seau, éveille l'équipage , l’avertit de se
rembarquer , et de se saisir de la rarae
(*')• i ,
Chacun s’empresse de partir et de
prendre le poste qui lui a été marqué.
Au milieu se placent Ancée et Hercule :
ce dernier pose près de lui sa terrible
massue : le poids de ce Héros fait en.
foncer plus profondément le vaisseau ,
au moment où il y entre (2). Déjà on
tire les cables , et on fait des libations
dans la mer. Jason tourne encore vers
sa patrie ses yeux mouillés de larmes.
Ici le Poète nous décrit la manoeuvre
des rameurs , qui frappent les flots du
tranchant de la rame en se mouvant en
mesure , aux sons harmonieux de la
lyre d’Orphe’e , qui encourage leurs efforts.
L ’onde blanche d’écume semble
murmurer sous la rame qui la tranche,
et bouillonne sous la quille du vaisseau,
qui laisse après elle de longs sillons (3)._
Tous les Dieux ce js ur-là fixoient
leurs regards sur la mer et sur le vaisseau
, qui portait l’élite des Héros de
leur siècle j lesquels avoient osé former
une entreprise aussi hardie. Les Nymphes
du Pélion contemploient avec
étonnement, du sommet de leurs montagnes
, le navire construit par la sage
Minerve, et les Héros courbés sur la
came ( 4 ) . Chiron lui-même (ƒ) , fils de
la Nymphe Phylira , descend de la
montagne vers le rivage de la mer , où
se brise l’onde écumante , qui vient
mouiller ses pieds.
Chiron les encourage et fait des voeux
pour leur heureux retour. Il avoit à ses
côtés son épouse, qui portait entre ses
bras le jeune Achille , qu’elle présentait
à Pelée , son père (5)..
Cependant ie vaisseau dirigé par Les
soins de l’habile pilote Tiphys, qui te-
n oit en main le gouvernail, était sorti
du port, et avoit dépassé le câpTisée (6),,
( j) Ibid. v. J23.
(2) V. 533.
O) V. 546.
(4) V. 557-
W v . 558.
consacré à Diane , Divinité tutélaire
d’Iolcos,et conservatrice desnavigateurs.
Le fils d OEagrus célèbre sa gloire dans
ses chants religieux , qu’il accompagne
des accords de sa lyre. Les poissons
sensibles à l’harmonie des chants d’Orphée
suivent le vaisseau j, que pousse
un vent favorable. Tel on voit un troupeau
dans les champs suivre les pas du
pasteur, qui le ramène aux bergeries,
et qui le précède en j ouant sur sa flûte
des airs champêtres (7). î
Déjà les côtes de la Thessaliô s’a-
baissoient derrière eux dans un horizon
lointain ; ainsi que les roches, escarpées
du Pélion, qu’ils avoient dépassées.
Ils voient s’élever d’un côté , au milieu
des eaux, l’île de Sciathos , et de l’autre
les côtes du continent, où est bâti Magnésie
, et sùr j lesquelles est élevé le
tombeau de Dolope. Ils y abordèrent
vers le coucher du Soleil, poussés pat
un ven t favorable (8) , et ils y firent un
sacrifice aux mânes de ce Héros. La
mer était grosse , et ils restèrent deux
jours sur ce rivage. Ils se rembarquèrent
le troisième j our. Ce lieu porte
encore un nom, qui rappelle le souvenir
du départ du navire Argo (9). Us rangèrent
sur leur gauche la côte où est
bâtie Mélibée, le mont Omolê et l’embouchure
du fleuve Ainyrus. Ifs découvrent
les golfes voisins- du mont Ossa
et de l’Olympe ; ils passentpendant
la nuit, au-delà dé la chaîné des collines
de Pallène , qui se terminent près
du cap Canastrée. Au point du jour , ils
apperçoivent assez obscu/ément les sommets
du mont Atl ios, en Thrace, qui projette
son ombre jusqu’à Myrina , dans
l ’île de Lemnos. Us abordèrent dans
cette île , fameuse par la fable .des Lem-
niades (10) , que le Poète prend de là
occasion de raconter, ainsi que le massacre
général des hommes , exécuté par
(6) V. 560--568.
(7) V. 579.
(8) V. 586.
