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besoin à son retour. Le Poète dit ici
quelques mots, sur la manière dont
Hercule avoit formé à son service
le jeune Hylas, après l ’avoir enlevé à
Théodamas son père, qu’il avoit tué
dans le pays des Dryopes. Laissant tout-
à-coup cette digression , il nous ramène
à Hercule, qui cherche Hylas près la
fontaine, où il était allé lui puiser de
l'eau .(1). Là étoit le séjour de Nymphes,
qui célébroient sur ses bords des danses
en l’honneur de Diane. Une de ces
Nymphes, sortant du fond de l’onde
pure, appeçoit le jeune Hylas. Elle
est éprise de ses grâces naissantes et
de sa beauté. A peine ce jeune enfant
s’étoit courbé pour puiser l’eau, qui
déjà se précipitait en murmurant dans
son vase, que la Nymphe amoureuse
lui passe son bras gauche sur le col,
pour lui donner un baiser, et de la
main droite l ’attire à elle , et l’entraîne
au fond des eaux. Hylas pousse
un c r i, qui ne fut entendu que du
seul Polyphème , qui s’étoit avancé
au devant d’Hercule, impatient de
son retour ( 2 ). Polyphème vole vers
la fontaine, au cri de cet enfant;
mais inutilement. H se désole ; il se
lamente sur le sort du malheureux Hylas
; mais ses plaintes sont sans effet.
Il prend le parti de retourner ;
et "dans la crainte de quelque embuscade
pour lui-même , il marche en tenant
à sa main son épée nue. Il rencontre
Hercule, qui le reconnoît à la
lumière de la Lune ; il lui raconte la
perte qu’il vient de faire du jeune
Hylas , dont il ignare le sort,, mais
dont il a entendu les cris ; soit que des
brigands l’aient enlevé , soit que des
bâtes féroces l'aient dévoré ( 3 ).
Ici le Poète nous décrit la douleur
d'Hercule , dont le sang bouillonne
dans les veines, tandis que son front
se couvre de sueur. Il jette aussitôt 1
(1) Ibid. v. 1221.
(2) V. 1242.
(3) V. 1260.
le sapin qu’il portait ; il :se met à 'courir
, tel qu’un Taureau furieux, que
pique un Taon. Bientôt fatigué de la
course , il s’arrête; puis il s’élance de
nouveau , et fait retentir l ’air du nom
d’Hylas, qu’il appelle en vain (4).
Cependant l’étoile du matin parois-
soit déjà sur le sommet des montagnes,
et un vent frais commençoit
à se lever , lorsque Tiphys avertit les
Argonautes de se rembarquer , et de
profiter du vent. Gn obéit, on lève
l’ancre , et déjà le vaisseau , dont le
vent enfle les voiles , GÔtoyoit le Cap
Pôsidion. L ’aurore , au teint de roses,
brilloit aux portes de l’Orient, semant
sur ses pas la lumière et la rosée ; lors-
qu’enlin les Argonautes s’apperçurent
de l’absence d’Hercule , qu’ils avoient
abandonné sur le rivage : le trouble,
l'embarras et les regrets de tout l ’équipage
, et sur-tout de Jason, sont ici
décrits. Ce dernier essuie les reproches
du bouillan t Télamon , qui l’accuse
d’avoir cherché adroitement à se débarrasser
d’un Héros , dont la glaire
éclipsait la sienne ( ^ ). Il lui dit, qu’il
s’est entendu avec le piloté Tiphys,
pour préparer cette lâche perfidie. 11
annonce , que lui-même il va se détacher
de leur compagnieySet qu’il ne
veut pas prendre part à une expédition
commandée par un traître tel que
lui. On parloit déjà de retourner .en
Mysie , si les deux fils de Borée
n’eussent -gourmandé Télamon ; et
n’eussent mis un terme à ses reproches.
Leur discours leur coîtta dans la suite
la vie. Car Hercule lès punit de s’être
opposés à >ce qu’on se mît à sa recherche
(6).
Cependant le Dieu Glaucus, interprète
des secrets du vieux Nérée, éleve
sa tête limoneuse du fond des eaux ;
et saisissant le gouvernail du vaisseau ,
il adresse un discours aux Navigateurs
(4) V. 1272.
(s) V. 1292.
(6) V. 13c 8.
pour les tranquilliser. Il leur dit , que
c’est en vain, que contre la volonté
de Jupiter ils veulent conduire en
Colchide Hercule, à qui il reste à achever
la carrière pénible de ses douze
travaux ; qu’ainsi ils doivent cesser de
s’en occuper plus long-temps. Quant à
Polyphème, il leur apprend que la volonté
des Destins est qu’il fonde une
ville sur les bords du fleuve Ciüs, qui
coule en ces lieux, et qù’ensuite il
périsse dans la guerre qu’il aura à soutenir
contre les Chalybes. Il ajoute
qu’Hylas , qui avoit été la cause,
de leurs recherches, est marié à une
Nymphe des eaux. Ce discours achevé
, le Dieu-Marin se replonge au fond
(1) Ibid. v. 1329.
(2) V. 1344.
des mers , et laisse les Argonautes
joyeux continuer leur route ( 1 ). Télamon
s’approche de Jason , et lui’ fait
des excuses, que celui-ci reçoit avec amitié
; ils se réconcilient entre eux (2).
Polyphème fonde sa ville en Mysie. Hercule,
avant d’aller achever les travaux ,
que lui a imposés Eurysthée , menace
de ravager la Mysie, si l’on ne lui rend
Hylas, mort ou vif. Il exige des ôtages,
et on lui promet de ne cesser de chercher
son ami. Depuis ce temps , les
Ciahièns continuent cette recherche.
Cependant le vent pousse le navire
Argo , le jour et la nuit, jusqu’au
lendemain, où ils abordent sur la rive
voisine. Ici finit le premier chant (3).
(3) V. 2163.