fons de piaifance aux environs de cette ville ; &
quels fecours fes habitans ne devoient-ils pas tirer
de ces grands génies, pour cultiver leur efprit &
former des bibliothèques à leur exemple ! ^
Les ruines même de cette place, où l’on n a rien
apperçu qui fentit la barbarie, mais au contraire
des édifices facrés & profanes , publics & particuliers
, très-bien entendus , très-bien décores,un
théâtre , des temples, des portiques, tant de peintures
, de ftatues de bronze , de bas - reliefs & de
colonnes ; tous ces monumens , dis - je , font une
preuve inconteftable qu'Herculanum étoit habitée
par des hommes curieux de belles chofes. #
Confolons-nous donc de la perte des manufcrits
engloutis quelque part dans les abyfmes de cette
ville , puifqu’enfin ces fouilles pratiquées depuis
1750 jufqu’à 1755 ont produit d’autres raretés fi
jiombreufes, que fa majefté Sicilienne a jugé né-
ceffaire de deftiner dans fon palais une vafte falle
voûtée, remplie d’armoires differentes , pour les
pouvoir placer, & montrer à tous les curieux de
l ’univers. ^
Ce Prince a fait plus , il a nommé, en 175 5 , une
fociété de très-habiles gens , pour mettre en ordre
tous ces précieux monumens d’antiqiute , en donner
l’hiftoire, la repréfentation en taille-douce, &
l’explication. On ne fauroit employer de trop bons
artiftes pour le deffein & la gravure ; car, quant à
l’explication , c’eft aux favans de l’Europe entière
à y concourir. Il faut efpérer que l’ouvrage complet
fortira de la preffe avec le foin qu’il mérite.
Nous en avons déjà vu le premier tome avec avidité
: il a paru à Naples en 1757 en forme d’atlas,
& contient quantité de planches qu’on ne peut fe
laffer de regarder. Telle eft la VIII. repréfentant
Achille, qui apprend du centaure Chiron , à jouer
de la lyre : la tête du centaure eft excellente, .& le
jeune héros femble vivant & animé. La planche IX.
du fatyre Marfyas , aflïs fur une roche, eft fans
doute une copie du tableau de Polygnote qu’on
voyoit à Delphes. Les planches de bacchantes n’offrent
que trop d’ attraits : elles ne font point peintes
ici en prêtereffes échevelées , mais en nymphes de
Gnide , vêtues d’une étoffe légère, & fe prefentant
pour danfer dans des attitudes fi voluptueufes, que
Vénus elle-même en eût emprunté l’image, pour
s’attacher des peuples qui/prenoient tant de foin
d’encenfer fes autels.
Les peintures d’un attelier pour la vendange avec
les preffoirs, celles de quelques métiers inconnus,
celles de la boutique d’un cordonnier , & toutes
I celles de divers jeux d’enfans m’ont enchanté. Il y
I Ij1 en a où ces mêmes enfans pêchent à la ligne : on
voit déjà les poiffons qui fautent fur l’eau , ou qui
font pris. Tout eft gracieux dans ces petites peintures,
8c Tenieres n’a rien fait de plus amufant. Il
y a auffi d’admirables planches de marine, & de
morceaux d’architefrure. •
Il eft vrai qu’on rencontre plufieurs autres planches
, dont il paroît difficile ou impoffible dé devi-
J', | ner le fujet. La planche VI. par exemple , toute belle
qu’elle eft, prépare bien des tortures aux favans.
ilf. j| La planche XI. n’eft pas plus intelligible. Eft-ce
Orefte reconnu par fa foeur ? Et la planche XII. en
eft-elle une continuation ? Quoi qu’il en foit,, toutes
les entraves pour l ’explication n’ôtent rien au mérite
des chofes curieufes de ce premier volume , &
ne fervent qu’à faire defirer la fuite avec plus d’impatience.
( Le Chevalier D e J A Ü CO U R T. )
HERCULE , f. m. en AJlronomie, eft une des
conftellations de l’hémifphere feptentrional. Voye^
C o n s t e l l a t i o n .
Hercule a dans le catalogue de Ptolomée 19 étoiles
; dans celui de Tycho 28, 8c dans le catalogue
Britannique 95. t Hercule , ( Mytholog. & Littéral. ) héros tres-
célebre, déifié dans le paganifme.
