570 I M M Il y a suffi une congrégation de Y immaculée conception
dans la plûparr des couvents, de laquelle il
y a une fociété de filles féculieres qui ont pour fin
d’honorer l’immaculée conception de la Vierge. Elles
en font tous les ans une proteftation en public, 6c
tous les jours en particulier. ( G )
IMMANENT, adj. ( Pkilof. Théolog,') qui demeure
dans la perlonjie, ou qui n’a point effet au-
dehors.
Les Philofophes ont diftingué les aâions en immanentes
6c tranlltoires. Les Théologiens ont adopté la
même diftinôion. L’aûion immanente eft celle dont
le terme eft dans l’être même qui l’a produite. La
tranfitoite eft celle dont le terme eft hors dé l’être
qui l’a produite. Ainfi Dieu a engendré le fils 6c le
Saint Efprit par des aftions immanentes ; & il a créé
le monde 6c tout ce qu’il comprend, par des aétions
tranfitoires.
IMMATÉRIALISME oa SPIRITUALITE. (Afé-
taph.') h ’immatérialifme eft l’opinion de ceux qui admettent
dans la nature deux l'ubftances effentielle-
ment différentes ; l’une qu’ils appellent matière, 6c
l’autre qu’ils appellent efprit. II paroît certain que
les anciens n’ont eu aucune teinture de la fpiritua-
lité. Ils croyoient de concert que tous les êtres par-
ticipoient a la même fttbftance, mais que les uns
étoient matériels feulement, 6c les autres matériels
& corporels. Dieu , les anges 6c les génies, difent
Porphyre 6c Jamblique, font faits de la matière ;
mais ils n’ont aucun rapport avec ce qui eft corpo-
rél. Encofe aujourd'hui à la Chine, où les principaux
dogmes de l’ancienne philofophie fe font conservés,
on'ne connaît point de fubftance fpirituelle,
6c on regarde la mort comme la féparation de la
partie aérienne de l’homme de fa partie terreftre.
La première s’élève en haut, 6c la fécondé retourne
en bas.
Quelques modernes foupçonnent que puifqu’A-
naxagoras a admis un elprit dans la formation de
l’univers, il a connu la fpiritualité, 6C n’a point admis
un D ieu corporel, ainfi qu’ont fait prefque tous
les autres philotophes. Mais ils fe trompent étrangement
; car par le motA’efprit les Grecs & les R omains
ont également entendu une matière fnbtile,
ignée, extrêmement déliée, qui étoit intelligente à
la véri,té, mais qui avoir une étendue réelie 6c des
parties différentes. Et en effet comment veulent-ils
qu’on çroye que les philofophes grecs avoient une
idée d’une fubftance toute fpirituelle, lorfqu’il eft
clair que tous les premiers peres de l’Eglife ont fait
Dieu corporel, que leur doûrinè a été perpétuée
dans l’églife greque jufque dans ces derniers fieclés,
6c qu'elle n’a été quitttée par les Romains que vers
le tems de S. Auguftin ?
Pour juger faiaement dans quel fens on doit prendre
le terme efprit dans lès ouvrages des anciens,
& pour décider de fâ véritable lignification, il faut
d’abord faire attention dans quelle ôccafion il s’en
faut fervir, & à quel ufàge ils l’ont employé. Ils en
ufoient fi peu pour exprimer l’idée que nous avons
d’un être purement intellectuel ; que ceux qui n’ont
reconnu aucune divinité, ou du moins qui n’en ad-
•anettoieat que pour tromperie peuple, s’en fervoient
très-fouvent. Le mot d’efprit fe trouve très-fouvent
dans Lucreèe pour celui d'ame ; celui d5intelligence
eft employé au même ufâge : Virgile s’en fert pour
fignifier l’ame du monde, ou la matière fubtile 6c
intelligente qui répandue dans toutes fes parties le
gouverne & le vivifie. Ce fyftème étoit en partie
celai des anciens Pythagoriciens ; les Stoïciens qui
n’étoient proprement.que des Cyniques réformes,
l’ avoient perreéKonné ; ils donnoient le nom de Dieu
à cette -ame ; ils la regardoient comme intelligente,
i’appeUqisjit efprk 'wüL&Mf. ; cependant avoient-
I M M ils une idée d’une fubftance toute fpirituelle ? pas
davantage que Spinofa, ou du moins guere plus; ils
croyoient , dit le P. Mourgues dans fon plan théologique
du pythagorifme , avoir—beaucoup fait
d’avoir choifi le corps le plus fubtil ( le feu ) , pour
en compofer l’intelligence ou l’elprit du monde,
comme on le peut voir dans Plutarque. Il faut entendre
leur langage ; car dans le nôtre, ce qui eft
efprit n’eft pas corps, ôc dans le leur au contraire
on prouveroit qu’une chofe étoit corps parce qu’elle
étoit efprit.. . Je fuis obligé de faire cette obferva-
tion fans laquelle ceux qui liroient avec des yeux
modernes cette définition du dieu des Stoïciens dans
Plutarque, Dieu efl un efprit intellectuel & igné, qui
n’ayant point de forme peut fe changer en telle chofe
qu’i l veut, & rejfembler à tous les êtres, croiroient que
ces termes, d’efprit intellectuel, détermineroient la
lignification du terme fuivant, à un feu purement
métaphorique.
