On peuten dire autant de Bacchus, que
les Grecs ont reconnu être le même que
le fameux Osiris des Egyptiens ; de cet
Osiris que tous les savans ont assuré être
le soleil, première divinité de l’Egypte.
Diodore-de-Sicile nous dit (1) que les
Grecs, ayant emprunté des Egyptiens
le culte de Bacclius et les fêtes ou cé-,
rémonies Orgiques, avoient consacré ,
dans leurs mystères , le symbole actif
de la génération , dont le soleil ou
l’Osiris Egyptien étoit le premier agent
(2). 11 ajoute que ceux qui prétendoient
que ce Dieu étoit né àThèbes enBoeotie,
en imposoient ; que c’étoit Orphée qui ,
étant venu en Egypte , et qui s’étant fait
initier aux mystères d’Osiris ou du Bacchus
Egyptien, avoit voulu plaire aux
Boeotiens , en supposant que ce Dieu
étoit né à Thèbes en Boeotie ; que la
multitude ignorante , jalouse d’ailleurs
que ce Dieu passât pour être d’origine
grecque, avoit accueilli avec empressement
ses mystères et son culte. 11 expose
ensuite le prétexte dont se servit Orphée
pour attribuer à la Grèce la naissance de
ce Dieu et l’origine de ses mystères.
Hérodote (3) attribue à Mélampus
l’introduction du culte de Bacclius en
Grèce, et la connoissance qu'on y eut
du nom de cette divinité ; et il ajoute
que Mélampus l’avoitétablid’après l’idée
qu’il en avoit prise chez les Egyptiens ,
chez qui il se trouvoit institué dès la
plus haute antiquité ; qu’il y avoit trop
de ressemblance entre ce qui se prati-
quoit en Egypte 'et. en Boeotie , dans
les fêtés d’Osiris et de Bàcchus, pour
ne pas admettre la filiation du culte
du Bacclius Grec, né du BaCchus Egyptien
; qu’il en étoit de même de Pan
adoré à Mendès (4) ; et qu’en général
ces rits et ces cérémonies , et beaucoup
d’autres, dit Hérodote (5) , que je vais
(1) Diod. Sic. 1. 1, c. 22. p. 16.
(2) Ib. c. 23.
(3) Herod. Euterp. c. 4P & 51.
(4) Ibid. c. 48.
(5 ) Ibid. c. 15.
rapporter, ont été empruBtés des Egyp- ’
tiens par les Grecs.
Eusèbe ( 6 ) pense absolument de j
même , tant sur l ’origine de Bacchus I
que sur celle des autres divinités ado- I
rées en Grèce. Il prétend que dans toute |
cette longue nomenclature de Dieux,
les Grecs n’ont rien qui leur soit propre, I
et dont l’invention leur appartienne ; I
mais qu’ils ont adopté les fictions reli-1
ieuses , les simulacres et les mystères I
es nations étrangères. Ils adoptèrent I
sur-tout les rits et les Dieux de l’Egypte, I
remarque Diodore (7) , comme ils re- I
çurent parmi eux les colonies Egyp-1
tiennes qui voulurent s'y établir. C’est I
de l’Egypte, observe le même auteur, j
que tous les savans et les philosophes I
les plus distingués de la Grèce emprun-1
tèrent leurs dogmes théologiques et leurs I
opinions philosophiques. « Toute leur I
»doctrine mystique, vient de-là (8 ) ,l
■ -» ainsi que leurs Orgies et la fable des I
» Enfers. Les Dieux sont les mêmes ; I
» Osiris est Bacchus, Isis est Cérès : il I
» n’y a de différence que dans les noms. I
33 Les combats des Dieux (9) , leurs!
33 aventures tragiques , sont autant de f
33 fables Egyptiennes apportées en Grèce I
33 par Mélampus , avec les rits, et les I
» cérémonies sacrées ».
Athénagore (10) reconnoît pareille-1
ment que les Grecs ont emprunté de I
l’Egypte tous les noms de leurs Dieux. I
Il résulte de tout ce que nous venons I
de dire sur la filiation qui se remarque I
entre le culte Grec et le culte Egyptien,!
que si les Egyptiens et les Phéniciens, I
leurs maîtres en religion , n’avoientl
d’autres Dieux que les Dieux naturels, I
comme nous croyons l’avoir prouvé pari
plus d’une autorité , il s’ensuivra que I
le culte Grec n’a point changé de na-1
ture , mais seulement de forme , au I
(6) Euseb. Proep. Ev. I. 1, c. 6. Ib. p. 52.
. (7) Diod. 1. j ..c. 23 , p. 27.
(8) Euseb. ;Præp, Evi 1. io., c. 8, p. 480 & 481. 1
(9) Ibid.
^to) Athenag. Leg. pro Christ, p. 12.9.
