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âmes de fens dont l’attention fe porte fur les malles. '
Homere, Virgile, Milton, le Taffe , Horace, Sophocle,
Eurypide, Corneille, Racine, ne font point
des .poètes ingénieux. Il n’y a point d’homme à qui
-ce titre convienne moins qu’à Démofthene & à
Boffuet. Un auteur qui court après des traits ingénieux
, fe peint à mon efprit fous la forme de celui
qui s’applique à frapper un caillou fur l’angle pour
en tirer une étincelle. Il m’amufe un moment. Il
fe dit à Paris plus de chofes ingénieufes en un jour
que dans tout le reffe du monde. Elles.ne coûtent
rien à cette-nation, qui fait aufli, quand il lui plaît,
s ’élever aux plus grandes.
INGÉNU, adj. ( Miß. anc. ) lignifioit chez les
Romains celui qui étoit né de parens libres, honnêtes
, nobles. Voye^ Libre.
Ifidore dit que ceux-là font appellés ingénus qui
naiffent libres, & qui n’ont que faire d’acquérir la
liberté : ingenui, cui libertatem h ab ent in genere, non
.in facto, Voye^ MANUMISSIO N.
•Une perfonne paffoit pour ingénue, quand elle
étoit*née d’une mere libre, quoique fofi pere fût
.efeiave. Voye{ Esclave.
Les ingénus pou voient pofféder des emplois, donner
leurs fuffrages , privilèges dont les affranchis
étoient exclus. Voye^ Affra n c h i.
Ingénu fignifie auffi quelquefois celui qui eff originaire
du pa ys, qui n’eff point étranger. Voye^
Na t if.
INGÉNUITÉ , f. f. Gram. ) Yingénuité eff dans
l ’ame; la naïveté dans le ton. U ingénuité eff la qualité
d’une ame innocente qui fe montre telle qu’elle
« f t , parce qu’il n’y a rien en elle qui l’oblige à fe
.cacher’. .L’innocence produit l’ingénuité, & l ’ingénuité
la franchife. On eff tenté de fuppofer toutes les
vertus dans les perfonnes ingénues. Que leur commerce
eff agréable ! Si elles ont parlé, onfent qu’elle
s dévoient dire ce qu’elles ont dit. Leur ame vient
fe peindre fur leurs levres, dans leurs y e u x , & dans
leu r expreflion. On leur découvre fon coeur avec
.d’autant plus de liberté, qu’on voit le leur tout entier.
Ont-elles fait une faute, elles l’avouent d’une
maniéré qui feroit prefque regretter qu’elles ne l’euf-
fent pas commife. Elles paroiffent innocentes juf-
que dans leurs erreurs ; 6c les coeurs doubles pa-
roiffent coupables, lors même qu’ils font innocens.
Il eff impoflible de fe fâcher long-tems contre les
.perfonnes ingénues ; elles defarment. Voyez Agnès
dans Y école des femmes. Leur vérité donne de l’intérêt
& de la grâce aux chofes les plus indifférentes.
.’Le petit chat eff mort; qu’eft-ce que cela? rien :
mais ce rien e ff de caraâere, & il plaît.
L” ingénuité a peu penfé, n’eft pas affez inftruite ;
la naïveté oublie pour un moment ce gu’elle a
penfé, le fentiment l’emporte. U ingénuité avoue,
révélé, manque au fecret, à la prudence ; la naïveté
exprime 6c peint ; elle manque quelquefois au ton
donné, aux égards ; les réflexions peuvent être naïves
, & elles le font quand on s’apperçoit aifément
qu’ elles partent du caraâere.L’ingénuité femble exclure
la réflexion ; elle n’eft point d’habitude fans
un peu de bétife, la naïveté fans beaucoup de fentiment
; on aime l’ingénuité dans l’enfance , parce
qu’elle fait efpérer de la candeur ; on l’exeufe dans
la jeuneffe, dans l’âge mûr on la méprife. L’Agnès
de Moliere eff ingénue ; l’Iphigénie de Racine eff
naïve 6c ingénue. Toutes les pallions peuvent être
naïves, même l’ambition ; elle l’eftquelquefois dans
l’Agrippine de Racine ; les pallions de l’homme qui
penfe font rarement ingénues.,
INGEVONS, ( Géog. anc.') Ingtevones, ancien
peuple du nord de l’Allemagne, vers la mer Baltique
; Pline remarque que les Ingévons comprenoient
fous eux les Cimbres, les Teutons, 6c les.Cauques ,
