lesquels constamment luttent contre la
force céleste, qui chaque jour les subjugue
et les ramène sur l'horizon , après
les enavoirfaitdisparoître avec les autres
astres. Nous avons vu une partie de cette
machine agir impérieusement sur l’autre,
lui communiquer l’activité et la force
vive qui lui appartient, vaincre son inertie
naturelle, la ramener sans cesse à
l ’ordre & aux formes auxquelles éternellement
elle se soustrait, la modifier,
l’organiser, la configurer, et reproduire,
malgré elle, dans son sein une foule
d’effets merveilleux, qui font sa richesse
et sa beauté. Ce sont ces phénomènes
admirables, tant ceux des causes que
ceux des effets, leurs mouvemens et leurs
situations respectives , leurs apparences
variées, qui composent ce bel ordre que
les poètes et les théologiens ont décrit
et chanté, et que les peintres de la Nature
ont cherché à rendre dans leurs tableaux
, et les. sculpteurs dans les statues
et les images religieuses.
Dans tout cela, nous ne voyons encore
qu’unë opération purement mécanique ,
dans laquelle la matière et le mouvement
«ont seuls employés , et qui rigoureusement
même peut ne supposer rien autre
chose; au moins dans les tableaux ,qui en
ont été faits, lesquels peuvent s’expliquer,
sans rien supposer de plus, puisqu’ils
n’expriment que le jeu des causes naturelles
et ne portent que sur les agens
sensibles et visibles des grandes opérations
de l ’Univers-Dieu. C’est dans ce
sens qu’il faut entendre Chérémoxi', lorsqu’il
nous dit que toutes les fables sacrées
roulent sur des êtres physiques et sur l’ordre
et le jeu des. mouvemens du monde
visible, et qu’elles n’ont nullement pour
objet des êtres abstraits ni ces substances
intellectuelles , et vivantes, que la Métaphysique
inventa dans la suite, et par
lesquelles Proclus et les nouveaux Platoniciens
prétendoient expliquer les anciennes
fables.
Mais il s’en faut de beaucoup,que Chérémon
éut raison de dire, que les anciens
Egyptiens, quifixent les. fables sacrées et
quiadoroientle soleil et les autres astres
n’avoient vu dans l’Univers qu’une machine
sans vie et sans intelligence, soit
dans sa totalité, soit dans ses parties,
et que leur Cosmogonie se réduisît au
pur Epicuréisme , qui n ’a besoin que de
matière et de mouvement pour organiser
son monde et le gouverner. ( a ) Une
pareille opinion philosophique exclut né-
eessairemen t tout culte religieux. Car
on n’àdresse point des offrandes et des
prières à des êtres sourds et muets, et
à des corps brillans à la vérité , mais qui
sont censesn’être qu’une matière morte,
dont l’action nécessaire ne peut être modifiée
ni changée et qu’inutilement on.
invoqueroit. Par-tout où l’on trouve un
culte, là on doit supposer des Dieux
intelligens, qui le reçoivent et qui sont
sensibles aux hommages de leurs adorateurs.
Or nulle part le culte n’a été aussi
magnifique, aussi savant et aussi varié
qu’il l’a été en Egypte , dès la plus hante
an tiquité. Nul peuple n’a passé pour être
aussi religieux que le peuple Egyptien.
Donc sa théologie et ses fables Cofmo-
goniques ne faisoient pas de l’Univers
une - simple machine, qui ne renf ermât
que de la matière et du mouvement,
et qui manquât de cette vie et de cette
intelligence, qu’on reinarquoit dans
l’homme et dans les animaux ; C’est-
à-dire , dans une partie infiniment petite
et passagère de l’Etre immense, immuable
et éternel, qu’on appeloit Dieu
ou l ’Univers. Il avoit , au contraire,
éminemment et dans toute sa'plénitude,
ce que les êtres sublunaires n’avoient
que dans un degré beaucoup inférieur
et en très-petite portion. Il étoit en quelque
sorte comme l’Océan, dont les
ruisseaux , les fontaines et les fleuves
sont sortis -par évaporation et daîis le
sein duquel ils rentrent, après avoir parcouru
plus ou moins d’espace et s’être
séparés plus ou moins de temps de la
masse immense d’eau, qui les avoit formés.
L’homme n’avoit iras encore la
sotte vanité de se croire plus parfait que
le inonde, et de reconnoître dans IÇ®
petite partie quelque chose , qui ne fût
pas dans le tout.
