ancre, près la fontaine Artacie, pour
en prendre une autre, qui leur fût plus
commode. Cette ancre fut dans la suite
consacrée par les Ioniens dans le Temple
de Minerve Jasonienne (1). Les
Dolions , ayant à leur tête Cyzique ,
fils d’AEnée , Tliessalien d’origine, furent
au-devant des Argonautes , et accueillirent
avec transport leurs compatriotes
; ils les invitent à mouiller dans
leur port. Us descendent à terre, et,
tous ensemble, ils font un sacrifice à
Apollon, qu’ils invoquent sous le titre
d’Ecbasius , ou de Dieu qui préside à la
descente heureuse (A). Le Roi leur fait
fournir le vin et les troupeaux dont ils
ont besoin. Ce Prince étoit jeune et de
l ’âge de Jason (2) ; son épouse ne lui
»voit pas encore donné d’enfans. Us se
font mutuellement diverses questions.
Cyzique s’informe des motifs de leur
voyage , et de l ’ordre qui leur a été
donné par Pelias ; et eux cherchent à
connoître les positions géographiques
de ces parages. Pour mieux s’en instruire
, ils montent dès le matin sur les
sommets du mont Dindyme , consacré
à Rhéa , et de-là ils promènent leurs
regards sur la mer voisine (3). Ici les
Géans veulent attaquer les Argonautes ;
mais le grand Hercule , armé de son
arc, les perce de traits , et en renverse un
grand nombre sur la poussière. Junon ,
ennemie de ce Héros, les avoit nourris
en ces lieux, pour lui susciter encore
ce nouvel obstacle. Le Poète entre ici
dans quelques détails sur ce combat
d’Hercnle et des Argonautes contre les
Géans (4). Nous en trouverons un à-
peu près semblable dans les Dionysiaques
, suscité à Bacchus , au moment où
le Soleil, sous le nom de Bacchus , approche
du Belier céleste.
Les Argonautes victorieux profitent
d’un vent favorable pour se rembarquer,
(1) Ibid. v. 960;
1z) V. 972.
(3) V. 986.
(4) V. 1000— 1010.
et continuer leur route à l’aide de
leurs voiles ; mais la nuit un vent contraire
les réporta sur la même côte, qu’ils
avoient quittée , et sur les terres des
Dolions , qui, ne pouvant soupçonner
que ce fussent eux, se mirent en devoir
de les repousser. Dans l’erreur où ils
étoient, au milieu de la nuit la plus
obscure , le combat s’engage entre les
Argonautes , et les Dolions leurs hôtes.
Le malheureux Cyzique y périt , percé
de la javeline de Jason (5). Le Poète
fait l’énumération d’une foule d’autres
malheureux guerriers, qui tombent victimes
de cette fatale erreur , dont ils ne
sortent qu’au retour du jour, qui vient
trop tard les éclairer , lorsque le mal
étoit déjà sans remède (6). Les vainqueurs
et les vaincus versent des larmes
sur le sort de l’infortuné Cyzique, étendu
sur la poussière. Au bout de trois jours
de deuil, on fait ses funérailles , et on
lui élève un tombeau. Son épouse malheureuse
ne peut survivre à sa douleur ;
elle se pend dp désespoir. Les larmes
des femmes et des nymphes qui la pleurent
se changent en une fontaine , qui
a conservé le nom de cette épouse infortunée
(7).
Ce jour fut pour les Dolions un véritable
jour de deuil et de malheurs :
la tristesse, dans laquelle ils furent
plongés , leur fit oublier jusqu’au soin
de préparer le pain nécessaire à leur
nourriture. La mer fut grosse pendant
douze’ ’jours et douze nuits ; ce qui
empêcha les Argonautes de se rembarquer
(8). La nuit suivante , pendant
que tous les Argonautes se iivroient au
sommeil , l’Alcyon voltigeant sur la
tête de Jason annonça par ses chants
aigus le retour du calme. Mopsus qui
l’entendit , et qui étoit instruit dans
l ’art d’interpréter le cri des oiseaux ,
réveilla Jason , qui étoit couché sur
(5) V. 1035.
(6) V. 1054.
(7) V. 1069.
