
 
        
         
		que  celles  de  la  terre  habitée.  On  y  
 remarque  également les deux formes  de  
 culte si  distinctes  dans l’ancien  monde :  
 l’un  est simple, sans temples ni images ,  
 et  dirigé immédiatement vers  les parties  
 de  la Nature; c’est celui des nations sauvages  
 ;  l’autre,  plus  recherché,  et plus  
 pompeux,  soutenu  de  l’éclat imposant  
 du cérémonial,  et accompagné d’images  
 et de  temples  richement  décorés  ;  c’est  
 celui  des  nations  civilisées.  De  même  
 que  les  sauvages de  l’ancienne  Grèce,  
 de  la Scythie  et  du  Nord  de  la  Perse,  
 adoroient  les  astres  sans  temples ,  ni  
 images ,  tandis  qu’en Egypte et en Phénicie  
 , la même religion,  revêtue des formes  
 les plus brillantes,  élevoitaux astres  
 de6 statues et  des temples ;  de même les  
 sauvages  du  Nord  de  l’Amérique,  répandus  
 dans  les  forêts,  levoient  leurs  
 mains  vers  le  ciel,  et  vers  le  soleil et la  
 lune,  tandis qu’au Pérou, et au Mexique  
 on avoit consacré les images de ces astres  
 dans  de  magnifiques  temples,  où  l’or  
 brilloit de toutes parts, et on avoit donné  
 au culte tout  l’appareil du cérémonial le  
 plus  pompeux.  Ainsi,  dans .le  nouveau  
 monde, comme dans l’ancien, la civilisation  
 ,  les  arts  et  la  richesse  miren t  de  
 là  différence  dans  les  formes,  et  dans  
 les pratiques extérieures du même culte;  
 mais  par-tout  on  y  reconnoît la Nature  
 adorée par  ceux  qu'elle  porte  dans  son  
 sein,  et qu’elle.enrichit par ses bienfaits. 
 Les Péruviens  attribuaient  à  Manco-  
 Capac, le premier de leurs Incas,  l’établissement  
 du  culte  du  soleil  dont  il  se  
 disoit fils (1). Ce prince ht adorer comme  
 Dieu cet  astre,  qu’il  regardoit  comme  
 la  source  de  tous  les  biens  naturels.  La  
 lune était aussi dans la plus grande vénération  
 chez ces peuples, quilui donnoient  
 le  nom  de  mère  universelle  de  toutes  
 choses ;  ils  la  reconnoissoi^nt  pour  la  
 mère, des Inças,  comme  étant la femme  
 et la soeur du soleil leur père. Des vierges 1 2 
 (1)  Hist.  des  Voyages,  t.  52  ,  p.  10 ;  &  Contant  
 d’Orvill.  t.  5,  p.  33Ô. 
 (2) Ci-apiès, c, 3. 
 du  sang royal,  espèce de vestales consacrées  
 au cuite  du soleil,  habitoient dans  
 un monastère  près  du  temple  de l ’astre  
 du jour.  Ils  adoroient aussi  la belle planète  
 de  Vénus,  l’astre  le  plus  brillant  
 après  le  soleil et  la lune.  Les météores ,  
 les  éclairs,  le  tonnerre,  qu’ils  regar-  
 doient comme les éxéçuteurs de la justice  
 du soleil, avoient aussi leurs autels. L’arc-  
 en-ciel  qui,  par  ses couleurs  brillantes,  
 subjugua l’admiration de touslespeuples,  
 Iris,  appelée  chez  les  Grecs  la  fille  de  
 l ’admiration,  y  avoit  aussi  sa  chapelle. 
