C6 * I N D bes ont-Apportés en Europe. du.tems de Charlemagn
e , nous viennent de Y Inde.
Lès idées qu’ont eu les Indiens d’un Etre infiniment
fupérieür aux autres divinités, marquent au-
tnoins qu’ils n’adoroient autrefois qu’un feul -Dieu,
8c que le polithéiftne ne s?eft introduit chez,eux,
que dé la maniéré dont il s’eft introduit chez tous
les peuples idolâtres. Les Bramines fucceffeurs des
Brachmanes P qùil’étoient eux-mêmes des gymno-
fophiftes., y on^répandu l’erreur 8c l’abrutiffement ;
ils engagent quand ils peuvent les femmes à fe jetter
dans des bûchers allumés.fur le corps de leurs-maris.
Enfin ,• la- fuperftition & le defpotifme y ont
étouffé les Sciences, qu’on y venoit apprendre dans
les tems reculés.
La nature du climat qui a donné à ces peuples une
'foibiéffe qui les rend timides;, leur a donné de même
une imagination fi v iv e , que tout les frappe à l’excès.
! Cette délicateffe, cette fenlibihté d’organes,
:leuf fait fuir tous les périls , & les leur fait tous
braver.
Par la même raifon du climat, ils croient que le
repos & le néant font le.fondement de,toutes cho-
fes, 8c la fin où elles aboutiffent. Dans ces pays où
la chaleur exceflive accable, le repos eft fi délicieux,
que ce qui réduit le coeur au pur vuide , parçît naturel
; & Foé légiflateur de Y Inde, a fuivi ce qu’il fen-
to it , lprfqü’il a mis les hommes dans un état extrêmement
paffifi.
Ce qu’on peut réfumer en général du vafte empire
, fous lejoug duquel font les pauvres Indiens,
'c’eft qu’il eft indignement gpuvçrné par cent tyrans,
foumisà un émpereur.dur comme eu x, amollicom-
me eux dans les délices, & qui dévore la fubftance
‘du peuple. Il n’y a point-là de ces grands tribunaux
permanens, dépofitaires des lois, qui protègent le
foible contre le fort. On n’en connoît aucun ni dans
l ’Indouftan ou le M ogpl, ni. en Perfe, ni au Japon,
ni en Turquie ; cependant fi nous jugeons des autres
Indiens par cèux de la prefqu’île en-deçàdu Gange,
nous devons fentir combien un gouvernement modéré
feroit avantageux à la nation. Leurs ufages 8c
leurs coutumes, nous préfentent des peuples aimables
, doux, 8c tendres, qui traitent leurs efclaves
comme leurs enfans, qui ont établi chez eux un petit
nombre de peines, & toujours peu féveres.
* L’âdreffe 8c l’habileté des Indiens dans les Arts
jnéchaniques, fait encore l’objet de notre étonnement.
Aucune nation ne les furpaffe en ce genre ;
leurs orfèvres travaillent en filigrame avec une délicateffe
infinie. Ces peuples favent peindre des fleurs,
& dorer fur le verre. On a des vafes de la façon des
Indiens propres à rafraîchir l’eau , 8c qui n’ont pas
plus d’épaiffeur que deux feuilles de papier collées
enfemble. Leur teinture ne perd rien de fa couleur
à la leflive ; leurs émouleurs fabriquent artiftement
les pierres à émouler avec de la laque 8c de l’émeril ;
leurs maçons carrellent les plus grandes falles d’un
efpecé dé ciment qu’ils font avec de la brique pilée
& de la chaux de coquillages, fans qu’il paroiffe autre
çhofe qu’une feule pierre beaucoup plus dure
qixe le tuf.
Leurs toiles 8c leurs mouffelines font fi belles & fi
fines, que nous ne nous laflons point d’en avoir, 8c
de les admirer. C ’eft cependant accroupis au milieu
d’une cour, ou fur le bord des chemins, qu’ils travaillent
à ces belles marchandifes, fi recherchées
dans toute l’Europe , malgré les lois frivoles des
princes pour en empêcher le débit dans leurs états.
