessus
cités. Nous dirons simplement que, suivant
Philon, l ’habit du grand prêtre
dans sa totalité, comme dans ses parties,
(1) Ant. Jud. I. 3 , c. 8.
(2) Somn. Scip. 1. 1 , c. 6 , p. 28.
.(3 )Phil- de Vict. p. 647.
(4) Apoealy. c. 21. Ij
(J) Phil. Vit. Moys. p. 320.
représentoit la totalité et les parties
de l’Univers; que ce prêtre en entrant
dans le temple étoit censé se revêtir
d’un petit monde , image du grand
qu’animoit la Divinité, et qui étoit son
premier temple. C’est même pour cela,
dit Philon , que les Juifs n’ont voulu
avoir qu’un seul temple, auquel on
vînt adorer la Divinité de toutes les
parties de la terre, parce que l’Univers,
que ce temple représente; est absolument
un (6). Les astres sont les dons brillans
( 7 ) qui y sont suspendus, et leurs
intelligences font la fonction de prêtres.
Saluste le philosophe donne à-peu-près
la même idée des temples anciens (8)
qu’il compare au ciel, et des autels
qu’il compare à la terre ; et il donne à
entendre que tout le cérémonial réligieux
et tout l’appareil des ornemens sacrés
et celui des temples, étoit symbolique,
et tendoit à lier l’homme à la nature
Far des rapports de ressemblance entre
appareil du culte et l’être adoré. Ainsi
le prêtre des Juifs étoit en quelque sorte
revêtu du monde, où de son image
emblématique, comme la Divinité elle-
même L’étoit de l’Univers qui formoit
son riche vêtement. Cette idée des
anciens nous paroît grande et ingénieuse.
Le prêtre, pour me servir de
l ’expression de Philon, avant d’adresser
ses prières à la Divinité, passoit lui-
même dans la nature du monde ( 9 ) ,
et devenoit en quelque sorte un petit
monde.
Le même génie allégorique qui com-
osa la parure du grand prêtre, avoit
ans les mêmes principes distribué le*
parties du temple et ses enceintes (îoj ,
et donné le dessein des principaux orne-
mens qu’on y remarquoit. Ainsi les
Chérubins , suivant Philon et Clément
d’Alexandrie, figuroient les deux hémisphères,
leurs ailes, la course rapide
(6) Phil. Vit. Moy, I. 3 , p. 518, 519.
(7) Phil. de Moùarêh- p. 634.
(8) Salust. philos, c. 13.
(9) Phil. Vit. Moy. p. 5a i*
(loi Strom. 1. 3 , p. 361.