
HESPERIDES, fub. f. pl.(fflft- & Myth.)fille s
tl’Hefperus felon les uns, 6c d’Atlas félon les autres.
Rapportons ici ce que PHiftoire nous a tranfmis de
ces fameufes nymphes, & ce que les poëtes en ont
publié; c’eft tout ce que je veux.extraire fuccinâc-
ment d’un grand mémoire que j’ai lu fur ce fujet,
dans le reciuil de l'atadimie des Infcriptions,
Selon Paléphate, Hefperus étoit un riche Mile-
lien qui vint s’établir dans la Carie. Il eut deux filles
nommées Hcfpéridts, qui avôient de nombreux troupeaux
de brebis, qu’on appèlloit brebis d'or, à caufe
de -leur beauté; Ou, ce que j’aurois mieux aimé
dire , à caufe du produit qu’elles en retiroient. Ces
nymphes, ajoute Paléphate, confièrent la garde de
leur troupeau k un berger nommé Dracon y mais
Hercule paflant par le pays qu’habitoient les filles
d’Hefperus, enleva 6c le berger & le troupeau. Var-
ron 6c Servius ont adopté Ce récit fimple & naturel.
D ’autres écrivains en grand nombre, changent
le berger desHtfpérides en jardinier, 6c leurs troupeaux
en fruits nommés pommes d'or par les Grecs,
foit à caufe de leur couleur, de leur goût excellent,
ou de leur rapport. Cette fécondé opinion n’a pas
moins de partifans que la première ; 6c il femble
même que dans la fuite des tems elle foit devenue,
fur-tout parmi les modernes, l’opinion dominante,
enforte que les uns ont entendu par ces pommes
d’or des coings, d’autres des oranges, 6c d’autres
des citrons.
Diodore ne prend point de parti fur t e dernier
article, parce que, dit-il, le mot grçr dont
les anciens auteurs fe font ferVis, p^ut fienifier également
des pommes ou des brebis, mais il entre
dans les détails fur l’hiftoire même des Hefpérides.
Si nous l’en croyons-, Hefperus 6c Atlas étoient
deux freres-, qui poïïédoient de grandes richeffes
dans la partie la plus occidentale de l’Afrique. Hefperus
eut une-fille appcllée Hefpérie, qui donna fon
nom à tonteia contrée ; elle époufa fon oncle Atlas,
& de ce mariage fortirent fept filles, qu’on appella
tantôt Hefpérides, du nom de leur raere, 6c de leur
ayeirl maternel, tantôt Atlantides , du nom de leur
g p l
Elles faifoient valoir foigneufement, ou des troupeaux
, ou des fruits, dont elles tiroient de bons revenus.
Comme elles étoient aufli belles que fages,
leur mérite fit beaucoup de bruit dans le monde.
Bufiris, roi d’Egypte, devint amoureux d’elles fur
leur réputation ; 6c jugeant bien que fur la fiennfe
i l ne réufliroit pas par une recherche régulière, il
envoya des pirates pour les enlever. Ceux-ci épièrent
le tems oîi elles fe réjouifloient entr’elles dans
un jardin, & exécutèrent l’ordre du tyran. Au moment
qu’ils s’en retournoient tout fiers de leur proie,
Hercule qui revenoit de quelques-unes de fes expéditions
, les rencontra fur le rivage, oii ils étoient
defeendus pour prendre un repas. Il apprit de ces
aimables filles leur avanture, tua les corl'aires, mit
les belles captives en liberté, & les ramena chez
leur pere.
Atlas charmé de revoir fes filles, fit préfent à leur
libérateur de ces troupeaux, ou de ces fruits , qui
faifoient leurs richeffes. Hercule, fort content de la
réception d Atlas, qui lavoit même initié par fur-
croît de reconnoilfance dans les myfteres de l’Aftro-
nomie, revint dans la Grece, 6c y porta les préfens
dont fon hôte l’avoit comblé.
Pline embraffe l’opinion de ceux qui donnent des
fruits & non des troupeaux aux Hefpérides , & paroît
vouloir placer leurs jardins à Lixe , ville de Mauritanie
: un bras de mêr, dit-il, ferpente autour de
cette v ille , 6c c eft ce bras de mer qui a donné aux
poëtes l’idée de leur affreux dragon.
