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un principe de sentiment et d’intelligence
, il conclut qu’à plus forte raison
l ’on doit en reconnoître un dans l’Univers
, dont tons les mouvemens s’exécutent
avec tant d’ordre, et semblent
réglés avec tant dë sagesse ( 1 ) . Non-
seulement les raisons morales avoient
conduit les philosophes à cette conclusion
; mais ils la tiroient même des
raisons physiques , et de leur opinion
sur la nature de la substance éthérée
et sur celle du monde. Les Physiciens
regardoient le monde comme un immense
animal , composé de l ’assemblage
d’une multitude de corps organisés
et animés, qui étoient ses parties,
dans lequel les mouvemens étoient l’effet
d’un souffle de vie, ou produits par une
grande ame , et dirigés par son intelligence.
Elles se répandoient l’une et
l’autre dans les membres de ce vaste
corps, et entretenoient sa vigueur éternelle
(2). C’étoit même d’après cette
supposition, que quelques-uns d’entre
eux expliquoient le flux et le reflux de
la mer. Le mouvement étoit censé
appartenir essentiellement à l’ame , et
la direction des mouvemens réguliers
et bien ordonnés à l’intelligence. Or ,
comme on observoit dans le monde du
mouvement et de l’ordre , on se trou-
voit forcé d’y placer aussi une ame et
une intelligence , qui l’entrenoit éternellement
, et qu’on ne pouvoir distinguer
de l’Univers même , puisque l’on
composoit l’idée de l’Univers, des idées
particulières de tout ce qui existe.
Une même sorte d’arnes a été distribuée
à tous les animaux, qui sont sans
raison, dit Marc-Aurèle , et un esprit
intelligent à tous les êtres raisonnables;
comme tous les corps terrestres ont une
même terre , et comme tout ce qui vit
et tout ce qui respire , ne voit qu’une
même lumière , et ne reçoit et ne rend
qu’une même vie (3). La lumière du'
soleil est une , quoiqu’on la voie dispersée
sur les murailles, sur les mon-
(1) Cicer. Pro Milon. c. *ii
(i) Soirn. j>„ 76.
tagnes, sur mille objets. Il n’y a qu’une
matière commune , quoiqu’elle soit divisée
en des milliers de corps particuliers.
Il n’y a qu’une ame ,, quoiqu’elle
se distribue en une infinité de corps
organisés , qui ont des limites propres.
Il n’y a qu’une intelligence , quoiqu’elle
semble elle - même se partager.
Il résulte de ces principes plnloso-
pliiques , que la matière des corps particuliers
se généralise en matière universelle
, d’où se compose le corps du
monde ; quë les aines particulières et
les intelligences particulières se généralisent
en ame et en intelligence universelle
, qui meuvent et régissent la masse
immense de matière , dont se compose
le corps ou la totalité de matière
qui existe dans le monde. Ainsi . le;
monde devient un corps immense , mu
par une ame , gouverné et conduit
par une intelligence , qui ont la même
étendue , et qui agissent dans toutes
ses parties , c’est-à-dire , dans tout ce
qui existe , puisqu’il n’existe rien hors,
l'assemblage de toutes choses.
Nous pourrions réunir ici un foule
d’autres autorités , pour prouver l'antiquité
et l’universalité de cette opinion,
philosophique , qui donne à l’Univers
une ame intelligente et sage. Gomme nous aurons occ°a sion cTL e rev°e ni. r au-1t]eurs,
sur cette matière, lorsque nous traiterons
du verbe et de l ’esprit, ou des deux,
personnes de la Trinité des Chrétiens
désignées par ces noms , nous nous bornerons
ici au petit nombre de citations,
que nous venons de rassembler Nous les
croyons suffisantes, pour établir le principe
d’après lequel nous partirons ,,pour
assigner à toutes les parties de la Nature
les plus apparentes une ou plusieurs
portions d’intelligence, autrement dit les
différentes intelligences , qui étoient
censées résider , tant au ciel que dans
les élémens et sur la terre. On avoit conclu,
que les cieuxet les astres, qui enlont
(,3) Marc-Aurel. 1.9,. c. 6.
