
Etiennes, qui fe font illuftrés dans leur carrière ;
mais Robert Etienne, & Henri II. fon fils, fe font
immortalifcs par leur goût pour leur art, & par leur
favoir. Ms tiennent l’un 8c l’autre un grade ftipérieur
dans la république des lettres.
Le célébré Robert Etienne avoit acquis une con-
noiffance éminente des langues & des humanités. Il
s’appliqua particulièrement à mettre au jour de magnifiques
éditions des bibles hébraïques 8c latines.
Il eft le premier qui les ait diftinguces par verfets :
François I. lui donna fon imprimerie royale. Claude
Garamond, 6c Guillaume le Bé en fondirent les caractères
; mais les rraverfes injurieufes que Robert
Etienne effuya, l’obligerent de quitter fa patrie vers
l ’an 15 5 1 , & de fe retirer à Genève, pour y pro-
fefler fa religion en liberté. Là il continua d’enrichir
le monde des plus beaux ouvrages littéraires.
Les éditions données par cet homme célébré, font
celles de toute l’Europe, oii l’on voit le moins de
fautes d’impreflîon. Mill affure que dans fon Nou-
veau-Teftament grec des éditions de 15 4 6 ,15 4 9 ,
& 1551 , ainfi que dans l’édition de 1549 in-feize,
il ne s’y trouve pas une feule faute typographique ,
8c qu’il n’y en a qu’une dans la préface latine, favoir
pulres pour plures. On fait par quel moyen il
parvint à cette exa&itude : il expofoit à fa boutique
& affichoit fes dernières épreuves à la porte des collèges
en promettant un fol aux écoliers pour chaque
faute qu’ils découvriroient, ôc il leur tenoit exactement
fa parole.
Il mourut à G enève le fept Septembre 1559» âgé
de j6>ans, après s’être comblé de gloire ; je dis comblé
de gloire, parce que nous devons peut-être autant
à Ion induftrie feule qu’à tous les autres favans
8c artiftes qui ont paru en France depuis François I.
jufqu’à nos jours.
Son beau tréfor de la langue latine a immortalifé
fon nom, quoiqu’il ait été lècouru dans ce 'travail
par Budé , Tufan , Baif, Jean Thirry de Beauvoi-
fis, & autres. La première édition eft ne Paris 1536,
la fécondé de 15 4 1 , la troifieme à Lyon en 1573,
8c la derniere à Londres en 1734 , en quatre volumes
in-folio.
Son defintéreffement 6c fon zele pour le bien public
, peignent le caraftere d’un digne citoyen. Je
ne lui dois point d’éloges à cet égard ; mais du-moins
ne falloit-il pas le calomnier, jufqu’à l’accufer d’avoir
volé les caraéteres de l’imprimerie du Roi en fe
retirant, 6c d’avoir été brûlé en effigie pour ce fujet.
Il entretenoit chez lui dix à douze favans de di-
verfes nations ; 8c comme ils ne pouvoient s’entendre
les uns les autres qu’en parlant latin , cette langue
devint fi familière dans cette maifon , que fes
correcteurs, fa femme, fes énfans, 6c les anciens
domeftiques, vinrent à la parler avec facilité. Il
laiffa un frere 6c deux fils dont il me convient de
parler.
Etienne ( Charles ) , frere de Robert I. après s’être
fait recevoir doCteur en Medecine dans la faculté
de Paris , eut l’imprimerie du Roi 6c la foutint honorablement.
Les Anatomiftes lui doivent trois livres
de diffeclione partium corporis humant, qui ne
font point tombés dans l’oubli. Cet ouvrage parut
en 1545 in-folio avec figures, 6c l ’année fuivante
en François chez Colinée. Charles Etienne a le premier
prouvé contre Galien, que l’oefophage fe di-
vifoit fépàrément de la trachée-artere, 6c que la
membrane charnue étoit adipeufe. Il mourut en
1568 , ne laiffant qu’une fille nommée Nicole, auteur
de quelques ouvrages en prpfe 6c en vers. Elle
fut recherchée par Jacques Grévin, médecin Ôc
poète ; 6c e’eft pour elle qu’il cômpofa fes amours
(,l'Olympe ; mais elle époufa Jean Liébaud médecin.
. Etienne ( Robert I I , ) ne voulut pas fuivre fon
pere à Genève, 6c fut confervé conjointement avec
fon oncle Charles dans la direction de l’imprimerie
royale , où il fit imprimer depuis l’année 1560, divers
ouvrages utiles, mais dont les éditions n’égalent
pas celles de fon pere.
