aux Teinturiers & aux Peintres en détrempe , provenant
d’une plante nommee indigo parles François,
&C anilio par les Efpagnols. ... . c
Cette plante eft très*commune aux Antilles, a a.
Domingue, dans prefque tous les pays chauds de
l ’Amérique, & dans plufieurs endroits des Indes
orientales, d’ofi elle pàroît avoir pris le nom qu elle
porte. Voyez In d ig o t ier . . , , ,
La graine de l’indigo après avoir ete lemee dans
un bon terrain, bien nettoyé de toute herbe étrangère
, produit une efpe.ce d’arbufte, haut d environ
deux pies & quelquefois plus, divife en plufieurs
tiges ôc branches chargées de petites feuilles ovale
s , d’un verd foncé par-deffus, & dune nuance
beaucoup plus pâle en-deffous. A
Aux fleurs qui font d’une couleur rougeâtre &
très-petites, fuccedent des filiques d une ligne de
grofléur, longues d’environ un pouce 8c recourbées
en croiffant, renfermant des femences brunes.
Vindigo eft mis au rang des plantes vulnéraires
déterfives , en latin emerus americaniisfihqud incurva.
Cette plante étant fortie de terre , peut etre coupée
au bout de deux mois pour en faire ufage \ mais
fl faut prévenir le tems où elle commence d entrer
en fleur ; fix femaines après cette première récolté ,
les jets font devenus aiïez forts pour en faire une
fécondé, & fl le tems le permet, l’on peut ainfi continuer
les coupes, de fix femaines en fix femaines ,
iufqu’à ce que la plante dégénéré ; ce qui n arrive
ordinairement qu’à la fin de la fécondé annee ; alors
on eft contraint d’arracher les fouches, 8c de femer !
de nouvelles graines, obfervant toujours de ne pas
le faire pendant un tems de féchereffe.
Les chenilles font de grands dégâts dans les champs
'd'indigo ; cela oblige fouvent les habitans de couper
la plante avant fa parfaite maturité. Mais quoique
ces infeaes foient répandus en grand nombre parmi
les branches 8c les feuilles, on ne laifle pas de tranl-
porter le tout dans les cuves deftinées aux operations
dont on parlera ci-après ; 8c la teinture qu on
en retire n’en eft pas ordinairement moins belle. Un
peut même croire au contraire, que la partie extra-
â iv e de la plante ayant été digerée par les chenilles
, en devient plus parfaite ; c’eft ce que 1 on remarque
dans les efpeces de mouches nommées cochenilles
^ qui tirent leur fubfiftance du fruit de la ra-
quete, dont la fubftance rouge, après avoir été d i gérée
par ces infeaes, acquiert beaucoup de'fixité
& devient une marchandife précieufe pour la teinture
en écarlate. .
Avant de parler de la façon dont on fabrique 1 indigo
, il eft à propos de détailler les inftrumens 8c
ultenfiles néceffaires à ce travail. #
L’eau claire étant effentielle pour les operations
des indigoteries , on a grande attention de les établir
aux environs de quelque ruiffeau d’eau courante
; l’attirail de ces laboratoires confifte principalement
dans trois grandes cuves en forme de bacs ou
baflins de figure à-peu-près quarrée ; ces cuves font
conftruites de bonne mâçonnerie en bain de mortier,
bien enduite de ciment, plus élevées les1 unes que
les autres, 8c difpofées par degrés ; de façon que la
plus haute de ces cuves qu’on nomme la trempoire,
puifle. aifément fe vuider par des robinets dans celle
, de deflbus, nommée la batterie , 8c celle-ci dans le
repajfoir ovt cuve inférieure. Voyt{ Plane. d'Agricul-
'türe ï une Indigoterie. , ^
Les proportions de la trempoire font à-peu-pres
dix-huit à vingt pies de longueur, fur quatorze à
quinze de largeur, 8c trois 8c demi à quatre piés de
profondeur ; -la batterie doit avoir un peu plus que
la moitié, de la capacité de la trempoire ; quant au
Tepofoir,il ne contient au plus qu’un tiers de la batterie
8 fes bordsétant beaucoup moins éleves.
A peu de diftance de ces bacs eft un hangard ouvert
de tous côtés, fous lequel on expofe Vindigo ,
pour le faire fécher à l’abri du foleil 8c de la pluie,
le mettant pour cet effet dans des caiffons de bois,
efpeces d’augets, longs de 3 pié s, fur environ 10
pouces de large , 8c 3 ou 4 de profondeur.
