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mais ils l’avoient emprunté des Perses,
chez qui cette distinction théologique
étoit de la plus haute antiquité. C’est
d’après elle que fut composé le fameux
monument de Mithra , dont nous
parlerons ailleurs. Les livres Zends
démentent l’assertion d’Agathias. Il
convient au reste ( 1 ) qu’ils attri-
buoient au bon principe tout ce qu’il
y a de bien et de beau dans la Nature,
et au mauvais tout ce qui est contraire
à ces effets 5 qu’ils désignoient'
ces principes par des noms barbares,
appelant Orrnisdaten , ( c’est Oromaze
ou Ormusd ) le Dieu bon ou le De-
miourgos bienfaisant, et Ahriman le
mauvais génie, ou le Dieu destructeur.
Pour célébrer la victoire du bon
rincipe sur le mauvais, ils avoient étali
une de leurs plus grandes fêtes, dans
laquelle ils tuoient des serpens et des
reptiles venimeux, et par-là ils croyoient
faire une chose agréable au bon principe
,. et désagréable à Ahriman, qu’ils
mortilioient. On se rappeler?, que nous
avons déjà dit que le serpent étoit dans
toutes les théologies la forme symbolique
du chef des génies de Ténèbres,
de Typhon, dir Diable, des Géans ,
des Titans, de Python, ennemid’Apol-
lon , du Dragon , ennemi de l’Agneau
et de ses fidèles, de Pluton, etc. Nous verrons
bientôt que ce Serpent est celui
des constellations.
L ’auteur d’un ancien ouvrage , attribué
à Origène ( 2 ) , dit que Py thagore
«voit appris de Zarastha, le même
peut-être que Zerdusth ou Zoroastre,
qu’ily a deux principes de toutes choses ;
que l’un est le père et l’autre la mère.
Que le père est la lumière, et la mère,
les ténèbres. Il est bien singulier,
que nous ayons trouvé la même définition
des deux principes chez les
peuples de la Louisiane (q). Quel a
été le canal de communication entre
.{1) Agath. L 2 , p. 58.
(a) Origen. Fhilosoph.
I3) Voyez ci-dess.p. 227
la Perse et la Louisiane, et à quelle
époque'ces idées ont-elles passé en Amérique
? Voilà une grande question à résoudre
: nous en laissons à d’autres la
solution. Revenons à Py thagore.
Il pensoit que les dépendances du
principe lumière sont le chaud , le sec,
le léger, le vite ; et que celles des
ténèbres sont le froid, l’humide, le
pésant, le tardif (4) ; et que le monde
tire son existence de ces deux principes
comme du mari et de la femme. Cette
théorie rentre dans celle de la cause
active et de la cause passive , par la
raison que nous avons apportée plus
haut.
L ’auteur des actes d’Archelaüs, ou
de la dispute de Cascar, prétend que
l’Hérésiarque Scythien fut le premier
qui établit la dualité ou le dogme des
deux principes, et qu’il tenoit son opinion
de Pythagore ou , suivant ( 5 )
Socrate , d’Empedocle. Cyrille de
Jérusalem veut au contraire qu’il
soit sectateur d’Aristote. Beausobre soutient
avec raison que l’opinion des deux
principes et la tradition de la guerre,
qui s’alume entre eux, étoit une opinion
philosophique fort ancienne dans tout
l’Orient, où ces chimères furent primitivement
imaginées. Au resté, il est
certain qn’Aristote , comme Platon,
admettoit un. principe de mal qui ré-
sidoit dans la matière et dans son imperfection
éternelle. Quant à Pythagore,
si on juge de son système par la manière
dont Porphyre et Plutarque nous
en parlent, on verra qu’il rentre dans
celui de Manés, c’est-à-dire que c’est l’ancien
système adopté dans l’Egypte et
dans tout l’Orient. Pythagore , dit Porphyre
( 6 ) , concevoit deux puissances
opposées, l’une bonne, qu’il appelait
l’unité , la lumière , la droite ( r r r r ) i
l’égal, le stable, le droit. ; l’autre mauvaise
, qu’il nommoiî le binaire, les te-
(4) Beausobre, traité du Manich. t, x, p. ‘4
(5) Beaus. t. 1 , 1. 1 , c. 3 , p. 29.