Etienne ( Henri II. ) fils de Robert I. & frere de
Robert I I . eut la réputation d’un des plus favans
hommes de fon fiecle, 6c des plus érudits dans les
langues greque ôc latine. Il publia le premier tout
jeune encore, les poéfies d’Anacréon, qu’il tradui-
fit en latin. Il compofa l’apologie pour Hérodote,
efpece de fatyre contre les moines, qui lui en firent
un procès criminel, dont il échappa par la fuite ;
mais il s’eft immortalifé par fon tréfor de la langue
greque, en quatre tomes in-folio, qui parurent en
1571. Il mourut à Lyon en 1598. âgé de 70 ans ,
laiffant des fils, ôc une fille qu’Ifaac Cafaubon ne
dédaigna pas d’époufer.
Almelo véen a donné la vie des Etienne, qu’on peut
lire : cette famille a produit je ne fai combien de
gens de mérite.
Faujl ( Jean ) affocié pour l’imprimerie au célébré
Guttenberg, qui lui en apprit le fecret. Ils imprimèrent
conjointement avec le fecours de Schoeft
te r , plufieurs livres, ôc entr’autres la bible , dont
les fadeurs de Fauft apportèrent en 1470, divers
exemplaires à Paris, qu’ils vendirent d’abord foi-
xante écus piece, au lieu de quatre-vingt ou cent
écus, qu’ils en pouvoient tirer. Ce bon marché fur-
prit les acheteurs, qui ne fe laffoient d’admiter la
parfaite reffemblance qu’ils trouvoient dans l’écriture
de toutes ces bibles. Ils furent encore plus étonnés
de voir ces fadeurs en diminuer le prix jufqu’à
trente écus ; ôc n’en pouvant démêler la caufe, ils
les accuferent de magie. Enfin,, ils apprirent que
leurs exemplaires de la bible n’étoient point écrits,
mais imprimés fans aucun fortilége , par un nouvel
art, 6c à peu de frais , en comparaifon de l’écriture.
Alors ils le pourvurent en juftice contre les fadeurs
de Fauft ; mais le Parlement mit à néant toutes les
demandes de ceux qui avoient acheté des bibles de
ces étrangers , 6c les condamnèrent à les payer.
Froben ( Jean ) , natif d’Hammelburg , s’établit à
Balle, 8c y fit fleurir l’ Imprimerie fur la fin du xv .
fiecle. Ilnit le premier dans toute l’Allemagne qui
fut joindre à la délicateffe de fon art, le choix des
bons auteurs. On lui doit la première édition des
ouvrages d’Erafme en neuf tomes in-folio, les ou-
■ vrages de S. Jérôme, 8c de S. Auguftin ; 8c l’on prétend
que ce font fes trois chefs-d’oeuvre pour l’exa-
ditude. Il mourut en 15 1 7 , laiffant à fon fils Jérôme
, 6c à fon gendre Epifcopius, le foin de maintenir
la réputation de fon imprimerie. Nous devons
à ces deux derniers, aidés de Sigifmond Gélénius
pour la corredion des épreuves, l’édition des peres
grecs qu’ils commencèrent par les ouvrages de S.
Bafile ; mais quelque exades qu’elles foient, celles
du Louvre en ont fait tomber le mérite 8c le prix.
Gèrinc ( Ulric ) , allemand, fut un des trois imprimeurs
9 que les dodeurs de la maifon de Sorbonne
firent venir à Paris vers l’an 1470, pour y faire les
premières impreffions : les deux autres étoient Martin
Crantz , 8c Michel Friburger. Il paroît en 1477,
que Géring refta le maître des imprimeries établies
par la Sorbonne, 8c qu’il s^affocia Maynial en 1479 »
Rembolts prit la place de ce dernier en 1489 , ôc
Géring travailloit encore avec lui en 1508. Il mourut
en 1510, 6c employa les grandes richeffes qu’il
avoit acquifes dans fon art, à des fondations confi-
dérables en faveur des collèges de Sorbonne 6c de
Montaigu. Le premier livre qui fortit de la prelfe de
la maifon de Sorbonne , font les épîtres de Gafpa-
rinus Pergamenfis. Ce choix feul prouve affez la
I barbarie dans laquelle nous étions alors plongés*
& que l’art même de l ’Imprimerie ne put difliper
de long-tems.