Il faut avoir dans une indigoterie plufieurs fceaux
de bois, percés de trous de tarriere , 8c attaches à
de longues 8c fortes perches; on les emploie pour
battre 8r agiter la teinture, après l’avoir fait palier
de la trempoire dans la batterie.
On doit au (fi fe précautionner d’un nombre fuffifant
defacs de groffe toile , longs d’un pié 8c demi, 8c
terminés en pointe comme des capuchons de moine ;
ce font des elpeces de chauffes fervant à faire égoutter
Vindigo, avant de le mettre dans les caiffons.
Le principal artifte , ou l’indigotier ( ainfi qu’on
le nomme aux îles ) a encore loin de fe pourvoir
d’ une petite taffe d’argent, bien p olie, dont il fe
fert à faire des effais lur la teinture, comme on le
dira en fon lieu.
Procédé pour faire /’indigo félon Vufage pratique aux
îles de l'Amérique. La plante ayant acquis fon degré
de maturité , on la coupe affez près de terre avec
des couteaux courbés en ferpettes ; on en fait quelquefois
des bottes, mais la meilleure façon eft de la
mettre dans des facs, afin de la transporter plus sûrement
fans en perdre ; on en remplit totalement le
trempoire , dans laquelle on fait entrer une fuflifante
quantité d’eau pour fubmerger toute la plante, qui
furnàgeroit & s’éleveroit au-deffus des bords de la
cuve , fi on n’a voit pas foin de l’affujettir, en la
chargeant par-deffus avec des morceaux de bois ; le
tout ainfi difpofe, on laiffe macerer les fubftances,
en attendant l’effet de la fermentation, plus ou moins
prompte félon la température de 1 air ; mais il eft
fort rare en ces climats que ce k paffe 24 heures.
Alors la plante s’échauffe confidérablement par
l’aftion de l’eau, aidée de la chaleur de l’air ; les
principes s’atténuent, 8c les fels par leur développement
favorifent l’extraâion de la partie colorante
dont l’eau fe charge , acquérant une belle couleur
bleue foncée, tirant un peu fur le violet ; lorfqu’el-
le eft parvenue au point defiré par l’artifte, on ouvre
les robinets par où cette eau ainfi colorée coule
dans la batterie ; on nettoie auflitot la trempoire ,
afin de lui faire recevoir de nouvelles plantes, 8c par
ce moyen le travail fe continue fans interruption.
L’eau'qui a paffé de la trempoire dans la batterie,
fe trouve donc imprégnée du fel eflentielde la plante
, 8c d?une huile tenue, intimement liée par la fermentation
à une terre très-fubiile , dont l’aggréga-
tion conftitue la fécule pu fubftance bleue que l’on
cherche. . t „
Il s’agit maintenant de féparer cette recule d avec
le fel ; c’eft ce que doit opérer le travail qui fe fait
dans la batterie.
On agite donc violemment la teinture contenue
dans cette cuve , en y plongeant 8c retirant alternativement
les fceaux percés dont on a déjà parlé.
C ’eft ici où la fcience de l’indigotier peut fe trouver
en défaut, pour peu qu’il manque d’attention ;
car s’il ceffe trop tôt de faire agir les fceaux, il perd
beaucoup de la partie colorante qui n’a pas encore
été féparée du fel ; 8c fi au contraire il -continue de
faire battre la teinture après l’exaéte feparation , les
parties fe raprochent, forment uue nouvelle cpmbi-
naifon , 8c le f e l , par fa réaétion fur l’huile tenue &
la terre fubtile, excite une fécondé fermentation ,
qui altère la teinture, 8c en noircit la couleur ; c’eft
ce que les fabricans appellent indigo brûlé.
Pour prévenir ces accidens, l’indigotier obferve
foigneufemënt les différens phénomènes qui fe paf-
i fent dans le travail de la batterie, 8c afin de s’affurer
du point exaél: de fépatation, il prend de tems
ën tems , avec une taffe d’argent bien propre , un
peu de la teinture ; il la regarde attentivement,
& s’il s’apperçoit que les molécules colorées fe raf-
femblent eh fe féparant du refte de la liqueur, il fait
promptement cefferlemouvement desfceaüx,pour
donner le tems à la fécule blèüe de fe précipiter au
fond de la c iiv è , où c5n la lâiffe fe raffeoir jufqu’à ce
que l’eau foit totalement déféquée 8c éclaircie ; alors
on débouché fiiccëfllvement dés trous percés à différentes
hauteurs, par lefquels cette eau étant regardée
comme inutile, fe répand en dehors des cuves.
