» l’immense étendue des cieux. Que
» l ’homme, ainsi que tous les animaux,
» les bestiaux de toute espèce, les ani-
» maux féroces, que tout ce qui naît
» et respire tire de cette ame immense
» le soufle qui l’anime. Qu’à la mort de
9» chaque animal, ces germes de vie
*> particulière, ces portions du souf-
» rie universel retournent à leur prin-
» cipe et à la source de vie, qui circule
» dans la sphère étoilée ; » c’est-à-dire ,
dans cette partie de l’Univers, que nous
avons appelée la cause active, qui organise
la matière sublunaire, en y versant
les semences de vie et de mouvement
qui lui appartiennent, et qui constituent
la virilité d’Uranus , époux de
Ghê, ou du Ciel époux de la terre.
• Servius, commentateur de Virgile ,
développant les principes philosophiques,
qui sont contenus dans ces vers,
dit que le grand tout est composé de
cinq choses , savoir des quatre éîemens
et de Dieu. Or il est clair, qtie les quatre
élémens sont ce que nous avons désigné
sous le nom de cause passive. Donc Dieu
reste pour la cause active, qui les organise.
Aussi Servius ajoute-t-il, que les
élemens , ou la matière organisée , qui.
compose le monde ( i ) , n’étant pas tout,
Dieu est donc le souffle actif, cet esprit
vivifiant, qui répandu dans la matière ou
dans les élemen s produit et engendre tout.
Il examine ce que nous tenons de Dieu
èt ce que nous tenons des élemens, et
il dit , que les élemens composent la
substance de nos corps ; et que Dieu
forme l’ame , qui vivifie ce corps. -Tous
les animaux , suivant le même Servius
( a ), empruntent léur chair delà
terre, les humeurs de l’eau, la respiration
de l’air, la chaleur du feu , et leur
instinct du souffle universel ou divin.
C’est ainsi que les abeilles ont une petite
portion de la Divinité. C’est de Dieu
et de son soufflé' que tous les animaux
en naissant empruntent la vie, continue
{J ) Serv. Comment, ad. !. 6. Æneid.
(2) Sërv. Comment, ad. 1.' 4, Georg. v. 220.
(3) Ciçero. de Nat. Deor,. t. 1 , c. 11.
le même auteur. Cette vie à leur mort se
résout et mtre dans l’ame du grand
tout, ainsi que leur corps et ses débris
dans la matière universelle.
Cette opinion philosophique nous sera
d’un grand usage, dans l’explication des
fictions mystiques sur l’ame humaine
sur le Paradis ou l’élysée , sur l’enfer ou
sur le tartare, et principalement sur les
purifications ou sur le purgatoire de l’ame
après la mort. Elle nous servira aussi
à expliquer le dogme des Chrétiens sur
le souffle ou sur Tesprit Divin , qui par
une abstraction philosophique a été,
sous le nom de Personne, séparé de la
Divinité unique du monde et de là cause
universelle.- Nous donnerons dans ces
différens ouvrages un plus grand développement
à cette théorie, dont nous
ne faisons ici que poser les bases , et
dont nous établirons l’ancienneté et
l’universalité sur des autorités multipliées.
Timée de Locres, et Platon, son commentateur
, ont fait un traité exprès
sur cette matière , intitulé de l'Ame
du Monde ; ouvrages qui ne sont que
le développement de la -doctrine de
* Pythagore , maître de Timée, qui peit-
soit, comme le dit Cicéron ( 3 ) , que
Dieu est cette ame universelle répandue
dans toutes les parties de la Nature, et
dont les nôtres ne sont qu’tlne émanation
(.4). Saint-Justin nous a donné uni
précis de cette doctrine, où il semble
citer les paroles mêmes de Pythagore,
ou de quelqu’un de ses plus fideles disciples
, qui ayant écrit en prose a
pu rendre les idées du philosophe plus
littéralement que les poètes Ovide (5),
“Virgile, Manilius , Aratus, etc. dans
lesquels ces dogmes se retrouvent.
« Dieu est un, dît Pythagore. Il n’est
» point, comme quelques-uns pensent,
» hors dü monde , mais dans le mondé
» même , et tout entier dans le globe
» entier. Il a l’oeil ouvert sur-tout ce
(4) Batteux, causes prem. t. 1 , p. 213.