Gravius ( Henri ) , né à Louvain , où il avoit en*
feigné la Théologie ; mais il fe rendit à Rome, ap-
pellé par le pape Sixte V ,qui lui donna l’intendance
de la bibliothèque, 6c de l’imprimerie du Vatican.
II y mourut peu de tems après, en 15 9 1 , âgé de
55 ans. ;
Gryphius ( Sébajlicn ) , né à Reutlingen , ville de
Souabe, fur la fin du xv. fiecle, vir infignis ac litte-
ratus y dit Majorage. Il s’établit à Ly on , où il s’acquit
un honneur fingulier, par la beauté 6c l’exa-
ftitude de fes impreffions. On eftime beaucoup fes
éditions de la bible en hébreu, 8c même tout ce qu’il
a donné dans cette langue. On ne fait pas moins de
cas dè la bible latine qu’il publia en 15 50, en 2 vol.
in-folio. Il fe fervit pour cette édition latine du plus
gros caraftere qu’on eût vu jufqu’alors. Elle ne cede
pour la beauté qu’à la feule bible imprimée au Louvre
en 1642, en neuf volumes in-folio.
Son tréfor de la langue fainte de Pagnin, qu’il mit
au jour en 1519? eft un chef-d’oeuvre. Il avoit de
très-habiles correcteurs ; l’errata des commentaires
fur la langue latine d’Etienne D ole t, n’eft que de
huit fautes, quoique cet ouvrage fotme 2. vol. in-
folio. Gryphius mourut en 15 56, à l’âge de 63 ans ;
mais fon fils Antoine Gryphius continua de foute-
nir la réputation de l’imprimerie paternelle.
Guttenberg ( Jean ) , voilà le citoyen de Mayence,
à qui l’opinion générale donne l’invention de l’Imprimerie
dans le milieu du xv. fiecle.
Après avoir effayé quelque tems l’idée qu’il en
avoit conçûe., il s’alTocia Jean Fauft, riche négociant
de la même ville'; 8c avec l’aide de Schoeffer,
qui étoit alors domeftique, 6c qui depuis fut gendre
de Fauft ; ils travaillèrent à exécuter leur deffein
depuis 1440. Leur ébauche .étoit d’abord très-imparfaite
, puifqu’ils ne firent que tailler des lettres
fur des planches de bois, comme on fait quand on ’
veut écrire fur les vignettes gravées en bois. Mais
ayant remarqué la longueur du travail qu’ils avoient
mis à imprimer de cette manière un vocabulaire latin
, intitulé Catholicon , ils inventèrent des lettres
détachées 6c mobiles qu’ils firent de bois dur, jufqu’à
ce que Schoeffer s’avifa de frapper des matrices
, pour avoir des lettres de métal fondu.
Tritheme qui nous apprend ces particularités, les
écrivoit en 1514 dans la chronique de Hirshaugen,
où il affûre qu’il les tenoit de Schoëffer lui-même ;
6c fon témoignage fur cette matière, eft appuyé par
l’auteur d’une chronique allemande, qui écrivoit
en 1499, ôc qui dit qu’il favoit ce fait particulier
d ’Olric Zell hanovrien , imprimeur à Cologne.
Il eft certain, que de toutes les premières impreffions
qui portent quelque date, on n’en connoît
point de plus anciennes, que celles de Fauft 6c de
Schoëffer. D ’ailleurs, ils fe font toûjours donnés
pour les premiers Imprimeurs de l’Europe, en marquant
que Dieu avoit favorifé la ville de Mayence,
de l’invention de ce bel art, fans qu’on voye que
perfonne pendant cinquante ans les ait démentis,
ni aitattribué cette découverte à d’autres. Confultez
l ’article IM P R IM E R IE , Hift. des inventions modernes.
Hervagius ( Jean ) , né à Balle, contemporain d’Erafme
, qui l’eftimoit beaucoup. Si Aide Manuce,
dit-il, a mis le premier au joui* le prince des orateurs
grecs, nous fommes redevables à Hervagius,
de l’avoir fait paroître dans un état beaucoup plus
accompli, 8c de n’avoir épargné ni foin, ni dépen-
fe , pour lui donner fa perfe&ion. L’imprimerie de
Balle, établie par Amerbach, foutenue par Froben,
ne tomba point fous Hervagius, qui époufa la veuve
de c.e dernier.
