» éclat ébloüiffant ; il en eft de même de ces mé-
» taux éclatans, dont-le poids nous paroît fi léger,
w lorfqu’il eft reparti fur tous les plis de nos vête-
» mens pour en faire la parure. Ces pierres , cés
y> métaux font moins des ornemens pour nous, que
» des lignes pour les, autres , auxquels ils doivent
•» nous remarquer & reconnoître nos richeffes. Nous
»> tâchons de leur en donner une plus grande idée,
» en aggrandiffant la furface de ces métaux ; nous
» voulons fixer leurs y e u x , ou plutôt les ébloiiir.
» Combien peu y en a-t-il en effet qui foient capa-
» blés de féparer la perfonne de fon vêtement, 8c
» de juger fans mélange l’homme & le métal !
» Tout ce qui eft rare & brillant fera donc toû-
» jours de mode, tant que les hommes tireront plus
» d’avantage de l’opulence que de la vertu, tant
» que les moyens de paroître confidérables feront dif-
» ferens de ce qui mérite d’être feul confidéré. L’éclat
» extérieur dépend beaucoup de la maniéré de fe
» vêtir.-Cette maniéré prend des formes différentes,
» félon les différens points de vue fous lefquels nous
» voulons être regardés. L’homme glorieux ne né-
» glige rien de ce qui peut étayer fon orgueil ou fia-
» ter fa vanité ; on le reconnoît à la richefl'e ou à
» la recherche de fes ajuftemens.
» Un autre point de vue que les hommes ont affez
» généralement, eft de rendre leur corps plus grand,
» plus étendu ; peu contens du petit cfpace dans Ie-
• » quel eft circonfcrit notre être, nous voulons tenir
» plus de place en ce monde, que 1$ nature ne peut
» nous en donner; nous cherchons à aggrandir notre
» figure par des chauffures élevées, par des vête-
» mens renflés ; quelque amples qu’ils puiffent être,
» la vanité qu’ils couvrent n’eft-elle pas encore plus
» grande » ?
Mais laiffons l’homme vain faire parade de fon
mérite emprunté, 8c confidérons l’induftrie de l’étoffe
qu’il porte, dont i l eft redevable au génie du
fabriquant.
C ’eft un beau coup-d’oeil, fi j ’ofe parler ainfi, que
la contemplation de tout ce que l’art a déployé fuc-
ceffivement de beautés 8c de magnificence, à l’aide
de moyens fimples dont le hafard a prefque toûjolirs
préfenté l’ufage. La laine, le lin , la foie, le coton,
•ou le mélange de cés chofes les unes avec les autres
, ont conftitué la matière 8c le fond de toutes les
étoffes & toiles fines ; le travail & les couleurs en
font le prix 8c la différence. Ainfi d’un cô té, la dépouille
des animaux , les productions de la terre,
l’ouvrage des vers ; & de l’autre des coquillages,
des infe&es, la graine des arbres, le fuc des plantes,
8cquelques drogues, fervent à la compofition
de tous les vêtemens.
Les Phrygiens trouvèrent l’art de broder avec
l’aiguille ; leur ouvrage étoit relevé en boffe, cmi-
nebat ac afperior reddebatur : les Babyloniens au contraire
ne formoient qu’un tiffu qui n’étoit chargé
que de la différence des couleurs , tegmen unité pic-
tum de coloribus variis ; 8c après cela ils employoient
l’aiguille fur ce tiffu : ces deux peuples rendoient
également les figures. D e nouveaux ouvriers s’élevèrent
à Alexandrie, q ui, avec la feule navette &
des fils de couleurs différentes, étendirent plus loin
l’indùftrië. Voilà ce que nousfavons des anciens.
Je ne parlerai pas de la perfection oîi l’on a porté
dans nos tems modernes la variété, le goût, la ri-
cheffe, la folidité, la durée, en un mot les fabriques
admirables des principales étoffes qui fervent aux
vêtemens , à la parure , & aux ameublemCns. C ’eft
affez de dire que les anciens n’ont rien connu de pareil.
