a été achevée ,& fe trouve aujourd’hui ( 1758 ) dans
fin très-bon état.
Après* avoir pris tous ces arrangemens, pourvu
à la i'ûreté de la colonie, 6c fait prêter le ferment à
Roland Crap'e>& aux autres officiers., il mit à la
voile avec le vaiffeau l’Eléphant, refta quelque-tems
fous Ce ylon, arriva à la rade de Copenhague Iè 30
Mars 16 2 1 , 6c y fut fuivi un mois après par le vaiffeau
le David, capitaine Niels Rofemkranz, chargé
pour le compte de la compagnie.
Ce commerce naiffant donna d’abord quelque ja-
loufie aux Hollandois, 6c les états généraux défendirent
à tous leurs fujets de s’y intéreflèr, fous peine
de confifcation de leurs biens. Cependant, fur les
repréfentations de M. Carilius, miniftre du roi de
Danemark, il fut furfis à l’exécution de ces ordonnances
, 6c on lui déclara qu’on agiroit là-demisd’ac-
cord avec les Anglois , & qu’on fuivroit leur exemple.
Le minière réfident du roi à Londres , le fieur
Sinkler, foutenu par M Carifius , qui y paffa en
. j 6 1 9 ,firent fi bien auprès du roi Jacques I. qu’il
donna permiffion à tous fes capitaines expérimentés
dans la navigation , aux pilotes & aux matelots de
s’engager au fervice de la compagnie danoife lorf-
qu’elle pourra en avoir befoin.
Toutefois comme le fonds de la compagnie n’é-
toit encore en 1624 que de 189614 reichfdahlers ,
cette fournie fe trouva prefque abforbée par les ac-
■ quifitions 6c les établilfemens aux Indes ; de forte
que le roi foutint lui feul la dépenfe de ce commerce
à fes propres frais pendant plufieurs années.
En 1639 il nomma quatre dire&eurs , du nombre
defquels étoit Roland Crape 6c Guillaume L e y e l,
matif d’Elfenoër , qui avoit longtems parcouru la
Perfe 6c les Indes. Cette nouvelle direâion expédia
deux vaifleaux, le Soleil , commandé par Clans
Rytter , & le Chrifiianshaven par M. Leyel ; mais
l ’un de ces deux vaifleaux périt aux Dunes à fon
retour en 1644, 6c l’autre-fut jetté aux ifles Canaries
, où le gouverneur efpagnol s’en empara.
Leyel ayant cependant trouvé le moyen de fe
rendre à Tranquebar, acheva les. fortifications de
Dansborg, continua avec, les trois vaiffeaux qu’il
a v o it , le commerce de Ceylon & autres endroits
de Y Inde ; accueillit les Portugais , q ui, expulfés 6c
pourchaffés par les Hollandois ,fe réfugioientà Tran-
quebar, & leur permit d’y bâtir une églife. 11 manda
ces petits fuccès en cour, & fit dans fes derniers rapports
, datés du 15 Novembre 1646 , des mémoires
qui marquoient beaucoup de connoiflances 6c de lumières.
Mais le roi Chrétien IV. décéda le 28 Février
1648, 6c les guerres occuperont trop le commencement
de Frédéric III. pour qu’on penfât à Copenhague
aux affaires de Tranquebar.
- Leyel mourut peu de tems après. Ses fucceffeurs
fe brouillèrent avec le Naïck de Tanjour , qui en
1648 , mit le fiége devant Tranquebar, afin de venger
un more employé à la douane , & chaffé pour
fes malverfations. Cependant on trouva le moyen
d’appaifer le Naïck; mais la colonie dépériffoit fans
reffource faute de fecours d’Europe, & ne fe foûte-
noit que par un petit commerce avec l’intérieur du
pays ayant des démêlés continuels avec les Indiens
pour celui de Bellefor ; en un mot, les D a nois
s’y éteignirent peu-à-peu,de forte qu’en 1665 ,
i l n’en refta vivant qu’un -feul homme, Eskild An-
jderfen, qui de canonnier qu’il avoit é té , fut proclamé
commandant par les habitans. Celui-ci engagea
un fergent, nommé Gert von H agen, qui fer-
vo it alors à Nagapatnam, de porter en Danemark
le trifte tableau de leurs miferes ; c’eft ce qu’il exécuta
fidellement.
Il arriva à Copenhague en 1668, 6c fes dépêches
difpoferent le roi-Frédéric III. à faire équiper- une
frégate pour y tranfpofter une centaine de perfonnes.
