autre côté , Memphis avoit le privilège
singulier d’être le lieu on l ’on nourns-
soit Apis, image du Dieu Osiris , qui
y avoit sa sépulture (gg)- Aussi disoit-
on, que son nom signilioit , tombeau
d’Osiris. Près de la ville étoit une petite
isle , dont on prétemloit que les oiseaux
eux-mêmes n’osoient approcher,
ainsi que les poissons. Les Prêtres seuls
s’y rendoient tous les ans à un temps
marqué , pour y célébrer leurs cérémonies
auprès du tombeau d’Osiris. Ils
le couronnoient d’une plante qui porte
beaucoup d’ombrage, et qui appartient
à un arbuste plus grand que l’olivier.
Eudoxe, parmi la loule des tombeaux
d’Osiris dispersés en Egypte, distingue
celui de la ville de Busiris , qu'il dit
être le véritable , cetto ville étant la
patrie de ce Dieu. Quant à celui qu’on
montroit àTaphosiris, le nom seul parle
en sa faveur.
Mais de tous les tombeaux élevés au
bienfaisant Osiris, celui qui a coûté le
plus de dépense , celui qui étonne le
plus par sa masse , et qui a le plus résisté
à l’injure des temps , c’est celui
qu’on lui avoit creusé dans la grande
Pyramide , dans laquelle on trouve encore
un petit caveau , ou un tombeau
de grandeur suffisante pour contenir un
corps , et qu’on disoit être le tombeau
d’un des anciens Rois d’Egypte (A//). Ce
R o i, à qui on a cru devoir élever ce
monument éternel , comme le Soleil
qui l’éclaire , c’est le Roi Bienfaisant,
le fameux Osiris , que l’on enseignoit
aux peuples avoir régné autrefois sur.
l’Egypte. En effet, eut-on jamais fait
une aussi grande dépense , si ce tombeau
n’eût pas été censé conserver les rentes
ou les dépouilles mortelles de la première
divinité de l’Egypte , sur-tout
chez un peuple , qui n’épargnoit rien
pour donner de la pompe et de la magnificence
au culte , et dont le plus
grand luxe étoit le luxe religieux. C’est
ainsi que les Babyloniens , livrés tout
entiers au culte du Soleil, et à celui
(i) Nonnus, Dionysiac. 1. 40, V.-39®-
des autres astres , avoient élevé un
tombeau au Soleil, sous le nom de tom.
beau de Jupiter-Bélus ; et on sait que
c’étoit le Soleil, qu’ils lionoroient sous
le nom de Bélus , comme le dit très-
bien Nonnus (1). Or , ce tombeau de
Jupiter-Hélios , ou de Jupiter-Bélus
étoit une immense Pyramide. Les pro!
portions de la grande Pyramide d’Ii.
gypte , sa position , relativement aux
quatre points cardinaux du monde,que
regardent exactement ses faces , justifient
notre conjecture , et nous la font
regarder comme un des plus magnifiques
tombeaux d’Osiris , et comme une
masse immense, destinée à couvrir le
petit caveau, dans lequel on croyoit qu’a.,
voit été déposé > autrefois le corps de
l’époux d’Isis, de ce Roi bienfaisant,
que la reconnoissance des hommes]
avoit dû immortaliser , et dont les titres
étoient gravés sur les colonnes , dont
nous avons parlé ci-dessus. Quand il
s’agit de monumens Religieux, rien ne
coûte à un peuple puissant , riche et
superstitieux , qui prétend à la gloire]
d’avoir donné à la religion une forme
majestueuse et savante. Telle étoit la
prétention des Egyptiens , qui aspi-
roient à la réputation de sagesse uni-l
verselle. 1
Chazelles, qui fut envoyé en Egypte
, pour mesurer toutes les dimensions
de cette Pyramide, trouva qu’elle
étoit exactement orientée , et que les
quatre faces regardoient les quatre
points cardinaux du monde ,' auxquels
aboudssoient les quatre côtés prolongés
du carré parfait , qui forme sa base.
Cette position de la grande Pyramide,
confirmée par le témoignage des autres
voyageurs , dépèle déjà,un but astronomique
ou cosmique de la'part des constructeurs.
Il en résultoit donc une
grande croix (/i) , qui aboutissoit a"*
quatre coins du monde, et dont les
branches se coupoient au centre de la
base de la Pyramide , sous laquelle
Osiris étoit étendu mort.