Ceux qui voudroient ne pas s’en tenir à l’opinion
d ’un Lavant moderne, ne refuferont peut-être pas
de fe foumettre à l’autorité d’un ancien auteur qui
devoit bien connoître le fentiment des anciens philofophes,
puifqu’il a fait’un traité de leur opinion, qui,
quoiqu’extrèmement précis, ne laiffe pas d’être fort
clair. C ’eft de Plutarque dont je veux parler. Il dit
en termes exprès que l’efprit n’eft qu’une matière
fubtile, 6c il parle comme difant une chofe coryiue
& avouée de tous les philofophes, « Notre ame
» dit-il, qui eft air , nous tient en v ie ; aufli l’efprit
» 6c l’air contient en être tout le monde, car l’elprit
» 6c l’air font deux noms qui lignifient la même
» chofe ». Je ne penle pas qu’on puiffe rien demander
de plus fort & de plus clair en même tems. Dira-
t-on que Plutarque ne connoiffoit point la valeur des
termes grecs, 6c que les modernes qui vivent aujourd’hui
en ont une plus grande connoiffance que
lui ? On peut bien avancer une pareille abfurdité ;
mais où trouvera-t-elle la moindre croyance ?
Platon a été de tous les philofophes anciens celui
qui paroît le plus avoir eu l’idée de la véritable fpiritualité
; cependant lorfqu’on examine avec un peu
d’attention la fuite & l’enchaînement de fes opinions
, on voit clairement que par le terme dfefprit
il n’enrendoit qu’une matière ignée, fubtile & intelligente
; fans ce la , comment eût-il pu dire que Dieu
avoit pouffé hors de fon fein une matière dont il
avoit formé l’univers ? Eft-ce que dans le fein d’un
efprit on peut placer de la matière ? Y a-t-il de l’étendue
dans une fubftance toute fpirituelle ? Platon
avoit emprunté cette idée de Timée de Locre qui
dit que Dieu voulant tirer hors de fon fein un fils
très-beau, produifit le monde qui fera éternel,
parce qu’il n’eft pas d’un bon pere de donner la mort
à fon enfant. Il eft bon de remarquer ici que Platon ,
ainfi que Timée de Locre fon guide & fon modèle ,
ayant également admis la coéternité de la matière
avec D ie u , il falloit que de tout tems la matière eût
fubfifté dans la fubftance fpirituelle, & y eût été
enveloppée. N’eft-ce pas là donner l’idée d’une matière
fubtile, d’un principe délié qui conferve dans
lui le germe matériel de l’univers ?
Mais, dira-t-on, Cicéron en examinant les diffé-
rens fyftèmes des Philofophes fur l’exiftence de Dieu,
rejette celui de Platon comme inintelligible, parce
qu’il fait fpirituel le fouverain être. Qjiod P Lato fine
corpore Deum etfe cenfet, id quale ejfe poffit intelligi non
potejl. A cela je réponds qu’on ne peut aucunement
inférer de ce paffage, que Cicéron ou Velleius qu’il
fait parler, ait penfé que Platon avoit voulu admettre
une divinité fans etendue, impaftible, abfolu-
ment incorporelle, enfin fpirituelle, ainfi que nous
le croyons aujourd’hui. Mais il trouvoit étrange
qu’il n’eût point donné un corps 6c une fornje dçtejjj
I M M minée à l’cfprit, c’eft-à-dire à l’intelligence com-
pofèe d’une matière fubtile qu’il admettoit pour ce
Dieu lùprème ; car toutes les feétes qui reconnoif-
foient des dieux, leur donnoient des corps. Les Stoïciens
qui s'expliquaient de la maniéré la plus noble
fur l’effence fubtile de leur dieu , l’enfermoient
pourtant dans le monde qui lui fetvoit de corps*
C ’eft cette privation d’un corps matériel 6c groflier,
qui fait dire à Velleius que fi ce dieu de Platon eft
incorporel, il doit n’avoir aucun fentiment, 6c n’être
fiifceptible ni de prudence ni de volupté. Tous les
philofophes anciens, excepté les Platoniciens, ne
penfoient point qu’un efprit hors.du corps pût reffen-
tir ni plailir ni douleur ; ainfi il étoit naturel que
Velleius regardât le dieu de Platon incorporel, c’eft-
à-dire uniquement compofé de la matière fubtile qui
faifoit l’effence des efprits, comme un dieu incapable
de plaifir, de prudence, enfin de fenfation.