 On  vante  la  richesse  des  temples  du  
 soleil,  dont  le  nombre  étoit  infini dans  
 toutes  les  provinces  de  l’empire.  Celui  
 de  Çusco,  étoit  revêtu  de  lames  d’or,  
 depuis le rez-de-chaussée  jusqu’au sommet; 
   nous  en  donnerons  ailleurs  la  
 description,  (a) On  offroit  au  soleil  le  
 sacrifice  de  toutes sortes  d’animaux, de  
 grains, de légumes, d étoffes, &c ; jamais  
 on ne  buvoit sans avoir auparavant offert  
 à  l’astre  du  jour  ‘quelque , goutte  de  la  
 liqueur. Le soleil  avoit plusieurs prêtres,  
 tous du sang royal ; et pour chef du sacerdoce  
 un  grand pontife,  distingué par le  
 titre de Villouna,  ou de devin et de prophète  
 (3). Le nombre des  vierges  consacrées  
 à son culte, et renfermées dans des  
 cloîtres, où les hommes ne pouvoient entrer, 
  m ontoit à plus de mille, dans 1 a seule  
 ville de Cusco. Entre plusieurs  fêtes que  
 les  Incas*avoient  établies  à  Cusco,  la  
 plus  fameuse  étoit  celle  qu’on  appeioit  
 Intip-Raymi, ou plus simplement Raymi.  
 Elle se cèiébroit au mois de Juin, immédiatement  
 après  le  solstice.  On  faisoit  
 l ’ouverture  de  cette  grande  solemnité  
 par  des  sacrifices ;  mais  on  devoit auparavant  
 obtenir un feu nouveau du père  
 de  la lumière (4). Pour cet effet, le grand  
 sacrificateur prenoit un vase concave, de  
 la  grosseur  de  la moitié  d’une  orange,  
 extrêmement luisant et poli, et l’exposant  
 directement au soleil,  de façon qu’il pût 
 (3) Contant d’Orvill.  ibid.  t.  5, p.  331; 
 (4)  Ibid.  p.  334. 
 [en rassembler'tous les  rayons dispersés ,  
 ■ il allumoit  un  peu  -de  charpie faite  de  
 'coton.  C’étoit  ayec  ce  feu  sacré  que  
 l’on brûloit  toutes  les  victimes,  et  qué  
 l’on  faisoit  rôtir  toutes  lqs  chèvres  qui  
 dévoient se manger ce  jour là. Un jeûne  
 de  trois  jours  servoit  de  préparatif  à  
 la  grande  solemnité ;  la  dernière  nuit  
 étoit employée  par les prêtres  à purifier  
 les  brebis  et  les  agneaux  qui  dévoient  
 être  offerts en sacrifice (1). Les Vestales  
 préparoient le pain  et  les liqueurs destinées  
 à l’usage des Incas, après l’offrande  
 qui  en  auroit  6té;  faite  sur  l’autel.  Le  
 jour  de  la  cérémonie  tous les grands  de  
 l'empire  qui  s’étoient  rassemblés  dans  
 la  capitale,  se  paroient  de,  ce  qu’ils  
 avoient  de  plus  riche.  Le  Monarque,  
 sur-toüt  en  qualité  de  fils  du  soleil ,  
 étaloit  toute  la  pompe  et  la  magnificence  
 de  la  royauté.  Dès  la  pointe  du  
 jour  ce  prince,  accompagne  de  tous  
 les Incas,  se  rendoit en procession jus-  
 qu’à  la  grande  place,  de  la  ville.  Là  ,  
 les  pieds  nuds  et le  visage  tourné  vers  
 l’Orient,  ils  attendoicnt  en  silence  le  
 moment  où  le  Dieu-  alloit  se  montrer  
 à  la  terre.  Dès  qu’ils  commencoient  à  
 l’apercevoir,  ils s’acroupissoient s  éten-  
 doient les bras,  ouvraient les mains  ,  et  
 les approchoient ensuite de leur bouche,  
 comme  s’ils  eussent  voulu  baiser  les  
 premiers rayons qui venoient d’échapper  
 [du  sein  de  leur  brillante  divinité.  On  
 célébroit  sa  gloire  -par  d’anciens  can-  
 | tiques ;  on  lui  faisoit  des  libations  et  
 des  sacrifices (2). Le  feu  sacré  destiné  
 |à  faire  rôtir  les  victimes,  et  que  l ’on  
 ■ avoit  tiré  des  rayons  du  soleil,  étoit  
 [confié  à la  vigilance  des  Vestales,  qui  
 [dévoient le  conserver toute  l’année  :  si,  
 par hazard,  elles  le  laissoient éteindre,  
 c étoit,  comme  autrefois .'à  Rome,  le  
 [présage des  plus  grands  malheurs  pour  
 Il Empire.  Lorsque  le  soleil  ne  se  mon-  
 |troit  pàs^ le  jour de  sa  fête,  on prenoit  
 [deux petits bâtons gros comme le pouce, 
 que  l ’on frottait l’un  contre l’autre, jusqu’à  
 ce  que  le  frottement  engendrât  
 le feu. 
