et son épouse Alcimède, père et mère
de Jason. Le Poète s’attache à nous
peindre le tableau attendrissant de cette
séparation, et la fermeté de Jason, qui
cherche à consoler (1 ) les personnes
qui lui sont chères, et sur-tout sa mère,
qui lui avoit exprimé ses regrets et ses
craintes, dans un discours des plus
touchans ( j. ) , en même temps qu’elle
le serroit entre ses bras , et l’arrosoit
de ses larmes. Les femmes de sa suite
imitoient sa douleur, et les esclaves,
chargés d’apporter les armés de son
fils, gardoient un morne silence, et
n’osoient lever les yeux (3 ).
Jason , toujours ferme dans sa résolution
, rappelle à sa mère les espérances
que lui a données l’Oracle , et celles qu’il
met dans la force et le courage des
Héros, qui l’accompagnent. Il la prie
de sécher ses larmes, qui pourraient
être prises pour un augure défavorable
par ses guerriers. En achevant ces mots,
il s’échappe à ses embrassemens (4) »
et on l’apperçoit à travers la foule du
peuple , qui l’accompagne, tel qu’Apollon
, lorsqu’il marche au milieu des
choeurs sacrés de Délos, ou qu’il s’avance
le long des rives du Xanthe en Lycie (5).
La multitude fait retentir les airs de
cris de joie , qui présagent d’avance
ses succès. La vieille Prêtresse de Diane
conservatrice, Iphias, lui prend la
main et la baise, sans pouvoir j ouir
du bonheur de lui parler ; tant la foule
le presse.
Déjà ce Héros a gagné le port de
Pagase, où mouilloit le vaisseau Argo ,
et où les guerriers ses compagnons l’at-
tendoient (6). 11 les assemble et les
harangue. Il leur propose avant toutes
choses de se nommer un Chef, qui
se charge de commander à toute la (i) *3 4 5 б)7
( i) Ibid. v. 266.
(а) V. 263 -276—190.
(3) V. 267-293.
(4) V- 300—306.
(5) V. 309.
(б) V. 316 -319.
(7) V. 3.31— 34«-
troupe, de veiller à ses besoins, et de
traiter, s’il est nécessaire, au nom de tous
avec les étrangers (7). Tout le monde
jette les yeux sur Hercule , qui étoit
assis modestement au milieu d’eux, et
tous d’ung pommune voix le proclament
leur Chefï Cplui - ci fait faire silence ;
déclare qu’il n’acceptera point cette dignité
, et qu’il ne souffrira pas non
plus qu’aucun autre l’accepte , que celui
ui les a tous réunis ; qu’à lui seul est
û cet honneur ( 8 ).
Tout le monde approuve ce conseil
généreux ; et Jason se lève pour témoigner
à l’assemblée sa joie et sà recon-
noissance (9). Il annonce, que rien ne
retardera plus leur départ. En attendant
, il les invite à faire un sacrifice
au Dieu du Soleil, ou à Apollon (10),
sous les auspices duquel ils vont s’embarquer,
et à qui il fait dresser un
autel (11). Aussitôt Jason se mét à
exécuter ce qu’il a proposé.
Le Poète entre ici dans quelques flK
tails sur les préparatifs' préliminaires
de l’embarquement (12). Nbùs n’avons
pas cru devoir les rapporter ici , quoi-
qu’intéressans pour l’érudition, parce
qu’ils tiennent plutôt à la manoeuvre des
anciens , qu’à la partie astronomique
du poème. On tire au sort la place des
rameurs;Hercule a celle du milieu ( i3) ,
et Tiphys prend sa place au gouvernail.
Cette opération faite , on rassemblé
des pierres ; près de là mer , pour former
un Autel à Apollon , qui préside
à l’embarquement. On réunit aussi des
branches d’olivier ; on conduit deux
boeufs, qui doivent servir de victimes.
Ici est la prière que Jason adresse au
Soleil, son aïeul , Dieu de ; Pagase,
à qui il promet, à son retour , autant
de Taureaux , qu’il ramènera avec lui
(8) V. 344— 347.
(9) V. 350.
( 10) v - 353-
l i j V. 360-— 363.
