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tout où siégea l ’aine Divine comme cause,
là fut aussi le siège d’une intelligence.
C’est ainsi que le ciel, les astres , les
ëlëmens et toutes les parties de l’Univers
devinrent le siège d’autant d’intelligences
Divines. Chaque portioncule
de la grande ame devint une intelligence
partielle, et plus elle étoit dégagée de la
matière grossière , plus elle étoit active
et intelligente.
La gradation des intelligences suivit
celle de l’ame, depuis le sommet des
cienx, jusqu’aux abîmes des eaux et de
la terre. Toute la partie du mondé , qui
s’étend depuis le ciel de la lune , jusqu'à
celui des fixes, renferma les intelligences
les plus pures, soit Anges, soit
Dieux, habitans de l’Olympe. L ’homme
et les animaux doués d’un certain instinct
se trouvèrent placés au bas de
l ’échelle des intelligences, dont les génies
de l’air et des eaux rempllssoient
les degrés intermédiaires. La partie ténébreuse
du monde eut aussi ses intelligences
, comme la partie lumineuse, et
toute les divisions, que nous avons marquées
plus haut dans la Nature , se sont
retracées dans les différens ordres d’intelligences
; en sorte que notre méthode
n’éprouvera aucun changement dans fon
application à un Univers animé et intelligent,
et dont les parties et les agens
sont doués d’intelligence.
Les rapports d’union ou d’opposition,
les filiations, les combats, les victoires
ou les défaites, la naissance où la mort,
l ’exil, les courses , les fuites et en général
toutes les allégories, qui ont pour
base les situations respectives des corps
célestes ou terrestres, censés agens de
la Nature , seront les mêmes pour les
intelligences qui y président, et l’histoire
de celles-ci ne sera que l’expression
figurée du jeu des causes matérielles.
En général, que l’Univers ne nous offre
dans ses mouvemens et ses situations
variées qu’un pur mécanisme , ou qu’il
nous présente l’action de causes vives,
animées et intelligentes, c’est absolument
la même chose pour nous, qui
expliquons, par le mouvement des corps
celui qui est supposé appartenir aux
intelligences qui y résident. Que le poète
par une fiction ingénieuse ait do'nné de
ram e , du mouvement et de l ’intelligence
aux parties de la Nature, ou
qu’elles en aient réellement et essentiellement
, peu importe pour le succès
de nos explications , puisqu’elles ne
tombent que sur les phénomènes appa-
rens , et que les phénomènes sont les
mêmes dans tous lés cas. Seulement
l ’histoire poétique, qui en a été faite, ac-
quérera un degré de vraisemblance de
plus, et aura presque la vérité d’une
histoire , en donnant de la réalité aux
personnages., et. en leur prêtant dt-s
sentiinens et des passions , que lents
actions ouleurs fonctions semblent supposer.
Nous ne dirons donc plus simplement,
que l’Univers et ses parties
sont animés ; nous dirons encore qu’ils
sont intelligens, et que tout dans la
nature s’opère par l ’action d’une foule
d’intelligences répandues dans toutes
les parties du monde, être vivant, ani-J
n i é et intelligent, qui renferme- en lui
l’origine et la source de toutes les anses
et de toutes les intelligences particulières/
De même que tout ce qui n’étoit
que matière est dévenu animé ; de même
tout ce qui est animé va devenir intelligent,
par une suite du même principe
qui a fait donner une ame au corps
immense et éternel du monde. Il y a,
disoit-on, dans la Nature sublunaire
des êtres animés et yivans ; et cela,
sans doute , parce que la Nature elle-
même est une force vive et animée, qui
pénètre toutes les parties de l’Univers,
et que la vie de chaque corps particulier
, ainsique l’ame qui le meut, font
partie de la vie et de l’ame universelle,
comme la matière grossière du c o rp s
fait partie de la matière universelle. En
suivant le même raisonnement on'dit,
ces âmes elles-mêmes sont douées -d'une
portion plus ou moins grande d’intelli'
gence, parce qu’il y a dans l’ame. w11'
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yersolle une intelligence, d’où découlent
toutes les ■; intelligences particulières.
