C H A P I T R E I I I.
P O È M E E G Y P T I E N ,
S U R I S T S OU
L a Lune, comme nous l’avons déjà
dit (1 ), fut associée par les Anciens au
Soleil dans l’administration universelle
du Monde ; et c’est elle , qui joue
le rôle d’Isis dans la Fable sacrée ,
connue sous le titre d’Histoire d’Osiris
et d’Isis. Les passages, que nous avons
rapportés de Diodore, de Plutarque et de
Diogène Laërce , et d’autres, que nous
pouvons y joindre encore, ne doivent
déjà laisser aucune espèce de doute sur
cette proposition fondamentale de notre
explication. Et quand cette vérité
sera bien démontrée , nous coneluerons
que les courses d’Isis sont n écessairement
celles de la Lune, lorsqu’elle n’agit plus
avec le Soleil dans l’organisation générale
des êtres , et qu’elle se trouve
abandonnée à ses seules forces, jusqu’à
ce qu’enfin elle ait retrouvé l’Epoux, qui
versoit en elle les semences de la fécondité
, qu’elle transmettait à la Terre.
Or comme la Lune ne fait de courses
que dans le Ciel, ce sera dans le Ciel
que nous étudierons l ’histoire de ses
voyages , et que nous chercherons les dif-
férens personnages , et les animaux ,
qu’elle rencontre sur sa route ; car tout
cela découle de cette première vérité
bien démontrée , savoir que la Luné
était la fameuse Isis , Epouse du bienfaisant
Osiris.
Porphyre , dans Eusêbe (2), nous dit 1 2 3
(1) Ci-d«ss. I. i , c. y,
(2) Euscb. Praep. Ev. 1. 4 , c. 9»
(3) Porph. Epist. ad Anncb.
S U R L B L V JT B.
qu’Isîs est la Lune ; Chérémon(3}, que
c’est par le Soleil et la Lune , et par
leur mouvement, comparé au Zodiaque
et aux Astres Paranatellons , qu’on doit
expliquer leur histoire. Abneph, historien
Arabe , assure, que de l’aveu de tous
les Savans Orientaux, Osiris est le Soleil,
Isis laLune. Outre ces autorités, et celles
que n ous avons citées dan s la vie d’Osiris,
nous ajouterons que l’Isis Egyptienne
avoit des attributs et des qualités, qui
caractérisent évidemment la Lune.
Diodore-de-Sicile (4) dît, que l’on
donnoit à Isis le nom d’ancienne, pour
désigner l’ancienneté , où plutôt l’éternité
de son existence ; et que les cornes,
dont on paroit son front, étaient celles
de la Lune croissante, et du Boeuf Apis,
qui lui est consacré en Egypte. Effec-*
tivement, le Boeuf ou le Taureau céleste,
est spécialement consacré à la Lune,
parce que cette Déesse , dit Horus-
Apollon, a son exaltation dans ce
signe.
Plutarque (5)observe également, qu’Isis
et la Lune etoient représentées par la
même image; que les cornes, qui pa-
roient son front, étaient celles du croissant
de la Lune ; que ses habits noirs1
retraçoient l’obscurité ■ du disque lunaire
, et la partie ombrée de cet Astre ,
dans les phases voisines de la noiivelle
Lune, et dans son occultation ; que la
(4) DioA 1. r , c. 7 , p. 15.
(5) Plut, de Iside. p» yjz.
T,utie était invoquée pour les plaisirs
del’Ammir, auxquels présidoitlsis. Tous
ces traits, communs à Isis et à la Lune,
prouvent b ien que c’est la même Divinité
, sous deux noms différera. Le
premier est son nom sacré , et l’autre
soa nom vulgaire. C’est ainsi que les
j^rgiens ( Colonie Egyptienne ) don-
poient à la Lune un nom mystique ,
| celui d’Io. Sous ce nom, on lui donnoit
des cornes de vache, et on disoit
qu’elle était l’Isis Egyptienne (a) , comme
011 peut le voir(i) dans Hérodote et
dans Ovide (2) à l’article de la Métamorphose
d’Io , fille du Fleuve Inachus,
laquelle fut placée aux Cieux, et devint
la Constellation du signe appelé le Taureau.