Henri Eggersfut envoyé en qualité de commandant.
La frégate mouilla heureufement devant Tranquebar
en 1669, 6c y fut reçue avec une joie inexprimable
; mais cette petite recrue ne put rétablir un.
commerce qui étoit éteint.
Cependant au commencement du régné de Chrétien
V . il fe forma une nouvelle compagnie des Indes,
q u i, le 28 Novembre 1670, obtint un oétroi pour
40 ans. Le fonds de cette compagnie confiftoit en
vaifleaux & effets, dont S. M. lui fit préfent, efti-
més 79073 reichsdahlers. Les intéreffés y ajoutèrent
pour premier paiement la fomme de 162800 écus de
banque.
- En 1673 compagnie commença à expédier fes
vaifleaux pour YInde. Les premières années furent
affez favorables. En 1680 on avoit partagé entre
les intéreffés, tous frais faits ,48840 écus ; mais en-
fuite la perte du vaiffeau le Dansborg, qui périt fous
les ifles de Ferroë, & qu’on n?avoit pas fait affurer ,
fit tomber fes allions : les intéreffés augmentèrent
néanmoins leur fonds de 12 pour cen t, 20963 écus
de banque. Enfin leur commerce efluya un échec
terrible en 16 8 2 , par la perte de la loge de Ban-
tam , où les Hollandois avoient tellement gagné le
deffus, qu’ils en avoient expulfé les Danois auffi-
bien que les Anglois.
Le ro i, pour relever le courâge abattu de la mal-
heureufe compagnie, lui fit préfent.en 1685 de quatre
frégates , 6c envoya à Tranquebar, en qualité
de fon commiffaïre, "Wulff Henri de Callnein, lieutenant
colonel d’infanterie. Cet officier remporta
de grands avantages dans la guerre que la colonie
eut à foûtenir contre les Mores , 6c depuis 1688
jufqu’en. 1698, les intéreffés eurent un revenant-bon
de 217747 écus. Dans la même année 1698, 1a paix
le conclut avec les mores de Bengale ; 6c le roi, pour
animer le commerce de YInde , prolongea pour 40
ans l’oélroi donné en 1670 ; ce qui fut confirmé par
Frédéric IV.
: Depuis 1699 jufqu’en 1709, le négoce de YInde
rendit encore 189665 écus, enfuite il tomba totalement.
La pefte , la guerre, les troubles dans YInde ,
le fécond fiége que le Naïck de Tanjour mit devant
Tranquebar en 1698 , la mauvaife conduite de plufieurs
officiers 6c employés, la perte de 13 de fes
vaifleaux, 6c fur-tout celle de la plupart de fes éta-
bliffemens, achevèrent de ruiner la compagnie, au
point que ne pouvant plus fe foûtenir, & ne voyant
pas de moyens de fe relever, les intéreffés abandonnèrent
entièrement le négoce de YInde en 1729 ,
6c fe féparerent en 1730, en remettant au roi fon
oû ro i, qui avoit encore 20 ans à courir. Frédéric IV.
fut le feul qui ne perdit point courage. Il tenta de
faire continuer un commerce qu’il ne voyoit abandonné
par fes fujets qu’avec beaucoup de regret ; &
quelques particuliers s’étant affociés de nouveau par
fes preffantes follicitations, il leur fit expédier une
permiffion d’envoyer deux vaifleaux à Tranquebar,
6c les deux vaifleaux mirent à la voile.
Jufqu’ici la compagnie danoife s’étoit bornée au
commerce de YInde, fans avoir effayé en droiture
celui de la C hine, qui, depuis qu’il eft connu, a toû-
jours paffé pour le plus riche de tous ceux de l’Afie.
Cette même année un nommé Pieter Bafchers, natif
de Bremen, qui avoit longtems vécu dans YInde, vint
à Copenhague , & préfenta un plan pour former ce
commerce, &c le réunir avec celui de Tranquebar.
Ses propofitions furent goûtées, & S. M. accorda à
ceux qui s’y intérefferoient deux oélrois., l’un du 10
Février, & l’autre du 15 Mars 1730. On dreffa la
maniéré de former les fouferiptions * & les.affociés
de l’année précédente eurent la préférence d’y prendre
telle part qu’il leur plairoit.