rtie f étoient animés , parce qu’ils
irlossédoient une portion de l’ame uni-
Iversèlle. On conclut également, que les
Lieux et les astres étoient des êtres in-
(telli^ens , parce que l’ame universelle
étoit souverainement intelligente. Enfin
on conclut aussi , qu’ils partageoient la
Divinité avec la nature universelle, parce
Lue la Divinité résidoit dan s l’ame et dans
l ’intelligence universelle, qui meuvent et
Régissent le monde , et dont ils étoient
dépositaires chacun pour leurpart. Telle
[est la série des conclusions, qui conduisit
les hommes à placer des intelligences
ilivinès dans toutes les parties de la nature.
Cette conséquence n’a pas échappé à
l’interlocuteur du dialogue de Cicéron
(1) sur la nature des Dieux , dont
jpous avons rapporté les raisonnemens
plus haut. D’après cette connoïssance,
bons dit-il , que nous avons de la divinité
du monde , nous ne pouvons nous
empêcher, de l’attribuer aux astres , qui
en font partie , qui sont formés de la
partie la plus noble et la plus pure de
la substance éthérée , sans aucun mélange
de matière de nature étrangère ,
nui renferment essentiellement la chaleur
et la lumière, et à qui il est impossible
de refuser le titre d’êtres ani-
pés, et d’êtres doués de sentiment et
(l’intelligence........Car le feu, qui brille
pans les corps célestes , est un élément
actif, principe de v ie , de végétation et
pe conservation des corps vivans et ani-
pes , feu qui fait germer les plantes,
pt épanouir les fleurs , et entretient cette
pâleur vitale, qui fait respirer les ani-
panx. Le soleil, qui est composé d’un
pareil feu , est donc animé lui-même ,
pnsi que tous les autres astres , qui brillent
clans les plaines brûlantes de l'Éther,,
|ue nous nommons autrement le Ciel...
pes astres, nés au sein de cet élément infirment
subtil, et qu’une.activité éter-
Pelle tient en mouvement, doivent nécessairement
partager la mobilité active de sa
(') Cicer. de Nat, Deor. 1.
nature, e t emprunter d’elk lé sentiment et
l’intelligence, qui en est la suite nécessaire
; cl’où il résulte pareillement, Ci )
qu’on ne peut s’empêcher d’en faire
autant de Dieux. Il est probable même,
que l’intelligence qui est dans les astres
est d’une nature supérieure à celle des
autres êtres , comme l’est la région
dans laquelle ils vivent. L’auteur croit
trouver dans l’ordre du monde , dans
la régularité et l’harmonie des mouver
mens des astres, autant de preuves du
sentiment et de l’intelligence , dont les
corps célestes sont doues, puisque ces
mouvemens ont tous les caractère^ d’un
mouvement libre et spontané. Il conclut
d e - là qu’ils sont des Dieux, c’est-à-
dire, des .causes actives , éternelles,
animées et intelligentes , pan l’action
desquelles sont produits les effets passagers
, dont nous sommes témoins et
dont nous faispn#partie ; car c’est-là
ce qup nous avons dit caractériser la
Divinité'_et remplir l’idée que doit présenter
ce mot.
j Voilà donc la voûte céleste peuplée
d une foule ’d’intelligences étemelles ,
de Dieux , de Génies célestes , ou
d’Anges, suivant d'autres Théologies.,
qui tous partagent la divinité d’Uranu»
leur père , et qui lui sont associés dans
radminmistration de l ’Univers , et surtout
dans l’empire, qu’il exerce surfa
nature sublunaire et sur l’homme. Ainsi
se composala cour céleste, et s’organisa
le système universel d’administration
du monde , dont le soin fut confié à des
intelligences de différens ordres et do,
dénominations différentes. Rien ne
s exécuta plus par des moyens physiques;,
tout dépendit do la volonté et des ordres
d’agens intelligens., Le.conseil des
Dieux régla les destins , des hommes
et décida du sort de la Nature entière*,
soumise- à leurs lois , et dirigée par
leur sagesse.
Nous voilà arrivés au moment où la
Théologie prit la forme qu elle avoit >
2 . c. 14., 17. {2) Ibid. c. 16.