Donc l’Univers ou le Monde est non-
seulement un animal, mais encore un
animal intelligent, et souverainement
intelligent, l e l l’a conçu Timée de
jLocres.
Le monde, suivant ce philosophe (1),
comprend tout. C’est un enfant unique,
animé et doué de raison. Timée suppose
que l’ame de l'homme n ’est intelligente,
que parce que celle du monde l’est essentiellement.
Car l’ame de l’homme, suivant
lui (2), fut composée des mêmes rapports 1
et des mêmes qualités que l'Ame du Monde.
Son intelligence fut tirée de la substance
de 1 Etre toujours le même,qui meut
le premier mobile, ou le ciel deh étoiles.
Mêlée à la partie raisonnable de l’ame ,
elle ffflg un germe de sagesse dans
les esprits privilégiés. L ’opinion de
Timée , sur l’intelligence universelle ,
qui réside dans l’ame du monde j a été
celle de beaucoup d’autres philosophes ;
ce qui leur faisoit dire , que le monde
étoit anime et sage , au rapport de
Cicéron ( 3 ). Cléanthe , disciple de
Zenon , qui regardoit le monde comme
Dieu , ou comme la cause irrmroduite
et universelle de tous les effets pro-
; duits ( 4 ) , donnoit une ame et une in-
j telligence à la Nature universelle 5 et
I c etoit à cette ame intelligente qu’ap-
partenoit la Divinité. Suivant lui, elle
etablissoit son principal siège dans la
I substance éthérée, dans cet élément
lumineux , qui circule avec abondance
autour du firmament et de la dernière
I enveloppe du monde, et qui de-là se ré-
I pand dans tous les astres , qui par
I cela même partaient la Nature divine ,
dans le système de ce philosophe. C’est
I par une suite du même principe, qu’il
communiquent la Divinité à l’intelligence
meme de l’homme , qui n’est qu’une
émanation du feu intelligent de l’Ether,
? atteux> caus- prem. t, a , p. ia.
\2) Ibid. p. 45.
u) Cic. de Nat. deor, 1. 1 , c. 10.
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ou une portion de l’être toujours le
ipeine, pour me servir de l ’expression
de Timee de Locres.
C’étoit également 'dans la raison, et
sur-tout dans cette raison universelle (5)
qui forme l’ame et l’intelligence de la
Nature , que Chrysippe , le plus subtil
des Moiciens, plaçoit la force divine,
ou 1 essence de la Divinité, qu’il attri-
buoit au monde, mû par l’ame uni-
selle répandue dans toutes ses parties.
C étoit sur-tout dans la partie intelligente,
qui constituoit le chef, et comme
la tete de l’animal monde, qui en région
les mouvemens, et en contenoit
toute l’harmonie , qu’il fixoit le principal
siège de la Divinité, dont l’Ether
etoit la substance.
Dans le second livre de Cicéron sur
la nature des Dieux (6) , un des interlocuteurs
s’attache à prouver par plusieurs
raisonnemens , que F Univers est nécessairement
intelligent et sage. Une des
raisons principales , qu’il donne pour
appuyer sa théorie sur l ’ame et sur l ’intelligence
du inonde , c’est qu’il n’est
pas vraisemblable , que l’homme , qui
n est qu une partie infiniment petite du
grand tout, ait des sens et de l ’inteÙi-
gence, et que le tout lui - même, d’une
nature bien supérieure à celle de l’homme
, en soit privé. Nous voyons , dit-
il encore , dans les parties du monde,
et il n y a rien dans le monde qui ne
soit une partie du tout, qu’il y existe
du sentiment et de la raison. Nécessairement
ces mêmes facultés doivent se
trouver dans ce qui constitue la partie
supérieure et principale du monde , et
s’y trouver même dans un degré plus
e fu ien t, et sous une forme plus active:
d ou il resuite que le monde est un
être vraiement sage.
Cicéron fait à-peu-près le même raisonnement
dans son discours pour
Milon. De ce qu il y a dans l’homme
(4) Cicer. ds Nat. Deor. 1. 1 , c. 1;.
(5) Cicer. de Nat Deor. 1. 1 , c. 15
i 6) Cicer. de Nat. Deor. 1. 2 , e. i l , t a , ,3.
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