Si l’on fuit les autres hiftoriéns, de la narration
delquels jeneme propofe point d’enrtityer le lefteur!
on trouvera que ce qu’il y a d’inconteftable touchant
les Hefpérides fe réduit à ces trois ou quatre articles:
qu’elles étoient feeurs ; qu’elles poffédoient une forte
de bien, dont elles étoient redevables à leurs foins
& à la bonté du terroir qn’eüescùltivoient ; que
leur demeure étoit bien gardée ; 6c qu’enfin Hercule
étant àllé chez elles, il remporta dans la Grece de
ces fruits, ou de ces troupeaux > qui leur étoient
d un bon revenu.
Mais il faut voir ce que les pôëtés ont fait de ce
peu de matière, & quelle forme ils ont fu lui donner.
Ils changent le lieu qu’habitoient les Hefpérides
en un jardin magnifique & délicieux ; l’or y brille
de toutes parts ; les fruits, les feuilles 6c les rameaux
que portent ces arbres, font de précieux métal ;
Ovide nous en affure,
■ca; auro ramos, ex auro poma ferebant.
Métam. lib. IV.
Toutes ces richeffes font gardées par un horrible
,f*80n» <ïui a cent têtes, & qui pouffe en l’air cent
differentes fortes de fifflemens ; aufli les pommes fur
lefquelles il tient fans ceffe les yeux ouverts, charment
la vue par leur beauté , 6c font fur les coeurs
des impreflions dont il eft impoflîble de fe défendre.
Lorfque Jupiter époufa Junon, cette déeffe lui porta
de ces pommes en mariage, & n e crut pas pouvoir
lui payer fa dot plus magnifiquement. Ce fut avec
une de ces pommes que la Diicorde mit la divifion
entre trois des plus grandes divinités du ciel, entre
Junon, Venus &c Pallas ; & p a r cette feule pomme,
elle jetta le trouble dans tout l’olympe. Ce fut avec
ces mêmes pommes qu’Hippomene adoucit la fiere
Atalante, la rendit fenfible à fes voe u x, & lui fit
éprouver toutes les fureurs de l’amour.
Tandis que^ ces memes poëtes font de ces jardins
un féjour raviffant, ils font de celles qui l’habitent
autant d’enchantereffes ; elles ont des voix admirables
; elles tempèrent leurs travaux par des concerts
divins ; elles aiment k prendre toutes fortes de figures
, 6c k étonner les yeux des fpeûateurs par des
métamorphofes également foudaines 6c merveilleu-
fes. Les Argonautes arrivent-ils auprès d’elles, Hef-
péra devient un peuplier, Erythéis eft un ormeau,
Eglée fe change en iaule.
Il ne reftoit plus aux poëtes, pour rendre les Hefpérides
refpe&ables de tout point, que de les marquer
au coin de la religion, 6c que d’en créer des
divinités dans toutes les formes. Ces beaux génies
n y ont pas manqué : ils leur ont donné un temple ;
ils y ont joint une prêtreffe, redoutable par l’empire
fouverain qu’elle exerce fur- toute la nature.
C ’eft cette prêtreffe qui garde elle-même les rameaux
facrés, & qui nourrit le dragon de miel 6c
de pavots. Elle commande aux noirs chagrins, 6c
fait a fon gré les envoyer dans les coeurs des mortels,
ou les chaffer de leur ame avec la même facir
lité ; elle arrête le cours des fleuves ; elles force les
aftres à retourner en arriéré ; elle contraint les morts
à fortir de leurs tombes ; on entend la terre mugir
fous fes pieds, 6c k fon ordre on voit les ormeaux
defeendre des montagnes. Loin d’exagérer, je ne fais
que rendre en mauvaife profe la peinture qu’en fait
Virgile en de très-beaux vers :
Hefperidum templi cuflos, epulafque draconi
Quoe dabat , &facros fervabat in arbore ramos •
S par gens humida rnella , foporiferumque papayer ;
Hcecfc carminibus promittit folvere mentes ,
Quns velu, ajl aliis duras immittere curas :
Siflere aquam Jluviis , & fidera vertere retrô,
VT ^°^urnos cerram y & defeendere mon ci bu s ornos..
C eft ainfi que les poëtes peuvent tout embellir; ôc
(juè, grâces à leurs talens, ils trouvent dans les fu-
jets les plus ftériles des fources inépuifables de merveilles.
