confidérables. Pîthée , aïeul maternel de
Thésée , fut un de ses enfans. Il fonda
la petite ■ ville de Trézène , et il fut un
des Sages de son temps. La ville de
Trézène conservoit les mêmes traditions
qu'Athènes sur sa fondation : car
Neptune et Minerve s’étoient disputés
l’empire de ce territoire , qu’ils finirent
par se partager, suivant la volonté de
Jupiter (1). Aussi leurancienne monnoie
portoit d’un côté l’image d’un trident,
et de l’autre la figure de Minerve. Cette
ressemblance entre les fictions sacrées
de l’Attique et celles de Trézène, justifie
l ’opinion que nous avons , que Thésée ,
petit-fils de Pithée fondateur de Trézène
, n’étoit que l’Hercule ou le Dieu
Soleil, dont le culte fut établi à Athènes.
Cette conjecture acquiert un nouveau
degré de force, quand on sait que cette
ville étoit dans le voisinage d’Epidaure,
ville célèbre par le culte du Soleil,
sous le nom d’Esculape , dont l’image
placée aux cieux porte les noms de
Thésée, d’Esculape et d'Hercule. On
représentait souvent Thésée, tel qu’il est
aux cieux , placé entre la couronne d’A-
riadne et la lyre ; et alors on mettait
dans une de ses mains la lyre (A), et. de
l ’autre côté on voyoit Ariadne tenant
aine couronne (2). Cette lyre est celle
qu’on appelle encore lyre de Vlngeni-
culus , ou d’Hercule. C’est un des attributs
caractéristiques du Dieu Soleil
Apollon. Les Muses , compagnes du
Soleil, soit Apollon , soit Bacchus ,
soit Hercule Musagète , avoient leur
temple à Trézène, et un ancien autel
sur lequel on leur sacrjfioit (3). On y
remarquoit aussi les autels des Divinités
souterraines, et le lieu par où
Hercule et Bacchus , deux noms et deux
formes du Soleil, sortirent des enfers.
Or Thésée, ou son image, soit Opkiu-
cu s, soit l'Ingeniculus, placés aux limites
d’automne, se lient aux Divinités
infernales, et à la Couronne horéale ,
!(1) Pausan. Corinth. p. 73, Attic- p. 24, 2) Pausan. Heliac. 1, p. 166.
jj Pausan. ibâd. p. 73, 74.
ou à Proserpine , amante de Thésée
et de Pluton , et dont les mystères se
célébroient à Athènes , où l ’on honorait
Thésée.
Après avoir tracé le tableau des rapports
qui lient la tradition de Trézène
et celle d’Athènes , revenons à Thésée
et à Egée son père , Roi d’Athènes (4).
Egée n’ayant point d’enfans , et souhaitant
d’en avoir , alla pour cet effet
consulter l’Oracle du Soleil ou d’Apollon.
La réponse fut une défense de
voir aucune femme, avant qu’il fût de
retour à Athènes. Mais comme cette
réponse n ’étoit pas assez précise, Egée,
à son retour, passa par Trézène , pour
communiquer a Pithée l’oracle du Dieu,
dont voici les expressions : Grand
Prince , ne délie point le p ied de
l ’Outre , ou du Bouc y avant que tu sois
de retour au milieu de ton peuple (5).
On ignore ce que Pithée se promit
de cet Oracle ; mais ou par persuasion,
ou par adresse , il fit coucher Egée
avec sa fille Æthra. Egée, ayant découvert
que c’étoit avec la fille de Pithée
qu’il avoit couché , et se doutant qu’elle
était grosse , cacha sous une grande
pierre une épée et dessouliers : il fit part
de ce secret à Æthra seule , et lui recommanda
en la quittant, que si elle ac-
couchoit d’un fils , et que ce fils, étant
devenu homme , eût la force de lever
cette pierre, et de prendre ce qu’il avoit
mis dessous , elle le lui envoyât avec ces
signes de reconnoissance , le plus secrètement
qu’il serait possible.
Æthra accoucha d’un fils , près du
port de Trézène , dans un lieu nomme
depuis Genethlion (c) : il fut appelé
Thésée. Plutarque donne diverses étymologies
de ce nom. Si je pouvois hasarder
ici quelques conjectures , je penserais
que c’est le nom de Thastus,
donné à Hercule adoré dans l’îsle de
Thase , où les Phéniciens portèrent son
culte.
