fait naître Hercule et Bacclius de princesses
de Béotie.
Plusieurs poètes ont chanté la même
expédition, tels qu’Orphée , Apollonius
de Rhodes et Valérius Flaccus, qui se
sont répétés lestons et les autres , sinon
pour les circonstances et lés détails
, au moins pour le fond. Le plus
ancien et le plus simple de ces poèmes
est celui qui est attribué à Orphée, et
qui vraisemblablement a servi de modèle
aux autres. Nûrts commencerons
par l’examen de celui-là.
Le Poète débute par invoquer 1 e
Dieu du Soleil ( 1 ) , ou Apollon, le
vainqueur du serpent Python , le Dieu
des Oracles, celui qu’on adore sur les
sommets du Parnasse. Inspire - moi ,
dit-il, divin Pliébus, je vais chanter
ta puissance (2). Ce vers seul annonce
déjà, qu’il va chanter la puissance du
Soleil vainqueur de l ’hiver , que tous
les ans ramène le serpent Python ou
le dragon du Pôle, et dont le terme
est annoncé par le fameux Belier,
dont Jason va faire la conquête. Le
Poète rappelle ensuite ses divers chants
Cosmogoniques ,, sur le débrouillement
du Cahos , sur l'Ether, sur le Temps ,
sur le fameux Phanes, fils de l’Ether (4)>
sur l’Amour, sur la Nuit, sur toutes
les causes, qui ont concouru à l ’organisation
de l’Univers, et sur les combats des
G éans contre les Cieux ( 5 ) ; tous objets
, qui faisoient là matière des anciens
Poèmes sur la Nature. Il rappelle
aussi en passant ce qu’il a écrit ou
chanté sur les mystères de Cybèle (6),
de Bacchus , des Cabires, d’Adonis ;
et d’Osiris ; sur Cérès ( 7 ) et Proserpine ,
et même sur la divination de toute espèce
; sur les Enfers, et sur la pompe
Egyptienne des mystères d’Isis ( 8 ).
(1) Orph. Argon, v. I.
(2) Tbid. v. 3.
(3) Ibid. v. 12.
(4) Ibid. v. 15.
(5) Ibid. v. 18.
(6) Ibid. v. 22.
Çj) Ibid. p. 26.
Aucun de ces différons sujets ne tient,
comme on voit ; à l’histoire des Hommes.
Mais tout est renfermé dans le système
des causes naturelles et dans l’ordre'
du monde. Le poème des Argonautes
sera de cegenre, Car le Poète n’a chanté
jûsqùés ici que cela, et dans ce moment
même, il annonce qu’il va s’élever
dans les régions supéiieures du monde,
sur les vastes voûtes du Ciel, pour y
chercher la matière de chants nouveaux
(9 ). C’est en effet dans les Cieux,
dans les immenses plaines de l’Olympe,1
que sé trouvent les tableaux qu’il va
nous présenter.
Il rappelle à son Lecteur , que Jason
vint autrefois l’inviter à l'accompagner,
dans le voyage qu’il méditoit chez une
nation aussi coupable qu’ellè étoit
riche ( 1 0 ) , et à monter avec lui. le
fameux vaisseau, qui devoit les conduire
dans le pays, où régnoit AEëtès,
fils du Soleil (11 ) , possesseur du fameux
Belier de Phryxus ou du Belier
à Toison-d’or , déposé en Colchide.
Pelias son oncle , qui çraignoit qu’un
jour Jason 11e le détrônât , : comme
le lui avoit prédit l’Oracle , lui avoit
inspiré cette tâche périlleuse, de conquérir
ce riche dépôt, et de le lui apporter
en Thessalie (13). L ’exemple
de la gloire, qu’avoit acquise avant lui
Persée , placé sur le Belier aux Cieux,
engagea ce jeune Héros à se charger
de cette expédition, et: du soin de
conquérir cette Toison*-d’or, si fameuse
dans tout l’Univers ( i 3 ).
Avant de suivre plus loin le Poète,
faisons ici quelques observations préliminaires,
Cette Toison étoit en possession
d’un fils du Soleil. Cette circonstance
déjà nous rappelle tout naturellement
aux régions sublimes , où
(8) Ibid. v. 43.
(9) Ibid. v. 49.
(10) Ibid. v. 33.
(11) Ibid. v. 55.
( 12} Ibid. v. 60.
(13) Diod. 1. 4, p. 284 , c. 170 ; ibid. a??.i
voyage le Soleil, et à la Sphère. Parmi
les enfans du Soleil, on comptait les
Héliades, soeurs de Phaëton , ou du
Génie placé sur les divisions du Belier
et du Cocher céleste. C’est lui qui porte
entre ses bras une fille du Soleil, Aiga
ou le belle Etoile de la Chèvre ( a).
