dans les cliangemens deses phases; mais
qui , d’un autre côté, présente une
image de perpétuité dans sa propre
substance, dans son mouvement et
dans la succession périodique et invariable
de ces mêmes Uhangemens de
phases. Elle est comme la limite des êtres
et des formes sujets à altération ; au-
dessus, d’elle , tout marche dans un
ordre constant et régulier, et conserve
des formes éternelles ; rien n’y
naît, n’y croît, n’y vieillit et n’y meurt.
Tous les corps célestes se montrent perpétuellement
les mêmes, avec leurs
grosseurs, leurs couleurs, leurs formes,
leurs rapports de distance entre eux, si
on en excepte les planètes ; leur n ombre
ne s’accroît, ni ne diminue; Uranus
n’engendre plus d’enfans et n’en perd
point ; tout chez lui est éternel et immuable.
Il n’en est pas de même de la terre.
S i , d’un côté, elle partage l’éternité
du ciel dans sa masse , sa forme et ses
qualités propres ; de l’autre , elle porte
dans son sein et à sa surface une foule
innombrable de corps extraits de sa
substance et de celle des élémens qui
l ’enveloppent , lesquels n’ont qu’une
existence momentanée , passent successivement
par toutes les formes dans les
diiférentes organisations qu’éprouve la
matière terrestre, e t , à peine sortis de
son sein, s’y replongent aussi-tôt. C’est
à cette espèce particulière de matière ,
successivement organisée et décomposée
, que les hommes ont attaché l’idée
d’être passager et d’effet, tandis qu’ils
ont attribué la prérogative de cause à
l ’être perpétuellement subsistant, soit
S.u ciel et à ses astres , soit à la terre,
avec ses élémens, ses fleuves et ses
montagnes. - ,
Voila donc deux grandes divisions,
qui Ont dû se faire remarquer dans
l ’Univers, et qui séparent les corps
existaiis dans toute la Nature, par des
différences très-tranchantes. A la surface
de la terre, on voit la matière
passer par- mille formes différentes,
suivant la différence des moules, qui la
reçoivent et la configurent. Ici , elle
rampe sous la forme d’un arbuste flexible
; là , elle s’élève fièrement sous la
forme majestueuse du chêne ; ailleurs ,
elle se hérisse d’épines, s’épanouit en
rose , se colore en fleurs , se mûrit en
fruits, s’allonge en racines, ou se développe
en tige touffue, et couvre de
son ombre le verd gazon , sous la forme
duquel elle alimente les animaux , qui
sont encore elle-même mise en activité,
par le feu éternel qui compose la vie.
Dans ce nouvel état, elle a encore ses
germes , son développement, sa croissance
, sa perfection ou sa maturité ,
sa jeunesse, sa vieillesse et sa mort,
et laisse après elle des débris destinés a
recomposer de nouveaux corps. Sous
cette forme animée, elle rampe encore
en insecte et en reptile , elle s’élève en
aigle, elle se hérisse des dards du porc-
épic ; elle se couvre de duvet, de poils,
ou de plumes diversement colorées ;
elle s’attache aux rochers par les racines
du polype , ou s’élance dans l’air sur
les ailes agiles de l’oiseau , se traîne
en tortue , bondit en cerf et en daim
léger , ou presse la terre de sa masse
pesante en éléphant, rugit en lion,
mugit en boeuf, ramage en oiseau, articule
des sons en homme et combine
des idées, se connoît et s’imite elle-
même ; c’est le terme connu de sa perfection
ici-bas.
A côté de l’homme sont les extrêmes,'
dans les corps qui s’organisent au sein
des eaux et qui vivent dans le coquillage,
dont la matière animée s’y entoure.
