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phère, d’après les principes anciens ,
et la comparaison arec les douze chants
du poëme. Nous n’avons rien créé; les
ligures existent dans les constellations
de temps immémorial, et leur origine
se perd dans la nuit des siècles. La suc-
cession de leurs couchers et de leurs
levers, et la correspondance de ces
levers et de ces couchers avec ceux des
douze signes, sont une suite nécessaire
de leur position dans la sphère , et de
la rotation du ciel sur son axe, comparée à
l ’horizon. Nous n’avons fait que l’observer
, ou que profiter des anciennes observations,
pour rapporter ces phénomènes à
notre planisphère ; c’est-à-dire que nous
avons peint ce que les calendriers indi-
quoient ; et qu'au lieu de dire, par exemple
, le Centaure se lève avec la Balance ,
nous avons dessiné le Centaure sous cette
division du Zodiaque , ce qui revient au
'même ; ainsi des autres. Or , c’est après
avoir exécuté un planisphère , suivant
ces principes avoués par toute l’antiquité
, qu’il en est résulté une correspondance
, dont nous laissons juge le
lecteur. Nous ne dissimulons pas cependant
notre opinion personnelle ;
et nous osons dire , qu’il est impossible
qu’une correspondance aussi parfaite
soit le fruit du hazard. Nous y
voyons une démonstration complète de
la vérité de cette ancienne tradition rapportée
par Porphyre ; savoir , que la
fable des douze travaux a pour base la
division des douze signes du Zodiaque,
jet qu’Hercule n’est que le Soleil, qui parcourt
tous les ans cette carrière, dont
l ’entrée étoit fixée au point solstitial,
occupé autrefois par le Lion céleste,
lequel fournit l’attribut caractéristique
du Soleil arrivé au lieu le plus élevé
du ciel.
Cette vérité bien démontrée amène à
sa suite une foule de conséquences. Il
est évident d’abord , que nous avons
jusqu’ici fait bien peu de progrès dans
l’étude de l’antiquité , puisque nos éru-
(0 Diod. 1. 4, c. iji,
dits mettent encore aujourd’hui Herct I
au nombre des princes, qui gouvernoie *
anciennement la Grèce , et puiSqu
son siècle èst une époque chronologie,.
C’est bien là lp cas de dire : fiez-vous il
Messieurs les savans. Je me suis foif
moi-même des ennemis , pour avoir osé
avancer , que jamais Hercule n’avoit
existé que dans le Soleil, et n’étoit poiJ
un héros , qui eut autrefois étonné lejl
hommes par sa puissance , et excité letJ
reconnoissauce par ses bienfaits (ni), J’aj
eu à braver l’opinion de gens à réputa-
tion à la mode , qui, dans leurs ou.
vrages, nomment le premier , le second
Hercule , et qui ont avancé, que lej
aventures merveilleuses de ce prétendu
héros et de ses semblables avoient un
fond historique ; qu’en écartant le mer.
veilleux des fables anciennes , on re.
trouveroit l ’histoire des premiers âges
du monde. Certainement , si l’histoire
romanesque d’Hercule étoit celle d’un
homme, je ne vois pas comment elle
s’accorderoit si bien avec les apparences
célestes , et si mal avec les vraisemblances
historiques, et avec la nature des
événemens humains , et comment elle
offriroit tant de difficultés chronologiques
, que jamais on ne pourra les
résoudre. • — •
Diodore de Sicile lui-même, en commençant
le récit merveilleux des exploits
d’Hercule ( î ) , convient qu’il présente de
randes difficultés , et qu’on auroit tort
e l’assujettir aux.règles de la critique
ordinaire. Il a une double crainte ; d’un
côté , il appréhende , dit-il, de diminuer
la réputation du héros, et l’idée
des hauts faits, qui lui ont mérité l’immortalité
, s’il passe sous le silence plusieurs
traits incroyables de cette histoire;
et de l’autre , il craint, en les rapportant
tous, d écrire une histoire qui ne
mérite auGune confiance. On voitpar-lài
que son respect religieux pour Hercule,
reconnu par les Grecs pour un grand
prince ou un héros , qui par ses rares
exploits mérita d’être mis au nombre des
pieux, l’obligeoit de s’affranchir des règles
delà critique, que doit avoir toujours
pour guide un historiensage. Ainsi, l’opinion
ou l’erreur publique sur Hercule
le force à composer avec la raison et
avec les vraisemblances historiques. Que
d’historiens ont fait ce honteux sacrifice
à l’ignorance ou à l’imposture des
isiècles, qui les avoient précédés , sur-tout
Iquand il s est agi d’histoires merveilleuses
consacrées par un culte et par
la superstition des peuples ! Diodore se
réduit à dire que , dans l ’histoire des
temps fabuleux , il ne faut pas porter
mie critique trop sévère : raison misérable.