L« feu roi de Danemark, alors prince royal , 1
non-feulement s’intéreffa dans ce commerce, mais ,
pour l’animer encore davantage, il s’en déclara le
directeur. On tint une affemblée générale en fa pré-
fence, & on y élut du nombre des intéreffés , huit
fyndics ( committirfe ) pour avoir foin de l’intérêt
de la foçiété. Les fouferiptions s’étant bientôt remplies
, on fit partir pour la Chine le Prince-Royal ,
commandé par le capitaine Tonder , aujourd’hui
vice-amiral, & pour Tranquebar les vaifleaux Frédéric
IV. 6c le Lion d’or. Bientôt après on expédia
deux autres vaifleaux pour Tranquebar ; favoir, la
Reine Anne-Sophie 6c la AVendela: tous ces vaif-
feaux revinrent heureufement à Copenhague, excepté
le Lion d’o r , qui échoua fur les côtes d’Irlande. /
Ces premiers arrangemens ayant réuffi , 6c leur
retour ayant juftifié.les avantages qu’on pourroit tirer
du commerce de la Ch ine,.le prince royal devenu
roi fous le Aom de Chrétien V I , crut devoir
former une compagnie plus étendue, 6c plus en état
de continuer la navigation de YInde 6c d‘e la Chine.
Pour cet effet S. M. expédia le 12 Avril 1732, un
oétroi de 40 ans à la compagnie, lui accorda, avec
le titre de compagnie royale des Indes, des prééminences,
privilèges & franchifes, & ordonna que les
intéreffés des fociétés de l’an 1729, 1730 & 1731 y
feroient admis préférablement.
Ces anciens intéreffés Sc ies nouveaux s’unirent,
& convinrent d’un réglement, qui preferiroit les opérations
de la compagnie. Enfuite on tint une affemblée
générale , dans laquelle on élut pour préfident
Chrétien-Louis de Plefl’en , miniftre d’état, 6c on lui
adjoignit quatre directeurs 6c cinq hauts-participans
•pour former la direction , pourvoir aux befoiiis , &
veiller au maintien, à la fûreté 6c aux avantages de
la fociété.
C ’eft axnfi que fe forma en 17 3 2 la compagnie royale
danoife des Indes orientales 6c de la Chine, continuée
3ufqu’à préfent. Son commencement conlifta en 400
a fiions, chacune de 250 écus cOurans de Danemark,
pour faire le fonds confiant de la compagnie ; enfuite
lès intéreffés fournirent au prorata par aftion les frais
néceffaires pour l’achat 6c l’équipement des vaiffeaux
qu’on avoit réfolu de mettre en mer. Le produit
du fonds confiant fut employé en partie à l’ac-
quifition des maifons, magafins 6c effets que les anciennes
compagniesavoient , tantà Copenhague qu’à
Tranquebar, 6c à faire paffer dans YInde un fonds
qui y refteroit toûjours, pour y foûtenir les fabriques.
A mefure que le commerce a profpéré, la compagnie
a ajoûté à fes bâtimens 6c magafins, 6c a augmenté
le fonds continuel de Tranquebar.
Pour donner aux lecteurs une idée jufte de l’état
aCtuel de cette compagnie, je pourrois leur mettre
devant les yeux- les opérations d’année en année ;
mais comme ce détail feroit également long 6c ennuyeux
, il fuffira de dire que par le réfultat que j’en
ai tiré, il paroît que la nouvelle compagnie, depuis
fa naiffance en 1732 jufqu’en 1753 exclufivement,
a expédié 60 vaifleaux , dont 28’pour Tranquebar,'
& 32 pour la Chine. Elle en a eu de retour 43 ; fa-
v o ir , 19 de YInde, 6c 24 de Canton. Sept de fes
vaifleaux fe font entièrement perdus , fix autres ont
échoué , & quatre ont été abandonnés. Malgré’ ces
malheurs,le prix des a&ions étoit en 1754 , tout
affuré &tout fourni, d’onze mille jufqu’à 11600 écus
de Danemark. Le fonds roulant, c ’eft-à-dire ce que
chaque aCtion a contribué à l’achat, équipement 6c
cargaifondes vaifleaux arrivés en 1754 , ou en mer,
iè montoit par vieilles aûionsà 7750 écus 2 marcs
6 fehelings , qui ajoûtés au fonds confiant, qui eft
de 750 écus , donne 8500 écus 2 marcs 6 fehelings,
prix intrinfeque ; le refte, favoir, 2499écus 3 mares
.JO fehelings, eft pour l’affurançe 6c le profit de ceux
qui vendent des avions au prix de 11600 écus»
Nous ne ferons pas l’énumeration des petits éta-
bliffemens & des comptoirs que la compagnie danoife
poffede actuellement dans YInde ; nous dirons
feulement que depuis peu elle a fait un fonds à T ranquebar
pour renouveller le commerce du poivre,ÔC
bâtir une loge fur la côte deTravancoor.
