v en te , et I universalité du dogme des
intelligences , connues sous différens
noms,etdistribuéesdans toutes les parties
de la Nature, où se répand et agit l'ame
universelle et intelligente du monde.
Ce n’est point, comme on l a dit faussement,
la difficulté d’expliquer les
phénomènes physiques , qui adonné
naissance au dogme des intelligences
placées dans toutes les parties du monde,
par le moyen desquelles on rendoit aisément
compte de tout j mais parce que
les hommes ne crurent nulle part pouvoir
refuser à la Nature entière la plénitude
du mouvement, de la vie et de
l ’intelligence, dont ils avoient eux-
mêmes une portion infiniment petite.
La Nature leur parut vivante et animée,
soit dans.sa totalité, soit dans ses parties
les plus actives, qui se montroïent
comme autant de causes des différons
effets, qui naissent et meurent, au milieu
du système général des causes visibles
et éternelles , qui composent l’Univers
toujours subsistant. De-là vient, que les
peuples les plus sauvages ont admis
des intelligences par-tout, parce qu’ils
ont toujours raisonné sur l ’existence
des êtres qui les environnoient, comme
ils raison noient sur eux-mêmes, et que
l ’homme cherche toujours à rapprocher
la manière d’exister des autres êtFes
de la sienne propre. C’est par une suite
de cet esprit comparatif, qu’il a voulu
souvent que le monde eût été fait et
eût commencé, comme lu i, et qu’il y a
tant de gens encore qui ne peuvent concevoir
un monde éternel, par cela même
qu’ils ont commencé et qu’ils finissent,
comme si en dernière analyse on ne
devoit pas admettre quelque chose qui
n ’eût point commencé , et qui ne dût jamais
finir. Moins les hommes ont connu
le méchanisme de la Nature , plus sans
doute ils ont eu de penchant à tout expliquer
par l ’intelligence, ou par le Génie
qui y siégeoit ; mais avant d’attrihuer
telle fonction au Génie , il falloit que
déjà on l’eût conçu existant. Or cette
(ij Pa*-. recfa. surlesEgypt. e t lesChin, p, 207-25 0,
existence fut la suite de la tendance
naturelle qu’a l’homme à placer la vie
l à , où il voit du mouvement, et à
placer de l ’intelligence là , où il voit
des mouvemens réglés et bien ordonnés
, tels que ceux qu’il observe dans
les deux. Nous avons vu plus haut les
plus grands philosophes de la Grèce et
de Rome en faire leur grand argument,
pour prouver l ’intelligence, l ’ame
et la vie du monde et de ses parties
ne pouvant attribuer qu’à l ’ame le mouvement
intérieur et premiër qu’ont
les corps; célestes , et tous ceux qui
paroissent mus par eux-mêmes. A combien
plus forte raison les Sauvages ont-
ils dû être portés à donner la vie, l’instinct
etl’intelligenee àtoutcequise mou-
voit comme eux, et indépendamment
d’e u x , et sur-tout aux êtres au mouvement,
et à L’action desquels leur
propre existence sembloit être absolument
soumise. D ’après ces réflexions
préliminaires, jetons un coup-d’oeil rapide
sur les différens peuples du monde,
considérés sous Ieiy aspect religieux.
Les Chinois ont rempli le ciel et k
terre d’une foule de genies ( 1 ). Tous
ces Génies, suivant les Lettrés, sont
des émanations du grand com ble, c’est-
à-dire du ciel on de l ’esprit du ciel,
auquel ils offrent beaucoup d’encens,
ainsi qu’au Génie' de la terre. On ne
voit dans tout cela, dit l ’auteur des
recherches sur les Chinois , qu’un déïsme
grossie^. Ilauroitmieuxfaitdedire qu’on,
y voit la religion universelle du monde
bien analysée. Les esprits, ou manitoux,
dont ils remplissent le monde, ont aussi
leur part aux sacrifices solemnels.On voit
aux quatre coins de l ’autel de grosses
pierres, qui représentent les montagnes,
lesquelles sont censées être sièges d’autant
de Genies. Ceux-là même occupent
un rang distingué, et on leur rend des
honneurs divins dans toutes les parties
de l ’empire. On leur a bâti des Pagodes
célèbres sur la cime des plus hautes
montagnes. Ainsi les Grecs et les lie-
,nains avoient des Divinités des montagnes
, ou des Nymphes Oréades.