Peu nous doit importer, fi l’on remarque dans
leurs embelliffemens une infinité de différences. Ce
font des chofes inléparables des fixions de l’efprit
humain, & ce feroit une entreprife ridicule de vouloir
les concilier. C ’eft affez que les poëtes conviennent
enfemble que les Hefpérides font loeurs ; que
leurs richeffes confiftoient en pommes d’or; que ces
pommes étoient gardées par un dragon ; qu’Hercule
pourtant trouva le moyen d’en cueillir, & d’en emporter
dans la Grece. Mais, dira-t-on, ils font divifés
fur prefque tous les autres faits ; ils ne s’accordent, ni
fur la naiffance de ces nymphes, ni fur leur nombre,
ni fur la généalogie du dragon, ni fur le lieu oit les
jardins des Hefpérides étoient fitués, ni finalement
fur la maniéré dont Hercule s’y prit pour avoir de
leurs fruits. Tout Cela eft très-vrai, mais ces variétés
d’idées ne nuifent à perfonne ; les fi&ions ingénieu-
fes feront celles auxquelles nous donnerons notre
attache, fans nous embarraflèr des autres.
Héfiode, par exemple, veut que les Hefpérides
foient nées de la Nuit; peut-être donne-t-il une mere
fi laide à des filles fi belles, parce qu’elles habitoient
à l’extrémité de l’occident, où l’on faifoit commencer
l’empire de la Nuit. Lorfque Chérécrate au contraire
les fait filles de Phorcus 6c de C é to , deux divinités
de la mer, cette derniere fiâiôn nous déplaît,
parce que c’eft une énigme inexplicable.
Quant au nombre des Hefpérides y les poëtes n’ont
rien feint d’extraordinaire. La plupart ont fuivi
l ’opinion commune qui en établit trois, Eglé, Aré-
thufe 6c Hefpéréthufe. Quelques - uns en ajoutent
une quatrième, qui eft He/jpéra ; d’autres, une cinquième
, qui eft Erythéis ; d’autres, une fixieme,
qui eft Vefta ; 6c ces derniers mêmes n’ont point
exagéré , puifque Diodore de Sicile , hiftorien, fait
monter le nombre de ces nymphes jufqu’à fept.
Leur généalogie du dragon nous eft fort indifférente
en elle même, foit qu’on le fuppolefils de laTerre
avec Pyfandre, ou de Typhon & d’Echidne avec
Phérécide. Mais les couleurs dont quelques-uns d’eux
peignent ce monftre expirant, nous émeuvent 6c
nous intéreffent. Ce n’ eft pas une defeription de
mort ordinaire qu’on lit dans Apollonius, c’eft un
tableau qu’on croit voir : « Le dragon, dit-il, percé
» des traits d’Hercule, eft étendu au pied de l’arbre ;
» l’extrémité de fa queue remue encore, lerefte de fon
v corps eft fans mouvement & fans vie ; les mou-
» ches s’affemblent par troupes fur le noir cadavre,
» fucent & le fang qui coule des plaies 6c le fiel amer
9> de l’hydre de Lerne , dont les fléchés font tein-
» tes. Les Hefpérides défolées à ce trifte fpe&acle,
» fe couvrent le vifage de leurs mains, 6c pouflènt
» des cris lamentables » . . .
En un mot, de telles deferiptions nous affeftent,
tandis que nous ne fommes point épris des préten- j
dus mylteres qu’on prétend que ces fixions renfer- I
ment, & des explications hiftoriques, morales ou j
phyfiques qu’on nous en a données ; encore moins
pouvons-nous goûter les traces imaginaires que des
auteurs, plus chrétiens que critiques, croyent ap- I
percevoir dans ces fables de certaines vérités que
contiennent les livres facrés. L’un retrouve dans les
-pommes, ou dans les brebis des Hefpérides, Jofué
qui pille les troupeaux 6c les fruits des Cananéens ;
l ’autre fe perfuade que le jardin des Hefpérides, leurs
pommes & leur dragon ont été faits d’après le para-
xhs terreftre. Non, n on, les poëtes, en forgeant la
fable de ces aimables nymphes, n’ont point corrompu
1 Ecriture-fainte, qu’ils ne connoiffoient pas ;
ils n’ont point voulu nous cacher des myfteres, ni
jious donner aucunes inftru&ions. C’eft faire trop
cPhonriëur à ces agréables artifans de menfonges
que de leur prêter des intentions de cette efpece ;
ils fe font uniquement propofés de nous arnufer*
d’embellir leur iùjet, de donner carrière à leur en-
thoufiafme, d’exciter l’admiration & la furprife,en un
mot de peindre & de plaire, 6c l’on doit avouer qu’ils
ont eu , pour la plupart, le fecret de réuflir. (D . J.')
