les mystères de l ’amour, auquel s’initièrent
les deux époux, tandis que les
Argonautes armés montoient la garde
autour de l’antre sacré i) , et enton-
noient les chantsd’hymenée, «u’Orphée
accompagnoit du son de sa lyre. Cependant
l’aurore avoit dissipé les ténèbres
de la n u it, et le R o i, au milieu
d ’un concours nombreux de peuple,
s avance déjà, pour retndre le jugement
solemnel, qu’il avoit promis de rendre.
Il tenoit en main un sceptre d’or tous
les Grands de sa cour étoient armés et
lui faisaient cortège. Il monte sur son
tribunal, et prononce l ’arrêt, tel qu’il
l ’avoit annoncé à son épouse. Comme
le mariage de Jasôn n’étoit plus un
secret, les Colcliidiens virent bien qu’ils
»voient été joués , et que leurs démarches
seroient sans effet. N ’osant retourner
dans leur patrie , ils prirent le
parti de se fixer parmi les Phéaciens ,
jusqu’à ce que , dans la suite, ils passassent
dans une île voisine des monts Cé-
rauniens. Alcinoiis combla les Argonautes
des plus riches dons. Médée reçut
en présent de la Reine douze femmes
qui la suivirent (2).
Le septième jour , les Argonautes se
rembarquèrent; mais une tempête, qui
s’éleva, les jeta sur les côtes de Libye,
près des redoutables Syrtes , dont le
"Poète nous fait la- description. Ils ne
trouvent sur cette côte , que des sables
arides et d’affreux déserts , où règne
un silence profond (3). Ici est la peinture
de leur embarras , et le récit des
diverses questions qu’ils se fon t, et celui,
<le leurs plaintes , et des tristes réflexions
d’Ancée, qui ne leur déguise point
leur cruelle situation. Des larmes coulent
de ses yeux. Les Argonautes passèrent
toute cette nuit plongés dans la
plus profonde douleur, sans prendre
aucune nourriture (4). Us étoient dans.
(1) ' Ibid. r .
(2) V. 1*22.
' (3) V. 1249.
cette affreuse perplexité , lorsque le*
Nymphes d’Afrique , qui avoient pri*
som de Minerve, au moment de sa naissance
, et qui avoient lavé cette Déesse
dans les eaux du lacTritonide, prirent
pitié d’eux , et apparurent à Jason ,
qu’elles cherchèrent à consoler. Elles
lm dirent, qu’elles n’ignoroiènt pas les.
peines, qu'il s’étoit données pour conquérir
Ja riche ïo ison ; elles lui. conseillent
de ne point perdre courage ;
elles lui promettent un prompt retour
dans leur pati'ie , s’ils veulent témoigner
leur reconnoissance à la mère bienfaisante,
qui les aportés silong-temps dans
ses flancs : elles disent, et disparois-
sent (5). Jason leur rend des actions de.
grâces , et va faire part à ses compagnons
d’un avis énigmatique, sur le sens
duquel il les consulte, après leur avoir
fait le récit de l ’apparition qu’il avoit
eue (6). Les Argonautes restèrent étonnés
; et au moment où ils flottoient incertains
et irrésolus , un prodige leur
apparoît et leur donne Le sens de l ’énigme.
Un cheval marin sortant des,
flots s’élance sur le rivage ; Pélée y re-
connoît l ’animal, qui traîne le char de*
Neptune , qu’Amphitrite vient de dételer.
Les Nymphes avoient donné l ’ordre
à Jason de marquer leur reconnois-
sance à la mère, qui. les avoit portés, au
moment où Amphitrite auroit dételé le
char de Neptune. Il, ajoute ,. qu’il pense
que la mère, qui les a silong-temps
portés, c ’est le navire Argo ; et que
pour lui témoigner leur reconnoissance,,
ils le doivent porter sur leurs épaules à.
leur tour, en suivant la route que l’animal
marin leur a tracée ; que ce chemin *
les conduira vraisemblablement dans
quelque mer navigable (7). Son avis est,
goûté. Les Argonautes chargent le-
vaisseau sur leurs épaules, et le portent:
pendant douze jours et douze nuits de.
(5>V. 1.350,
(6) V. 1.363.