La fécule bleue qui eft reftée au fond de la batterie
, ayant acquis là confiftance d’une boue liquide ,
on ouvre les robinets, 8c on la fait paffer dans lere-
pofoir ; c’eft dans cétte derniere cuve qu’elle fe re-
pofe 8c fe dégage encore de beaucoup d’eau fuper-
flue ; on la met enfuite égoutter dans les facs en forme
de chauffes, 8c quand il ne filtre plus d’eaü au - travers
de la toile, cette matière, dévenue plus épaiffe,
eft vuidée dans les caiffons qu’on a eu foin de dif-
pofer par rangs fous le hangard, en les élevant fur
des planches à quelque diftance de terre.
L'indigo ayant achevé dé perdre fon humidité
dans les caiffons ; eft brifé par morceaux , 8c lorf-
qu’il eft fuffifamment fée , on l’enferme dans des
tonneaux, pour le livrer aux marchands.
Il réfulte des opérations dont on vient de parler,
que l'indigo en maffe n’eft autre chofe qu’une fimple
fécule précipitée 8c dégagée du fel qui la tenoit fuf-
pendue 8c errante dans l’eau dés cuves; ainfi là définition
qu ’en donne leP.Labat, dans fon voyagé aux îles
de l’Amérique, n’eft pas ex aâ e , lorfqü’il d i t , page
178 du premier volume, que Vindigo eft compofé du
fel 8c de la fubftance dé là plante. Cè n’eft pas la
feule faute à reprendre dans cét auteur.
La mauvaife odéur qui s’exhale des cuves , lorf-
qu’elles font mifes en aétion, fait périr beaucoup
d’ouvriers ; c’eft une des-pfincipalès caüfès de la diminution
des indigoteries dans les îles fràriçOifês ;
peut-être feroit-il poffiblé de remédier à ce danger,
en adminiftrant à propos le fél è'flèntiel de là plante
que l’eau entraîne avec e lle , 8t que l’on néglige,
faute d’en connoître les propriétés'; c’eft aux médecins
qui font dans le pays, à faire fur cela les obler-
vations qu’ils croiront néçeffairés. On peut aifé-
tnent retirer ce fel au moyen de la cryftallifa'tion, ou
par évaporation de l’eau jufqu’à ficcité, s’il n’eft pas
de nature à cryftallifer.
Les Teinturiers emploient Vindigo avec différentes
drogues , pour teindre en bleu les étoffes de fôie
8c de laines
Voici la préparation de Vindigo pour la teinture
des toiles aux Indes orientales.
/ L’ouvrier ayant réduit en poudre une certaine
quantité iïihdigo, la met dans un grand vafe de
•terre qu’il remplit d’eâu frôicle ; il y joint une quantité
proportionnée de chaux, réduite pareillement
en poufliere ; enfuite il flairé Vindigo , pour connoî-
tre s’il ne fent point l’aigrè ; 8c en ce cas-là, il ajoute
encore de la chaux , pour lui Faire perdre cette
;odeur. Prenant alors une fuflifante quantité de grai-
.nes de tavaréi, il les fait bouillir dans un fceàu
d’eau pendant vingt-quatre heures : il verfe après
.■ cela le tout, eau 8c graine , dans le vafe de Vindigo
„préparé. Cette teinture fe garde pendant trois jours,
, & l ’on a foin deTagitèr quatre ou cinq fois par jour
avec un bâton de bambou.
. Le bleu étant ainfi .préparé, on y trempe la toile
enduite de c ire , après l’avoir pliée en double, en-
forte que le deffus de la toile foit en dehors , 8c que
l ’envers foit en dedans. On la, laifle tremper environ
deux heures dans la préparation d'indigo ; puis
on la retire teinte en Bleu aux endroits convenables.
Tome VI11%
i Ûn voit par là que les teintures indiennes méritent
autant le nom de teintes, que celui de toiles peintes.
La longueur & la multiplicité des opérations pouf
teindre en bleu, fait naître naturellement un doute;
favoir, fi l’on n’auroit pas plutôt fait de peindre
avec un pinceau les fleurs en bleu , fur-tout quand
il y en a peu de cette couleur dans un deffein. Les
Indiens conviennent que cela fe pourroit, mais ils
difent (jue ce bleu ainfi peint ne tiendroit pas , &c
qu’après deux ou trois leflives, il difparoîtroit.