Je ne m’embarraffe point des divers Hercules ,
dont parlent Diodore de Sicile , Q c e ro n , Varron,
8c autres écrivains de l’antiquité ; il s’agit ici du
fils prétendu de Jupiter 8c d’Alcmene femme d’Am-
phitrion roi de Thebes. C’ eft-là Y Hercule qui étoit
honoré chez les Grecs & les Romains , 8c auquel fe
rapportent prefque tous les anciens monumens. Je
vais parcourir fon hiftoire peu connue, les femmes
8c les enfans favent affez fa vie fabuleufe : elle fe
trouve dans tous les Dictionnaires, 8c même dans
celui de Bayle.
Hérodote fixe la naiffance d’Hercule cent ans
avant la prife de Troie par les Grecs ; c’eft-à-dire,
vers l’an 1381 avant l’ére chrétienne. Il commença
fes premières armes dès l’âge de dix-huit ans, ôc
terraffa dans fes cour fes le lion du mont Cythéron.
Peu de tems après, il époufa Mégare fille de C répn,
eut trois enfans de cette princeffe, & les tua au
bout de quelques années dans un accès de fureur
qui le prit plufieurs fois pendant le cours de fa vie.
Ce crime l’ ayant obligé de quitter Créon, il alla
confulter l’oracle de Delphes fur fa deftinée. L’oracle
lui prefcrivit de paffer à Mycènes où regnoit
Euryfthée, 8c lui déclara, qu’en accompliffant les
volontés de ce prince, il acquerroit l’immortalité ;
Hercule obéit au commandement du dieu , & ce
fut par les ordres d’Euryfthée qu’il acheva les douze
travaux fi célébrés dans les tems héroïques. Les dix
premiers l’occuperent un peu plus de huit ans , en-
forte que donnant dix ans de durée à ces douze
travaux , Hercule qui étoit venu fe préfenter à Euryfthée
à l’âge de vingt-trois ans, quatre ans après
fon mariage avec Megare , en avoit trente-trois
lorfqu’il retourna dans la Béotie.
Dès qu’il y fut a rrivé, il commença par répudier
Mégare , & demanda en mariage Io lé, fille d’Éu-
rytus roi d’Oëchalie ; mais comme le fort des enfans
de Mégare faifoit redouter l’alliance d'Hercule^
il fut refufé. Cet outrage l’ayant jetté dans un nouvel
accès de fureur, il tua Iphitus frere de fa maîT
treffe : enfuite revenant à lu i, il fentit fi vivement
fon crime , qu’il ne fongea qu’à fe délivrer de fes
remords par le fecours de la religion. L’oracle de
Delphes qu’il confulta de nouveau , lui répondit
que le feul moyen d’expier ce meurtre étoit de fe
faire vendre pour efclave dans un pays étranger. Hercule
, avant que d’exécuter le decret de l’oracle, crut
devoir fe purifier par les cérémonies de l’expiation
ordinaire ; toutefois il ne trouva perfonne qui voulût
lui rendre ce fervice, excepté le feul Théfée qui
s’y prêta par générofité , & le purifia aux Jeux de
l’Ifthme.
Après cette purification, il fe fit vendre en qualité
d’efcla ve par un de fes amis, & fut conduit à la
cour d’Omphale. Ses exploits contre les Cercopes,
efpece de brigands qui ravageoient la contrée, étant
parvenus aux oreilles de la reine de Lydie 8c lui
ayant infpiré de la curiofité, elle fut bientôt inftruite
de la naiffance de fon efclave ; alors l’amour s’emparant
de fon coeur, elle fe livra toute entière à fa
paffion , 8c devint groffe d un fils qu’Apollodore
nomme Agélaiis. ;
Hercule ayant achevé le tems de fa fervitude, fut
follicité par les Grecs d’attaquer Laomédon roi de
Troie avec une efcadre de fix vaiffeaux qu’ils lui
fournirent. L’entreprife fut heureufe ; il prit T roie ,
tua Laomédon 8c fes enfans, à l’exception de Priam
qu’il mit fur le trône , 8c emmena prifonniere l’il-?
luftre Héfione foeur de ce jeune Prince.
