£y$ R E L I G I O N U
pi'incipe étoit le Dieu suprême, les feux
émanes de lui ne pouvoient être que des
Dieux subalternes, des ministres et des
Génies. Voilà l’aine universelle du monde,
qui se subdivise en mille ramifications
différentes, et qui s’affoiblit toujours en
s’éloignant du tronc ( 1 ). Le véritable
siège du feu divin , sa source primitive
étoit cet océan de lumière, qu’on
avoit imaginé dans le ciel des cieux ,
d’où S’élaneoient des ruisseaux de feu,
qui s’étendoient au loin , qui s’atté-
uuoient à mesure, qu’ils s’éloignoient de
leur source, quis’amortissoient, etfinis-
soient par s’éteindre dans l’aby me le
plus profond de l’espace, où retombe
la matière la plus grbssière.
En raisonnant par les contraires, les
ténèbres dévoient avoir leur essènee
pleine et opaque au-delà du point d’extinction
de la lumière, et s’affoiblir en
remontant vers elle. C’étoient deux substances,
qui secroisoientréciproquement,
et qui formoient dans tous les .points de
concurrence’ différens degrés de contraste.
On sent combien il étoit aisé de
composer sur ce fond une fable mystique
, mêlée de combats, de victoires,
avec tous leurs détails, sur-tout si dans
chacune des deux substances , l’une résidante
au ciel et l’autre dans la matière
terrestre, on mit deux grandes
âmes opposées 'de volonté et d’action ,
et qui font un métier contraire, comme
dit le naïf traducteur de ’ Plutarque.
Or cela arriva. Les anciens philosophes
, dit Beausobre ( 2 ) , ■ crurent
la matière éternelle et animée d’une
ame , qui lui appartient et qui n’a rien
de lumineux, nên de sain, ni de salutaire
, qui n’a ni ordre, ni mouvement
mesuré. C’étoit l’opinion de Pythagcfre
et de Platon. Cette opinion étoit la
plus ancienne et la plus générale. Le
Typhon des Egyptiens n’étoit que cela,
suivant Plutarque (3) , ainsi que l’Ahri-
(0 Ibid. p. 42,' Hyd. c. 2a.
(aj Beausob. t. a , p. 248— 250.
£}) Plut, de Eide, p. 57a.
N I V E R S E L L E .
man des Perses; car Ahriman étoit cher
les Perses , ce que Typhon étoit chez lesi
Egyptiens.
« Platon, dit Plutarque ( 4) , s’appPr.
» çut bien vers la fin de sa vie, nï ,;|
» ialloit supposer la matière animée
33 parce qu’une substance brute, epu]
>3 n’a d’elle-même ni qualités , ni acJ
33 tion , et qui par sa nature est daij
33 un parfait équilibre , ne sauroit être]
3> la, cause du mouvement, ni le prinJ
33 cipe du mal : d’ou il suit que ce priid
33 cipe est la puissance motrice de W
33 matière, celle qui réside en elle, etj
33, qui produit des mouvemens déréglés]
33 et déraisonnables. C’est une puissance]
33 que Platon appelle , dans ses livres]
33 des lois (5) , une ame déréglée, màli
33 faisante, et contraire à la causa
33 du bien ». Clément d’Alexandrie, qui
a cité ce passage danS"ses Stromales (6)J
prétend que c’est le Démon , et il al
raison ; car notre Démon enferma
dans la partie basse du monde, la phsj
matérielle, ou aux enfers, n’est que celai
Manicliée a pensé la même chose1, et péri
sonne ne connoissoit mieux que lui les
principes théologiques des Perses, de qui
vient notre religion en très-grande partiel
Chalcidius, qui a commenté le Tiinéd
de Platon, prouve que cette opinion 1
sur l’ante de la matière, faisoit partiel
de la doctrine de Pythagore. Il dit J
que Pythagore avoit démontré que les
maux existent nécéssairement, parce que
la matière est mauvaise en soi, et qui
le monde étant fait de cette matière
il est fait d’une mauvaise nature. Pytliaj
gore, ajoute Chalcidius, a cru que lé
matière a une ame, qui résiste à la pro;
vidence, et qui emploie toutes les force
de sa malice, pour en traverser le,
dessins. La providence, c’est-à-dire
tout ce qu’il y a d’ordre dans le monde
est l’ouvrage de Dieu ; mais tout le dq
sordre vient de la matière. Ce q#j
S4) Plut, de Proc. Anim. p. 1016.
J) Plut. ibid. p. 1014, 1015.
