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dans l’espace de temps, qui s’écoule
du lever au coucher du Soleil. Il propose
à Jason d’essayer d’en faire autant;
et il lui promet, s’il réussit, de lui
livrer la Toison-d’or. Sans cela, il n’a
rien à espérer ; car il seroit indigne ,
ajoute-t-if, d’un homme de coeur de
céder ce trésor à quelqu’un de moins
brave que lui ( i ).
A cette proposition, Jason reste
muet et interdit, ne sachant que répondre
; tant cette entreprise lui semble
hardie. Cependant ; il finit par accepter
la condition. Les Argonautes sortent
du Palais , suivis du .seul Argus, qui
fait signe à ses frères de rester. Médée
les apperçoit , et remarque sur-tout
Jason, dont la jeunesse et les grâces
le font distinguer, parmi tous ses compagnons.
i Chalciopé, dans la crainte
de déplaire à son père, rentre dans
ses apparternens avec ses enfans. Majs
Médee suit toujours des yeux jason ;
lorsqu’elle ne le voit plus, son image
est encore gravée dans son souvenir ;
ses discours, ses gestes, sa démarche,
et sur-tout ^spn aîr inquiet , sont présens
à son esprit. Elle craint pour ses
jours; elle semble déjà le. voir mort,
victime d’une entreprise aussi hardie
(2 ) . Des larmes coulent de ses
y e u x ; elle se répand, en plaintes , .et
fait /les voeux pour son succès. Elle invoque
pour lui les secours d’Hécate ,
fille de Persé (m).
Les Argonautes traversent la ville ,
et reprennent la route qu’ils avoient
déjà tenue. Alors Argus adresse, un
discours à Jason , dans lequel il lui
rappelle ce qu’il lui a yoitdéjà dit de
l’art magique de Médée , et de l ’importance
qu’il y a pour lui de la mettre
dans ses intérêts; il se charge défaire
les démarches, nécessaires pour cela,
et de sonder les dispositions de sa mère.
(1) Ibid. v. 4M.
(2; V.460.
(l) V. 490.
(4) V 5oj. || 1
Jason le remercie de ses offres officieuses
; il consent à les accepter et retourne
à sa flotte, où sa vue répand
1 allégresse ( 3 ) ; mais bientôt il leur
rend les réponses désespérantes , que le
roi lui a données , et il leur expose la
dure condition , qu’il lui a imposée ,
avant de lui accorder le dépôt qu’il3
sont venus chercher. Ce récit jette la
consternation sur toute la flotte ; mais
enfin il prend la parole avec beaucoup
de courage, et ranime les espérances
de ses compagnons ( 4 ).
Il se propose lui-même pour exécuter
cette entreprise, en cas que Jason ne
se sente pas la force ou le courage
de remplir cette tâche. Télamon , Idas,
les Dioscures ; le, fils d ’Oenus,. quoique
jeune encore, se mettent sur les rangs
et se disputent la gloire de ce travail H p
Argus prend la parole pour les engager
à rester tranquilles, en attendant les
secours, qu’il, leur promet de la part de
sa mère. Il prend de là occasion de les
qn tretenjr de Médée et de son art puissant
, dont il raconte les effets merveilleux.
Il leur promet de chercher à
la mettre dans, leurs intérêts. En même-
temps qu’il achevoit ces mots, un présage
vient leur confirmer ses promesses.
(6) . Mopsus l ’interprète tout entier en
leur faveur, et appuie la proposition que
leur fait Argus , en leur garantissant
d’avance le succès. Tout le mondé y
applaudit , à l ’exception d’Idas, qui
s’indigne qu’on ait recours à des femmes
et aux armes de l’Amour, tandis que
Mars seul doit être leur guide et leur
appui. Son discours est mal accueilli ;
(7) et Jason » après avoir pris l ’avis de
l ’assemblée, envoie Argus au palais de
sa mère, tandis que les Argonautes
débarquent sur la rive du fleuve , disposés
à combattre, s’il est nécessaire.
Cependant Aëtès ayoit assemblé ses
(5) V. j 20.
(4 V. J40.
C7) V. }66.