I N G Gauchi, & que toutes ces nations étoient voifines
de la mer. D ’un autre cô té, Tacite nous apprend
que les noms de Ingévons , Hermions, & Iftévons ,
étoient venus des héros qui avoient été les premiers
chefs des familles, lefquelles en fe multipliant avoient
formé ces trois peuples. C ’eft ainfi que Tacite nous
prouve l’inutilité des tortures que divers favans fe
font donnés dans ces derniers lïecles pour trouver
la lignification de ces noms. ( / ? . / . )
IN GOLSTAD, IngoLJladium , ( Géog. ) v ille d’Allemagne,
la plus forte de Bavière, avec une université
fondée en 1410, dont l’évêque d’Aichftad eff
le chancelier perpétuel comme diocéfain, & établit
pour vice-chancelier lé premier profeffeur de
Théologie. Quelques-uns ont appelle cette ville en
latin Aurèatum ; mais c’eft Aichftadt qu’il faut ainfi
nommer. Plufieurs auteurs écrivent Ingel(lad, 6c tirent
fon origine des Angles , ancien peuple faxon,
qui fe jetterent dans la Suabe, & laifferent des traces
de leur nom à Ingelheim, Ingolf ad , Engel-
bourg, &c. D ’autres lui donnant une origine plus
moderne, l’attribuent à de véritables anglois, qui
vinrent de leur pays prêcher le Chriftianifme en Allemagne
; parce que Aifchftad ville voifine, leur doit
fa naiflànce. Elle eff fur le Danube , à deux lieues
N. E. de Neubourg, 16 S. O . de Ratisbonne, 18-
N. O. de Munich. Long. 28. 46. lat. 48. 42. 6c fui-,
vant le P. Nicaife Grammatici, 48. 46. ( D . J. )
INGRANDE, Igorandis, ( Géog. ) petite ville de
Bretagne au bord de la Loire, aux confins de l’Anjou
; elle fait la féparation de l’Anjou & de la Bre-.
tagne. Long. 18.46. lat. 4S. 34 . fD . I . )
INGRATITUDE, f. f. ( Morale. ) oubli, ou plutôt
méconnoiffance des bienfaits reçus. Je la met-
trois volontiers cette méconnoiffance au rang des
pallions féroces ; mais du-moins on ne trouvera pas
mauvais que je la nomme un v ice iâche, bas, contre
nature, 6c odieux à tout le monde. Les ingrats ,
fuivant la remarque de Cicéron, s’attirent la haine
générale, parce que leur procédé décourageant les
perfonnes généreufes, il en réfulte un mal auquel
chacun ne peut s’empêcher de prendre part.
Quoique 1-ingratitude ne renferme aucune injufti-
ce proprement-dite, entant que celui de qui l’on a
reçu quelque bienfait, n’a point droit à la rigueur
d’en exiger du retour ; toutefois le nom d'ingrat dé-
figne une forte de caraftere plus infâme que celui
d’injufte ; car quelle efpérance aurois-je de toucher
une ame, que des bienfaits n’ont pû rendre fenfi-
ble ? Et quelle infamie de fe déclarer indigne par le
coeur de l’opinion favorable qu’on avoit donné de
-foi J
Si l’on réfléchit aux principes de ce v ic e , on s’ap-
percevra, qu’outre l’infenfîbilité dont il émane fi
fouvent, il découle encore de l’orgueil & de l’intérêt.
M. Duclos a très-bien dévoilé ces trois fources
de Yingratitude, dans fon livre fur les Moeurs , dont
je ne tirerai cependant que le précis.
« La première efpece à’ ingratitude, d i t - i l , eff
» celle' des âmes foibles, légères, 6c fans confiftan-
» ce. Affligées par le befoin préfent, fans vite fur l’a-
» v en ir, elles ne gardent aucune mémoire du paffé :
»elles demandent fans peine, reçoivent fans pu-
» deuf, & oublient fans remords. Dignes de mépris,
» ou tout au plus de compaflion, on peut les obh-
» ger par pitié, 6c par grandeur d’ame.
» Mais lien ne peut lauver de l’indignation celui
» qui ne pouvant fe diflimuler les bienfaits qu’il a
» reçus, cherche cependant à méconnoître ion bien-
» fait car. Souvent après avoir réclamé les iecours
» avec baffeffe , fon orgueil fe révolte contre tous
» les a&es de reconnoiflance qui peuvent-lui rap-
» peller une fituation humiliante ; il rougit du malr
» heur, & jamais du vice.