12) V. 365— 375— 385— 393,
P 3) V. 397— 40».
de compagnons (1). Il le conjure d’accorder
sa protection à leur entreprise ,
et de leur procurer les vents heureux ,
qui doiventieur en assurer le succès (2).
Hercule et Aricée assomment les deux
boeufs, qui tombent du coup : on les
égorge aussitôt ; on les dépouille ; on
en coupe la chair en morceaux , et on
brûle les parties qui doivent être consumées.
Le Devin Idmon en voit monter
avec plaisir la flamme et la fumée,
et il en tire les plus heureux présages.
(3) Il ne dissimule pas cependant les
dangers dont sera accompagnée cette
entreprise , et le sort qui. lui est réservé
à lui-même ; mais la gloire qui l’attend
le console de la mort qui le menace (4).
Cependant le Soleil penchoit vers le
terme de sa carrière , et approchoit du
moment où la nuit alloit étendre ses
sombres voiles sur les campagnes. Les
navigateurs se couchent sur le rivage ;
on leur sert à boire et à manger , et
ils égaient le festin par des propos enjoués
(5). Jason seul paroissoit rêveur
et profondément occupé des soins impor-
tans dont il étoit chargé. Idas , qui le
remarque , lui adresse un discours qui
contient quelques reproches , et qui exprime
de sa part une orgueilleuse confiance
(6). Le reste de la troupe en
parut choqué, et Idmon prenant la
parole le reprend de son insolence ;
car il semble braver les Dieux, qu’il dit
être de moins sûrs garants de la victoire,
que sa lance et son bras. Il lui rappelle
divers exemples de la vengeance, qu’ont
tiré les Dieux d’une semblable témé-
nté (7). Idas répond à ces sages avis
par un sourire moqueur , et par des
invectives. La dispute alloit devenir
sérieuse , 'si les autres Argonautes, et
Jason sur-tout, n’y eussent mis fin (8).
Orphée principalement coupe court
à tout par ses chants harmonieux. Il
commence par chanter le débrouillement
du cahos (9) , la formation du
ciel et de la terre , et la séparation
qui fut faite des eaux rassemblées dans
le bassin des mers. Il nous peint, dans
les régions sublimes de l'Ether , le Soleil
, la Lune et les Astres qui commencent
leur carrière. Il décrit ici-bas la
formation des montagnes , l’écoulement
des fleuves , qui roulent avec bruit
l’onde, qui s’échappe de l’urne des
Naïades (10). Il chante le règne antique
d’Ophion et d’Eurynome, fille de l’Océan
, qui siégeoient sur les sommets
glacés du mont Olympe ; et qui furent
forcés de céder leur place , l’un à Saturne
, et l’autre à Rhéa , et de se précipiter
dans les flots de l’Océan. Ceux-ci
régnèrent quelque temps sur les Dieux ,
dont ils firent le bonheur , jusqu’à ce
qu’ils eussent laissé leur sceptre à Jupiter.
Ce dernier , encore enfant, étoit
nourri dans l’antre de Dictée. Les en-
fans de la terre , les redoutables Cy-
clopes , n’avoient pas encore armé ses
mains de la foudre > qui assure sa force
victorieuse , et qui fait sa principale
gloire (11).
Orphée avoit fini ses chants , et les
Argonautes , a vides de l’entendre , restèrent
en silence, avançant la tête , et
toujours l’oreille attentive , comme s’il
chantoit encore ; tant ses accens harmonieux
avoient fait une forte impression
dans leur ame. Aussitôt on apporte
le vin destiné aux libations , et
on se livre au sommeil, à l’ombre des
voiles que la nuit a déjà étendues sur la
terre (12).
A peine les premiers rayons du jour
ont doré les sommets du mont Pélion ; à
peine le vent frais du matin a agité la surface
des eaux, que Tiphys, pilote du vais-
(1) Ibid. v. 418.
(2) V. 412—424.
(3) V. 432— 439.
(4) V. 441— 447.
(5) v . 450— 439.
16) V. 461— 470,
(7) V. 484.
(8) V. 485— 494.
(9) V. 496.
(10) V. 502.
( n i V. f f f l
(12) V. 518.