afsûrer en général, que les femmes y font plus fujettes
que les hommes ; que plus on approche de l’enfance,
plus l’on en eft fulceptible. ( Remarquez que je ne
parle ici que de l’inflammation, & non des maladies
inflammatoires, où l’on obferve le contraire ) ; ainfi
les enfans y font très-fujets. Ils font impreffionales à
la moindre caufe, & chez eux les inflammations fui-
vantla pente naturelle des humeurs, fe portent plus à la tête ; on obferve auffi des aphtes, des légères
inflammations derrière les oreilles, aux tonfilles, aux
y e u x , ,des inflammations exhanthématiques fur la
tête, au vifage. Après eux viennent les adolefcens,
enfui te les jeunes gens ; & chezeux les inflammations
s’obfervent principalément au col & à la poitrine.
Après ceux-ci, les adultes plus difpofés aux inflammations
, & aux embarras des vifceres litués dans
I les hypocondres ; enfin dans les vieill^çds elles font
très-rares, & attaquent plutôt les parties inférieures,
comme les reins, & les articulations. Voyt£ Hippocrate,
Aphor. liv. I II.
Le tempérament fanguin y eft plus propre que
le phlegmatique ; ceux qui ont un fang fec & épais,
qu’on appelle inflammatoire, reçoivent très-facilement
les impreffions fâcheufes des caufes éloignées.
Le tempérament bilieux , mélancolique , le plus
fenfible de tous eft aufli fujet à l’inflammation. Les
perfonnes hémorrhoïdaires, bilieufes, hépatiques ,
femblent avoir une difpofition particulière aux éré-
lipeles périodiques, q ui, par le défaut du traitement,
deviennent très-opiniâtres.
La théorie. La théorie de Vinflammation n’eft autre
chofe que la recherche ou l’examen des caufes
inconnues qui la produifent, ou plutôt qui la confti-
tuent. II s’agit ici de cette caufe,que les Icholaftiques
appellent caufe prochaine, continente, dont la préfence
entraîne néceflairement Vinflammation , & qui cef-
fant d’exifter, termine tout de fuite Vinflammation.
Cette caufe, ce changement intérieur qu’éprouvent
alors le fang & les vaiffeaux, entièrement dérobé au
témoignage desfens, eft par là même fort' incertain,"
très-obfcur;& c’eft ce qui l’a rendu la fource de beaucoup
de difcuflxons, de difputes, d’hypothefes, & en
conféquence de beaucoup d’erreurs. Leraifonnement
feul peut percer ce myftere ; aufli eft-il bien difficile
de donner fur cette matière rien de certain , & c’eft
un grand point d’atteindre le vraiflemblable ; pour
s’en convaincre il n’y a qu’à jetter un coup d’oeil fur
les différens fentimens qui ont partagé depuis ^rès-
long-tems les Médecins.
Les anciens penfoient que Vinflammation fe for-
moit par une fluxion rapide d’une humeur chaude
& agitée, dans une partie, & fur-tout dans les vaifi-
féaux deftinés à renfermer les efprits. C ’eft ainfi qu’ils
appelloient les arteres, qu’ils ont cru jufqu’à Galien
qui combat vivement cette erreur, entièrement vui-
aes de fang ; fl c*étoit un fang pur & médiocrement
épais , dit après Galien Pauld’Egine, Vinflammation
étoit phlegmoneufe, le mélange du fang & de la bile
feule ainfi ramaflee, occafionnoit les dartres, &c.
On voit à-travers les fautes qu’entraînait nécef-
fairement le défaut d’anatomie, l’ignorance de la
circulation du fang , le mauvais état de la phyfique,
&c. que les anciens faifoient confifter Vinflammation
dans l’arrêt & l’accumulation du fang, d’un fang
agité dans les extrémités des arteres. Ce fentiment
a été renouvellé, après avoir été long-tems ridicu-
lifé & mis en oubli, & on l’a donné comme nouveau,
de même que bien d’autres opinions des anciens.
Pendant,l’efpace de dix-huit fiecles que les Médecins
ne juroient que par Galien & par Hippocrate,
& ne favoient pas penfer fans-leur fecours, on n’a
rien innoyé dans la doctrine des anciens; & cette
théorie, la feule qu’il y eût, étoit généralement
adoptée de tout le monde.
