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 peuples  du monde,  au  moins  quant  à  
 la  période  de  vingt-neuf jours,  ou  au  
 mors  lunaire.  Sa  marche  dut  être  comparée  
 à  celle  du  soleil  durant  une  révolution  
 diurne,  parce que,  tantôt elle  
 se  levoit  au moment  où  cet astre  étoit  
 au  milieu  de  sa  course  ;  tantôt  au  
 moment où  il  venoit de  la  finir ;  tantôt  
 il  la  trouvoit  encore  au  milieu  du  ciel  
 au  moment  de  son  lever;  tantôt  enfin  
 elle  disparoissoit  dans  les  rayons  du  
 soleil,  et  la  nuit  perdoit  entièrement  
 ta  souveraine,  et  la  redemandoit  au  
 Dieu  du  jour. 
 Aucune  de  cos  observations  n’ont  
 dû échapper aux peintres et aux chantres  
 de  la  Nature.  Elles  étoient  trop  naturelles  
 à  faire;  ces  phénomènes  étoient  
 pour eux  trop  sensibles  et  se  reprodui-  
 soient  trop  souvent,,  pour  n’être  pas  
 l’objet  de  leurs  récits  allégoiques,  et  
 de  leurs  peintures  symboliques. 
 Je  ne  parlerai  pas  des  éclipses,  qui  
 ne  sont que des  phénomènes passagers,  
 qui impi miment  plutôt  la  terreur  qu’ils  
 n inspi  èrent l ad niration,car elle naît de  
 1 ordre  et de l’harmonie des phénomènes  
 ériodi pies.  On  fut  plutôt  embarrassé  
 ’en  deviner  la  cause,  qu’occupé  à  en  
 peindre  et  à  en  chanter  les  effets  ,  qui  
 ne  se  liaient  en  rien  avec  la  marche  
 de  la  végétation,  et  dont  on  n'.ipper-  
 cevôit  point  les  rapports  avec  celle  du  
 temps.  On  n’y  vit  long-temps,  qu’une  
 entreprise  du  principe  des  ténèbres  
 sur  le  principe  de  la  lumière,  à  la  
 victoire  duquel  on  crut  devoir  s’intéresser. 
 Il  est  encore  dans  le  soleil  et  dans  
 la  lune  un  autre  mouvement  différent  
 de  celui  par  lequel  ces  astres  semblent  
 se  mouvoir  d’Orient  en  Occident.  On  
 les  voit  aussi  se  mouvoir  dans  le  ciel  
 de  bas  en  haut,  et  ensuite  de  haut  en  
 bas,  sans  jamais  franchir  certaines  limites  
 , qui  circonscrivent  leur marche ,  
 et  qu’on  peut  appeler  points  de retour  
 ou tropiques $  mais ces  astres n’arriyent  
 à  ce  points,  que  par  un  mouvement 
 oblique,  et  suivant  un  cercle  dans  lo.  
 quel  ils  se  meuvent en  sens  contraire  
 de  leur  mouvement  journalier.  C’est  
 par un  effet  de  ce  second mouvement,  
 qu'ils  s’approchent  ou  s’éloignent  du  
 point  du  ciel,  qui  répond  perpendiculairement  
 sur notre tête, et qu’on appelle  
 zénith.  Cette  route  fut  notée  dans  les  
 cieux  par  des  images ,  et  servit  à  déterminer  
 la succession des effets produit#  
 ici  bas par  l’action  du  soleil,  les  vicissitudes  
 des  saisons,  et  la durée  de  l’absence  
 ou  de  la présence des deux astres  
 sur l'horizon; car, tons ces phénomènes  
 dépendent de l’obliquité de cette route. 
 On  y  distingua  sur-tout deux peints,  
 qui  limitoient  la  durée  Se  l’action  féconde  
 du soleil,  et  ces points sont  ceux  
 où  la nuit et  le jour sont d’égale durée,  
 et  où la  présence du  soleil  est parfaitement  
 égale  élu  temps  de  son  absence;  
 ce qui aii ive deux fois durant une révo-  
 lution de cet astre, dans la route oblique  
 dont  nous  venons  de  parler.  Ces  deux  
 limites  étoient  au  second  mouvement  
 du  soleil  d’Occident  en Orient, ce  que  
 le  bord  oriental  et  occidental  sont  au  
 mouvement  d’Orient  en  Occident,  ou  
 au  mouvement  journalier.  Ces derniers  
 fixent  les  bornes  du  jour  et  de  la  nuit,  
 et  les  premières  celles  des  longs  jours  
 et  des longues  nuits,  et  la  division  de  
 l'empire qu’ils prennent alternativement  
 l’un  sur  l’autre. Tout  le  grand  ouvrage  
 de  la  végétation  annuelle  paroît  dépendre  
 de  cette  marche et  être  dirigé  
 par  elle.  A peine  le soleil clans  sa route  
 oblique  a  t-il  atteint un  de  ces  points,  
 qu’une  force  active  et  féconde  semble  
 émaner  de  ses  rayons,  et  imprimer  le  
 mouvement  et  la  vie  à  tous  les  corps  
 sublunaires, qu’il appelle à la génération.  
 Arrive  t-il au  point  opposé?  cette  vertu  
 féconde  semble l’abandonner,  et la Nature  
 ornière se ressent de son épuisement;  
 sa  chaleur  et  sa  lumière  éprouvent  les  
 mêmes changemens,  et la force de l’une  
 se dégradr c   rnme la durée de l’autre. 
 La lumière  toujours  vierge re produit  
 rien,  mais  sert  à  nous  montrer  tout 
 ce  qu’engendre  et  organise  la  chaleur.  