Il eft bien fingulier qu’après tant de malheurs con-
fécûtifs éprouvés pendant plus d’un fiecle, cette compagnie
, cent fois culbutée, détruite, anéantie, fe
foutienne encore au milieu de la rivalité du même
trafic par les trois puiffances maritimes. Mais on ne
doit pas douter que la prote&ion confiante des rois
de Danemark, les foins que fe font donnés ceux
qui fucceffivement en ont été les préfidens ; une direction
économe, fage , attentive & defintéreffée ,
une liberté entière , exempte de gêne dans les affem-
blées générales & annuelles, où toutes les opérations
fe décident, ne foient les vraies fources de la
fubfiftance & de la profpérité de cette compagnie ,
füpérieure à ce que les intéreffés oferent jamais s’en
promettre. (D . J. )
IN D E , f. m. ( Comment. ) drogue fort employée
dans la teinture pour le bleu, & qu’on nomme autrement
indigo. Poye^ IN DIGO. (D . /. ) '
Inde , rouge d ’ ( H'ifi. nat. ') Les Anglois nomment
indiamred. ou rouge d'Inde, une efpece d’ochre d’un
beau pourpre, très-pefante, très-dure & compacte ,
remplie de particules luifantes , qui colore fortement
les mains , s’attache à la langue, eft d’un goût auf-
tere 6c aftringent ; elle fait une ébullition très-vive
lorfqu’eile eft jettée dans l’eau , mais^elle ne s’y di-
vife . point ; elle durcit dans le feu fans changer de
couleur. On trouve une grande quantité de cette
terre dans l’ifle d’Ormus, dans le golphe perfique ,
d’où on la tranfporte dans l’ Inde, où l’on s’en fert
pour peindre les maifons. C ’eft une très-bonne couleur.
Voy. Mender d’Acofta, Hiß. nat. desfoffiles. f —')
* IN D ÉCEN T , adj .fGram. & Morale.') qui eft
contre le devoir, la bienféance & l’honnêtete. Un
des principaux caraClere^ d’une belle ame, c’eft le
fentiment de la décence. Lorfqu’il eft porté à l’extrême
délicateffe, la nuance s’en répand fur-tout, fur
les àClions , fur les difeours., fur les écrits , fur le
filence, fur le gefte ,.fur le maintien ; elle releve le
mérite diftingué ; elle pallie la médiocrité ; elle embellit
la vertu ; elle donne de la grâce à l’ignorance.
L’indécence produit -les effets contraires. On la
pardonne aux hommes , quand elle eft accompagnée
d’une certaine originalité de caraélere , d’une
gaiété particulière 6c cynique, qui les mep-au-deffus
des ufages : elle eft infupportable dans les femmes.
Une belle femme indécente eft une efpece de monf-
tre , que je comparerois volontiers à un agneau qui
auroit de la férocité. On ne s’attend point à cela.
Il y a des états dont on n’ofe exiger la décence : l’ana-
tomifte, le médecin, la fage-femme font indécents
fans conféquence. C ’eft la préfence des femmes qui
rend la fociété des hommes décente. Les hommes
feuls font moins décents. Les femmes font moins décentes
entr’elles qu’avec les hommes. 11 n’y a pref-
qu’aucun vice qui ne porte à quelqu’aétion indécente.
Il eft rare que le vicieux craigne de paroître indécent.
Il fe croit trop heureux quand il n’a que cette foible
barrière à vaincre. Il y a une indécence particulière
& domeftique ; il y en a une générale & publique.
On bleffe celle-ci peut-être toutes les fois qu’entraîné
par un goût inconfidéré pour Ja vérité, on ne ménage
pas affez les erreurs publiques. Le luxe d’un
citoyen peut devenir indécent dan's les tems de calamité
; il ne fe montre point fans infulter à la mi-
fere d’une nation. Il feroit indécent de fe réjouir d’un
fuccès particulier au moment d’une affliélion publique.
Comme la décence çonfifte dans une attention