Hespé r id e s , îles des, (Géog. a n c îles de la mer
Atlantique ; Pline, l. V I t c.xx xj. n’en parle qu’avec
incertitude ; ce qu’il en d it, ne convient point .aux
Canaries , encore moins aux Açores, ni aux Antilles
, il met une journée de navigation depuis les îles
Hefpérides au cap nommé Hefperu-ceras ; il parcourt
donc la côte occidentale d’Afrique : le cap qu’il
nomme Hefperu-ceras doit être le Cap-verd .; les
Hefpérides étoient, dit-il, k une journée en-deçà de
Hefperu-ceras ; feroient-ce deux des îles dit Sénégal >
Mais enfin quel fonds peut-on faire fur des relations
imparfaites, 6c dreffées dans des tems où ces lieux
n étoient connus que par une tradition également
obfcure & incertaine. (Z>. ,
HESPERIE, 1. f. (Géog.) en général contrée occidentale^
Les Grecs appellent Hcfperie l’Italie qui
eft à leur couchant-, 6c par la même raifon les Romains
donnèrent le même nom à i’Efpagne.
HESPERUS, f. m. ( Aflronom.y on donne ce nom
à la planete de Vénus, lorfqu’elle paroît le foir avant
lecoucherdu foleil. C ’eft celle que le peuple nomme
étoile du berger, voy. V en u s . Lorfque Vénus paroît le
matin avant le lever du foleil, on la nomme Phof-
phorus. M. Bianchini a donné un ouvrage fur la planète
de Vénus qui a pour titre : Hefperi & phofphori
nova pheenomena. (O )
Hespërus , (Mytholog.) l’étoile du foir ; lespoë-
tes en ont fait un dieu, fils de Céphale & de l’Aurore;
Brillant hefperus, dit Milton , c’eft vous qui marchant
à la tête du corps étoilé, tenez le crépufcule
à vos ordres ! arbitre expéditif entre la nuit 6c le
jou r, fouffrez que je vous falue !
Bright hefperus that leads thejlarry train,
Whofe office is to bring twilight upon the earth y
Short arbittr' tyvixt day antnighi.. . , .
Hefper, ou Hefperus dans l’hiftoire , fut chafle de
fes états par fon frere Atlas , & s’établit en Italie, à
laquelle il donna le nom d'Hefpérie. Diodore de Sicile,
l. I II. ajoute que comme Hefperus montoit fou-
vent le foir fur le mont Atlas, pour contempler les
aftres, 6c qu’il ne parut plus ; on débita qu’il avoit
été métamorphofé en un aftre, qu’on appella le matin
Lucifer, 6c le foir hefperus , du nom du prince»
aftronome. Les Latins changèrent l’afpiration en v,
6c dirent vefper. C ’eft, matin ou foir , l'étoile du
berger des habitans de nos campagnes. (JD. /.)
HESSE l a , (Géog.) pays d’Allemagne avec titre
de landgraviat, dans le cercle du haut-rhin , borné
par la W étéravie, la Thuringe , la Veftphalie, la
Franconie, & le pays deBruntwick ; ce pays s’étend
depuis le Mein jufqu’au Wéfer. Il fe divife en haute
6c baffe Hejfe. La maifon fouveraine de ce pays
eft partagée en quatre branches , dont chacune
prend la qualité de landgrave, deux principautés
HeJJe-CaJfel calvinifte , 6c Hejfe-Darmjladt luthérienne
; 6c deux autres qui font des branches de
Hejfe-Rhinfelds catholique , 6c Hejf-Hambourg calvinifte
: ces quatre landgraviats tirent leur origine
des Cattes , Catti, lefquels faifoient partie des Her-
mions, grand peuple de la Germanie.
Le pays de Hejfe eft, comme nous l’avons dit, un
landgraviat, ce qui fignifie un comté provincial. Il
eft coupé par des forêts, montagnes, prairies , 6c
terres labourables ; les montagnes ont des mines de
fer propre à faire du canon. Ceux qui feront curieux
d’en connoîrre l’hiftojre naturelle, peuvent lire l’ou?