A fon retour dans le Péloponnefe, il réfolut de pu«
nir Augias roi d’EIis, de la perfidie dont il avoit ufé
contre lui * pendant qu’il travailloit à accomplir les
ordres d’Euryfthée. Un grand nombre d’Arcadiens
& de volontaires des principales villes de la Grece
le mirent fous fes drapeaux. En vain Augias leva
des troupes , & en donna le commandement aux
Melionides fes neveux , Hercule attaqua les Mélio-
nides, lorfqu’ils alloient facrifier aux fetes Ifthmien-
n e s , les vainquit & les tua. Profitant de ce fuccès ,
il s’avança dans l’Elide, furprit Augias, & le fit
mourir avec fes enfans , à la réferve de Phileus le
plus jeune de tous , auquel il laiffa le royaume.
Dans cette conjoncture, des foins importans l’ap-
pellerent à Olympie, pour y affifter aux jeux funèbres
, établis depuis quelques années en l’honneur
de Pélops fon bifayeul maternel. Il en régla les
cérémonies, y prononça l’apologie de fa conduite
au fujet de fes guerres, 8c difputa tous les prix avec
tant de gloire, que les poètes ont feint que Jupiter
lui-même voulut lutter contre fon fils, fous la figure
d’un athlete ; 8c qu’après un long combat égal,
le maître des dieux fe fit connoître, en félicitant
Hercule fur fa force 8c fur fa valeur.
N’ayant plus rien à faire à Olympie après la célébration
des jeux, il continua fa marche vers Pylos,
capitale des états de Nélée en Meffénie , prit cette
ville d’affaut, &tua dans la bataille les fils deNélée,
qui étoient au nombre de neuf. Neftor le plus jeune
de tous, échappa feul à ce carnage. D e Pylos, Hercule
vint à Lacédémone, d’où il chaffa Hippocoon,
& rétablit fur le trône Tyndare pere d’Hélene , de
Caftor & de Pollux.
L’année fuivante , notre héros fongea férieufe-
ment à fe fixer à Phénée dans l’Arcadie, avec fes
troupes qui l’avoient accompagné dans fes expéditions.
En effet, il demeura quatre ans dans cette
contrée ; mais la cinquième année qui étoit la qua-
rante-quatrieme de fa vie , Euryfthée redoutant le
voifinage d’un guerrier, auffi entreprenant, l’obligea
d’abandonner le Péloponnèfe. Il paffa dans I’Æto-
lie avec fes troupes , s’engagea au fervice du roi
de Calidor , 8c époufa Déjanire fille de ce ro i, de
laquelle il eut Hyllus.
Pendant fon féjour en Ætolie, il enleva Aftyo-
chée, fille d’Aidonée, roi des Thefprotes, chez lequel
il porta la guerre. Il s’empara d’Ephyre , capitale
de la Thefprotie, bâtie fur les bords du C o c y te ,
& du lac Achérufia , formé par les eaux de l’Aché-
ron. Comme il y avoit dans le pays un fameux oracle
des morts, cette guerre contre Aidonée, a fourni
à Homere 8c aux autres poètes l ’occafion de dire,
qu 'Hercule avoit bleffé Pluton dans un combat. Ses
vifroires lui procurèrent encore l’honneur de délivrer
Théfée des prifons d’Ephyre , où Aidonée le
tenoit captif ; c’eft des enfers, difent les mêmes Poètes
, qu * Hercule retira Théfée.
Mais un meurtre involontaire l’obligea lui-même
de fe bannir de l’Ætolie , & de fe retirer avec Dé-,
janire chez C e y x , roi de Trachine. Ses troupes étant
venu le joindre, il embraffa la caufe d’Æ gimius, roi
des Doriens , contre les Lapithes 8c les Driopes,
qu’il fournit.
Cependant laffé de traîner avec lui dans fon exil,
une femme qu’il n’avoit époufée que dans l’efpérance
d’obtenir une retraite , que ce mariage n’avoit pu lui
procurer , il forma le deffein de répudier Déjanire :
mais ayant été refufé dans fa demande d’Aftydamie,
Elle d’Orménius, roi des Pélafges Theffaliens, il
entra dans fa capitale, 8c emmena fa fille captive.
- Se trouvant alofs à la tête d’une armée nombreufe,
qu il ne pouvoit faire fubfifter que par le pillage ,
parce qu’il n’avoit point d’états , il porta la guerre
dans l’Oëchalie, contre les enfans d’Eurytus, fous
pretexte du refus qu’ils lui avoient fait autrefois de Tome VIII%
leur foelir Iolé. Il joignit à fes troupes Arcadiennes,
celles des D oriens, des Locriens & des Trachéniens,
de forte qu’avec tant de forces réunies , il terttiina
promptement la guerre. La ville capitale d’Oëchalie
fut prife, les fils d’Eurytus furent tués, & Iolé tomba
entre fes mains.