En un mot, comme le dit l’hiftorien philofophe de
ce fiecle, nourris des productions de leurs terres,
vêtus de leurs étoffes, éclairés dans le calcul par les
chiffres qu’ils ont trouvés, inftruits même par leurs
ançieqnes fables, amufés par les jeux qu’ils ont in-
I N D ventés',-nous leur devons des fentimens d'intérêt1
d’amour, & de reconnoiffance. (D . /.),
Indes ., (.Géog. mod. ) les. modernes moins excu-
fables que les anciens ont nommé Indes-, des pays
fi differens ,par leur, pofition 8c par leur étendue fur
notre globe, que pour ôter une partie de l’équivoque,
ils.ont divifé les Indes en orientales 8c occidentales.
Nous, ayons déjà parlé des Indes orientales au mot
Inde ( / ’ ) , Nous.ajouterons feulement ic i, qu’elles
comprennent quatre grandes parties de l’Aue , fa-
voir rindouftân, la prefqu’île en-deçà du Gange, la
prefqu’île au-delà du G ange, 8c les îles de la mer des
Indes, dont les principales font celles de Ceylan
de Sumatra, de Java, de Bornéo, lesCelebes, les
Maldives, les Moluques, auxquelles on joint communément
les Philippines & les îles Màriannes. Lorfi
qu’il n’eft qupftion que de commerce, on comprend
encore fous le nom d'Indes orientales , le Tonquin,
la Chine, & le Japon ; mais à parler jufte, ces vaftes
pa ys , ni les Philippines, moins encore les îles Marianne?
, ne doivent point appartenir aux Indes orientales,
puifqu’elles vont au-delà.
Peu de tems après que les Portugais eurent trouv
é la route des Indes par le cap de Bônne-Efpérance,
ils découvrirent le Bréfil; & comme on ne connoif-
foit pas alors diftinâement le rapport qu’il avoit avec
.les Indes, on le baptifa du même nom ; on employa,
feulement pour le diftinguer le furnom $ occidentales
, parce qu’on prenoitla route de l’Orient en allant
.aux véritables Indes , 8c la route d’Occident pour
aller au Bréfil. ' De-là vint l’ufage d’appeller Indes
orientales 9 ce qui eft. à l’orient du cap de Bonne-
Efpérance, 8c Indes occidentales, ce qui eft à l’occident
de ce cap.
On a enfuite improprement étendu ce dernier
nom à toute l’Amérique; & par un nouvel abus,'
qu’il n’eft plus poflible de corriger, on fe fert dans
les relations .du nom & Indiens, pour dire les Ami-
riquains. Ceux qui veulent parcourir l’hiftoire ancienne
des Indiens pris dans ce dernier fens , peuvent
confulter Herréra ; je n’ai pas befoin d’indiquer
les auteurs modernes, tout le monde les connoît ;
je dirai feulement que déjà en 1602, Théodore dç
Bry fit paroître à Francfort un recueil de deferiptions
des Indes orientales 8c occidentales, qui formoir 1$
vól. in-fol. & cette colleâion complete eft recherchée
de nos jours par fa rareté.
Le peuple a fait une divifion qui n’eft rien moins
que géographique ; il appelle grandes Indes, les Indes
orientales , & petites Indes, les /«^« occidentales.
(Z>. ƒ .)
Indes , C ompagn ie Fr an çoise des ( Comm±
Droit polit. ) Lorfque la France étoit obligée de recevoir
des autres nations les marchandifes des /«-
des, c’étoit elle qui fourniffoit à la dépenfe des vaifr
féaux étrangers qui les lui portoient. Voilà la con-
fidération qui engagea M. Colbert, dont le génie fe
tourna principalement versie Commerce, à former
en 1664. une Compagnie des Indes occidentales, 8c
une autre deS Indes orientales. Le Roi donna pour
l’établiffement de cette derniere plus de fix millions
de notre monnoie d’aujourd’hui. On invita les per-
fonnes riches à s’y intéreffer : les reines , les princes
, & toute la cour, fournirent deux millions numéraires
de ce tems-là ; les cours fupérieures donnèrent
douze cens mille livres ; les financiers deux
millions ; le corps des marchands 650 mille livres ;
en un mot, toute la nation féconda fon maître 8c
Colb ert..