(4) Strabo, t. 9, p. 39a. Pausan. Attic. p. $-37'
(5) Plut. vit. Thés. p. a,
JEthra cacha long-temps la véritable
origine de Thésée avec beaucoup de
s o in , et Pithée fit courir le bruit, qu’il
étoitfils de Neptune, que les Trézéniens
adoraient particulièrement. Dès que ce
Prince fut parvenu à l ’âge d’adolescence,
et qu’il eut fait paraître qu’il joignoit
la force du corps, le courage et la
<rrandeur d’ame , à la prudence et à la
fermeté, sa mère le mena près de la
pierre. Après lui avoir découvert tout
le mystère de sa naissance , elle lui
ordonna de retirer le dépôt caché sous
la pierre , et d’aller à Athènes retrouver
son père. Thésée leva facilement
la pierre (d) ; mais il refusa de se rendre
à Athènes par mer, quoique ce fût le
chemin le plus sûr , et que sa mère et
son aïeul l’en priassent avec les plus
vives instances , parce qu’il y avoit
beaucoup de danger à aller par terre.
Il n’y avoit pas en effet de chemin ,
qui ne fût rempli de voleurs. Ce siècle-
là portoit des hommes d’une taille prodigieuse
, et infatigables dans les plus
grands travaux ; des hommes qui , en
force et en vitesse , surpassoient tous
les autres , et qui abusant des forces
extraordinaires que la nature leur avoit
accordées , exerçoient toutes sortes de
brigandages et de violences. Hercule ,
dans ses voyages, dit Flutarque , en
avoit déjà exterminé une grande partie,
et les autres épouvantés se cachoient
dans les cavernes. Le séjour de ce héros
én Lydie les encouragea à repa-
roître , et à recommencer leurs incursions
sur le territoire de la Grèce , depuis
qu’il n’y avoit personne qui put
les punir ni les réprimer. Voilà pourquoi
tous les chemins , par où l’on pou-
voit aller du Péloponèse à Athènes ,
étaient très-dangereux. La crainte de
ces dangers engageoit les parens de
Thésée à lui conseiller de prendre la
route de mer. Mais il y avoit déjà long-
0 ) Diod. Sic. 1. r, c. 59, p. 303.
y) Euripid. Heruclid. v. 208.
(i) Pausan. Corinth. p. 44. Lucian. t. 3. Jup.
ira£. p. 205. B« Accus, p. 327.
temps que la gloire et la vertu d’Hercule
avoient secrètement enflammé le
courage de Thésée. Il conçut le projet
de marcher sur les traces de ce héros,
et d’imiter ses glorieux exploits (1). Il
éprouvoit , dit Plutarque , les mêmes
agitations, et le même travail d’esprit,
que souffrit, long-temps après lu i, Thé-
mistocle , quand il disoit que les trophées
de Miltiade ne le laissoient pas
dormir. L ’admiration , que lui donnoit
la gloire d’Hercule , faisoit que les actions
de ce héros lui reYenoient la nuit
en songe, et qu’elles le piquoient le
jour d’une noble émulation , et excitaient
en lui un violent désir de l’imiter.
La parenté, qui existoit entr’eux (2) ,
piquoit encore sa jalousie; car ils étoient
îils des deux cousines germaines , sa
mère AEthra étant fille de Pithée , et
Alcmène , fille de Lysidice. O r, Lysi-
dice et Pithée étoient tous deux enfans
d’PIippodamie et de Pélops. Il pensoit,
qu’il serait honteux, pour lui qu’Her-
cule eût cherché par toute la terre des
brigands pour les combattre , et en
purger le monde (3) , et que pour lux
il évitât même ceux qui se présentoient
sur son chemin. Il eût rougi de ne présenter
à son père que des marques de reconnoissance
, qui ne portaient point
encore le sceau de la gloire , au lieu
de, lui prouver son extraction par de
grands exploits , et par des actions
immortelles. Plein de ces sentimens
élevés , il se mit en chemin , résolu de
n’attaquer personne , mais de repousser
courageusement tous les outrages , et
toutes les violences qu’on lui ferait.
Ici commence le récit des combats de
ce héros (4) , dont nous ferons bientôt
voir les rapports avec la marche
du Soleil et de l'année Comme il
passoit par les terres d’Epidanre, Péri-
phétès , ou Corynétès , qui avoit une
(4) Hygln. fab. 38.