ï N G A l’égard de ces hômtries moins haïflables que
>» ceux que l’orgueil rend injuftes, 6c plus méprifa-!
h blés encore que les âmes légères & fans principes,
» dont nous avons parlé d’&bord , ils font dè la rè-
n connoiffance un commerce intéreffé ; ils croient
» pouvoir foumettre à un calcul arithmétique, les
>> férvices qu’ils ont reçus ; ils ignorent qu’il n’y a
ji> point d’équation pour les fentimens, & quel’avan-
» tage du bienfaiteur fur celui qu’il a prévenu par
» fes fervives , eff en quelque maniéré iriappré-
» ciable ».
Telles font les principales fources qui font germer
l’ingratitude de toutes parts. Ceux qui mettent
leur efpoir dans la reconnoiflance des gens qu’ils
obligent, n’ont pas affez réfléchi fur cette matière ;
le fymbole des ingrats, ce n’eft point le ferpent,
c’eft l’homme. En effet, tant de conditions font re-
quifes pour s’acquitter dignement d’un bienfait notable,
que cette confidération fit dire aux Stoïciens,
qu’il n’y avoit que leur feul fage qui les fût dignement
remplir.
Celui qui ne rend pas la pareille à fon bienfaiteur,
lorfqu’il le peut, eft un ingrat. Le manque de re-
connoiffanee intérieure d’un plaifirreçu, eft une
branche d’ingratitude. Puifqu’on a trouvé Paine
prompte 6c ouverte à obliger, il faut avoir la bouche
prompte à publier le bienfait, 6c l’ame ouverte
à le fentir : c’eft ainfi que le plus pauvre homme du
monde peut dignement s’acquitter. Le romain qui
venant d’obtenir d’Augufte la liberté de fon pere ,
lui dit les larmes aux y eu x , qu’il le réduifoit à la né-
çeflité de vivre 6c de mourir ingrat vis-à-vis de lui,
tenoit bien le propos d’une ame reconnoiffante. On
ne tombe point dans Yingratitude,lorfque les moyens
extérieurs^nous manquent, fi notre coeur eft vraiment
fenfible : le coeur mefure les fervices qu’on
rend, & le coeur en mefure aufli le reffentiment.
Je croirois que c’eft une forte de méconnoiffance,
quand l’on s’empreffe trop de fottir d’obligation,
d’effacer le plaifir reçu , & de demeurer quitte par
une efpece de compenfation, munus rnunere expun-
gendo ; car les lois de la gratitude font différentes de
Celles d’une place de change.
Ceux4 à font encore plus blâmables , qui pour
Compenfation, payent avec de la pâte de belles hé-\
catombes , & qui préfentent à Mercure des noyaux
pour d’excellens fruits qu’ils ont reçus de fa main
libérale.
Mais que penfer de ces gens d’un naturel fi dépravé,
qu’ils rendent Tè'mal pour le bien ; fembla-
bles à ces mauvaifes herbes, qui brûlent la terre qui
les nourrit. Il arrive quelquefois, dit Tacite, que
Iqrfqu’un fervice eft au-defl’us de la réeompenfe ,
Yingratitude 6c la haine même prennent la place de
la reconnoiflance & de l’amitié, progratiâ -rependi-
tur odium. Séneque qui a épuifé ce fujet, Va plus
loin que Tacite ; il ajoute que de tels monftres font
capables de haïr à proportion qu’on les oblige.
Quoi donc, ce qui doit le plus porter à la gratitude,
produiroit des effets fi contraires ? S’il étoït vrai que
la bienfaifance pût exciter la haine, & qu’une fi
belle mere fût capable de mettre au jour un enfant
fi difforme , il ne faudrôit pas s’étonner de voir des-
cara&eres difficiles à recevoir des faveurs. Il eft
vrai qu’on ne doit pas prendre de toutes mains, ni
donner de toutes mains ; s’il convient de recueillir
des grâces avec fentiment, avec jugement, il eft
bon de les difpenfer de même ; mais d’ordinaire,
hôus .ne favons faire ni l’un ni l’autre.
Quelques auteurs ont prétendu que les lois d’aucun
peuple n’avoient porté de peines contre Yingratitude
, non plus que contre le parricide, pour ne pas
Jjréfuppofer des chofes fi déteftables, 6c qu’une voix
îeçrete de toute la nature femble affez condamner ;
Tome m i .