Ainsi le signe Equinoxial du
Printemps , époque à laquelle se faisoit
l’entrée d’Osiris dans la Lune, suivant
Plutarque (3 ) , lorsque celle-ci recevoit
du Soleil la fécondité qu’elle commu-
niquoit à la Nature sublunaire , fournit
également ses attributs à Osiris à cornes
de Taureau, et à Isis à cornes de vache ;
ce qui dut nécessairement arriver, s’il
est vrai qu’Osiris soit le Soleil, et qu’Isis
soitda Lune , et qu’on peignît ces deux
Astres avec les attributs des signes,qu’ils
occupoient.'
j C’est dans ce signe Printanier, que
laLune exerçoit sa principale énergie';
aussi les Astrologues anciens y avoient-
us lixé le lieu de l’exaltation de cette
Planète (4 )V et les Sabéens, adorateurs
des Astres, célébraient la grande
®te: de la Lune, .sorts ce signe,!
lorsqu’elle arrivoit au lieu de son exaltation
(5 ). C’est par la même raison ,
que le Scarabée, à tête et à cornes tauri-
lormes , fut consacré à la Lune, parce
que, dit Horus-Apollon, cette Déesse (6)
a le lieu de son exaltation au signe
.este du Taureau. C’est par la même
taison, que le Scarabée était un des
caractères distinctifs du boeuf Apis ,
boeuf soumis spécialement à l’influence
de la Lune, dans son union avec Osiris ,
et consacré au Taureau céleste, suivant
Lucien(7).C’est cette filiation d’idées cos-;
mogoniques et symboliques, et cette correspondance
entre le boeuf Apis et le
Taureau céleste, et entre les deux Astres
féconds qui s’unissent, qui fit dire
qu’Apis était fils de laLune fécondée )
et qu’Epaphus était fils d’Io, fécondée
par l’ame active du Monde ; ou par
Jupiter. Voilà aussi pourquoi Hérodote
nous dit, que l’Epaphus, fils d’Io , était
le même que l’Apis, adoré par les
Egyptiens (8) ; ce qui doit être, si Ta ,
Isis et la Lune sont là même Divinité.
Dans le livre-IX des Métamorphoses,
Ovide , décrivant une fête Isiaque ,
dit qu’il y vit portée en pompe la fille
d’Inachus (9 ), dont le front était surmonté
des cornes de la Lune , et était
couronné d’épis. Elle était accompagnée
d’Anubis , ou du Chien céleste, et
d’Apis , c’est-à-dire des symboles vivans
du Taureau céleste èt du grand Chien ,
qui lui sert de Paranatellon, et qui le
garde. De-là; le nom de Gardien d’Europe
donnée à ce Chien , parce que ce
Taureau était celui dont Jupiter prit
la forme , dans l’enlèvement d’Europe.
Nous avons déjà vu plus haut cette
union du Chien céleste au Taureau
équinoxial, dans la vie d’Osiris. Ce
Dieu lui-même , dans la pompe décrite
par Ovide ,■ figuroit aussi comme Epoux
d’Isis, ; c’était à sa recherche , que s’at-
tachoit cette Déesse. La Lune , encore
aujourd’hui, s’appelle Io, dans la langue
Cophte , qui est l ’ancien Egyptien.
Car en dépouillant son nom Cophte
( l ’ üûk ) de l’article prépositif {pi) , il
reste (7oà ) pour le véritable nom de
cette Planète. Or , Hérodote nous dit,
que les Egyptiens peignoient leur Isis,
(6) Hor. ApolL Hieroglyph. I. 1 , c.10.
(7) Lucian, de Astioiog. p. 380.
(8) Herod. 1. a , c. its.
(9) Ovid. Metara. 1. 9, Fab. 13.