La vue de cette princeffe ralluma promptement
une paffion que le tems n’avoit pas détruite ; & Déjanire
ne doutant plus de fon malheur , crut que c’é-
toit le moment favorable d’employer le philtre du
centaure Neffus, pour lui conferver le coeur de fon
mari. Perfuadee des effets de ce philtre, qui étoit un
poifon très - fubtil, elle en imbiba , dit-on , la robe
d'Hercule. A peine eut-il revêtu cette robe fatale ,
qu’il fe fentit atteint des plus vives douleurs ; les efforts
qu’il f it , furent fui vis de convulfious violentes,
qui terminèrent fa carrière dans la 49* année de fa
vie ,5 3 ans avant la prife de Troie par les Grecs ,
& 13 3 5 ans avant J. Ç . Après fa mort, on le porta
fur le bûcher , où l’on mit le feu , 8c ce fut là fon
apothéofe.
fait de combien de fi frions toutes ces chofes
ont ete embellies ; dès que le bûcher fut allumé , la
foudre, difent les Poètes, tomba deffus, 8c réduifit
le tout en cendre, pour purifier ce qu’il y avoit de
mortel dans le héros. Jupiter l’enleva dans le c ie l,
& le mit au nombre des demi-dieux ; mais ce qui
nous intéreffe parmi tant de fables, c ’eft que la mort
d Hercule nous a procuré les Trachéniennes , & fes
fureurs nous ont valu l’autre belle tragédie d’Eury-
pide, qui a pour titre Hercule furieux.
Thrafybule fixe l’apothéofe d’Hercule, c’eft-à-dire
l’établiffement de fes autels dans les principales villes
de la G re ce, 29 ans avant la deftrufrion de T roie.
Son culte paffa bientôt chez les Romains, enfuite
dans les Gaules, en Efpagne, & s’étendit jufques
dans la Taprpbane, à ce que Pline s’eft perfuadé.
Il eft certain du moins que Fulvius Nobilior, con-
ful , étant de retour de fon expédition de VJ^tolie ,
dédia à Hercule l’an 569 de Rome, dans le cirque de
Flaminiùs , un temple magnifique pour ce tems-là.
Ce temple étant tombé en ruine, Lucius Murcius
Philippus , beau-pere d’Augufte , le fit rebâtir à fes
frais, avec tant de fplendeur, que Suetone en parle
comme s’il avoit été;fondateur de cet édifice..
Hercule eft ordinairement repréfenté fous la figure
d’un homme très-robufte, avec la maffue à la main,
& couvert de la peau du lion de Némée. Il a auffi
quelquefois l’arc 8c la trouffe. On le trouve affez
fouvent couronné de feuilles d’olivier ou de peuplier
, parce qu’il en apporta des plans dans fa patrie.
Enfin, ce qui peut paroître fort étrange, c’eft
qu’il a été révéré chez les Grecs fous le nom de
Mufagete, condufreur des mufes, & dans Rome fous
celui üHercules mufarum. Maffei, Stefanohi, Boif-
fard, Spon, le P. Montfaucon , & autres antiquaires
, nous ont donné dans leurs ouvrages , des portraits
d“Hercule Mufagete , tirés d’après les marbres ,
les bronzes, & les pierres gravées antiques ; il eft
même arrivé que Pomponius Mufa a fait graver fur
fes médailles , Hercule la lyre à la main, avec l ’inf-
cription à?Hercules mufarum ; Sc für le revers , la
figure des neuf mufes , carafrérifées chacune par
leurs fymboles.
Je ne décide point fi ces gravures étoient de pures
fantaifies , ou plutôt fi c’étoit des copies d'Hercule
Mufagete & des neuf Mufes, que Fulvius Nobilior
avoit tranfportées de Grece en Italie. Quoi qu’il en
foit, l’idée que j’ai ^Hercule préfente à mon imagination
un athlete des plus, vigoureux & des plus redoutables,
un deftrufreur de monftres, un exterminateur
de brigans , de rois & de fils de rois ; un pere
furieux & terrible dans fa colere, un barbare coupable
-de cent meurtres:, 8c nullement un hommo
V ij