Chazelles
Chazelles nous donne aussi toutes
les dimensions de cette Pyramide,
et nous allons les rapporter (1).
Le côté de la
base, qui est carrée
, n o toises ou 660 pieds.
Les faces sont
dos trian gles équilatéraux.
. Ainsi la superfic
ie de la base est 12,100 toises carrées.
La hauteur perpendiculaire
77 toises -J ou 466 p. j;
La solidité 3i 3, y 90 toises cubes.
Telle est la mesure que donne Chazelles
, de l’Académie des Sciences, qui
avoit été exprès sur les lieux en 1693 (k%).
Marsham (2) nous donne des mesures
un peu différentes, d’après la Py-
rarnido- graphie de Jean Gravius , qui
les prit avec le grafomètre. Le côté de
la base , qu’il fait aussi carrée , est,
suivant cet Auteur , de 693 pieds, au
lieu de 660 , que lui donne Chazelles.
La hauteur est de 409 pieds , au
lieu de 466 que donne Chazelles.;
(//) mais ils s’accordent tous deux à
faire les faces triangulaires équilatérales,
ce qui nous suffit : car c’est là-dessus
que porte toute notre théorie.
En effet, toute Pyramide dont la base
est un carré parfait, et dont les quatre
fiices sont des triangles équilatéraux,
peut être inscrite dans une demi-sphère,
ou peut être regardée comme une moitié
de globe , taillée en Pyramide , de
manière que sa base se prenne dans le
quadrilatère insorit dans le cercle , qui
forme la base, de l’hémisphère , ou dans
l’équateur d’une sphère coupée en deux,
et quel les faces se prennent dans la
masse même de la demi-sphère taillée à
facettes, de façon à faire aboutir le
sommet des quatre faces triangulaires ,
au sommet d’un axe élevé perpendiculairement
au centre de la base , et qui
devient l’axe de la Pyramide. Par exemple
, prenons l ’hémisphère visible , ou
(1) RolIinHitt. Ane. t. i , c .2.Sec.2.Edit. <«-4°.
f. 13.- p _
Relig. Univ. Tome I.
cette calote céleste, qui mm couvre ,
et qui s’appuie sur tous les points du
cercle de notre horizon. Supposons, que
l’on tire deux lignes en croix, qui aient
leur direction l’une du midi au nord ,
et l’autre de l’orient au couchant, telle
enfin qu’une méridienne coupée à angles
droits par une ligne, qui va du levant
au couchant. Les quatre extrémités
de ces deux lignes marqueront exactement
les quatre points cardinaux du
monde. Joignons ces extrémités par
d autres^ lignes droites ; nous aurons
un carré inscrit dans le cercle de l ’horizon
, et les quatre lignes qui le formeront,
seront des cordes qui soûstendront chacune
90 degrés,puisqu’elles partagent en
quatre parties égalés la circoniérence
totale du cercle, qui est de 36o degrés ;
voilà donc la hase de la Pyramide Du
centre de la base, et sur la croisée
des lignes, supposons qu’il s’élève une
ligne perpendiculaire, ou axe de l ’horizon
, qui nécessairement aboutit au
Zénith. Cet axe est un rayon de la
sphère, égal à celui de chacune des
branches ae la croix. Donc tous les
cercles que nous décrirons du centre
de cette base, et qui passeront par le
sommet de cet axe, seront parfaitement
égaux à ceux, qui passent par
les extrémités de la croix. Donc les
cordes, qui soustendent des arcs égaux
à ceux du cercle de la base, sont égales.
Donc les lignes , menées du sommet de
cet axe aux extrémités de la croix, sont
égales à celles qui unissent ces extrémités
entre elles. Car elles soustendent toutes
des arcs de 900., ou des angles droits ,
puisque l’axe fait avec les deux lignes,
qui se croisent, et auxquelles il est perpendiculaire
, un angle droit, comme
les deux lignes forment des angles droits
en se coupant. Mais les lignes, menées
du sommet de l’axe éleve au centre ,
et conduites aux extrémités des quatre
branches de la croix , sont les côtés
des facès triangulaires. Donc, puis-
(1) Canon. Chron. Marsh, p. 51. S.c. 3'.
Hhh