 La  théologie  Phénicienne,  ou  l ’histoire  
 sacrée  cm  fameux  Sanchoniaton,  
 indiqué  ce  moyen  comme  celui  qui  
 fut employé  par les premiers  adorateurs  
 du  soleil.  Le  rapprochement  de  la  pratique  
 Phénicienne et Péruvienne est assez  
 curieux(3) . »Sanchoniaton dit quelespré-  
 »  miers  hahitans  de  Phénicie  élevèrent  
 »  leurs mains au ciel vers le soleil ; qu’ils  
 »  le regardèrent comme  le  seul  maître  
 »  des cieux,  et  qu’ils l ’honorèrent sous  
 »  le  nom  de  Béelsamim ,  ou de  roi  du  
 33  ciel. Ils donnèrent ensuite naissance à  
 33  trois  enfans,  appelés ,   lumière,   feu  
 33  et flamme ,  qui  ayant  froissé  deux  
 33  morceaux  de  bois  l’un contre  l’autre  
 33  en  tirèrent  le  feu,  et  apprirent  aux  
 33  hommes  à  s’en  servir,  33  On  serait  
 tenté de  croire,  que ce furent les Phéniciens  
 qui  donnèrent  une  forme  à  la  
 religion  des  Incas,  d'autant  plus  que  
 le  soleil solsticial qu’ils fêtaient,  étoit le  
 fameux  Hercule  Tyrien,  revêtu  de  la  
 figure  ou  de  la peau du lion,  signe céleste  
 dans lequel entroit autrefois le soleil,  
 le jour du  solstice, et où l’on  plaçait  le  
 premier travail  de  ce Dieu.  Cet attribut  
 symbolique d’Hercule,  la  peau  de  lion,  
 formoit  la  parure  des  prêtres  qui  y  
 paroissoient ;  d’autres avoient des lames  
 d’or  et  d’argent  étendues  et  attachées  
 sur  leurs  robes.  On en  voyoit  anssi  qui  
 avoient  des  ailes  de  plumes  blanches  
 et  noires ,  et  qui  pouvoient  désigner  
 différentes sortes de génies,  affectés  soit  
 au jour,  soit à.là nuit  (4). 
 L ’Incas  qui,  en  sa quaEté  de  fils  du  
 soleil,  devoit  toujours  assister  en  personne  
 à cette fête, à l’instant où le soleil  
 çoiùmençoit  à  paroître,  prenoit  deux  
 vases d’or remplis de liqueur, et invitait  
 le soleil  à boire. Après  cette  cérémonie,  
 le  prince  versoit  la  liqueur  d’un  des  
 vases,  dans  une cuvette d’or qui  répon- 
 UHist, des  Voy.  t,  52  ,  p.  10,  &c.  
 ï )  Cont.  d’Orvill.  p.  334,  335 ,  336,  337. 
 (3) Sanchon. apud Euseb. præp, Ev. I. i , c.  10. 
 (4)  Cont.  d’Orv.  Ibid,  t,  5  ,  p.  33j.