leil change ses formes, suivant celles des
animaux célestes, auxquels il s’unit durant
sa révolution , et qu’il les varie
comme les saisons. Nous en avons une
preuve dans la fameuse statue de ce
Dieu à Eléphantine en Egypte (i). Le
Soleil étoit représenté sous la forme d’un
homme assis, dont les épaules étoient
surmontées d’une tête de Bélier, avec
des cornes de Bouc qui soutenoient un
disque. C’étoit , suivant Eusèbe , une
expression symbolique -, ou une image
sacrée de la néomenie équinoxiale au
Printemps , ou de l’unîôii du Soleil et
de la Lune dans le signe du Bélier.
Cette forme d’image est encore plus savante
; mais le Soleil, la Lune , et en
général la .Nature en sont toujours
l’objet, et c’est-là .qu’il en faut revenir
en dernière analyse.-
C’est par le culte des Astres que Lucien,
dans son Traité sur l’Astrologie (2),
explique le culte des différens animaux,
tels que le Bélier , le Bouc , le Taureau,
les Poissons , ■ &c. que les Egyptiens
avoient consacrés dans leûrs temples. Les
images des différentes parties du ciel,
que l’Astronomie pour ses besoins àvoit
grouppées , furent donc transportées
dans les sanctuaires des différentes villes
de, l’Egypte , pour y prendre un corps
et la vie dans les animaux terrestres
qu’elles représentoient, et qui dès-lors
devinrent des animaux sacrés.
Outre ces animaux , - dont les types
étoient dans les Constellations, les Egyptiens
en consacrèrent encore d’autres $
tels que l’Epervier , le Scarabée , le
Chat, &c. (3) ; et si nous les en croyons,
c’étoit encore le Soleil et la Lune qu’ils
vouloient peindre par ces emblèmes ;
c ’étoit autant de caractères de leur écriture
hiéroglyphique , par - lesquels ils
représentoient les propriétés différentes
de, ces deux flambeaux étemels , qui 1
(1) Euseb. prap. Ev. I. 3 , c. ix , ;p. 216.
(2) Lucian. de Astrolog. p. 986, &c.
(3) Plut, de Iside. p. 376. Porph. *pud Euseb.
pr*p. Ev. 1. 3, c. 4. Hor- Apoli. 1. 1 , c. s.o
Æiian. 1. 10, & 1. 2 , e. 38.
étoient leurs Divinités. Il en étoit de
même du Lotus (4) qui, par sa forme
sphérique et par la nature de l’élément
humide où il naît, mérita une place dans
les temples de l’Astre du jour , et devint
le, siège du Dieu-Jour, peint au moment
où il sort du sein des eaux. Les Egyptiens
crurent pareillement apercevoir dans la
végétation de l’oignon (5) des rapports
avec la croissance de la lumière de la lune,
et ils consacrèrent en conséquence cette
plante dans les temples de cette Déesse.
Nous ne pousserons pas plus loin ici
l’exameu des motifs qui firent consacrer
tel animal ou telle plante dans les temples
de l’Egypte ; ce sera l’objet d’un
Traité séparé que nous nous proposons
de donner un jour. Nous nous bornons
au peu que nous avons dit sur les plantes
et sur les animaux sacrés de l’Egypte,
et cela d’après l’autorité des Anciens.
Ce peu nous suffit pour conclure que
c’est encore la Nature et ses parties qui
sont cachées sous ces voiles sacrés.
Cette conclusion s’accorde parfaitement
avec , ce que dit Jamblique , dans
son Traité des mystères Egyptiens , auxquels
il étoit initié, lorsqu’il assure (6)
que des prêtres de l’Egypte, dans la composition
des images et des statues de
leurs Dieux avoient eu pour but de peindre
les mystères de la Nature et l’économie
universelle du monde. Elle s’accorde
aussi avec ce que dit le savant évêque
Synésius (7) , quaud il assure que c’étoit
sur des sphères que les prêtres Egyptiens
combinoient les différentes parties qui
dévoient entrer dans la composition des
figures bizarres de leurs Dieux ; c’est-à-
dire , qu’ils y prenoient les positions du
Soleil, de la Lune et des autres Astres ,
leurs Divinités, & qu’ils en rapprochoient
les aspects entre eux et avec les signes ,
pour en tirer ces .images savantes, qui
n’ont paru monstrueuses , qu’à ceux qui
(4) Plut, de Iside, p. 355--
(5) Plut, de Iside, p. 353.
(6) Jamblic. de Myst. Ægypt. c. 37.