Si vous doutez encore du matérialifme de Platon,
lifez ce qu’en dit M. Bayle dans le premier tome de
la continuation de fes pen fées di vertes, fondé fur un
paffage d ’un auteur moderne, qui a expliqué & dévoilé
le platonifme. Voici le paflàge que cite M.
Bayle. « Le premier dieu félon Platon eft le dieu
» tuprème à qui les deux autres doivent honneur 6c
» obéiffance, d’autant qu’il eft leur pere & leur créa-
» teur. Le fécond eft le dieu v ifible, le miniftre du
» dieu invifible, 6c le créateur du monde. Le troi-
» fieme fe nomme le monde, ou Y ame qui anime le
» monde, à qui quelques-uns donnent le nom de
» démon. Pour revenir au fécond qu’il nomnioit aufli
» le verbe, l’entendement ou la raifon, il concevoit
» deux fortes de v erbe, l’un qui a réfidé de toute
» éternité en D ie u , par lequel Dieu renferme de
» toute éternité dans fon fein toutes fortes de vert
u s . , faifant tout avec fageffe, avec puiffance&
» avec bonté: car étant infiniment parfait, il a dans
» ce verbe interne toutes les idées 6c toutes les for-
» mes des êtres créés. L ’autre verbe qui eft le verbe
» externe & proféré, n’eft autre chofe félon lui, que
» cette fubftance que Dieu pouffa hors de fon fein,
» ou qu’il engendra pour en former l’univers. C ’eft
» dans cette vûe que le mercure Trifmegifte a dit
» que le monde eft confqbftantiel à Dieu ». Voici
maintenant la conféquence qu’en tire M. Bayle :
« Avez-vous jamais rien lû de plus monftrueux? Ne
» voilà-t-il pas le monde formé d’une fubftance que
» Dieu pouffa hors de fon fein? Ne le voilà-t-il pas
» l’un des trois D ieu x, & ne faut-il pas le fubdivifer
» en autant de dieux qu’il y a de parties dans l’uni-
» vers diverfement animées ? N’avez-vous point là
» toutes les horreurs, toutes les monftruofités de
» l’ame du monde ? Plus de guerres entre les dieux
» que dans les écrits des poètes ? les dieux auteurs
» de tous les péchés des hommes ? les dieux qui pu-
» niffent & qui commettent les mêmes crimes qu’ils
» ordonnent de ne point faire ? »
Enfin, pour conclure par un argument tranchant
6c décifif, c ’eft une chofe avancée de tout le monde,
que Platon 6c prefque tous les philofophes de l’antiquité
ont foutenu que l’ame n’étoit qu’une partie
féparée du tout ; que Dieu étoit ce tou t, 6c que
l’ame devoit enfin s’y réunir par voie de réfufion.
Or il eft évident qu’un tel fentiment emporte nécef-
fairement avec lui le matérialifme. L’efprit tel que
nous l’admettons n’eft pas fans doute compofé de
parties qui puiffent fe détacher les unes des autres ;
c’eft là ce caraéfcere propre 6c diltinétif de la matière.
Voyt{ L’article de /’AME DU MONDE,
Comme l’ancienne philofophie confondoit la
fpiritualité & la matérialité, ne mettant entr’elles
d’autre différence que celle qu’oft met d’ordinaire
entre les modifications d’une même fubftance,
croyant de plus que ce qui eft matériel peut deve-
I M M 571 mr infenfiblement fpirituel, 6c le devient en effet.
