par les Dieux (j). En conséquence on
prépare au vieillard un repas, qui de-
voie être le dernier , que lui raviroient
les Harpies. Elles accourent aussitôt ; à
l ’ordinaire elles se saisissent des viandes,
laissent sur les tables une odeur in-
fèc te , et elles s’envolent. Mais les fils
de Borée les poursuivent l ’épée à la
main ; et malgré les efforts, qu’elles font
pour leur échapper, Calais et Zétîius
les atteignent. Ils alloient les tuer , si
les Dieux n’eussent dépêché Iris à travers
les airs , pour les en empêcher ; en
promettant qu’elles n’iroient plus inquiéter
Phinée. Contens de cette promesse
, les fils de Borée s’arrêtèrent,
et regagnèrent leurs vaisseaux : les Harpies
se sauvèrent en Crète , et Iris prit
son, essor vers l’Olvmpe (2).
Cependant les Argonautes firent servir
un repas, auquel assista Phinée:,
et où .il mangea avec eux du meilleur
appétit. Assis devant son fo y e r , ce
vieillard leur traçoit la route qu’ils
avoient à suivre et les obstacles qu’ils
avoient à vaincre. En sa qualité de
devin , il,leur dévoile tous les secrets ,
qu’il est en son pouvoir de révéler ,
sans déplaire aux D ieux, qui l’ont déjà
puni de son indiscrétion. Il les avertit
d ’abord, qu’en quittant ses états , -ils
vont être obligés de passer à travers
les roches- Cyanées, dont on n’approche
guères impunément. 11 leur fait une
courte description de cës écueils , et
leur donne des avis utiles , pour'échapper
aux dangers. (3). Il leur conseille
de sonder l ’intention des Dieux à leur
égard . en lâchant une colombe (i). Si
elle fait le trajet sans danger , et .si elle
arrive dans le Pont-Euxin , ne.balancez
p a s , leur dit Phinée, à tenter lé passage
, et a, forcer de rame : « car les
» efforts, que l ’on fait pour son salut,
» valent bien au moins: autant! que les
» voeux que l’on adresse aux Dieux.
» Mais si l’oiseau périt, revenez ; ce sera
(1) Ibid. v. 16
(2) V. 290— 3co.
il) v. 310—,327.
» une preuve que les Dieux s’oppoà
» sent à votre passage. Ne hasardez
» pas votre vaisseau , sous de funestes
» augures. Si vous réussissez à péné-
» trer dans cette mer sains et saufs •
» voguez ensuite ; ruais . avec précaut
i o n , eu laissant à votre droite la
» Bythinie, jusqu’à ce que vous ayez
» gagné l'embouchure du fleuve Rne-
» bas, l ’île Thynias , et enfin le pays
» des Mariandyniens (4). Là , vous
» trouverez un lieu d’où part une route,
» qui conduit aux enfers ; et la pres-
» qu’île. Achérusie, dans laquelle ser-
» pente l ’Achéron (Æ), A peu de. dis-
» tance de là , vous côtoyerez les riva-
» ges élevés de Paphlagonie, où régna
» autrefois Relops , ch e f. des- Hénètes.
» Vous verrez ensuite s’avancer vers le
»- nord , assez loin.: dans" la mer , un
» cap très-elcvé : c ’est le cap Carambis.
» Après que vous l’aurez doublé, vous
» gagnerez le long de la côte , jusqu’à
» Peoibouchure du fleuve Halys. Plus
» loin vous trouverez le fleuve Iris,
beaucoup moins, considérable , qui
» porte aussi à la mer le tribut de ses
» eaux argentées ; et à quelque dis-
» tance1 de là un nouveau Çap , au-
» delà duquel le fleuve Thermodon se
» décharge , après avoir traversé de
» vastes pays habités par les Amazones,
»■ près du cap de Themiscure (5j)V On
» trouve ensuite les pays , que peuplent
» les laborieux Chalybës , occupés-à
» exploiter des mines , et à forger le
» fer. Près d’eux sont les Tibaréniens ,
» riches en troupeaux ; ils habitent au-
» delà d un Cap sur lequel est bâti le
» Temple de Jupiter Hospitalier. Lès
Mosynéciens , leurs, voisins , vivent
» dans leurs maisons de bois , au mi-
„ lieu de leurs forêts , et aux pieds de
33 leurs montagnes (ô). ».
Phinée invite ensuite les-Argonautes
à se porter vers une île déserte, consacrée
au Dieu Mars , pour en chasser
(4) V. 353, .
(;). v . 372.