ï N G 74 5 thaïs l’ôh pôùr'roit leur nommer les Perles, les Athéi
niens, les Medes , ou plutôt lès Macédoniens, qui
Ont reçu dans leurs tribunaux de jûftice l ’aftion contre
les ingrats. Les Romains & les Marféillôis avoient
autrefois des peines impôféés fcofttre les affranchis
ingrate envers leurs anciens maîtres;
Ces fortes d’exemples avérés par l’hiftoirc, ont
fait fouhaiter à d’honnêtes citoyens, qli’i î y eût dans
un fiëcle tel que le nôtre, Une peine certaine & ea-
pitale établie contre ce vice, qui n’a plus de bor*
nés à caüfe de fon impunité. Hé quoi, répond M. Iç
Vayer , voudroit-on dépeupler le monde ? Il n’y à
point de prifons affez fpacieufes pour refferrer la
multitude de ceux qu’on accuferoit, ni beaucoup
moins de places capables de recevoir le nombre de
plaideurs, que cette forte d’aâion feroit éclorre. Le’
Pnyce d’Athènes 6c les amphithéâtres de l’ancienné
Rome ne fuffiroient pas au concours d’accufatetirs
6c d’accufés.
Peut-être encore que fi le nombre d’ingrats étciit
reconnu aufli grand qu’il eft par les pourfuites judiciaires
d’une a&ion de droit reçue, on h’auroit plus
de honte de fe trouver en fi belle & fi nombreufe
compagnie, compofée principalement de gens du
premier ordre , tous couverts de foie, d’o r , & dè
pourpre.
Ajoutons que , comme il n’y auroit prefque perfonne
qui né fe plaignît d’avoir été payé A’ingratitude,
il feroit très-difficile de pefer exaftement les cir-:
confiances qui augmentent ou qui diminuent le prix
d’un bien fait.
Enfin, le mérite du bienfait feroit perdu, fi l’on
pouvoit pourfuivre un ingrat comme on pourfuit un
débiteur , ou une perfonne qui s’eft engagée par un
contrat de louage. Le but propre d’un bienfait, c’eft-
à-dire d’un fervice, pour lequel on ne ftipule point
de retour, c’eft d’un côté, de fournir l’occafion à
celui qui le reçoit, de juftifier fa libre reconnoiffan-
ce par l’amour de la vertu; & de l’autre, de mon-'
trer en n’éxigeant rien de celui à qui l’on donne,
qu’on lui fait du bien gratuitement, 6c non par des
vûes d’intérêt.
Quoique rien n’oblige de fournir dé beaux habits
à des fous qui les déchirent, il faut toûjburs compter
fur Yingratitude dès hûméins, 6c plutôt s’y expo*
fer, que de manquer aux miférables. L’injure fe gra -1
ve'fuf'Je métal ; une grâce réçûefe tracéfur le fable,
6c difparoît au moindre vent. Il faut moins fervir lés
hommes pour l’amour d’éux, difoit un fage de-la
Grece, que pour l’amour des dieux qui le commandent,
& qui récompenfent eux-mêmes IèS bienfaits.
C ’eft pourquoi Virgile place les âmes bienfaifantes
dans les champs ëliiées/:
Qadque fui. mémprqs alioi fecere merendo ,.
Omnibus hlc nived cinguntur tempora vitd. ,
. On fait le mot de ce bon religieux rapporté jJar
Philippe de Comines, au fujet de Jean Gàlëas ; duc
de Milan. « Nous nommons faints, toits'ceux qui
» nous font du bieh 5>.- Je tiens pour dieu ,■ tout'-cé-
qui me nourrit, difôifl’ancien proverbe greé. f p . /.)
In g r a t it u d e , ( Jufifprud. ) Y ingratitude dit donataire
envers- le donateur eft une jtiftè câufe pour
révoquer une donation entre-vifs , quoiqu'e''de fa
nature elle foit irrévocable.
: Le donataire eft côiîpable ^ingratitude, lôirfqu’il
a fait quelque injure grave aü donateur,- où cju’il Ta
bâttu & outragé, qu’il lui a caüfé de’deffein“pré-:
médité la perte de fes biens ; s’il a refüfé des alimens
au donateur tombé dans l’indigence j 's-’il- a attente
àTa v ie , ou y a fait attenter par d’autres enfin, fi
par affe&ation il a petfifté dans üri rëflis opiniâtre
de fatisfaire aux claufes de la dOnatiom - '
- Ge droit de révoquer une donatioh pbiir caùfe
B B b b b ij