Car plus les faits sont merveilleux
et hors de l ’ordre de la nature des évé-
nemens humains, plus il faut y regarder
avant de les séparer de la fable et du
roman, pour les incorporer à l ’histoire ;
sur-tout quand on sait, que les anciens
eux-mêmes disoient, que l’invraisemblance
seule de ces histoires devoit suffire
pour nous empêcher de les prendre
là la lettre. Malheureusement il n’est pas
d’opinion exagérée , de conte extravagant
, qui ne passe à la faveur de la reli-
Igio'n ; et le merveilleux des fictions n’est
Èour l’homme crédule, qu’untitre de plus
bour les faire adopter comme histoire.
Nos pères, ajoute Diodore, ontacor-
jdé à Hercule l’immortalité, à cause des
[bienfaits dont il avoit comblé les hommes,
fn délivrant la terre des monstres qui
“ rendoient inhabitable ; il y auroit de
P injustice et de l’ingratitude de notre
|art à ne pas croire à la réalité de ces
[hauts faits. Ce raisonnement n’est pas
hop conforme aux règles de la logique :
néanmoins il est fort ordinaire. Nos
Peres, dit - on , ont toujours cru cela;
pourquoi ne le croirions - nous pas ?
r ®st-à-dire que, parce que nos pères ont
«e crédules et ignorans , il faut que
Nus soyons condamnés à l’être aussi
pternellement. Nos pères ont cru, qu’il
pavoit eu un certain prince appelé Herb)
Macrob. Sat. 1. 5, c. ri.
cule , qui dépucela cinquante filles en
une nuit, qui vécut dans le ventre d’une
baleine, laquelle le re vomit sur le rivage ;
un prince , qui au berceau étouffa deux
monstrueux serpens, étrangla des lions
des sangliers , descendit aux enfers^
d’oii il tira le chien Cerbère , tua des
hommes ou des monstres à têtes et
épaules humaines età corps de cheval,des
rois gigantesques à trois corps, qui passa
la mer (1) dans un gobelet : ils ont cru une
foule d autres fictions romanesques ; et
nous devons le croire aussi , quelqu’m-
vraisemblablés que soient ces histoires ? Il
faut convenir, que' quand la raison et le
bon sens repoussent loin du sanctuaire
del histoire de semblables monstruosités
et qu on n a d autre motif pour les y
faire entrer , que la crédulité des siècles
d’ignorance , c’est bien là sacrifier à la
barbarie des préjugés, plutôt que déférer
à des autorités sages et anciennes.
C’est à la suite de ce discours préliminaire
de Diodore, sur l’absurdité de l’histoire
merveilleuse d’Hercule, dont il ne
peut excuser l ’invraisemblance , que par
les plus pitoyables raisons, telles que
celles qui sont tirées de la crédulité religieuse
des anciens Grecs , que cet historien
commence le récit de ces étranges
aventures , dont nous venons de montrer
le fondement dans les apparences
Astronomiques et dans fes'phénomènes
célestes.
Il résulte une seconde conséquence
de notre démonstration ( car nous osons
1 appeler ainsi 5 ) c est que le témoignao-e
de plusieurs siècles et de plusieurs peuples
en faveur des histoires religieuses
et de l ’existence de ces enfans des Dieux
objet du culte des crédules mortels, n’est
pas une grande preuve de leur réalité
historique. L’exemple d’Hercule met
cette vérité dans lapins grande évidence.
Tous les Grecs croyoient à l’existemse
d Hercule , comme à celle d’un prince
qui avoit vécu parmi eux autrefois, qui
avoit eu une femme, des enfans, et qui