(9) v - 591-
(10) V. ûo8— 621,
R E L I G I O N U N I V E R S E L L E .
ces femmes féroces. Le vieux Thoas
seul fut épargné par sa 'fille Hypsipile ,
qui devint Reine de l’île. Apollonius
raconte aussi le stratagème dont usa
cette fille tendre , pour conserver son
père, et s’épargner elle-même un crime.
Forcées de-cultiver elles-mêmes leurs
champs, et dé se défendre parleurs
propres armes , ces femmes se mirent
en état de soutenir l’attaque de leurs
voisins , et sur-tout des Thraces , dont
elles redoutaient la vengeance. Lorsqu’elles
apperçurent le vaisseau Argô
approcher de file , elles: se précipitèrent
hors de -leur ville vers le rivage , pour
repousser , les armes à la main , ces
étrangers j qu’elles prirent d’abord pour
les’; Thraces. A leur tête marchoit la
fille de Thoas , couverte de l ’armure
de son père (1). Les Argonautes leur
rm oyent un Héraut ; cotoit Ethalide j
fils ;de Mercuié , >à qui son père avoit
accordé le privilège tout particulier.,
de n’oublier rien de ce s qu’il pouvoît
avoir vu , lors même qu’il seroit descendu
dans l’empire des morts , et qu’il
«urnit .traversé le -Léthé et l’Acheron ;
et «te passer successivement du séjour
ténébreux de Plnton , à l’empire de la
Jutriîère. Ce fut lui qui fut chargé de
se présenter à Hypsipile au nom des
Argonautes , pour l’inviter à les recevoir
dans leur île , en ce moment où
le jouir était déjà vers son déclin (2)1
Le:s Leuiniades së rendent de toutes les
parties de la ville à l ’assemblée qu’avoit
convequée leur Reine. Celle-ciiles-trou-
.vant; réunies autour d’elle , leur adresse
uiip discours, dont le but est de leur persuader
de donner aux Argonautes les
Subsistances,' dont ils peuvent avoir besoin
, et les- provisions qu’ils voudront
charger sur leur vaisseau ; mais de ne
pas-lies recevoir dans leur ville. Elle
leur insinue , qu’il est de leur honneur
de ne pas les instruire de l’événement
tragique , qui s’est passé dans leur île ,
(1) V. 638.
(2) V. 651.
487
et dé ne pas. souffrir que la renommée-
aillelle publier au loin. C’est pour cet
objet seulement que je vous ai assemblées,
leur dit-elle ; s’il en est quelqu’une
parmi vous, qui ait un meilleur avis à
donner, qu’elle se lève et qu’elle le propose.
Elle dit, et s’assied sur le Trône
de son père (3).- Polyxo sa vieille
nourrice (g) , appuyant sur un bâton ses
pas chancelans , se lève , empressée
qu’elle est de parler. Elle appuyé l’opinion
de là Reine , qui veut qu’on accorde
à ces- étrangers toutes les provisions^
dont ils peuvent avoir besoin.
Mais en même temps , elle leur insinue
qu’elles ne pourront pas toujours se
passer d’hommes ; que le soin de leur
propre défense exige qu’elles ne laissent
pas leur population s’affoiblir : car
bientôt elles seraient à la merci des
étrangers leurs ennemis. Elle dit" que
pour elle le sacrifice de sa vie est déjà
fait !; qu’elle est au bord de son tombeau
; mais qu’elle livre son.conseil aux
réflexions de celles qui sont plus jeunes.
Qu’une occasion heureuse se présente
èn ce moment à elles ; qu’elles doivent
la saisir et confier à ces nouveaux hôtes
le soin de les défendre et l’administration
de leur état. Ce discours est accueilli
par les plus vifs applaudissemens,
et par un assentiment si général, qu’on
ne pbuvoit douter , jusqu’à quel point
il avoit été goûté par toutes les femmes
(4)- ’ . . * 4 " ,
Hypsipile , ne pouvant plus ignorer
l’intention de l’assemblée , dépêche
Ipbinoë vers les Argonautes , poür inviter
de sa part leur chef à se rendre
A son palais, .-afin-qu’elle l’instruise des
bonnes dispositions des’ femmes de
Lemnos , et pour1 engager même tous
ses compagnons à accepter, des établis-
seirrens dans leur-ville et dans leur île.
Iphinoë remplit le message ; et pressée
de répon dre aux questions de ces étrangers
, elle leur dit qu’elle est envoyée
(5) V. 667. ' = ’ !)
(4) V. 675— 592.