Lorfqu’au commencement du xvj. fiecle la Chimie
aii fortir du berceau commença à fleurir & à
dominer, elle éblouit alors loin d’éclairer ; tout le
monde lui rendit les armes, & la face de la Médecine
fut entièrement changée ; les écoles ne retentirent
plus que des noms impofans & mal définis de
f e l, de foufre, d’efprit, &c. On métamorphofa le
corps humain en alembic ; le fang fut regardé comme
un magafin de différens fels, de foufre, & autres
principes chimiques ; on plaça dans toutes les parties
& dans tous les couloirs, des fermens particuliers
deftinés à chaque fecrétion ; en un mot, on
penfa que les efferveïcences, fermentations, Sc autres
phénomènes chimiques qu’on obferve dans les
laboratoires, dévoient fe remarquer aufli dans le
corps humain. Il fut décidé que toutes lès maladies
dévoient leur origine à des combinaifons contre nature
des différens principes qui compofent le fang ;
ainfi Paracelfe déduifit la fievre de Vinflammation
d’un principe nitro-fulfureux qui fe formoit dans le
fang, lorfque des mucilages, des efprits falins & nitreux
fe mêloient à un foufre impur & fétide, lorfque
ce mélange étoit confidérable & répandu dans
tout le corps, fleurs qui refultoient de fa progémination
, acéteufes, froides & mercurielles, énfuite
grafles, inflammables & fulfureufes, produiraient
Fucceflivement le froid •& le chaud fébril. Ce mélange
reftreint & concentré dans une partie, & toû-
jours entretenu par un abord continuel des mêmes
matières, formoient l’inflammation.
Un fang abondamment chargé de parties huileu-
fes & fulfureufes, ditWolfangus Wedelius, venant
à s’arrêter dans les pores, caufera Vinflammation ,
fur-tout éréfipélateufe , parce que les parties falines
fulfureufes venant à fe dilater & à fe raréfier ,
cauferont une irritation qui déterminera les efforts
de l’archée furveillant.
Willis tour-à-tour fameux anatomifte, grand médecin
, excellent chimifte, & fur-tout fi zélé fermen-
tateur, qu’il fouhaitoit, peut-être pas fans fondement
, que les Médecins reffemblaffent à des vinaigriers
, plaça dans tous les couloirs, dans tous les
vifceres , des fermens particuliers ; il compofa le
fang humain de fes cinq principes univerfels , fa-*
voir d’efprit, de phlegmes, de fels, de foufre, &
de terre, ou caput mortuum; & comme s’il opéroit
dans fon laboratoire, il procédé ainfi à cette com-
pofition ; il enchaîne les efprits dans les corpufcules
grofliers & terreux ; par cette fage précaution, il
prévient leur diflipation : d’ailleurs ces efprits retenus
font de continuels efforts pour s’échapper ; ils
mettent en mouvement, dilatent, fubtilifent leurs
liens, volatilifent les fe ls , diffolvent les foufres,
les rendent mifcibles à l’eau, brifent la terre, & enfin
mêlent intimement ces principes entre eux. De
ce mélange il refulte un corps fluide auquel les foufres
diffouts donnent une couleur rouge ; ce fluide
ainfi formé, eft le fang dont les parties lont toujours
. dans un mouvement inteftin' de fermentation, ou
d’effervefcence, dit "Willis ; car il confond fouvent
ces deux mouvemens que la chimie moderne a réellement
diftingués. Lorfque ce mouvement inteftin
femblable à la fermentation vineufe, eft réduit à un
jufte milieu , il établit la fanté : arrêté , diminué ,
ou augmenté par différentes caufes, il eft la fource
de différentes maladies-; fi les parties falines & fulfureufes
font plus abondantes, ou plus développées
dans une partie, elles embarrafferont le mouvement
du fang, l’empêcheront de circuler; d’où il refultera
un choè plus grand & plus fubit des parties différentes
; & de-là naîtront avec Vinflammation tous les
différens fymptomes, la tumeur, la rougeur, la chaleur
I N F
tèo'r & la doùleür, & la fievre fîirviendra : fi quelque
principe, l ur-tout a&if; comme les efprits & le
loufre, prend le defîus, il s’excitera une forte d’effer-
yëfcence, comme il arrive dans un tonneau de v in ,
lorfque quelque partie, fur-tout le tartre, prédomine;
cette effervefeence ou la fievre durera jufqu’à
ce que le fang enflammé par le feu fébril ait défia
gré; '
Chirac; illuftreprofeffeurde Montpellier, homme
ne.avecungenie hardi & créateur; doué detalens fu-
périeurs-, & renommé -par les changemens eonfidéra-
bles qu’il a apportés dans la théorie & la pratique de
la Medecine >, penfoit aufli que le fang étoit compofé
‘de fels j de foufre, de terre & d’eau ; que les fels qui
entroient dans fa compofition étoient de différente
nature > les uns acides, & les autres alkalis; ils en-
tretenoient par leur choc mutuel un mpuvement de
fermentation > ou plutôt d’effervefcence , néceffaire
à la coûion des humeurs & à leurs différentes fecré-
tions; fi quelques caufes augmentoient l’énergie de
ces fels, leur choc devenoit plus fort, la chaleur
plus v iv e , la fermentation augmentoit. Si cette caufe
«voit lieu dans tout le corps ; la fievre étoit excitée
; fi elle étoit reftrainte à une partie; & fiir-tout
le fang étant déjà coagulé parles acides, ce n’étoit
qu’une fievre topique, ou inflammation.