On donne dans cet Ouvrage les principales manoeuvres
des Arts & Métiers par lefquels on exécute
tant de beaux ou d’utiles ouvrages ; le difeours en
décrit les opérations à chaque article; la gravure
les repréfente à l’oeil : l’un 8c l’autre réunis en dévoilent
le fecret à la poftérité ; 8c c’eft ce qui n’avoit
point encore été fait jufqu’à ce jour. (Z>. /.) Habits des Romains, ( l i l f . anc.) habits particuliers
à ce peuple célébré.
II importe beaucoup de les connoître, tant pour
l’intelligence des auteurs facrés 8c prophanes , que
potir celle des loix 8c des monumens antiques ; on le
prouveroit par plufieurs recherches d’érudition.
Lifeç fur ce point Oftav. Ferrarius, de re vejliariâ Ro-
manorum, libri VII. Patav. 1670 , in;4°.
Les habits des Romains, dans les anciens tems,
n’étoient formés que de diverfes peaux de bêtes ,
auxquelles ils firent fuccéder de groffes étoffes de
laine, qu’on perfectionna 8c qu’on rendit plus fines
dans la fuite ; mais le genre de vie des premiers Romains
étoit fi groflïer, qu’il approchoit de celui des
fauvages. Pendant plufieurs fiecles, ils eurent fi peu
d’attention à l’extérieur de leur perfonne pour la
propreté 8c la parure, qu’ils laiffoient croître leurs
cheveux 8c leur barbe, fans en prendre aucun foin.
Les habits annexés aux charges éminentes de là
république, fe reffentoient de ce goût fi peu recherché
, & ne différoient des autres que par quelques
ornemens de pourpre ; ils penfoient que les dignités
par elles-mêmes & par la maniéré de les remplir,
dévoient fuffire pour imprimer tout le refpeCt qui
leur étoit dû , fans emprunter l’éclat d’une magnificence
qui ne frappe que les yeux du vulgaire, 8c
qui d’ailleurs ne convenoit point à l’efprit républicain
dont ils étoient épris.
Quand les étoffes de laine furent introduites , ils
fe firent des tuniques amples avec des manches larges
& fi courtes, qu’à peine elles defeendoient juf-
qu’au coude : cette mode même dura long-tems;
car il paroît que ce ne fut que vers lefiecle de Con-
ftantin qu’ils prolongèrent les manches prefque jufqu’au
poignet. C’étoit fur cette ample tunique qu’on
mettoit une ceinture, & par-deffus une robe fanis
manches, comme une efpece de manteau large ouvert
par-devant, qu’on appelloit toge : on en faifoit
paffer un des bouts par-deffus l’épaule gauche , afin
d’avoir le bras droit plus libre ; & lorfqu’on vouloit
agir avec cet habillement, on le retrouffoit en le
tournant autour du corps.
Sous la république, la maniéré ordinaire, en allant
par les rues, étoit de le laiffer defeendre prefque
fur les talons ; Augufte amena la mode de le relever
plus haut ; enforte que par-devant on le laiffoit
tomber un peu au-deffous du genou, 8c par-der-
riere jufqu’à mi-jambe.
Lorfque les Romains devinrent plus riches, on
fit la toge d’une étoffe de laine fine 8c blanche pour
l’ordinaire : c’étoit dans fon origine un habit d’honneur
défendu au petit peuple, qui n’alloit par la
ville qu’avec la fimple tunique ; il étoit pareillement
défendu à ceux qû’on envoyoit en exil : cependant
on quittoit ordinairement la toge en campagne, où
l’on fe fervoit d’un habit, plus court & moins embar-
raffant. A l’égard de la v ille , la bienféance vouloit
qu’on n’y parût qu’avec cet habillement : enfuite
quand il devint commun à prefque tout le monde*
il n’y eut plus que la fineffe de l’étoffe 8c la plus
grande ampleur de cette robe qui diftinguât les personnes
riches. La toge fut commune aux deux fe-
xe s , jufqu’à ce que, vers l è déclin de la république,
quelques femmes de Qualité prirent l’ufage de la
robe nommée fioleï:alors la toge ne fut plus que
l’apanage des nommes, des femmes du menu peuple
, 8c des libertines. Voye\ Stole.