Ce Cocher lui - même porte le nom
XAbsyrthe , cocher d’AEëtès possesseur
de ce fameux Belier ( 1 ); Apollonius de
Rhodes, Auteur d’un Poème des Argonautes
, le fait fils d’AEëtès lui-même,
qui l’avoit eu de sa femme Asterodée,
et on lui donnoit, dit-il, en Colchide
le surnom de Phaëton (2 ) , c’est-à-
dire , le nom que Nonnus donne au
Cocher céleste ( y ) , dans lequel fut
placé Phaëton , frère des Héliades, fils
lui-même du Soleil 7 et connu par sa
chute dans l’Eridan. Ainsi la filiation
d’Absyrthe , frère de Médée ou du
Cocher d’AEëtès, nous ramène à la famille
du Soleil, qui eut deux fils, Persé
et Æetès ( e ) , dont l’un commandoit
à la Tauride, et l’autre à la Colchide.
C’est ce dernier (4) , qui avoit en son
pouvoir le fameux Belier de Phryxus,
placé dans ‘ le Ciel sous les pieds de
Persée , et sur ceux du Cocher d’AEëtès.
En effet, voici ce que disent lès anciens,
qui ont parlé du Belier céleste :
« Neptune déguisé en Belier coucha
» avec Théophane , métamorphosée
» aussi en Brebis, et en eut un Belier
à Toison-d’or , qui porta Phryxus
» en Colchide ». AEëtès en consacra la
Toison dans le temple de Mars, c’est-
à-dire du Dieu, qui a son domicile dans
le signe céleste du Belier ; et c’est cette
Toison, dont Jason fit la conquête (5).
Il est donc clair, que la Toison, dont
Jason fit la conquête , est Celle du Belier
, qui porta Phryxus et Hellê. Or
ce Belier est celui de nos constellations j
(1) Philostrat. Icon. Arg. p. 856.
(2) Apollon. 1. 3 , v. 242, 245.
(3) Nonnus Dionys. 1. 38 , v. 4Î4, •
(4) Diod. 1. 4 , c. >73 , p. 288.
(5) Hygin; Fab. r68.
(6) Ovid. Fast. 1. 3, v , 832,
car tous les Auteurs anciens s’accordent
à le dire.
Ovide, dans ses Fastes (6) , en parlant
dé l’équinoxe de Printemps , le fixé
quatre jours après l’entrée du Soleil au
signe du Belier , qu’il dit avoir porté
Phryxus et Hellê , et avoir été placé
ensuite au Ciel, tandis que sa Toison-
d’or enrichissoit les temples de la Colchide.
C’est donc là lé véritable Belier ,
qu’AEëtès ou que le fils du Soleil , qui
a son exaltation dans ce signe, avoit
en son pouvoir, et dont le jeune Jason
devoit conquérir la riche Toison.
Eratosthène (7) appelle ce signe le
Bélier immortel, fils de Néphélé, lequel
porta Hellê et Phryxus J et dont la toison
étoit d’or. Théon en dit autant après
lui, et il le nomme le Bélier d’AEëtès (8).
Hygin (9), Germanicus (10), Manilius
(11), Columelle (12) confirment cette
même tradition ( ƒ ) mythologique, qui
place au signe céleste duBélierle fameux
Bélier à toison d’or , qui porta- Hellê
et Phryxus, et qui, ayant passé en Colchide
, tomba à la puissance d’AEëtès :
celui-ci suspendit dans le Temple sa
riche toison, dont Jason et les Argonautes
firent dans la suite la conquête.
Ainsi il ne reste aucun doute sur ce
rapport établi, depuis la plus haute antiquité,
entre le Bélier astronomique ,
et le Bélier du poème dés Argonautes.
Voilà donc un point donné, qui ne nous
permet plus de Chercher ailleurs, que
dans les cieux, l’objet de cette entreprise
allégorique de Jason , et qui place aux
champs de l’Olympe le lieu de la scène,
où doivent figurer les Acteurs de cette
grande fable.
Quel que soit Aïetès ou AEëtès, possesseur
de cette riche toison, il est certain,
qu’il ne peut être éloigné dès mêmes
limites équinoxiales, puis qu’on y trouve
(7) Eratosth. c. 19.
(8) Theon. p. 129.
(9) Hygin. 1. 2 , c. 21.
lie ) German. c. 18.
(11) Manil. I. 1 , v. 267.
(12) Columelle,!. 10, v. 133.