(7) , V. ij7»
marche à travers les sables de Libye. Us
arrivent au Jardin sacré, qui portoit les
pommes d’o r , que gardoit le fameux
Ladon , ou Dragon des Hespérides. Ce
monstre avoit été tué par Hercule ; mais
la partie supérieure de son corps pal-
pitoit encore. Orphée y apperçut les
spectres des Nymphes Hespérides ; il les
invoque et les prie de leur indiquer des
sources d’eau où ils puissent se désaltérer,
en leur promettant de leur en
témoigner leur vive reconnoissance par
des sacrifices, aussi-tôt qu’ils seront de
retour dans leur patrie (1). Les Hespérides,
reprenant la forme d’arbres qu’elles
avoient dans ce jardin , paroissent sensibles
aux prières des Argonautes, et
AEgla ; l’une d’elles , se charge de répondre.
Elles se plaignent du ravisseur
au dépôt précieux, dont la garde leur
étoit confiée , et la peinture , qu’elles
en fon t, ne permet pas de méconnoître
Hercule. Elles ajoutent, qu’ayant so if,
il avoit fait jaillir une source d’eau d’un
coup de pied, et qu’il s’y étoit désaltéré
tout à son aise. Elle leur montre
du doigt le lieu où couloit cette fontaine
; ils y courent, et ils s’abreuvent
de son onde pure. Us jouissent ainsi
des bienfaits d’Hercule, qui , quoiqu’ab-
sent, leur est utile encore. Il prend
envie à quelques-uns de chercher ce
Héros dans ces lieux , où ils appre-
-lioient, qu’il avoit passé ; maisléurs recherches
furent vaines (2). Canthus
même , un d’entr’eux , y périt, ayant
été tué par un pâtre dont il vouloit enlever
les troupeaux. Ses compagnons le
vengèrent et lui élevèrent un tombeau.
Le Devin Mopsus mourut aussi en ces
lieux , de la morsure d’un serpent né
du sang de Méduse (3). Le poison sub-
t il, qui pénétra ses veines , mit aussitôt
son corps en putréfaction , et on sem- -
pressa de l’enterrer. Ses funérailles sont
( l ) Ibid. v . 14*0.
(«) V. 148s.
(3) V. 1517.
W V. »34«.
décrites ici par le Poète, qui nous peint
aussi l ’embarras des Argonautes, sur lâ
route qu’ils ont à tenir (4). Orphée lëuf-
conseille d’offrir aux Divinités du pays
un Trépied saaré , pour obtenir uii
heureux retour. Un Triton se présente
à eux pour les tirer d’embarras, e . leur
enseigne leur chemin. Il leur tract une
espèce de carte Géographique, qui doit
guider leur navigation (5).
Dociles à ses sages conseils, les Argonautes
s’empressent de sortir du lac
Tritonide : le Triton disparoît, et Jasoit
lui sacrifie une brebis , en le remerciant
du service important qu’il a bien voulu
lui rendre. Le Triton officieux reparoît
à fleur d’eau , pousse le vaisseau jusqu’à
la mer et se replonge au fond des
eaux , en laissant les Argonautes saisis
d’étonnement (6). Le vaisseau continue
sa route , tantôt à l’aide de la rame ,
tantôt à l ’aide de la voile. Us approchent
de l’île Carpathus ; ils vouloient
passer en Urète ; mais Talus , géant indigène
, les repousse loin de ces bords.
(7) Médée fait ici usage de la puissance
de ses enchantemens, pour triompher
de cette résistance , et faire périr lé
Géant, qui succombe. Les Argonautes
abordent enfin dans l ’île de Ctète , où
ils passent la nuit (8). Après y avoir
pris de l’eau, ils se rembarquent, et à
raide de la rame, ils doublent le cap
Samonien. Us sont bientôt enveloppés
d’une nuit obscure , qui leur dérobe la
vue du ciel et des astres. Jason adresse
une prière au Dieu du Soleil , au fils de
Latone , qu’il prie de venir à leur secours.
Us découvrent bientôt l ’île Ana-
hê , une des îles Sporades, où ils abor-
ent et où ils élèvent un Temple à Apollon.
La simplicité de leurs sacrifices fait
rire les femmes de Médée, qui , ayant
toujours vécu à la cour d’Alcinoüs, n’a-
voient jamais yu que des sacrifices pom-
CO V . 1583.
(6) V. 1619.
(7) V . 1650.
(8) V. 1650.
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