fins aux amhaffadeurs, aux nùniftres, aux grands
& aux gens de lettres qui follicitent cette grâce, oc
àquiil eft rare qu’on la refufe.
Imprimerie de Conflantinople, ( Hifi. turq. ) elle
a été dreffée parles foins du grand-vifir Ibrahim hacha
, qui aimoit la paix & les fciences. Il employa
tontfon crédit auprès de AchmetI I I» pour former cet
établiffement, & en ayant eu la permiffion au commencement
de ce fiecle , il fe fervit d un hongrois
étla iré, & d’un juif nommé Jones pour diriger 1 entreprit.
Il fit fondre toutes fortes de caraéteres au
nombre de plus de deux cent mille, & l’on commença
en 1727 par l’impreffion d’un diélionnaire turc,
dont on a vendu les exemplaires jufqu à 30 piafties.
Cette imprimerie contient lix prefles, quatre pour les
livres, & deux pour les cartes. t .
La révolution arrivée en 17 3 o par la depofition du
grand-feïgneur, & la mort de Ion vifir qui fut facrifie,
n’a point détruit cet établifl'ement, quoiqu’il foit contraire
aux maximes du gouvernement, aux préceptes
de l’alcoran, & aux intérêts de tant de copiftes
qui gagnoient lèur vie à copier.
- On fait auffi que les Juifs ont la liberté d’imprimer
en Turquie les livres de leur religion. Ils obtinrent
en 1576 d’avoir à Conflantinople une imprimerie
pour cet objet, & dès-lors ils répandirent en Orient
lés exemplaires de la loi qui y étoient fort peu connus.
( D . J . )
* Im pr im er ie , c’eft ainfi que les Tanneurs appellent
une grande cuve de bois.., dans laquelle ilsmet-
tént rougir les cuirs ; c’eft ce qu’on appelle auffi les
mettre en coudrement. /''oytç-TA'NNEUR.
IMPRIMEUR, ouvrier travaillant à l’imprimerie :
le prote, le compofiteur, & l’imprimeur à la prelfe,
font compris fous ce nom. Pour les opérations diffé-
rentes de chacun d’eu x, voyeç au mot Im prim er ie.
Le prote d’une imprimerie étant celui for1'lequel
roule tout le détail, & étant obligé de veiller également
fur les compofiteurs & les imprimeurs, il
doit connaître parfaitement la qualité de l’ouvrage
des uns & des autres, & fur-tout ne pas trop don- ,
rrcr à l'habitude & aux préjugés d’état qui miifent fi
fort aux progrès de tous les arts. Pour ce qui re-i
garde la compbjkion, il doit l'avoir fa langue, & être
inftruit dans les langues latine & greque ; pofféder ;
à fond l’orthographe & la ponûuation ; connoître &
fàvdir exécuter la partie du compofiteur, pour lui
indiquer en quoi il a manqué, & le moyen le plus
convenable pour réparer les fautes. Quant à ï'im-
preffton, il doit avoir allez de goût pour décider
quelle eft la teinte qu’il faut donner à l’ouvrage ;
avoir l’oeil à ce que les étoffes foient préparées convenablement
favoir par quel endroit peche la preffe
quand l’ouvrage fouffre, & connoître affez toutes
fes parties pour les faire réparer au befoin & comme
il convient. Pour la leaure des èpreuves y comme
c’eft fur lui que tombe le. reproche des fautes qui
peuvent fe glïffer dans une édition, il faudroit qu’il
connût autant qu’il eft poffitilé, les-termes u fîtes ,
& favoir à quelle fciën’ce, à quel art, & à quelle
matière ils appartiennent. Il y a de l’injùfticè à lui
imputer les. irrégularités., quelquefois même1 certaines
fautes ^’Orthographe ; chaque auteur s’en fai-
fànt ime' à fon goût, il'eft obligé d’exécuter ce qui
lui -eft prefcrità cet égard. En un mot on exige
d’ùn prôté qu’il joigne les eonnoiffances d’un grammairien
à i’intéLiige'nce néceffaire pour toutes les
parties du riianiiel de fon talent. Voye^ Pr?Dt e .