»noment où. les Grecs furent civilisés par
Iles Orientaux ; car, encore une fois, ces
■ Orientaux ne purent donner d’autres
■ Dieux que ceux qu’ils révéroient. eux-
■ mêmes , c’est-à-dire toutes les parties
■ de la cause universelle visible, la pre-
Imière et la seule que les Egyptiens et les
phéniciens aient jamais admise, f Nous concluerons donc avec Abul-
ifarage ( 1 ) que le Sabisme a fait le
principal fond de la religion des Grecs.
Cette conclusion aura toute sa force à
il’égard des Romains, et en général de
[tous les peuples , chez qui on retrouve
les divinités grecques. Ajoutons pour les
[Romains à cette preuve indirecte, des
[témoignages plus directs , qui constatent
[l’existence du même culte parmi eux.
[Augustin et Denis d’Halicarnasse (2) ,
[dans ses'Antiquités romaines, assurent
[que Tatius venant à Rome partager le
[sceptre de Romulus (3) , éleva des temples
au soleil , à la lune > à Saturne, et à
la lumière, au feu , ou à la divinité tutélaire
de cet élément. Tout le monde
connoît le fameux temple de Tellus, où
de la terre, consacré à Rome, et qui
servit souvent aux assemblées auguste*
du sénat. Le même Denis d’Halicarnusse,
( 4 ) parle d’une fontaine consacrée
au soleil, dans le Latium, auprès de
laquelle étoient élevés deux autels, dont
l’un regardoit l’orient, et l’autre l’occident
; ce fut sur ces autels qu’Enée
arrivant en Italie, offrit aux Dieux les
premiers hommages de sa recQUnois-
sance. ( 5 ) Aurelien fit bâtir à Rome
le temple du soleil, qu’il enrichit d’or
et de pierreries. Avant lui, Auguste y
avoit fait porter les images du soleil
et de la lune, qu’il apporta d’Egypte (6)
dans son triomphe sur Antoine e,t sur
Cléopâtre. Romulus originairement avoit
institué le, jeux.du cirque, en honneur
(1) Abulf. Hist. Dyn. p. 62.
(2) Aug. de Civ. Dei. i. 4, c. 23.
i (3) Dionys. Antiq. Rom. 1. 2, p. 114.
S {4) Ibid. 1. 1 , p. 44. , [
(3) Zozim. 1. 1 ,p. 383.
(6) Suétone.
du Dieu-soleil (7), et des quatre élémens
qu’il modifie par son action toute-puissante.
Le dix-sept, avant les calendes
de mai, on sacrifioit à la terre, le
quatre, à Flore, où à la force végétative
qui fait pousser les fleurs, comme on
peut le voir dans le calendrier romain;
ainsi on ne peut douter que les Romains
n’aient, comme tous les autres peuples ,
rendu des hommages à la divinité de
la Nature , et de ses principales parties.
Si nous jetons nos regards sur la région
la plus occidentale de l’ancien continent,
sur l’Espagne, nous trouverons la religion
du soleil, et le culte de la Nature ,
porté par les Phéniciens sur toutes les
côtes de l’Océan. Le soleil ou l’Hercule
Phénicien, avoit son temple à Cadix,
dès la plus haute antiquité. Les Accitains,
peuple d'Espagne ( 8 ) , honoroient le
même Dieu-soleil, sous un autre nom ;
et la statue de cette divinité, ornée de
rayons , comme celle d’Appollon, dé-
çéloit là nature du dieu qu’on adoroit
sous cet emblème.
Les peuples de la Bélique (9) avoient
éleyé un temple à l’étoile du matin et au
crépuscule. Les habitans de la ville d’Assuraen
Sicile, adoroientle fleuve Chrysas
qui c.ouloit sous leurs murs ; ce flèuve
avoit son temple (10) et sa statue, comme
on peutle voir dans Cicéron. Les Cretois,
dans leur Théogonie, supposent quun
de leurs anciens rois, qu’ils nomment
Jupiter ( 1 1 ) , se disposant à livrer un
combat, sacrifie au spleil, au ciel et
à la terre ; ces deux dernières divinités
passoient pour être les grands Dieux,
ou Djeux Cabires de l’île de Samothrace,
( 12 ) comme Réunissant en eux le prin?
cipe actif, et le principe passif de la
cause visible ët universellq. Leurs noms
é.toient aussi çpn.saoreschez les Romains-
dans les livres des Augurés, sous le titre
(7) Chroniq. Alex. p. 25.
(8) Macrob. Sat. 1. 1, c. 19.
(9) Strab. J. 3. p. 140.
(10) In verrem de Sign. c. 44.
(11) Diod. Sic. 1. ï',c . 7» ,p. 3*7-
(12) Varro. de ling. Lat. JL 4 , §. 10.