La robe qu’on appelloit prétexte avoit beaucoup
de reffemblancè avec la toge ; c’étoit celle qu’on faifoit
p.orter aux enfans-de qualité r^dès qu’ils avoient
atteint l’âge de douze ans2 ilsquittoient Y habit d’enfance,
qui étoit une vefte à mouches, qu’on appelloit
alicata chlatnis, pour porter la prétexte, à caiife
qu’elle étoit bordée de pourpre : les magiftrats , les
prêtres & les augures s’en fervoient dans de certaines
cérémonies.
Les fénateurs avoient fous ce'tte robe une tuni-,
que qu’on nommoit laticlave, & qu’on a long-tems
pris à la lettre pour un habillement garni de larges
têtes de doux de pourpre , mais qu’on a reconnu
depuis ne lignifier qu’une étoffe à larges bandes ou
raies de pourpre, de même que celle qu’on nommoit
angufli-cïave, qui étoit propre aux chevaliers pour
les diftinguer des fénateurs, & qui n’étoit pareillement
qu’une étoffe à bandes de pourpre plus étroites.
Voye^ Laticlave.
Les enfans des fénateurs 8c des magiftrats curules
ne portaient la tunique laticlave qu’après avoir pris
la robe virile ; jufqu’à ce tems-là, ils n’avoientpoint
d’autres marques de diftinftion, outre la robe prétexte
, que ce qu’on appelloit bulla, qui étoit un petit
coeur qui leur pendoit fur la poitrine : ils avoient
encore le droit de porter la robe qu’on nommoit
irabcea ; cette robe étoit affez femblable à la toge ,
feulement un peu plus courte,& - rayée de blanc,
d’or & de pourpre : on afsûre qu’elle avoit été affectée
aux rois de Rome.
Ce qu’on appelloit lacerne étoit un manteau pour
le mauvais tems , 8c qui fe mettoit par - deffus la
toge. Dans les commencemens, on ne s’en fervoit
qu’à la guerre ; la lacerne s’attaehoit par-devant
avec une boucle ; on y joignoit un capuchon, cucul-
lus , qu’on ôtoit quand On vouloit : de-là le paffage
d’Horace , odoratum capnt obfcurante lacernâ. Sat. vij.
I. IL v. 55. On avoit des làcernes pour l’hiver, qui:
étoient d’une groffe étoffe ; 8c pour l’été d’une étoffe
plus fine, mais toujours de laine. Il eft vrai que
jufqu’au tems de Cicéron , ces fortes de manteaux
ne furent prefque qu’à l’ufage du peuple ; mais comme
on les trouva commodes, tout le monde s’en fer-
vit d’abord pour la campagne, enfuite pour la ville.
Les dames quand elles fortoient le foir, les perfon-
nes de qualité , & les empereurs mêmes mettaient
ce manteau par-deffus la toge, lorfqu’ils alloient fur
la place 8c au cirque. Ceux du peuple étoient d’une
couleur brune ou blanche ; ceux des fénateurs, de
pourpre ; 8c ceux des empereurs, d’écarlate. On ob-
fervoit cependant quand on paroiffoit devant l’empereur,
de quitter ce manteau par refpeû. Voye^ Lacerne.
La fyntkèfe étoit une autre efpéce de manteau fort
large, que les Romains mettoient pour manger,
comme un habillement plus commode pour être à
table couchés fur les lits. Martial nous apprend que
de fon tems il y avoit des particuliers qui par un air
de luxe en changeoient fouvent pendant le repas. La
couleur en étoir ordinairement blanche & jamais
noire, pas même dans les repas qu’on donnoit aux:
funérailles. La puLlata veflis défigne pour le deuil, un habit qui fe portait peuple ; la coul8euc r deonn té touifto; into oirred i,n maiirneimmeen,t o'lue pberutit
cnaer, e&ll ela a fvoormit ed aef fez femblable à celle de la lacerne ; même un capuchon.
L’habit militaire etoit une tunique jufte fur le
corps, qui defeendoit jufqu’à la moitié des cuiffes,
& par-deffus laquelle s’endoffoit la cuiraffe. C ’étoit
avec cet habit que les Romains dans leurs exercices,
ou en montant à cheval, mettoient certaines petites
chauffes nommées campefres, qui leur tenoient lieu
de culottes ; car ordinairement ils ne les portoient
point avec les habits longs.