Là , le feu de l'intelligence et _ de la
vie est presque entièrement éteint, et
une nuancé légère y sépare l’être animé,
de celui qui ne fait que végéter. La
matière y prend des formes encore plus
variées que sur la terre ; les masses y
sont aussi plus énormes et les figures
plus monstrueusès ; mais on y reconnoît
toujours la matière mise en activité par
le feu de l’Ether, dont l’action se développe
dans wn fluide plus grossier
nue l’air. Le vermisseau rampe ici dans
le limon au fond du bassin des mers
■ et du lit des fleuves ; le poisson se balance
sur la surface des eaux, ou en
fend la masse à l’aide de nageoires ,
tandis que l’anguille tortueuse allonge
et développe ses contours à la base -du
fluide. L ’eau , la terre et l’air ont chacun
leurs animaux , dont les formes
offrent des parallèles , et qui mutuellement
se Combattent et se cherchent
comme pâture, de manière à perpétuer
les, transformations de la même matière
en mille formes , et à la faire
revivre tour-à-tour dans tous les élémens,
qui servent d’habitation aux corps
animés.
Rien de semblable ne s’ofïroit aux
regards de l’homme au-delà de la sphère
élémentaire , qui était censée s’étendre
jusqu’aux dernières couches de l’atmosphère
, et même jusqu’à l ’orbite de la
lune. L à , les corps y prenoient un
autre caractère, celui de constance et
de perpétuité, qui les distingue essentiellement
de l’effet. La terre recéloit
donc dans son sein fécond tous les effets
qu’elle en faiéoit éclore ; mais elle n’é-
toit pas la seule cause : les pluies qui
fertilisoient son sein sembloient venir du
ciel, ou du séjour des nuages que Loeil y
place ; la chaleur venoit du soleil ; et
les vicissitudes des saisons tenoient au
mouvement des astres, qui paroissoient
les ramener. Le ciel fut donc aussi
cause avec la terre, et cause très-
activ-e ; . mais produisant un autre
que lui-même.
Cette différence dut faire naître des
comparaisons entre les générations d ici-
bas, où deux causes concourent à la
formation d’un animal, l’une activement
, l’antre passivement ; l ’une comme
ni âle , et l’autre comme femelle ; l’une
comme père, et l’autre comme mère. La
terre deyoit paroître comme la matrice
de la Nature et le réceptacle des formes ;
comme la mère et la nourrice des êtres,
que le ciel engendroit dans son sein. Ils
durent présenter l’un et l’autre les rap-
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ports du mâle et de la femelle, ou du
mari et de la femme ; et leur concours ,
l’image d’un mariage , ou de l’union
des deux sexes dans l’acte de la génération.
Ces fictions furent d’autant plus
naturelles , qu’ils étaient tous deux
sources de la vie de tous les autres
êtres produits , et qu’ils dévoient nécessairement
renfermer en eux éminemment
la vie, qu’ils communiquoient aux
êtres passagers , qui n’existoient et ne
vivoient, que parce que le ciel et la terre,
en les organisant, les faisoient participer
à leur vie immortelle pendant quelques
ins tans.
De-là dut naître l ’idée de l’Univers ,
animé par un principe de vie étemelle
et par une ame universelle, dont chaque
être isolé et passager recevoit en naissant
une émanation , qui à sa mort re-
tournoit à sa source. La vie de la matière
appartenoit autant à la Nature,
que la matière elle-même ; et comme
la vie se manifeste par le mouvement,
lés sources de la vie durent paroître
placées dans ces corps lumineux et
éternels , et sur-tout dans le ciel oh ils
circulent et qui les entraîne dans sa
course rapide, supérieure par soiiagilité
à tous les autres mouvemens. Le feu
d’ailleurs, ou la chaleur , ont tant d’analogie
avec la vie , qu’il semble que
le froid soit, comme le défaut de mouvement
, le caractère distinctif de la
mort.
On dut donc chercher dans ce feu
vital, qui bouillonne dans le soleil et
qui produit la chaleur, qui vivifie tout ,
le principe d’organisation et de vie de
tous les êtres sublunaires.
L’Univers , ou l’assemblage du ciel et
de la terré , dans son action créatrice
et éternelle, ne dût pas être considéré,
simplement comme une immense
machine', mue par de puissans ressorts
et mise en un mouvement continuel,
lequel, émané de la circonférence , se
pofte jusqu’au centre , agit et réagit
dans tous les sens , et reproduit successivement
toutes les formes variées,
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