Ilfapt.au.compofiteur, pour exceller dans fon é ta t ,
une-gramTe-partie des qualités néceffaires dans le
prote , puifquè c’eft parmi Tes fèmblables que l’on
choifit ce dernier. Il a befoin dans fes operations
d’imé'grandè attention pour faifir le fens de. ce qu’il
cônipofe, êc plàéer la ponctuation à-propos j pour
i l »
ne rien oublier, & ne pas faire deux fois la même
chofe, fautes dans lefquelles la plus légère diftrac-
tioh fait fouvent tomber. Il doit éviter dans fa com-
pofition les mauvaifes divifions d’une ligne à l’autre
( on ne devroit jamais divifer un mot d’une page
à l’autre ) ; efpacier également tous les mots de la
même ligne, & tâcher qu’une ligne ferree ne fuive
ou ne précédé pas une ligne trop au large ; mettre
de l’élégance dans fes titres, fans défigurer le fens;
qu’il prenne garde, en corrigeant fes fautes, de
rendre fa compofition auffi belle & auffi bien ordonnée
que s’il n’y avoit pas eu de fautes ; en un mot,
qu’il exécute ce qui lui eft prefcrit à l’article Imprim
erie. Voye^ auffi Com po sit eu r .
Un imprimeur à la preffe doit joindre à une
grande attention fur la teinte & le bel oeil de l’impreffion
, beaucoup de capacité pour juger d’où peuvent
provenir les défauts de fon impreffion, foit
dans le dérangement de quelqu’une des parties de
la preffe, foit dans le mauvais apprêt de fes balles,
de ion papier & de fes étoffes , loit enfin dans la
façon de manoeuvrer. Son talent eft de faire paroî-
tre l’impreffion également noire & nette, non-feulement
fur la même feuille, mais fur toutes les feuilles
du même ouvrage, & de faire que toutes les
pages tombent exactement l’une fur l’autre. Voye^
Im pr im er ie .
Il faut pour une belle impreffion, qu’elle ne foit
ni trop noire, ni trop blanche ; elle doit être d’un
beau gris : trop noire, elle vient pochée, le caractère
paroît vieux, & fon oeil eft plein ; trop blanche
, elle vient égratignée, & fatigue les yeux du
leCteur. Au refte on en juge mieux à la vûe que par
raifonnement.
Il n’eft peut-être pas inutile ici qu’un imprimeur
faffe obferver aux auteufs que c’eft fouvent leur
faute fi leurs livres ont befoin de fi longs errata. Leur
négligence à écrire lifiblement les noms propres 8c
les terthes de fciences ou d’arts qui ne peuvent être
familiers à un compofiteur, en eft prelque toujours
la caufe. 11 eft impoffible qu’un imprimeur entende
affez bien toutes les matières fur lefquelles il travaille,
pour ne pas fe tromper quelquefois. On engag
e a s gens de lettres à vouloir bien faire attention
à cet avertiflèment, pour que leurs oeuvres ne foient
pas deshonorées auffi fouvent qu’elles le font par
des fautes groffieres.
A l’art d’exprimer & de communiquer nos pen-
fées les plus abftraites, à l’art d’écrire, on ne pou-
voit rien âjoûter de plus intéreffant, que celui dé
répéter cette écriture avec promptitude, avec élégance,
avec corre&ion , prefque à l’infini, par le
moyen de l’imprimerie. De-là vint que bien-tôt
après fa découverte, les. imprimeurs fe formèrent &
fe multiplieront en fi grand nombre.
Mais nous devons parler ici principalement de
ceux qui joignirent à la fcienee de l’art une vafte
érudition, & une grande connoiffance des langues
lavantes ; il y en a même plufieurs qui fe font knmor-
talifés pard’excellens ouvrages fortis de leurs mains.
Voici les noms des plus illuftres, à qui tous les peuples
de l’Europe doivent de la reconnoiffance, car
ils ont tous'profité de'leur favoir, de leurs travaux,
& de leur induftrie.
Amerbdoh( Jean ) Amtfbachius, Baflois, fieuriffoit
fiir la fin du xv. liecle. Il publia divers auteurs, entre
lefquels il corrigea lui-même les oeuvres de faint
Amhroife qti’il mit au jour en 1491, &c celles de
fairrtfAugifftm qu’il n’acheva qu’en 1506, aidé des
fecours dé fon frere ; ne délirant que la perfé&iori
de l’imprimerie, il fondit de nouveaux carafteres
ronds ^lépérreurs à ceux qû’on connoiffoit en Allemagne
: & pour foutenir fon art dans fa patrie, il
y appel-la Eroben & les Pétri. Il étoit extrêmement
jaloux de la correftion des livres qu’il publioit. II
eut des enfans qui fe diftinguerent dans la république
des lettres, & il leur fit promettre en mourant de
donner au public les oeuvres de faint Jérome, ce
qu’ils exécutèrent avec fidélité.