(6) Clem. Alexand. Stromat.. 1. 5 , p. 573'
PythagH
R E L IG, I O N . U N I VE R S.E L L E. a97
pythagore dit de la Providence , ou du
pieu bon; lés Egyptiens l’attribuoient
à Osiris ( 1 ) ; ce qu’il dit de la matière,
ils i’imputoiènt à Typhon, c’est-
à-dire à Pâme mauvaise, inhérente à la
matière. . . . ..h.
A ces témoignages, joignons celui
du philosophe^ Numenius (2), qui loue
Platon , d’avoir soutenu qu’il y a deux
aines dans le monde, l’une bienfaisante,
qui est Dieu , l ’autre ma fa i sante
, qui est la matière. C’est cette
ame de la matière , qui est le principe
de son mouvement propre et intrinsèque
, lequel n’a rien cte régulier ni
d’ordonné, mais que l ’ame divine du
Ciel modifie, et dirige sans cesse vers
le bien. C est cette matière, suivant ces
Philosophes,qui est la cause etlanourrice
des passions de l’ame , qui luttent contre
la raison qui nous vient d’en haut, ou dè
l'intelligence universelle. L ’opinion de
ces Philosophes sur cette seconde ame,
distinguée dé l’ame lumineuse, est,
dit Beausobre ( 3 ) , la plus ancienne
et la plus généralement reçue. Du sein
de ces deux âmes , qui se répandent
et se croisent dans le monde sublunaire
, nous avons donc pu faire ’sortir
le peuple des intelligences botiùes
ou mauvaises, qui en émanent, èt qui
agissent en sens contraire ici - bas.
L empire naturel du premier peuple et
celui de ses génies éstplacédans l’olympe,
et descend jusqu’à la sphère de la
lune (4) ; car elle étoit le terme où finis-
soit l’empire du mal. Mais les -Démons
ou les mauvais génies se répandoient
dans les régions sublunaires, depuis
qu ils avoient été- chassés de la région
supérieure à la lune , au-dessous dè laquelle
, dans le débropillement clu ca-
r£Sî,Se Pla9a M matière groséière. Les
haldéens ( 5 ) , dit Pselius, 'appellent
quelquefois Adès , ou l ’enfer , les régions
sublunaires, parce que c’est là
0 ) Plut, de Iside, p. 370.
i l Çhalcid. n. 295 , p. 387.
) Beausob. t. 2, 1. 5, c. 6, p, ajo,
Relig. Univ. Tome I.
Çinurésîdènt lèÂDémdns. depuis qu’ils
ont été'chassés de la sphère de la lune ,
qpi est un espace sacré. Cette' division
réntre dans celle d’Ôcéllus de Lucanie ,
qui place au - dessus de la lune l’empire
des Dieux , principes de lumière
èt d’ordre éternel, et au - dessous le
siège de deux principes contraires,
la Nature et la. Discorde ,' dont l’une
tend toujours ,à organiser et à ordonner,
et l’autre toujours à détruire at
à tout déranger. C’est une expression
différente du choc des deux âmes opposées,
dont l’une tient de la Nature
du ciel, et l’autre de celle de la matière
terrestre et grossière. *
Malgré cette division, qui séparoit
par d’éternelles barrières les deux empires,
de manière que jamais le désordre
ne pût être. mis.dans les cieux,
néanmoins les opérations du ciel, les
influences des plariètés èt des fixes,
où des Dieux en se rûêlant ici-bas aux
elémens , où les Démons et lés Génies
exerçoient leur empire concurremment
avec eux, se trouvoient tellement corrompues
ou gâtées, que les‘Dieux qui,
par leur nature , étoiént bons & lumineux
, sembloient se métamorphoser en
Génies de ténèbres, leur prêter leurs
formes,, et dégradés] de' leuf Nature
primitive , devenir causes des effets
funestes, et de tous les maux physiques,
qui se repro'duisoient sous leur àspect,
et sembloient être leur ouvrage“.' C’est
ainsi que les Anges de lumière parois-
soient être déchus de leur dignité primitive
, et se transformer en Anges de
ténèbres. C’est ainsi que nous avons
vu les sept grands Dews ou mauvais
Génies, subordonnés à Ahriman, s’attacher
aux sept planètës, et le chef
des maüvais Géniéâ pénétrer lui-même
dàns le ciel sous la forme du Serpent
ou de la grande Couleuvre, mère de
l ’hyver (6) ; puis se mêler aux planètes ,
' (4)' iXRid. p.,254-
(5) Apué Stanleb; de Phil. Chald. p. 1131.
(6) Zend-Avest. t, 2, p. 351— 355.
A r ■ p p