(5) Ovide métam. I. 15 , Manil. 1. 2 , v. 60»
Arat. v. 1 , etc.» •
„ qui naît ; c’est lui qui forme tous les
„ êtres immortels , qui test l’auteur de
E }eur puissance et de leurs oeuvres.
L fl est l’origine de toutes choses ; le
Iflambeau du ciel, le pèrtf, Vintelli-
I aence, Yame de tous les êtres, le
L moteur de toutes les sphères ( 1 ) ».
f Ainsi parle Pythagore ( 3 ) , et déjà l ’on
Leconnoît dans sa doctrine l’origine du
I D ie u père , de l’intelligence, de l’ame
lou du spiritus, que les Chrétiens ont
[conserves sous les noms de Père, d’In-
[telligence ou de Logos, enfin de Souffle,
on d’Esprit j trois abstractions qui composent
leur triade mystique.
! Dieu est un, observe judicieusement
Batteux , c’est - à - dire ,• selon le sens
[de la philosophie ancienne , une substance
unique , dont toutes les parties
[continues s’étendent dans tout l ’univers,
sans-partage , sans différence ,
[sans inégalité , comme l’ame dans le
Icorps humain. Pythagore combat l ’opi-
[nion des spiritualistes, qui avoient sé-
Iparé la Divinité du monde lui-même,
[et qui, par une abstraction de l’esprit, la
[faisoient exister hors du monde , qui
Inetoit plus qu’un ouvrage matériel, sur
lequel la cause abstraite ou Dieu, isolé
[du monde , agissoit. Cette opinion étoit
[une innovation dans la théologie antienne
, laquelle ne séparoit pas Dieu
•de l’univers même. Eusèbe atteste cette
[vérité, lorsqu’il dit, qu’il n’y avoit eu
[qu’un petit nombre de sages , tels que
Moïse, qui avoient cherché Dieu, ou la
[cause de tout hors du tout même ( al ;
mais que les philosophes de l’Egypte et
[de laJiPhénieie , ceux qui de son aveu
[avoient imaginé toutes les Cosmogonies
répandues dans l’univers , a voient tous
'placé la cause suprême dans l ’univers
lui-même , et dans ses parties les plus
apparentes, telles que le soleil, la lune,
Ps astres et les élémens , "c’est-à-dire,
dans les causes naturelles et dans le
rnonde visible. Ceci se trouve parfaite-
(t) Justin Cohort. ad Gent. p. 18.
U) V o y . ci-dessus, c. 2.
ment justifié par le dogme qüe Pythagore
établit, comme axiome fondamental
de sa théologie ; savoir, que Dieu
ou la cause active et éternelle Je toutes
choses , est*répandu tout entier dans
le globe du monde , afin que le monde
et toutes ses parties soient dans Dieu.
Pour concevoir cette idée, il faut comparer
fe monde à l’homme, le prin cipe
de vie qui le meut, à celui qui meut
l’homme et tous les animaux vivans ,
enfin i’ame du monde à celle de l’homine.
L ’ame du monde , qui n’est autre chose
que l’ame divine, est au corps divin et éternel
du monde,ce que l’ame humaine est au
corps fragile et périssable de l ’homme.
Elle est. le principe du mouvement intérieur
qui caractérise la vie. Elle fait
circuler dans toutes les parties du corps
animé les fluides et les esprits vitaux ,
y entretient la chaleur et le feu actif
qui conserve son organisation , et prévient
ce repos et cette inertie, que suit
le froid de la mort ; elle est le ressort
qui donne le jeu à toutes ses parties.
Telles sont aussi les fonctions de l’ame
universelle dans le monde Dieu.
C’est cette ressemblance, que Pythagore
a cru appercevoir entre le grand
être vivant et animé , et l’homme ( 3 ) ,
qui lui a fait appeler ce dernier un petit
monde , ou le microcosme, parce qu’il
renferme en lui toutes les qualités, qui
se trouvent en grand dans le monde.
Il tient à la Nature divine, par sa raison
et son intelligence, et à la nature élémentaire,
par la faculté qu’il a de métamorphoser
les alimens en d’autres substances
, de croître et de se reproduire.
L ’inverse de cette comparaison est que
le inondé est un grand homme , ou un
immense Dieu, qui a éminemment et
essentiellement en lui, ce que l’homme
et les animaux n’ont qù’en abrégéet accidentellement,
pendant la courte portion
qu’ils parcourent de l’éternité du monde
(c) 5 car c’est l’homme qui est lui-même
(3) Vita Pythag. Photii Bibli Codex 353.