La machine de l’Uiiivers étoit, comme
celle de l’homme , mue par un principe
de vie, qui la tenoit dans une activité éternelle
et qui circuloit dans toutes ses parties!
L’Univers étoit vivant et animé,
comme l’homme et comme tous les autres
animaux; ou plutôt ceux-ci ne l’étoient,
que parce que l’Univers l ’étant essentiellement,
il leur communiquoit pour
quelques instans une infiniment petite
portion de sa vie étemelle, qu’il versoit
clans la matière inerte et grossière des
corps sublunaires. Venoit-il à la retirer
à lui, l’homme et l’animal mouroient
et l’Univers seul, vivant et circulant autour
des débris de leurs corps par son
mouvement éternel, organisoit et ani-
moit de nouveaux corps, en y reversant
le feu actif et la substance subtile qui le
vivifioit lui-même, et qui incorporée à sa
masse immense en étoit l’ame universelle.
Uq
V oilà les idées que les anciens s’étoient
faites de ce grand Dieu, père de tous
les Dieux, ou du monde , de cet être
principe de tout, et qui n’en a point
d’autre que lui-même ; enfin, de la cause
universelle,que nous avons dit avoir été
appelée Dieu. L ’ame du monde, éternelle
comme lui, immense comme lui,
souverainement active et puissante dans
ses operations variées , pénétrant toutes
les parties de ce vaste corps , imprimant
un mouvement régulier et symétrique
aux sphères, mettant de l’activité et de
l’ordre dans les élemens , se mêlant à
tout, organisant tout , mouvant tout,
vivifiant et conservant tout, voilà l’Uni-
vers-Dieu, que les anciens ont adoré,
comme la suprême cause et lè Dieu des
Dieux.
Tout le monde connoit ces beaux
vers du sixième livre de l’Enéide, dans
lesquels Virgile a consacré la doctrine
de Pythagore, et conséquemment celle
des Egyptiens ses maîtres , sur l’ame
(O Ænèid. 1, 6, v. 714, etc.
et sur l’intelligence du monde. ( 1 ) ,
source d’où nos âmes et nos intelligences
particulières sont émanées, ainsi que la
vie de tous les animaux. Le poète fait
descendre son héros aux enfers, pour y
visiter Anchise son père. Celui - ci lui
fait passer en revue les âmes des héros,
qui doiventun jour illustrer l’empire Romain.
Pour donner de la vraisemblance
à sa fiction , il lui explique les principes
de la doctrine des Pythagoriciens fur la
préexistence des âmes, sur leur origine
et sur le sort qui les attend après la mort;
dogmes qui faisoient partie des leçons
que l’on donnoit aux initiés, comme
nous le ferons voir dans notre Traité
des Mystères et des Initiations.
Ce font ces sublimes vérités, qu’Att-
chisé revèle à son fils dans les enfers.
« Il faut que vous sachiez, mon fils, lui
» dit-il, que le ciel, et la terre, la mer,
55 le globe brillant de la lune I et tous
» les astres , sont mus par un principe
» de vie interne, qui perpétue leur exis-
» tence ; qu’il est une grande ame intel-
55 ligente répandue dans toutes les paras
ties du vaste corps de l’Univers, qui,
sa se mêlant à tout, l’agite par un mou-
55 vement éternel. C’est cette aine, qui est
55 la source de la vie de l’homme , de
55 celle des troupeaux , de celle des
55 oiseaux, et de celle de tous les 1110ns-
55 très, qui respirent au sein des mers. La
55 force vive, qui les anime, émane de ce
55 feu éternel, qui brille dans les deux
55 et qui, captif dans la matière grossière
55 des corps , ne s’y développe qq’autant
55 que le pèrmettent les diverses orga-
55 nisations mortelles , qui émoussent sa
55 pointe et amortissent son activité «■ .
Le même poète (2) , dans ses Géorgi-
ques, voulant expliquer l’industrieuse sagacité
des abeilles , dit : « qu’elles pos-
55 sèdent une portion de ce feu Éther,
55 qui constitue la substance divine , ap-
5» pelée Ame du monde. Qu’en effet la
5> Divinité pénètre toutes les parties de
55 l’Univers, la terre, les vastes mers ,
(1) Virgil. Georg. 1. 4, v. 240. Hh a