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Colchidiens, pour préparer quelque nouvelle
perfidie contre Jason et ses compagnons,
et pour les rendre suspects à ses
sujets, auxquels il les peint comme des
aventuriers et des brigands. Il menace
de sa vengeance les fils de
Phryxus, qui se sont joints à eux ,
et qui les | ont conduits dans ses
états , dans l’intention de le détrôner.
Car il avoit été averti, par un Oracle
du Soleil son p è re , de se mettre en
garde contre les embûches de princes
issus de son sang : ( 1 ) c ’est pour
cela qu’il s’étoit prêté à leur projet de
voyage en Grèce. Car ces craintes, qui
lui étoient inspirées par l’Oracle, ne pou-
voient point regarder son fils Absyrthe ,
mais les fils de Chalciopé. En conséquence,
il donne des ordres à ses soldats
d’aller attaquer les Argonautes , et
brûler leur vaisseau (aj.
Cependant Argus, arrivé dans l’appartement
de sa mère, la prioit de
solliciter les secours de Médée, en faveur
de Jason et de ses compagnons.
Déjà la jeune Princesse s’étoit d’elle-
même intéressée au sort de ces-héros f
mais elle craignoit le courroux de son
père. Un songe , dont le poète nous
décrit tous les détails, la force de sortir
de son silence (3). Après avoir quelque
temps hésité, et fait quelques pas pour
aller trouver sa soeur , Médée rentre
de nouveau chez elle , tombe sur son
lit , s’abandonne à la douleur , et
pousse des gémissemens. Une de ses
femmes va en informer sa soeur, qui
elle-même étoit occupée avec ses en-
fans des moyens d’intéresser Médée au
succès de ces étrangers (4). Celle-ci vole
à son secours, et elle la trouve plongée
dans la plus vive douleur , les yeux
baignés de larmes, se meurtrissant la
figure , dans son désespoir. Elle lui demande
les motifs de son agitation vio-
(1) Ibid. v. 600.
(2) V. 608.
(3) V. 635.
(4) V. 668.
lente ; elle suppose que c ’est l ’effet des
reproches de son père , dont elle se
plaint elle-même ; elle annonce le désir ,
qu’elle auroit d’être bien loin de ce
palais, elle et ses enfans (5).
Médée rougit, et la pudeur l’empêche
d’abord de répondre ; enfin elle rompt
le silence , cédant à l’empire de l’amour ,
qui la subjugue. Elle lui témoigne ses
inquiétudes sur le sort des fils de
Phryxus, que leur père Aëtès menace
de faire périr avec ces étrangers ; elle
lui fait part du songe, qui semble présager
ce malheur (6). ■■
Elle parloitainsi, pour sonder les dispositions
de sa soeur , et pour voir si
elle ne lui demandoit pas son appui pour
ses fils. Chalciopé effectivement s’ouvre
à elle ; mais avant de lui confier son
secret, elle lui fait jurer, qu’elle le gardera
fidellement et qü’elle fera tout ce
qui dépendra d’elle , pour la servir et
protéger ses enfans. En disant ces mots ,
elle fond en larmes, et elle presse les
genoux de sa soeur d’une manière suppliante.
Ici le Poète nous fait le tableau
de la douleur mutueUe de ces deux
princesses. Médée , élevant la voix ,
atteste tous les D ieu x , qu’elle est disposée
à faire tout ce qu’elle exigera
d’elle; elle en prend à témoins les
grandes Divinités de la Colchide , le
Ciel puissan t et la Terre mère des
Dieux (7). Chalciopé alors se hasarde
à lui parler de ces étrangers, et surtout
de Jason , à qui ses enfans prennent
un vif intérêt. Elle lui avoue , qu’Argus
son fils est venu l’engager à solliciter
près d’elle des secours pour eux, dans
cette hardie entreprise. A ces mots., la
joie pénètre le coeur de Médée ; Une
modeste rougeur teint ses belles jones.
Elle dit, qu’elle consent à faire pour
eux ce qu’exige d’elle une soeur, à qui
elle n’a rien à refuser , et qui a été
(5) V. 680.
. ^6) V. 692.
(7) v - 71?-