(7) Syaes, Cal vit. Eucomi. p. 73.
*
n’ont pu "saisir les rapports' qu’ellés'ont
avec les animaux célestes ét avec les figures
des Constellations. Aussi Porphyre (1)
prétendoit, que ceux qui fabriquoientles
Idoles, observoiènt soigneusement les
mouvemens et les aspects des' corps célestes
, par la cônséquêncë dont étoit
cette observation pour la vérité ou la
fausseté des Oracles. La plupart des
Dieux d’Egypte , tels que le Bélier de
Thèbes, l’Apis de Memphis, le Bouc
de Mendes, rendoient des Oracles (2),
par une suite de l’influence que les
animaux célestes, qui leurressembloient,
a voient t sur eux. Leur vertu , comme
celle dea talismans, (et ils n’étoient, à,
proprement parler , que des talismans
vivans ) , dépendpit entièrement des
Astres et des signes auxquels ils étoient
soumis et qu’us représentoient. Il en
dut être de même des statues et 'des
images de ces Dieux , qu’elles fussent de
pierre ou de métal. C’est d’après l’aspect
des cieux qu’elles durent être composées,
pour que la Divinité y versât son influence,
et voulût descendre en elles et y
habiter.
D’après ce que nous venons de dire
sur la construction et sur la distribution
des temples de l’Egypte , tels que le
temple du Soleil ou le Labyrinthe , sur
les statues et les images des Divinités
Egyptiennes , sur les animaux sacrés et
'Sur les autres emblèmes religieux, il est
aisé de voir que l’Egypte offre, sur toute
sa surface dans ses sanctuaires, des traces
frappantes du culte rendu à la Nature
et à ses parties par les anciens lmbitans
de ce pays,' qui ont passé pour avoir été
les docteurs du monde en fait de loix ,
de sciences , et sur-tout de religions (0).
On peut donc regarder,l’Egypte comme
le plus brillant théâtre du Sabisme , et
.comme celui qui en a laissé de plus beaux
et de plus savans m Onu mens. Nulle part
les my tères de la Nature n’ont été cou-
(1) Jambtich, de Myst. c. 30. /
Si) Lucien, d e A'strol. p'. 98 6 . ■
) Kirker, (Sdip. t. 1 , p. 397 —- 4C0. ,
verts d’un voile plus riche'et nuancé de
formes aussi variées, que la Nature l’est
elle-même.
L ’ésjfrit égyptien ne s’est pas concentré
dans l ’Egypte seule ; il a passé
dans le reste ' de {’Univers avec ses cosmogonies
, avec les desseins et les distributions
qu’il av'oit imaginés pour ses
temples. Le père Kirker croit pouvoir
reconnoître les pratiques religieuses, les
Idoles, les Dieux de l’Egypte> ses mystères
, et sur-tout son caractère allégorique
, dans le culte des Indiens , des
Chinois , des Japonois , et' en général
dans tout l’Orient (3). Sans vouloir ici
examiner jusqu’à quel point est fondée
l’assertion du" père Kirker, je crois pouvoir
au moins dire , que les deux plus
fameuses divisions du Ciel , celle par
sept, qui est celle des Planètes, et celle
par douze, qui est celle des Signes, divi-
. sions que l’Egypte principalement a consacrées,
se retrouvent dans les monumens
religieux de tous les peuples du inonde
ancien, jusqu’aux extrémités de l’Orient.
C’est à ces traits sur-tout, qu’on doit
reconnoître le culte de la Nature, quand
les divisions premières de l’ordre, du
monde sont empreintes sur les monu-
. inens religieux,et consacrées par la Théologie
d’un peuple.
Les douze grands Dieux de l’Egypte (4)
se retrouvent par-tout. La Grèce et Rome
les ont adoptés , et leur rapport avec le
Ciel et ses divisions n’est point équivoque,
puisque les Romains en ont
affecté nu à chaque signe (5). Or , ces
douze grands Dieux sont une invention
Egyptienne , si on en croit Hérodote (6).
Les Juifs ont pris de-là l’idée de leurs
, douze Patriarches, enfans du même père,
et les Chrétiens de leurs douze Apôtres,
compagnons du Dieu , père de lumière,
dont ils célèbrent la mort et la résurrection
, comme on célébrait celle d’Ado-
nis en Phénicie , et celle 'd’Osiris en
(4) Herodot. 1. 2, c. 4.
5) Manil. Astron. 1. 2, y. 437..
6) HerOd. Ibid. 1, 2 , ç. 4.