pes premiers Génies , dont la Cosmogonie
Phénicienne fasse mention , et
qui sont placés à la tête de la généalogie
des Dieux, sont des Génies d’une
taille extraordinaire,qui donnèrent leurs
noms aux monts Cassius, Liban , Anti-
liban et Brathys ( 1 ). Hésiode commence
aussi sa théogonie par la génération
des Nymphes des montagnes (2),
[qui se plaisent à errer sur les hauteurs-
jet dans les forêts.
j Le père Kirker, dans sa Chine illus-
jtrée, a fait voir les rapports qu’il y
javoit entre la religion des Egyptiens
et des Grecs ( 3 ) , et celle de’s Chinois,
[relativement au culte rendu aux Génies
placés dans le soleil , la lune , les planètes
, dans les élémens, et à ceux qui présidaient
aux fleuves , à la m e r, aux
[fontaines , aux bois, et aux montagnes,
et qui répondent aux Néréides , aux
Oréades , et aux Nymphes des Grecs.
Les Chinois ont des Génies du
feu, de l’eau, dé l’air, du métal, du
(bois, etc. Ils en placent par-tout, où
se répand l’émanation du grand comble,
j Car il ne faut jamais oublier , que
tous les Dieux et tous les Génies par-
liculiers ne sont que des dèmeinbremens
[delà substance universelle intelligente.
[La lettre de Maxime de Madame à Sain't-
[Augustin ; et la réponse de cet évêque
[confirment notre assertion. On y remarque
cette phrase. « C ’est celui dont
r nous adorons, sous des noms divers,
P> l’éternelle puissance, répandue dans
j» toutes les parties du monde. Ainsi ho-
f norant séparément, pardiverses sortes
» de cultes , ce qui est comme ses di-
r vêrf membres, nous l ’adorons tout
j# entier. C’est bien là , dans notre sys-
Pme,le culte de l ’Univers-Dieu, animé
p intelligent, et pénétré dans toutes
F s parties par une grande ame, qui
Peut et vivifie son vaste corps , ainsi
p e tous les corps particuliers , qui s’y
(0 f' useb. Præp. Ev. 1.1 , c. 10.
i2) Hfcs, Thsog. v. 130.
forment momentanément , ou qui y
■ subsistent toujours, et rjui composent sa
structure régulière. « L ’auteur de la
»^lettre ajoute, qu’ils vous conservent
» ces Dieux subalternes, sous les noms
» desquels et par lesquels , tout autant
» de mortels que nous sommes, nous
» adorons le père commun des Dieux
» et des hommes, par différentes sortes
33 de cultes, à la vérité, mais quis’ac-
» cordent tons dans leur variété même,
33 etquiténdentàlamêmefin. Voilàbien
la religion universelle, dont nous cherchons
à établir l’existènce dans notre ouvrage
, et à laquelle nous rapportons
toutes les religions, comme à un centre
commun où elles aboutissent toutes, et
d’où elles sont toutes émanées.
Il n’est donc pas étonnant, que nous
retrouvions chez les Chinois les mêmes
idées théologiques, qui ont été consacrées
chez les Egyptiens, et chez'les
Grecs, par la raison que la Nature étant
la base de toutes les religions, il n’y
a qu’une seule religion, comme il n’y
a qu’une seule nature, source de vie
et ^ d’intelligence pour tous les êtres
animés et intelligens. Cette unité n’est
pas plus détruite par les formes dont
on a revêtu ces idées, que l ’unité de
l ’espèce humaine n’est changée par la
diversité des habiilemens. L ’homme
d’Emope, d’Asie, d’A friqu e, et d’A mérique
est toujours un homme , de
quelque façon qu’il s’habille ; qu’il soit
nud, qu’i l soit vêtu. Il en est de même
de la v religion universelle. Elle est
pour ainsi - dire nue chez le sauvage ;
elle.est vêtue à la Grecque ou à la Romaine,
chez les Grecs et les Romains,
comme elle est vêtue à la Chinoise
chez les Chinois. Les modes sont aussi
différentes pour les cérémonies et les
opinions religieuses, que pour les vête-
mens et pour la parure. Mais en dernier
analyse, le fond est le même à la
Chine, à Memphis, à Ispahan , à Athènes
, à Rome et à Paris.
(3) Chili, lllust. p. 134.