V. 1080.
des péaux de belier (1). R lui dit, qu’il
est à propos qu’il aille sur le mont
Dindyme solliciter la faveur de la mère
des Dieux ; que la tempête va enfin
cesser ; que cela lui est annoncé par le
cri de l’Alcyon , qui pendant son sommeil
a voltigé autour de sa tête (2).
Cette nouvelle remplit de joie Jason,
qui s’empresse de 6e lever et d’en faire
part à ses compagnons. Une partie de
l’équipage gagne Te port à l’aide de la
rame : on découvre dans le lointain et
obscurément le détroit du Bosphore ,
les rochers de. Mysie et les plaines
qu’arrose l’AEsepus. Les Argonautes
trouvent un vieux tronc de bois de
vigne , qu’ils taillent, et dont ils forment
une statue de Cybèle. Us placent
ce simulacre sur le sommet de la montagne
, dans un lieu ombragé de hêtres
(3) ; à côté ils rassemblent des pierres
. et dressent un autel qu’ils couronnent
de feuilles de chêne , arbre consacré à
la Déesse. Us invoquent Cybèle , adorée
sur les sommets du mont Dindyme, et
qui préside à'ia Phrygie. Us invoquent
aussi Tityas et Cyllenus , Génies familiers
de la Déesse , et chefs des Dactyles
, qui forment son cortège. Ici le
Poète fait la description des cérémonies
de ce sacrifice, et des danses qu’avoit
ordonnées Orphée en honneur de la
Déesse. On y voit toute la jeunesse
danser armée au son des cymbales et
des tambours. Cybèle paroît sensible à
ces hommages , et témoigne sa bienveillance
par plusieurs prodiges, que le
Poète décrit ; entr’autres, en faisant
jaillir une fontaine du sommet d’un
rocher aride, à laquelle on donna dans
la suite le nom de fontaine de Jason
(•«• -- •
Les vents enfin s’appaisèrent sur le
matin, et les Argonautes profitèrent
du calme pour sortir du port à l’aide
(0 Ibid. v. 1090.
(2) V, 1098.
(3) V. 122.
(4) v. 1149.
de la rame, qu’à l’envi l’un de l’autre
ils faisoient mouvoir en redoublant
d’efforts. Le vaisseau vole sur la plaine
liquide avec tant de légèreté, que le
char même de Neptune n’auroit pu
l’atteindre. Ils gagnent du côté de
l’embouchure du fleuve RyndaGus, et
du tombeau d’AEgéon (5). Hercule lui-
même prend en main la rame ; ses
efforts font trembler le vaisseau. La
violence de la mer et la force qu’oppose
Hercule à l’impétuosité des flots ,
font briser la rame par le milieu; une
partie reste dans la main de ce Héros ,
tandis que l’autre partie flotte sur les
eaux , qui en entraînent les débris (6).
C’étoit environ l’heure à laquelle le
laboureur fatigué revient des champs
chercher sous sa cabane la nourriture
et le repos. Les Argonautes appro-
choient du golfe Cianée et du mont
Arganthon. Les Mysiens qui habitaient
ces rivages, jjleins de confiance en la
bonne conduite des Argonautes , les
reçurent avec amitié , et leur fournirent
tout ce dont ils avoient besoin.
Tandis que tout l’équipage se livre à
la joie du festin, que leur servent leurs
hôtes, Hercule s’éloigne du rivage et
va dans la forêt voisine, pour y trouver
une rame propre à sa main (7). Après
avoir cherché quelque temps, il découvre
un sapin , qui parut lui convenir. » Il
dépose son are , ses flèches et sa peau
de lion. Il travaille d’abord à l’ébran-
cher avec sa puissante massue ; puis
faisant usage de toutes ses forces, il
le saisit entre ses mains,. le pousse et
l’arrache avec toutes ses racines (8).
Ce travail achevé , le Héros reprend
son arc, ses flèches et sa peau de Lion .
et se prépare à regagner le vaisseau.
Cependant le jeune Hylas s’étoit éloigné
, cherchant une fontaine , afin de
procurer au Héros l’eau dont il auroit
{5) V. 1165.
(6) V. 1170.
(7) V. 1189.
(8) V. iïoq.
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