(6) Porph. de vit. Pyth. p. 25.
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nèbres , le gauche , l’inégal, l’instable,
le courbe (1 ). Pythagore , ajoute Beausobre
, n’avoit point inventé ces idées ;
il les tenoit des Orientaux qui furent
ses maîtres, aussi bien que ceux de
Scythien, et de Manès. Pythagore passa
douze ans à Babylone où il étudia 60us
un Mage, nommé Zarastas, qui l’instruisit
de la Nature, ou des secrets de la Divinité
universelle et des pouvoirs ; ç’étoit
là l'étude des philosophes de l’Orient.
Pythagore, dit Varron ( 2 ) , recon-
noissoit deux principes de toutes choses,
le fini et l’i n f i n i le bien et le mal ;
la vie et la mort ; le jour et la nuit (3).
Varron ajoute que lorsqu’on présentait
aux Grecs la lumière, ils s’écrioient ■
que la lumière est bonne ! par-tout
la lumière en effet a été regardée comme
le premier bienfait de la Nature. Pythagore
pensoit que lp blanc tenoit de la
nature du bon pmiujjpc, et que le noir
tenoit de celle <1^ mauvais (4).: Que
la lumière et les ténèbres, le chaud
et le froid, le sec et l ’humide se mé-
loient à dose égale (5 ); que le triomphe
fW chaud étoit l ’été, celui x du froid
l 'hiver ; et que leur combinaison égale
donnoit le printemps et l ’automne,
dont l’un produisoit la verdure, et étoit
favorable à la santé, et l’autre en détériorant
tout donnoit naissance aux
maladies. 11 appliquoit la même idée au
lever et au coucher du soleil. Conformément.
aux principes des Mages
Pythagore^ pènsoit que Dieu ou Ormusd
ressembloit par le corps à la lumière,
et par l’ame à la vérité (6).
Ocellus de Lucanie , disciple de
Pythagore, admet aussi deux principes,
qui agissent en sens contraire dans le
monde sublunaire ; il appelle le premier
la Nature, principe d’ordre qui
travaille toujours la matière par ses opérations
fécondes et par des organisations
régulièresj et l ’autre discorde,
i 3i
principe de contrariété et de désordre ,
qui détruit sans cesse les oeuvres du
premier principe. Il les place l ’ua
et l’autre dans ce qu’il appelle le monde ,
dont 1 idee se restreint souvent à la
partie élémentaire, au sein de laquelle
s’opèrent les générations et les destructions.
Car toute la partie supérieure à
la lune étant constamment la même
sans changement, ni altération dans
sa. nature , ne pou voit pas éprouver les
chocs, du mauvais principe. Le cercle
de la lune terminoit son empire.
Mais si les effets n avoient lieu que
dans le siège des éléinens , les causes
furent souvent censées agir plus haut,
et résidéi; dans les Autres mêmes, qui
modih oient la ^Nature sublunaire , et
qui annonçoient,comme sigues^les ope-*
ration^.,variée?..du, principe ténébreux
dans la matière., aUjSein de laquelle sa
Nature 1 nttachoit. Typhon étoit en effet
enchaîné dans. l’o^çure\Tartare ‘T tandis
que lupiter régnbit, dans les champs
lumineux ;de 1 Olympe- Ce qu’il importe
sur-tout de connoître , c’est la manière
dont ces deux principes se mêloient
dans la matière qui compose le monde ,
ou le Dieu bon et lumineux répandoit
tout le bien qu il pouvoit, afin de corriger
le mal, que le principe ténébreux
y avoit mis, et qui étoit une suite de
sa Nature , ainsi que de celle de la matière,
qu il falloit organiser régulièrement,,
et rappeler sans cesse à l ’ordre
que le mauvais principe contrarioit
éternellement. Pout y réussir, il faut
tracer la ligne de démarcation de ces
deux pouvoirs opposés. La fiction sacrée
des Mages sur la distribution du monde,
entre les deux principes, va nous servir
à cela (7).
Les Perses disent qu’Oromaze né
de la lumière la plus pure, et Ahriman
ne des ténèbres , se font mutuellement
la guerre : «que le premier a engendré
(5) Ibid. p . 583.
(6) Porph. vit Pyth. p. aif.
(7) Piutarch. de Iside3 p. 369.