(6) V. 383.
des
R E L I G I O N U N I V E R S E L L E . 497
des troupes nombreuses d’oiseaux, qui
l’infestent. Il leur insinue que là ils
trouveront des secours et des moyens
de salut ; mais il ne peut leur en dire
davantage. Il leur montre plus loin les
pays qu’occupent les Philyres , les Macrons
, les Béchires, les Sapires , les
Byzères, au-delà desquels on trouve
les belliqueuxhabitans de la Colcliide. Il
leur conseillé de continuer leur route
jusqu’au fond du Pont-Euxin ( 1) , et à
l ’embouchure du Phase. Lorsqu’ils seront
entrés dans le lit de ce fleuve , ils
découvriront bientôt la ville d’ÔEtès ,
et le bois sacré de Mars, ouest la fameuse
Toison suspendue à un hêtre ,
que garde un redoutable Dragon, qui
ne dort ni jour ni nuit (2).:
Ces derniers mots de Phinée frappèrent
d ’effroi les Argonautes ; ils restèrent
quelque temps dans un morne silence.
Mais Jason invite le vieillard à
poursuivre et achever le tableau de leur
route et de leurs dangers , et sur-tout à
lui dire , s’ils peuvent se flatter de retourner
un jour en Grèce , et par quels
moyens.
Le vieux Phinée lui répond , qu’il
trouvera des guides, qui le conduiront
au but où il veut arriver ; que Vénus
favorisera son entreprise, et qu’il ne peut
pas lui en dire davantage (3). Il achevoit
ces mots , lorsqu’on vit arriver les fils
de Borée essouflés et fatigués d’avoir
poursuivi les Elarpies à travers les airs.
Ils racontent ce qui leur est arrivé ;
jusqu’où ils ont poussé leur route , et la
rencontre qu’ils ont faite d’Isis , messagère
des Dieux , qui a suspendu leur
vengeance en leur promettant, que jamais,,
les Harpies ne reviendroient troubler
;,1e repps de Pliinée , et qu elles
alloient être reléguées en Crète. Cette
heureuse nouvelle remplit de joie tonte
1 assemblée. Jason en témoigne son
contentement à Phinée, ajoutant qu’il
désireroit , que les Dieux missent le
comble à leur faveur en lui rendant la
vue de la lumière (4). Mais le vieillard
lui répond, qu’il n’y a plus pour lui d’espérance
, et que son mal est sans remède
: il n’attend plus qu’un tombeau.
Il reçoit cependant tous ceux , qui à
l ’ordinaire viennent le consulter , e t ’
qui lui apportent la nourriture, dont il
a besoin. Il distingue par-dessus tous
son ami Perræbius , à qui il a voit déjà
prédit l’arrivée des Argonautes dans ses
états, et le service qu’ils dévoient lui
rendre. Il l’engage à rester , et il l’envoie
chercher ensuite la plus belle brebis
de son troupeau. Pendant qu’il exécute
les volontés de son vieil am i, Phinée
fait son éloge devant les Argonautes ,
(5) et il peint les malheurs auxquels lea
Dieux sembloient avoir voué l ’infortuné
Perræbius , pour punir l’indiscrétion
de son p è re , qui avoit coupé un
arbre , dans lequel habitait une Hama-
dryade. Pliinée ajoute qu’il avoit, par
ses conseils , élevé un autel pour ap-
paiser les Nymphes , et que ses malheurs
avoient cessé.
Il d it , que depuis cet instant sa
reconnoissance avoit été éternelle , et
qu’il ne le quittait plus (6). Il finissoit
l ’éloge de Perræbius , lorsque celui-ci
arriva , àmenant deux brebis avec lui.
Jason se lève ainsi que les fils de Borée. ■
Ils invoquent Apollon , Dieu des Oracles,
et ils font un sacrifice. Les au tres
Argonautes préparent un repas , afin
de prendre la nourriture, dont ils
avoient besoin avant de retourner à
leur flotte : d’autres se livrent au repos
du sommeil. Dès le matin ils sentirent
le souffle des vents Etésiens , qui régnent
dans cette saison sur toute la
terre; (7). Ici le Poète fait une digression
sur les vents Etésiens , et sur
Aristéè , fils de Cyrène , qui a procuré
ce bienfait aux mortels. Ce fut lui qui
(1) Ibid. v. 400.
(2) V. 409.
(3) V. 427,
{-») v . 444.
Relig. Univ. Tomel.
(5) V. 47°-
(6) V. 49e-
(7) V. 5oo.
R r r