Jenfon ( Nicolas ) , né en F rance, alla s’établir à
Venife en i4 8 6 , où il furpaffa par la beauté de fc&
caratteres, les imprimeurs àllemans que cette ville
avoit eu jufqu’alors, 8c jetta les fondemens de la
réputation que l’imprimerie de Venife s’acquit de-,
puis par les beaux talens des Manuces.
Juntes ( Us ) Junta , font à jamais célèbres entre
les Imprimeurs du xvj. fiecle. Ils s’étalirent à Florence
, à Rome, 6c à Venife, 6c tinrent le premier
rang dans l’Italie avec les Manuces. Nous ne ceffons
d’admirer les éditions dont on leur eft redevable ;
6c on a des catalogues qui font voir avec étonnement
l’étendue 6c la multiplicité de leurs travaux.
Maire ( Jean ) , hollandois, prit le parti de fe fixer
à Leyde, 6c d’y donner de charmantes éditions de
livres latins. Grotius, Voffius, 6c Saumaife, en fai-
foient grand cas.
Manuces ■ {les') y ces habiles 8c laborieux artiftes
d’Italie, ont élevé l’Imprimerie dans leur pays au
plus haut degré d’honneur.
Aide Manuce, Aldus Pius Manucius , le chef de
cette famille, étoit natif de Baffano dans la marche
Trévifane. Il ailluftré fon nom par fes propres ouvrages.
On a de lui des notes fur Homère 6c fur Horace,
qui font encore eftimées ; mais il eft le premier
qui imprima correâement le grec fans a b ré v ia tions
, 6c grava de même que Colines y les carafteres1
romains de fon imprimerie. Il mourut à Venife en
15 16 , dans un âge fort avancé.
Paul Manuce fon fils, né en 1512, foutint la ré-'
putation de fon pere, 6c fut également verfé dans
l’intelligence des langues 6c des humanités. On lui
doit en ce genre la publication d’excellens ouvrages
de fa main, furies antiquités greques 6c romai-;
nés, outre des lettres compofées avec un travail
infini. On lui doit en particulier une édition très-'
eftimée des oeuvres de Cicéron, avec des notes 6c
des commentaires.
Pie IV . le mit à la tête de l’imprimerie apoftoli-
que 6c de la bibliothèque vaticane. II mourut à 6z
ans en 1 5 7 4 ,6c eut pour fils Aide Manuce le jeune,
qui fervit encore à rehauffer fa gloire.
En effet, ce dernier paffa pour l’un des plus fa-’
vans hommes de fonfiecle. Clément V lI I . lui donna
la direttion de l’imprimerie du Vatican; mais
cette place étant d’un fort modique revenu, il fut
contraint pour fubfifter, d’accepter une chaire de
rhétorique, 8c de vendre la magnifique bibliothèque
que fon pere, fon ay eul, fes grands oncles, avoient
formée avec un foin extrême, 6c qui contenoït, dit-
on, quatre-vingt mille volumes. Enfin, il mourut à
Rome en 1597 , fans autre récompenfe, que les éloges
dus à fon mérite ; mais il laiffa des ouvrages pré-'
cieux ; tels font fes commentaires fur C icéron, Horace
, Sallufte, 8c Velleius Paterculus, demêmequ®
.fon livre delV antichita delle romane infcriçioni. Ses
lettere font écrites avec la politeffe d’un homme de
cour qui feroit très-éclairé.
Mentel ( Jean ) , gentilhomme allemand de Strasbourg
, à qui quelques auteurs attribuent l’invention
de l’Imprimerie en 1440. Ils difent qu’il fit des lettres
de buis ou de poirier, puis d’étain fondu, 6c en-
fuite d’une matière compofée de plomb, d’étain, de
cuivre, 6c d’antimoine, mêlés enfemble. Ils ajoutent
que Mentel employa Guttemberg pour faire des
matrices 6c des moules; ÔC qu’enfuite Guttenberg fe
rendit à Mayence, où il s’affocia Fauft. Mais, outre
que tous ces faits ne font point appuyés de preuves ,
on ne produit aucun livre imprimé dans les premiers
tems à Strasbourg. Enfin, il eft certain que Guttenberg
8c fes affociés, ontpaffé pendant ço ans,pour
les inventeurs de l ’Imprimerie, 8c s’en font glorifiés
hautement, fans que perfonne fe foit alors avifé d®
les démentir, ni de leur oppôfer Mentel.
Millanges ( Simon), né dans le Lùnouûn en 1540,