Badius ( JoJJe ) , en latin Jodocus Badins, Afcen-
pus y parce qu’il étoit d’Affiche, bourg dû territoire
de Bruxelles, où il naquit en 1462. Il je rendit célébré
par fon favoir & par fes éditions : ayant été reçu
profeffeur en grec à Paris, il y établit une belle
imprimerie, fous le nom de preelum afcenfianum, de
laquelle fortirent entr’autres ouvrages, nos meilleurs
auteurs clàffiques , imprimés en caratteres
ronds, peu connus avant lui dans ce royaume, &
qu’il fubftitua au gothique, dont on fe lervoit auparavant.
Cependant fes cara&eres n’ont pas l’agrément
de ceux des Etiennes, mais fes éditions font
çorreftes. Il mettoit d’ordinaire ce vers latin à la
première page de fes livres.
Ære mtret Badius , laude auclorem, arte legentem.
Il mourut à Paris en 153 5. Deuxdç fes filles épou*
ferent de fameux imprimeurs y l’une Michel Vafco-
fan, l’autre Robert Etienne. Cette derniere favoit
très-bien le latin. Son fils Conrard Badius prit le
parti de fe retirer à Genève, où il fut à fon tour
imprimeur &c auteur. Les fils, filles & gendre de
Joffe Badius, firent tous à l’envi profpérer avec zele
l’art admirable de l’Imprimerie.
Blauv ( Guillaume ) , dit Janfonius Ctzfius, né en
Hollande dans le xvij. fiecle avoit été ami particulier
& difciple de Tycho-Brahé. Ses ouvrages géographiques
& fes magnifiques impreffions rendent
là mémoire honorable.
Bomberg ( Daniel ) , natif d’Anvers dans le xv.
fiecle, alla s’établir à Venife, où après avoir appris
l’hébreu, il s’acquit une gloire durable par fes éditions
hébraïques de la bible, en toutes fortes de
formats, & par les commentaires des Rabbins qu’il
mit au jour. Il commença ce travail en 1 5 1 1 , & le
continua jufqu’à fa mort arrivée vers l’an 1550. On
fait grand cas de fa bible hébraïque publiée l’an
1525, en quatre volumes in-fol. Il a donné le Thal-
mud enxj. volumes in-folio : il imprima trois fois cet
ouvrage, & chaque édition lui coûta cent mille écus.
On dit qu’il dépenfa quatre millions d’or en impreffions
hébraïques, & qu’il mourut fort pauvre. Alors
l’imprimerie étoit glorieufe , aujourd’hui ce n’eft
qu’un art lucratif.
Camufat ( Jean) fe diftingua dans le xvij. fiecle à
Paris, en recherchant par préférence à n’imprimer
que de bons livres en eux-mêmes, fans en envifager
le profit, de forte qu’on regardoit comme une preuve
de bonté pour l’ouvrage, lorfqu’il fortoit de ion imprimerie.'
. Colines ( Simon de ) , en latin Colinceus, né au v illage
de Gentilly près de Paris, dans le xv j. fiecle ;
il époula la veuve de Henri Etienne l’aîné, employa
d’abord les carafteres d’Etienne , mais dans la fuite
il en fondit lui-même de beaucoup plus beaux. Il
introduifit en France l’ufage du cara&ere italique,
avec lequel il imprima aes ouvrages entiers ; & fon
italique eft préférable à celui d’Alde Manuce, qui
en fut l’inventeur. Les éditions des livres grecs donnés
par Colines, font d’une beauté & d’une correction
admirable. Il y a de lui une édition du tefta-
ment grec, où le fameux paffage de l’épitre de Saint
Jean des trois témoins manque. J’ai une fois acheté
par curiofité un petit teftament latin dédié au pape,
approuvé & imprimé à Louvain, où ce paffage ne fe
troiivoit pas mieux. Colines mourut, à ce qu’on
croit, vers l’an 1647 » mais on ignore l’année de fa
naiffance.