Le paludamentum nous préfente le manteau de
guerre des officiers ; il reffembloit à celui que les
Crées nommoient clamyde y fe mettoit aiiffi pardeffus
la cuiraffe, 8c s’attachoit avec une bouclé
fur l’épaule droite, enforte que ce côté étoit tout découvert
; afin que le mouvement du bras fût libre,
comme on le voit dans les ftatues antiques.
Au lieu de paludamentum, les foldats portoient à
l’armée fur leur cuiraffe une efpece de cafaque ou
fa y e , qu’ils appelloient fagum.
Outre ces différens habillemens, il y en avoit de
particuliers^ attachés à certaines dignités ou à de
certaines cérémonies , comme la robe triomphale
ioga triumphalis. Voye^ Robe TRIOMPHALE.
Nous ne parcourrons pas leurs autres habits ,
parce que nous n’en connoiffons que les noms ; mais
On comprend fans peine que les guerres, le luxe 8c
le commerce avec les nations étrangères, introduifi-
rent dans l’empire plufieurs vêtemens dont il n’eft
pas poffible de marquer les carafteres & les différentes
modes.
Sous les uns ou les autres des habits que nous v e nons
de décrire en peu de mots, les Romains hommes
& femmes portoient ordinairement deux tuniques
; la plus fine qu’on mettoit fur la peau, tenoit
lieu de chemife ; celle des hommes étoit très-jufte,
fans manches, 8c ne defeendoit qu’à mi - jambe ;
celle des femmes étoit plus longue, plus ample, 8c
avoit des manches qui venoient jufqu’au coude :
c’étoit s’écarter de la modeftie, & prendre un air
trop libre , que de ne pas donner à cette chemife
la longueur ordinaire ; elle prenoit jufte au cou
des femmes, 8c ne laiffoit voir que leur vifage ,
dans les premiers tems de la fondation de Rome. ‘
L’autre tunique qui étoit fort large , fe mettoit
immédiatement fous' la robe ; mais lorfque le luxe
eut amené l’ufage de l’or 8c des pierreries, on commença
impunément à ouvrir les tuniques & à montrer
la gorge. La vanité gagna du terrein, & les tuniques
s’échancrerent ; fouvent même les manches,
au rapport d’EIien , ne furent plus coufues ; & du
haut de l’épaule jufqu’au poignet, on les attachoit
avec desàgraffes d’or & d’argent ; de telle forte cependant
qu’un côté de la tunique pofant à demeure
fur l’épaule gauche, l’autre côté tomboit négligemment
fur la partie fupérieure du bras droit.
Les femmes mettoient une ceinture, çona, fur là
grande tunique, foit qu’elles s’en ferviffent pour la
relever, foit qu’en fe ferrant davantage elles trou-
vafferit moyen de tenir en refpett le nombre 8c l’arrangement
de fes plis. Il y avoit de la grâce 8c de la
nobleffe de relever en marchant, à la hauteur de la
main, le lais de la tunique qui tomboit au côté
droit, 8c tout le bas de la jambe droite fe trouvoit
alors découvert. Quelques dames faifoient peu d’ufa-
ge de leur ceinture , &: laiffoient traîner leur tunique
; mais on le regardoit comme un air de négligence
trop marqué : de-là ces expreffions latines ;
aleè cincli, ou difcincli, pour peindre le cara&ere
d’un homme courageux, ou efféminé.
Le nombre des tuniques s’augmenta infenfible-
ment ; Augufte en avoit jufqu’à quatre, fans compter
une efpece de camifole qu’il mettoit fur la peau
avec un pourpoint, le refte du corps extrêmement
garni, & une bonne robe fourrée par-deffus le toutJ
Ce même prince n’étoit pas moins fenfifile au chaud
il couchoit pendant l’été prefque nud , les portes de
fa chambre ouvertes, le plus fouvent au milieu d’un,
périftyle, au bruit d’une fontaine dont il refpiroit la
fraîcheur, pendant qu’un officier de fa chambre, un
éventail à la main, agitoit l’air autour de fon lit-'
Voilà l’homme à qui d’heureux hafards ouvrirent
le chemin de l’empire du monde ! Mais ce n’eft pas
ici le lieu de réfléchir fur les jeux de la fortune ; il
ne s’agit que de parler des vêtemens romains.
Les femmes fuivirent en cela l’exemple des hommes
; leurs tuniques fe multiplièrent ; la mode vint