aussi, exactement avec les apparences
célestes y par un pur effet du hasard ,
et que toutes les parties de la fiction
eussent une correspondance aussi marquée
, et aussi parfaite avec le Ciel,
si le Ciel et ses aspects n’en formoient
pas la base. Théocrite, rajeunissant dans
ses écrits les anciens chants des Poètes
du Péloponèse , et sur-tout de ceux de
l’Arcadie , pouvoit avoir un dessin
plus correct, que les autres poètes, pour
établir dessus sa broderie. Quoi qu’il en
soit, il est certain que tels sont les
aspects célestes, dix mois après le lever
d’IIercule In^erdculus, et à l’heure
précise de minuit; c’est-à-dire , au moment
même où Théocrite suppose,
qu’Hercule , âgé de dix mois, tua les
deux serpens, qui assiégeoient.son berceau.
Le reste de l’Idylle, ou plutôt
de ce fragment d’idylle ( i ) , contient
l ’éducation dUercule , qui apprend
du Centaure Eurylus l’art de tirer de
l ’arc ; de Linus , l’art d’écrire , et les
lettres ; etc. On Voit, que dansles chants
poétiques l’on prenoit les héros dès
leur berceau, et que souvent on pouvoit
faire entrer, comme épisode, ces
récits dans le corps du Poème ; c’est ce
que nous verrons bientôt dans la vie de
Bacchus , et dans le Poème des Dionysiaques.
Voilà les principales fables détachées,
que nous avons cru devoir expliquer,'
laissant un modèle d’explication à ceux
qui voudront résoudre les autres fictions
partiellès. Cette même Idylle de. Théocrite
annonce qu’Hercule, après ses
douze travaux, sera placé dans la voûte
étoilée des cieux (2). Aussi est-ce 'là
qu’il parcourt sans cesse la carrière de
ses douze travaux, uri chaque mois. Les
rapports de sa marche avec celle du ciel
et du temps , que mesure le Soleil à
chaque révolution, et à chaque partie de
la révolution , autrement chaque mois, 1
(1) Ibid. v. 106.
(2) Ibid. v. 77.
{31 Eusthat JCoixun. ad Dionys. Perieg. V./53.
sont design és non-seulemen t par le nom.
bre douze, celui des travaux qu’il achève
mais encore par celui des autels qu’y
élève aux Dieux. En effet, On dit qu’ÿ
éleva douze « autels aux douze grands
Dieux , allusion manifeste aux - douze
divinités tutélaires des douze signes,dont
Manilius nous a donné les . noms , et
qu’iia casées chacune dans le signe qui
lui appartenoit. C’est par cette raison
que les Phéniciëns avoient élevé un autel
à l’année , dans le temple qu’ils
^voient bâti à Cadix en honneur d’Her-
cule, père du temps, et un autreau mois,
comme à la mesure de temps la plus longue
et la plus courte que donne le Zodiaque
(3) , c’est - à - dire l’année
et ses douze divisions. L ’Hercule
céleste, soit Ingeniculu's , soit Ophiucus
, porte le nom de Thésée , et on
voyoit à Athènes un portique où Thésée
étoit représente' avec les douze grands
Dieux (4). Ophiucus ou le Serpentaire,
connu en Astronomie sous les noms
de Cadmus et d’Esculape , porte aussi
le nom d’Hercule, et. on voyoit èn Arcadie,
à Thelpusa, le temple d’Escùlape avec
celui des douze grands Dieux ( 5 ). C’est
ainsi que dans la peinture de. Janus,
dont la fête chez les Romains se célé-
broit conjointement avec celle d’Esculape
le premier janvier, rien ne paroît
aussi distinctif et aussi caractéristique,
dans les attributs de ce génie tutélaire
de l’année , que les douze autels que
l ’on plaçoit à ses pieds. C’est pour cela
que dans Nonnus (6) Hercule est appelé
le père du temps, et le conducteur
de l’année aux douze mois. C’est pour
rappeler la même division duodécimale,
que l’on disoit, que l’oracle de Delphes
avoit ordonné à Hercule de se renare à
Tirynthe , et .de servir douze ans sous
Eurysthée. On fit aussi allusion aux cinquante
deux semaines, dans la fiction des
cinquante-deux filles de Thespies , avec
(4) Pausan. Attic. p. 3.
(5) Pausan. Arcad. p. 2 ;6.
