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à la bienfaisance et aux inTentions utiles
que l’on croit que la reconnoissance
éleva des temples, qui jamais les a mieux
mérités que cette terre, qui, de son sein
fécond , fait éclore tous les biens, varie
ses productions à l’inlini , et dont
la surface , tous lis ans, s’organise sous
mille formes pour ^embellir la scène où
l’homme se trouve placé ? Quoi ! Cérès
et Triptolème ne seroient que des mortels
qui, pour avoir enseigne' à l’homme à cultiver le b lé ,- auroient eu des autels,
et reçu les honneurs divins par la
reconnoissance des hommes ; et la terre,
qui cache dans son sein le germe des
moissons, et qui les nourrit, Ce ciel qui
les alimente de ses eaux bienfaisantes ,
ce soleil qui les féconde, les échauffe
et les mûrit, auroient perdu leurs adorateurs
, et cédé leurs temples à de foi-
bles mortels, qui a voient appris à jouir
de leurs bienfaits !
Il est bien plus naturel de croire que
la Nature elle-même et ses agens , le
soleil, la lime , les astres et la terre,
personnifiés dans des allégories savantes
par les poètes et par les théologiens , ont
été méconnus par le peuple et par une
postéiité qui sera retombée dans l’ignorance,
après des siècles de génie et de
lumière, Ou par des peuples grossiers,
qui auront reçu chez eux les formes du
culte des nations savantes, sans jamais
s’être assez instruits pour en comprendre
le but et en deviner le sens. Cette supposition
nous paroît infiniment plus
vraisemblable, qu’il ne l’est que des
hommes qu’on avoit vu naître et mourir,
et dont on n’avoit plus rien à
espérer ni à craindre, aient fait déserter
les autels de la Nature, qui imprime
sans cesse à l’homme l’idée de sa puissance
et de ses bienfaits, et l’enchaîne
à son culte par le sentiment de sa dé-
N I V E R S E L L E .
pendance et de ses besoins. Pour croire
à un pareil renversement de la religion
primitive , il faut des preuves claires et
incontestables d’un tel changement ; sans
cela, on est autorisé à ne supposer aux
hommes d’autres Dieux, que ceux qu’ils
ont dû adorer, et qu’ils onteffectivement
adorés dès la plus haute antiquité. C’est
par-là qu’il faut commencer a expliquer
les plus anciens monumens du culte des
Dieux et les traditions sacrées. Tout ce
qui recevra un sens raisonnable , considéré
sous ce rapport, tout ce qui contiendra
un tableau ingénieux de la Nature et
de ses opérations, appartiendra nécessairement
à cette religion. Tout ce qui
pourra s’expliquer par ces principes ,
sans rien forcer , sera son ouvrage.
Quand elle aura repris , dans le dépôt
confus des mylhologies, les allégories
qu’elle a créées, les autres religions
pourront alors réclamer leurs traditions
sacrées, et les aventures merveilleuses
de leurs prétendus héros ou princes
déifiés , s’il en reste.
Mais quelle route suivre pour ne pas
se perdre dans ce dédale obscur P quel
fil va nous y guider ? C’est la question
qui se présente naturellement à notre
lecteur , et à laquelle noùs allons répondre
dans la seconde partie de notre
ouvrage. C’est là proprement que l’on
verra l’exposition de la nouvelle méthode
, dont jusqu’ici nous n’avons fait
que prouver la nécessité , et dont maintenant
nous allons poser les principes
et déterminer la marche ; car nous n’aurions
point fait un grand pas, si nous
nous fussions bornés à prouver que toutes
celles qui ont été employées jusqu’ici
ne valoient rien , et si nous n’en avions
pas une autre à leur substituer. C’est la
tâche que nous nous imposons, et que
nous allons remplir.
O R I G I N E
DE T O U S L E S C U L T E S ,
O ü
R E L I G I O N U N I V E R S E L L E .
L I V R E D E U X I È M E .
C H A P I T R E P R E M I E R .
T a b l b j v x d e t ’ U n i e e e s , d e s e s D ie t s io n s , e t d e s j l c s i r a f & m c i p x u x
DE LX N a t u r e .
L A Nature devant être la base du
nouveau système d’explications, d’après
les vérités reconnues et les principes
posés dans la première partie de cet
Ouvrage ; il s’ensuit que c’est la Nature
que nous devons interroger sur la marche
que nous avons à tenir, et que c’est
elle qui doit nous guider dans la nouvelle
méthode que nous allons établir.
Les, hommes et leurs écrits ne doivent
être consultés qu’après elle, et écoutés,
qu'au tant qu’ils parlent comme elle.
Mais aussitôt que la Nature et les hommes
nous parleront le même langage, soyons
sûrs alors que nous tenons la vérité,
ou du moins que nous sommes dans
la route qui y conduit.
Si nous voulons savoir ce que les
peintres et les chantres de la Nature
ont peint et ce qu’ils ont chanté, voyons
ce qui a dû les frapper dans l’Univers,
et subjuguer leur admiration et leur respect
; ce sera à coup sûr ce qu’ils auront
peint et ce qu’ils auront chanté ; surtout
s ils nous disent aussi eux-mêmes ,
que c est là ce qui les a toujours frappés.
Car , alors la Nature aura produit sur
eux l’effet qu’elle devoit produire. Maintenant,
examinons quelle chose a dû les
étonner; et quels sont les tableaux de
l’Univers sur lesquels leurs regards ont
dû principalement s’attacher. Voulons-
nous le savoir? interrogeons-nous nous-
mêmes , et voyons quels sont les objets
qui nous étonnentle plus dans laNature?
qu’y admirons - nous davantage ? voilà
ce qui les a étonnés , voilà ce qu’ils ont
admiré. Quand les tableaux sont les
mêmes, et quand ils conservent avec le
spectateur les mêmes rapports, et celui-ci
les mêmes organes , l’impression doit être
constammentlamême.Or, les tableaux du
monde subsistent encore dans tout leur
éclat, et si les spectateurs changent,
les organes de ceux qui leur succèdent
n’ont point changé; s’il y avoit quelque.
différence dans les positions, elle seroit
toute entière à l’avantage de la Nature,
à l’étude de laquelle se livroient plus
volontiers les premiers hommes, qui
étoient assez heureux pour n'avoir
d’autre livre qu’elle. EUe seule étoit
la source da leurs jouissances; ses beautés
formoient leur unique spectacle, et le
luxe de ses productions iaisoit toute
leur richesse et leur magnificence.
N a