La ténacité 8c l’adhérence de la couleur bleue j
doit être attribuée à la graine de tavaréi, qui croît
aux Indes orientales. Elle eft d’un brun clair, olivâtre
, uri peu amere , cylindrique , de la groffeur
d’une ligne, 8c difficile a rompre avec la dent.
De quelque maniéré que Vindigo foit préparé , on
ne s’en fert en Medecine , ni pour l’extérieur , ni
pour l’intérieur; on prétend même qu’en Saxe il eft
défendu de l’employer intérieurement : cependant
je n’oférois décider que ce fût un poifon ; c’eft affez
de favoir que c’eft une drogue lucrative, dont toutes
les nations fe difputent le commerce. Il fcmble que les
indigos dés îles françoifes cohfervent encore l’avantage
du bon marché , ruineux pour les indigos des colonies
angloifes, qui font néanmoins mieux préparés.
Lè bon indigo , non falfifié avec de l’ardoife pilée
ou du fable, brûle entièrement, lorfqu’on le met fur
unepellé rouge. Il eft iéger , flottant fur l’eau ; 8c
fi on le rompt par morceaux, l’intérieur doit être
net, d’un béaü b leu, très-fortcé, tirant fur le viole t,
8c paroiffant cuivré, fi on le frotte avec un corps
p o li, ou lè deffus de l’ongle.
Celui qu’on nomme guatimalo eft fort eftimé ; il
fe fabrique aux environs de Guatimala , ville de la
nouvelle Efpâghe.
Oh fait encore beaucoup dé cas de Vindigo far-
quiffe, qui fe tire d’un village de même nom , fitué
dans les Irtdes orientales.
Le prix dé cette marchandife varie beaucoup ; oh
l’a vu plufieurs fois monter d’un écu à 7 liv. io f. 8c
même fort âu-deffus d’une piftoJe la livre. (M.L.R.)
Indigo Bâ t a r d , (-Bolan. ) plante extrêmement
' répandue dans les îles de l’Amérique , reffemblant
béaucoup au véritable indigo ; elle donne aufli par
la fermentation une coùleür bleue, eftimée plus parfaite
8c très-'füpérieure en beauté , mais en fipetite
quantité, que les habitans la négligent 8c la regardent
comme la rtiaùvaife herbe du pâys.
INDIGOTIER , f. m. ( Bo'tàn. exotiq. ) fortè dé
foiis-àrbriffèâü étranger, dont on tire la fécule fi
conrtué fouS le nom d'indigo.
Noüs allons parler de cétte plante 8c de fa fécûfe
avec beaucoup d?exattitude , à caufe de Futilité qUé
les arts ert retirent, 8t nhusnous attacherons à beaucoup
d’ordre 8c de netteté , pour nous garantir dés
érrëurs qui régnent dans quelques ouvragés de bo-
tâ'niqùè, dans tous nos diérionhaires, 8c plus encore
dans les récits dés voyageurs.
Noms latins de /’indigotier 1cheç les Boïoeriifies. Nb‘s
Bôtaniftes, foit par fyftè'me, foit par fantàifie, 'ont
fort différentié leurs noms latins de Vindigotier. Il
eft àppellé indigo ver a, coluteoe fo liis , utriufque Indice
, att. philôf. Lond. n. 2.7C. pag. 70g. Nil five
ànil glajlum indicum , Park. Theat. 600. Einërus
americanus ^filiquâ incurvâ, Totirn. ïnft. 666. Coro-
hilla indica ex quâ indigo VÔich. 124. Vàachiraprima,
Pif. ( ed. 1658.) Hervas de anïl , lufitanïs,
Marcgr. 6 7. XidhqUÏlith ph{ahac , five ariil tehuifo-
lia , Hern. 108. Colutea indica herbdcea , ëx quâ indigo
, Herrîi. Càt. Hort. Lugcl. Bàt. 168. 8c Hort.
Monfp. 6 l. 'Coluteoe affûtsfruclicofa,fioribusfpicalis,
purpurafeentibus , Jilicfuis incurvis , è tujüs tinclurd
indigo conficitür, Càt. jàmaïc. 14t. Hift. 2. 34. Tabula
189. fol. 2, Sbati aniliferum indicum , coronillt»
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