Les peres des premiers fiedes de l’Eglife fe livrèrent
à ce fyftême ; car il eft indifpenfable d’en avoir un
quand on écrit pour le public. Les queftions qui
roulent fur l’effence de l’efprit, font fi déliées, fi
abftraites, les idées en échappent avec tant de lége-
ret a * i lIVa<g*nation y eft fi contrainte, l’attention
fi tôt épuifée, que rien n’eft fi facile , 6c dès-là fi
pardonnable que de s’y méprendre. Quiconque n’y
îaifit pas d abord certains principes, eft hors de
route ; il marche fans rien trouver, ou ne rencontre
que l’erreur : ce n’eft pourtant pas tout-à-fait à la
peine de découvrir ces principes, la plûpart fimples
oc naturels, qu’il faut attribuer les mécomptes philosophiques
de quelques-uns de nos premiers écrivains
; c’eft à leur déférence trop foumife pour les
fyftèmes reçûs. Si le fuccès n’eft prefque dans tout
que le prix d’une fage audace, on peut dire que
c eft dans la philofophie principalement qu’il faut
ofer ; mais ce courage de raifon qui fe cherche une
voie même où il ne voit point de trace, étoit un
art d’inventer ignoré de nos peres : appliqués feulement
à maintenir dans fa pureté ce dogme de la foi
tout le refte ne leur fembloit qu’une fpéculation
plus curieùfe que néceffairè. Soigneux tout au plus
d arriver jufqu’où les autres avoient é té, la plûpart
très-capables d’aller plus loin, ne fentirent pas affex
les reffources que leur offroit la beauté de leur génie.
°
Origene cè favani fi refpeûable, & confulté de
toutes parts, n’entendoit par efprit qu’une matière
fubtile, 6c un air extrêmement léger. C ’eft le fens
qu il donne au mot aeu/xetTov, qui eft l’incorporel des
Grecs. Il dit encore que tout efprit félon la notion
propre & fimpie de ce terme,eft un corps. Par cette
définition il doit néceffairement avoir cru que Dieu,
les anges^& les âmes étoient corporels ; aufli l’a-t-il
cru de même, & le favant M. Huet rapporte tous les
reproches qu’Origene a reçus à ce fujet; il tâche de le
juftifiet Contre une partie ; mais enfin il convient qu’il
®ft certain que cet ancien doéteur a avoué qu’il ne pa-
roiffoit point dans l ’Ecriture quelle étoit l’effence de
la divinité. Le même M. Huet convient encore qu’il a
cru que les anges 6c les amês étoient compofés d’une
matière fubtile qu’il appelloit fpirituelle, eu égard
à celle qui compofé les corps. Il s’enfuit donc néceffairement
qu’il a aufli admis une effence fubtile
dans là divinité ; car il dit en termes exprès que la
nature des âmes eft la même qüe celle de Dieu. O r
fi l’ame humaine eft corporelle, Dieu doit donc
l’être. Le fàVant M. Huet a rapporté avec foin quelques
endroits des ouvrages d’Origene, qui paroiffent
oppofés à ceux qui le condamnent; mais les termes
dont fe fert Origene, font fi précis, 6c la façon dont
parle le favant prélat eft fi foible, qu’on connoît ai-
fément que la feule qualité de commentateur lui
met des armes à la main pour défendre fon original.
S. Jérôme 6c les autres critiques d’Origene ont fou-
tenu qu’ il n’avoit pas été plus éclairé fur la fpiritualité
de Dieu, que fur celle des âmes 6c des anges.
Tertullien s ’eft expliqué encore plus clairement
qu’Origene fur la corporêïté de Dieu qu’il appelle
cependant fpirituel dans le fens dont on fe lervoit
de ce mot chez les anciens. « Qui peut nier, dit-il ,
» que Dieu ne foit corps, bien qu’il foit efprit? tout
» efprit eft corps, & a une forme 6c une figure qin
» lui eft propre ». Quis autem negabic Deurti ejfe
corpus, etfi Dtus fpiritus ? fpiritjis etiam corpus Jin
generis in fu â effigie. Un livre entier nous refte de
fa main, où il établit ce qu’il penfe de l’ame ; & ce
qu’il y a de fingulier, c’eft que l’auteur y eft clair,
fans mélange de ténèbres, lui qu’on accufe d’être
confus ailleurs, prefque fans mélange de clarté.
C ’eft-là qu’il renferme les anges dans ce qu’il nom