Commelin ( Jerome ) né à D ou a y , s’établit ÔC mou-
Jome F IU .
rut à Heidelberg en 1597. Non-feulement fes éditions
font recherchées des curieux, mais il étoit lui-
même très-favant dans la langue greque ; nous en
avons pour preuve des notes de fa façon fur Hélio-
dore, Àpollodore, & quelques autres auteurs.
Cojler ( Laurent') , natif de Harlem, eft celui à qui
fes compatriotes attribuent l’invention de l’imprimerie.
Ils difent qu’avant l’an 1440 il forma les premiers
cara&eres de bois de hêtre, qu’enfuite il en
fit d autres de plomb & d’étain, & qu’enfin il trouva
1 encre dont l’Imprimerie le fert encore. En confé-
quence de cette opinion on grava fur la porte de la
maifon de cet homme ingénieux, l’infcription fui-
Vante : Memoria façrurn , typographia , ars artiurn
omnium confervatrix, nunc primitm inventa. circà
annum 1440. On conferve encore foigneufement
dans la ville de Harlem le premier livre fait par cet
artifte, & qui porte pour titre, fpeculum humanct
falvationis; mais le le&eur peut voir ce qu’on a lieu
de penfer de la découverte de C o lle r , au mot Impr
im e r ie .
Cramoi/i (Sébajlien), né à Paris dont il fut éche-
vin. Il obtint par fon mérite la direûion de l’imprimerie
du louvre, établie par Louis XIII. mourut en
i66p , &c eut pour fucceffeur fon petit-fils. Mais
quoique plufieurs de leurs éditions méritent fort d’être
recherchées, elles n ’ont ni l’exaélitude , ni la
beauté de celles qui font forties des imprimeries des^
Etienne, des Manuce, des Plantin, & des Froben. '
Les Martin, Coignard & Muguet ont fuccédé aux
Cramoifi, & ont à leur tour enrichi la république
des lettres, d’éditions très-belles & très-eftimées.
Crefpin (Jean) , en latin Crifpinus, natif d’Arras1
au commencement du xvj. fiecle, & fils d’un jurif-
confulte, étoit fort verfé dans le droit, le grec &
les belles-lettres ; fut reçu avocat au parlement de
Paris ; mais s’étant retiré à Genève vers l’an 1548 ,
pour y profeffer en sûreté le calvinifme, il y fonda
une belle imprimerie dans laquelle il publia entr’autres
ouvrages un excellent lexicon grec & latin, in-
folio y dont la première édition vit le jour en 1560'*
Crefpin mourut de la pefte en 1572. Euftache Vi-
gnon fon gendre continua & perfefiionna l’imprimerie
que fon beau-pere avoit établie*.
Dolet né à Orléans dans le xvj. fiecle, imprimeur
& Libraire à Ly on , a mis au jour quelejues-uns des
ouvrages recherchés d’Etientie Dole t, bon huma-
nifte, & brûlé à Paris le 3 Août 1546, pour fes fen-
timens fur la religion. Il auroit encore imprimé la
verfion françoife de la plûpart des oeuvres de. Platon,
du malheureux Etienne Dolet ÿ s’il n’eût été
prévenu par fon fupplice.
Elqèvirs ( le s ) y bien des gens regardent les Elzé-
virs comme les plus habiles imprimeurs, non-feulement
de la Hollande , mais de toute l’Europe. Bo-
naventure, Abraham, Louis, & Daniel Elzévirs,
font les quatre de ce nom , qui fe font tant diftin-
gués dans leur art. A la v érité, ils ont été fort au-
deffous des Etiennes, tant pour l’érudition, que
pour les éditions greques & hébraïques ; mais ils ne
leur ont cédé, ni dans le choix des bons livres qu’ils
ont imprimés, ni dans l’intelligence du métier ; &
ils les ont fùrpaffé pour l’agrément & la délicateffe
des petits caraâeres. Leur Virgile, leurTérence,
leur Nouveau-Teftament grec, & quelques autres
livres de leur preffe, où il fe trouve des caraâeres
rouges, font des chefs-d’oeuvres de leur art. Ils ont
imprimé plufieurs fois le catalogue de leurs éditions,
qui comprennent entre autres tous les auteurs claffi-
ques , dont les petits caraéleres font auffi jolis, qu©
nuifibles à la vûe.
Etienne ( le s ) 9 je les regarde comme les rois de
l’Imprimerie, tant pour l’érudition, que pour les
éditions greques & hébraïques. On nomme huit KKkk ij