(6) Dionysiag. I. 40, v. 377,'
S E L J Ü « * HT TT
lesquelles coucha Hercule , et dans celle
des cinquante-deux années, que l’on assigne
à la durée de la vie de ce héros. On fit
pareillement allusion aux 36o degrés du
cercle,et aux36o jours-clé l’année , sans
£pa emmènes,dans la fiction qui suppose,
qu’Hercule accorda les honneurs Né-
jnéens à 060 jeunes gens, qui l’aidèrent
clans ses travaux et qui périrent pour lui.
Le °énie allégorique des anciens rend
très-vraisemblables toutes ces allusions,
dans un poème sur le temps et sur l’année
, et sur ses différentes divisions ,
dont la mesure nous est donnée par la
marche du Soleil, le véritable et lé seul
Hercule, que l’antiquité ait chanté, en
quelque nombre que l’ignorance .l’ait
multiplié. Car, comme on compte plusieurs
Bacchus, on compte aussi vulgairement
différens Hercules (1), à raison
des diverses traditions des diftérens peuples
, qui l’ont adoré ; et on leur assigne
différens lieux où chacun de leurs
adorateurs les font naître. Les plus
connus sont l’Hercule Phénicien ou
Tyrien, l’Hercule Egyptien, le Thasien,
le Grec etle Crétois. Diodore de Siciie(2),
qui nous a donné un précis de la théologie
des Crétois , nous dit qu’ils fai-
6oient naître chez eux Hercule, bien
des siècles avant l’Hercule fils d’Alcmène
, célébré par les Grecs. Ils igno-
roient, quelle étoit la mère du premier
Hercule; ils disoient seulement, que c’é-
toit un héros distingué par une force
extraordinaire, qui parcourut l’univers,
punit les scélérats, extermina les monstres
, et affranchit les hommes de la servitude.
Parmi tant dë dangers , il fu t,
disent-ils, toujours invulnérable et invincible.
Les hommes , en reconnois-
sance de ces services , lui accordèrent
les honneurs divins. Ils ajoutent, que le
fils d’Alcmène’, né bien des siècles après,
ayant marché sur ses tracés , obtint ,
aux mêmes titres , l ’immortalité, et qu a-
(1) August. de Civ. Dei , 1. 18, c. 12.
(2) Diodore , 1. 5 , c. 76 , p. 392.
(3) Eusth. ad Dionys. Perieg. v. 200,
(4) Cïc. de Nat. Deor. 1. 2,c. 16, Arnob, 4,p. 136.
vec le temps , la ressemblance des noms
les fit confondre entr’eux , ét attribuer
au second les événemens delà vie du premier.
Ils con viennent aussi, que lesEgyp-
tiens conservent encore les monumens
des exploits du plus ancien des Hercules ,
qui a bâti une ville en Egypte. Nous n’entrerons
pas ici dansl’examen des preuves,
qui font voir que l’Hercule Crétois est le
fameux Cadmus ou l’Hercule Ophiucus,
adoré à Gortynie , le même que l ’Hercule
de Thèbes en Boeotie , ' ville bâtie
par Cadmus, le même que l’Esculape
adoré à Carthage, colonie de T y r , appelée
Cadmeis (3). Cicéron, ainsi qu’Ar-
nobe, en comptoit six (4). Varron
en porte le nombre jusqu’à quarante-
quatre. Pour nous , nous réduirons tous
ces Hercules à un seul, et nous dirons ,
que l’Hercule Egyptien^), Thasien, Crétois
(6), Phénicien , Thébain, Indien ,
Gaulois , Espagnol, Lybien , Argien ;
que tous ces Hercules , soit qu’on en
ait fait des divinités premières , soit
qu’on les ait chantés comme des héros
ou des rois fameux par leurs exploits ,
ne sont que le Dieu Soleil , héros ou
Dieu de tous les poèmes allégoriques
faits sur la nature et sur la marche des
révolutions éternelles du monde , dont
le Soleil est le premier agent et l’amp
visible et puissante , et dont l’effigie fut
placée dans les constellations de Xlnge-
niculus et de X Ophiucus. C’est une
vérité dont il faut partir, comme d’un
axiome incontestable , qui sert de centre
à toute notre théorie sur les Dieux et sur
les héros prétendus de l’antiquité religieuse
, et dont nous trouverons plusieurs
fois la preuve dans les chapitres
suivans, dans lesquels nous expliquerons
les hauts faits de semblables héros ,
qui en dernière analyse se réduisent tous
àu Soleil. Cet astre est le seul D ieu, qui
ait pu étendre son culte aussi loin
qu’Hercule l’a étendu, c’est-à-dire, qui
(5) Serv. ad Æneid. 8,-v. 579*
(6) Diod. 1. 2, c. SS. Arrian de Reb. Indicis,"
p. 174.
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