 L ’une créé  en  quelque sorte le  monde ,  
 et l’autre nous en  découvre le spectacle ;  
 sans  la  chaleur ,  la  lumière  ne  nous  
 montrerait rien qu’elle-même, ou que des  
 masses brutes de matière; avec la chaleur  
 tout  prend des formes, s’organise,  croît  
 et  atteint  sa  perfection  ou  sa  maturité;  
 mais ,  d’un  autre côté,  sans  la lumière,  
 tous  les  êtres  qu’organise  et  anime  la  
 chaleur,  ensevelis dans une  ombre éternelle, 
  seraient comme perdus pour nous.  
 Le  soleil  renferme  donc  en  lui  deux  
 forces,  l’une  par  laquelle  il  crée,  et  
 l’autre  par  laquelle  il  nous  montre  ses  
 productions  avec  leurs  formes  variées ,  
 et avec les couleurs qu’elles prennent sous  
 ses rayons. 
 Ces  deux  qualités  aussi  distinctes,  
 ces  deux  puissances  du  même  astre,  
 dont  il  n’avoit  comfnuniqué  qu’une  
 seule à la lune, qui donne de la lumière  
 sans  chaleur,  furent  remarquées,  et  
 durent  présenter  dans  le  soleil  l’image  
 d’un  double  être,  ou  d’un  être  source  
 de  deux  grands  bienfaits,  la  lumière  
 et la  chaleur qui donne la vie (ee). Tantôt  
 il dnt n’être distingué queparles rayons,  
 qui paraient  ses images,  et  tantôt par le  
 symbole actif de la génération, qui  dési-  
 gnoitsa force créatrice; ce qui dut en faire  
 comme  deux divinités.. Quelquefois aussi  
 il  dut  paraître  privé  de  cet  attribut  caractéristique  
 de sa virilité , lorsqu’en au-  
 'tornneil sembloit avoir  perdu la force  féconde  
 qu’il exerçoit au printemps, et don t  
 son  énorme phallus  était l’emblème. On  
 sent,  qu’alorsle changement  d’attributs  
 dans  ses images  dut  donner  lieu  à bien  
 des  fictions  sur  la  perte ,  que  le  père  
 de  la Nature  avoit  faite  de  sa  virilité.  
 Delà  durent  naître  ces  mutilations  si  
 fameuses dans l’ancienne mythologie. 
 Quel tableau en effet plus propre  à attrister  
 l’homme  ,  que celui de la Nature  ,  
 lorsqu’elle se trouve privée de sa parure,  
 de sa verdure et de son feuillage, et qu’elle  
 u offre plus à nos regards,que le spectacle 
 (0   Manil.  1.  1 ,  t.  6j . 
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 des  débris  des  plantes  desséehées,  ou  
 tombées  en putréfaction ,  de  troncs  dépouillés, 
   de  terres  bispides,  et  sans  
 culture,  ou  couvertes  de  neiges,  de  
 fleuves débordés dans les champs, ou enchaînés  
 dans leur lit par des glaces, ou de  
 vents fougueux qui bouleversent la terre,  
 les eaux etles airs,  et portent le désastre  
 dans tout  le  monde  sublunaire ? Qu’est  
 deven ue cette température heureuse don t  
 la terre jouissoit au printemps et pendant  
 l’été,  cette harmonie  des  élémens,  qui  
 étoit  en  accord  avec  celle  des  cieux,  
 cette  richesse  et  cette  beauté  de  nos  
 campagnes  chargées  de  moissons  et  de  
 fruits et émaillées de fleurs, dont l'odeur  
 parfumoit  l’air,  et  dont  les  couleurs  
 variées  présentoient un  spectacle ravissant? 
   Tout  a  disparu,  et  le  bonheur  
 s’est  éloigné  de l’homme  avec  le  Dieu  
 qui  embelissoit  nos climats  par  sa présence. 
   Sa retraite  a plongé la  terre dans  
 un  deuil  dont  son  retour  seul  pourra  
 la tirer.  Il  étoit donc le  créateur de  tous  
 ces  biens,  puisqu’ils  nous  échappent  
 avec  lui.  Mais  quel  sera  le  terme  da  
 sa  fuite  et  de  sa  descente  des  cieux,  
 dont il paroît, comme Apollon,  vouloir  
 s’exiler? va t-il replonger la Nature dans  
 l’ombre  éternelle  du  cahos,  d’où  sa  
 présence  l’avoit  fait  sortir ? 
 Ces  craintes  ne  sont  point  imaginaires  
 ,  et  nous  apprenons  que  les  
 hommes les ont eues. Les  anciens Egyptiens, 
  voyant le soleil s’éloigner de leurs  
 climats, craignirent qu’un jour il ne vînt  
 à  les quitter tout-à-fait ;  (i) et  en conséquence  
 ils  célébraient  tous  les  ans,  au  
 Solstice  d’hiver,  (2)  des  fêtes  de  joie,  
 au  moment  où  ils  s’appercevoient  que  
 cet  astre  çommencoit  à  remoriter  veJS  
 eux,  et rebrousâoit sa route pour revenir  
 dans  nos  climats septentrionaux-.  Cette  
 crainte  dut  être encore  plus  forte  dans  
 le Nord  de  l’Europe  et  de-  l’Asie,  où  
 le  besoin de  la présence  du soleil,  ainsi  
 que son éloignement étoient plus grands. 
 Mais si on fut aussi  sensible  aux espé- 
 (i)  Actiiil. Tat. c. 33, p-85. Uranol. Petavii. A  '