On conçut d’abord la plus haute idée de cette
compagnie orientale, 8c on en efpéra les plus grands
fuccès ; mais la mort des plus habiles direâeurs envoyés
aux Indes, l’infidélité des autres, leurs divi-,
fions, la faute de M. Colbert d’avoir confié la ee-»
ftion
/
ï N D ftion à des financiers plus qu’à des négocians , la
guerre de 1667 pour les droits de la reine, qui n’é-
toient rien moins qu’inconteftables ; celle de 1671
contre la Hollande, que Louis XIV. vouloit détruire
, parce qu’elle étoit riche 8c fiere ; la perte des
efeadres envoyés aux/«/« dans ce tems-là; enfin,
les guerres ruineufes pour la nation depuis le commencement
du fieele jufqu’à la paix d’Utrecht, ré-
duifirent les chofes en un tel état, que ce qui a fub-
fifté de cette compagnie, ou plutôt celles qui fe formèrent
de fes débris en diverfes fois jufque en 1719,
n’en ont été proprement que l’ombre 8c le fquelete.
Mettons dans ce rang la ceftion que la Compagnie
fit de fon commerce & de fes privilèges en 1710 à de
riches négocians de S. Malo, qui fe chargèrent du
négoce des Indes orientales, moyennant dix pour
cent qu’ils donnoient du total de la vente des marchandifes
qu’ils en rapportaient. Ce commerce languit
d’abord dans leurs mains, 8c il étoit trop foible
pour remplir nos befoins. Il nous falloit toujours
acheter de nos voifins la plus grande partie des marchandifes
qui venoient en Europe des pays orientaux,
fer vitude onéreufe à l’état, dont Colbert avoit
Voulu l’affranchir.
Dans cette même vûe , pour profiter des grandes
dépenfos qui avoient été faites à ce fujet depuis 5 5
ans, 8c pour ne pas laiffer un fi beau deffein fans
effet, M. Law, cet illuftre écoffois, auquel nous
devons l’intelligence du commerce, & qui cependant
a été chaffé de France, & eft mort dans la mi-
fere à Venife; M. Law , dis-je, qui en Mai 17 16 ,
avoit établi une banque générale en France, & une
compagnie de commerce, fous le nom de Compagnie
d'occident avec des a llions, ôta la compagnie des Indes
aux Malouins, 8c réunit cette compagnie au
mois de Mai 1 7 19 , à celle d’occident. On nomma
la nouvelle compagnie, Compagnie des Indes. C ’eft
celle qui fubfifte aujourd’hui ; 8c elle eft le feul ve-
ftige qui nous refte du grand 8c noble fyftème de M.
Law.
Cette réunion fit bien-tôt monter les anciennes
aâions de la compagnie d’occident, qui n’ étoient
qu’au pair, à 130 pour cent. La confiance augmentant,
on fouferivit en moins d’un mois pour plus de
50 millions d’aâions. Par arrêt du 11 Oâobre 1719,
les 50 millions furent pouffés jufqu’à 300 millions.
En un mot, pour abréger, il y eut fept créations
d’aâions, montant à 624 mille, nombre à la vérité
prodigieux, mais qui n’auroit pas été au-delà des
forces de la compagnie , fi elle n’avoit promis un
dividende de 200 livres par aâion ; ce qui étoit beaucoup
au-deffus de fon pouvoir : aufli les aâions furent
elles réduites à 200 mille dans la fuite.
Cependant le crédit de la Compagnie des Indes ,
foutenu des progrès de la banque royale, fut fi fin-
gulier, qu’en Novembre 1 7 1 9 , on vit avec uhe
extrême furprife les aâions monter à 10000 livres
( vingt fois plus que leur première valeur ) , malgré
la compagnie même, qui pour les empêcher de monte
r , en répandit en une feule femaine pour 30 millions
fur la place, fans pouvoir les faire baiffer.
Plufieurs caufes, comme nous allons le dire d’après
M. Dutôt qui a écrit fur ce fujet un livre admirable
pour la profondeur & la jufteffe, contribuèrent
à cette prodigieufe augmentation. t ° . L’union
de la ferme du tabac. 20. Celle des compagnies.
3®. Celle des monnoies 8c affinage. 40. Celle des
fermes générales. 50. Celle des recettes générales.
6°. Le défaut d’emploi des deniers provenans des
rembourfemens des rentes fur la ville & charges fup-
primées. 70. Le prêt de 2500 livres que faifoit la
banque fur chaque aô io n , moyennant 2 pour cent
par an d’intérêt. 8°. Enfin les gains faits, 8c le defir
d’en faire, portèrent les chofcs à cet excès.
Tome V IU ,
ï N D éôi
La Compàgnie des Indes prêta 160 'huilions à Sa
Majefté pour rembourfer pareille fomme fur les 2
milliards 62 millions 138 mille livres en principal,
que le Roi devoit à fon avenement à la couronne;
La compagnie retendit par fes mains fur les revenus
de Sa Majefté pour l’intérêt de fon prêt, 48 millions;
non compris fon bénéfice fur les fermes, fur le tabac
, fur les monnoies, 8c fur fon commerce des
deux Indes ; de forte que fes bénéfices pou voient
égaler fa recette au moment que le nombre de fes
aâions fut réduit à 200 mille.
Cependant l’union de la banque à cette compa-
nie qui devoit ce femble leur fervir d’un mutuel
appui, devint par la défiance, l’artifice & l’avidité,
le terme fatal où commença la décadence de l’une
8c de l’autre. Les billets de la banque tombèrent
dans le diferédit, de même que les aâions de la
compagnie, le 10 Oâobre 1720, tems où les billets
de banque furent fupprimés, 8c le crédit de l’état
bouleverfé. La banque périt entièrement, & la compagnie
des Indes fut prête à être entraînée par fa
chûte, fi l’on n’avoit fait des efforts depuis 1721 juf*
qu’en 1725 pour foutenir cette compagnie. Dans
ladite année 1725 le Roi donna finalement au mois
de Juin deux édits enregiftrés au Parlement, l’un
portant confirmation des privilèges accordés à ladite
compagnie pendant les années précédentes, 8c Fait*
tre la décharge pour toutes fes opérations paffées.
Ce font les deux principaux édits qui ont fixé
l ’état 8c le commerce de cette compagnie fur le pié
où elle eft. Je ne fuivrai point depuis lors jufqu’à
ce jour fes profpérités, fes malheurs, fes viciflîtu-
des, fes traverfes, fes contradiâions, fes emprunts,
fes améliorations, 8c ceux dont elle eft encore fuf-
ceptible. Tout ce|a n’eft point du reffort de cet ouvrage
, & d’ailleurs on ne pourroit guere en dire
fon fentiment fans rifquer de déplaire.
Je me contenterai feulement de remarquer que
c’eft à tort que dans le tems des adverfités de cette
compagnie, on propofa fa deftruâion, 8c l’abolition
du commerce des Indes, comme un étàbliffement à
charge à l’état ; les partifans de l’ancienne économie
timide, ignorante & reflerrée, déclamoient de même
en 1664, nefaifant pas réflexion que les marchandifes
des Indes devenues néceffaires, feroient payées
plus chèrement à l’étranger. 20. Si l’on porte aux
Indes orientales plus d’efpeces qu’on n’en retire, ces
efpeces qui viennent du Pérou 8c du Méxique, font
le prix de nos denrées portées à Cadix. 3°. Il faut
encore confidérer ce commerce par rapport aux épiceries
, aux drogues, & aux autres chofes qu’il nous
procure , que nos provinces ne produilent pas ;
dont nous ne pouvons nous paffer, 8c que nous ferions
obligés de tirer de nos voifins. 40. La conftruc-
tion & l’armement de nos vaiffeaux qui les vont
chercher, fe faifant dans le royaume, l’argent qu’on
y emploie n’en fort point: il occupe du monde , il
éleve des hommes à la mer, c’eft un grand avantage
pour l’état. Ainfi, bien loin que ce commerce foit à
charge à la France, elle ne fauroit trop le protéger 8c
l’augmenter. Il ne détruit point les autres branches
de négoce qui n’ont jamais été fi floriffantes. La quantité
de vaiffeaux pour l’Amérique eft prefque triplée
depuis la régence. Quelles autres lumières voulons-
nous pour nous éclairer? 5®. Enfin il eft de la bonne
politique de pouvoir être informé avec certitude de
tout ce qui fe paffe dans les autres parties du monde,
à caufe des établiffemens qu’y ont les aurres nations,
ce qui ne fe peut faire qu’en y commerçant. Le grand
Colbert fentoit bien ces avantages, & le gouvernement
préfent connoît de plus en plus cette nécefi
fité 8c l’utilité de ce commerce, puifqu’il le protégé
puiffamment.
Concluons que tant que cette compagnie fera
P|>pp