Quelques feûateurs de la phyfique de Defcartes
bnt trouvé la caufe de 1 ’’inflammation dans cette matière
lubtile éthérée qui ; félon eu x, eft le premier &
le feul moteur de toutes chofes : en fuppofànt auparavant
le fang épaifli & arrêté dans quelques parties
, la matière fubtile qui avant cet épaififlement
parcouroit en liberté les pores du fang ouverts &
difpofés en droite ligne , ne faùrbit fe mouvoir avec
la même facilité dans les pores rétrécis & tortueux
d’un fang coagulé ; ainfi elle fera obligée de faire
des efforts pour brifer les liens ;• pour vaincre lesob-
ftacles qui s ’oppofent à fon mouvemént, pouf ëxpul-
fer les matières hétérogènes qui bouchent les pores ;
tous ces efforts ; ces mouvemens; feront néceffairè-
ment fuivis de chaleur, de rougeur ; dé douleur, &
en uii mot il y aura inflammation.
On ne fauroit nier que tous ces fyftëtiiéS ne foient
imaginés avec beaucoup d’efprit ; il eft fâcheux qu’ils
ii’ayent d’autre mérite, & qu’ils foient fi éloignés
de la vérité ; une réfutation férieufe me paioît fu-
perflue ; les nouvelles analyfes du fang & des hii-
ineurs en ont banni toiis ces principes, qui étoient
redevables de leur exiftence à l’imagination bouillante
& préoccupée de quelques chimiftes ; la .matière
éthérée ne méritoit pas un traitement plus favorable;
la faine Phyfique en a reconnu l ’infuffifan-
ce & le défaut, & l’a condamnée; ainfi que les lois
du mouvement dé ce grand homme , à une inaâiori
perpétuelle. Aufli toutes ces hypothèfes* fruit de l’imagination
j ne fe font foutenues que peu de tems
en faveur de la nouveauté, & font tombées dans
l’oubli aufli-tot qu’elles ont eu perdu çefoible avantage
, opinionum commenta ddet dits.
Les. Méchaniciens ont fuccédé a u i Chimiftes ;
ils fe font élevés fur les débris de la Chimie, dont
ils ont renverfé les opinions ; le corps humain changea
dans leur main de nature ; il cefla d’être laboratoire,
& fut transformé en un magafin de cordes,
de leviers, poulies, & autresinftrumens de mécha-
nique, dont le principal but devoit être de concourir
au mouvement des humeurs ; en un mot; le corps
fut regardé comme une machine ftatico-hydrauli-
que ; & on ne balança pas un moment à en expliquer
toütes les fondions par les voies aveugles &
démontréesgéométriquementdelaméchanique inorganique
; mais il eft arrivé très-fouvent qu’on a fait
une fàufle application' dés principes les plus certains ;
leur théorie de Vinflammation, ÔC celle de la fievre *
Tome F IU , 1
I N F 7iï
qui eft prefqïie la même , eft fondée fur ce principe
dont la Vérité n’eft rien moins que démontrée dans
la fievre ; mais qui eft aflûréé dans l’inflammation
fa voir que le courS du iàng eft gêné & prèlque nul
dans les extrémités capillaires'.
(M. Didier, ancien profeffeur en notre univerïîfë;
Célébré fur-lout par les felfources h'eureufes que lui
foiirnrffoit une imagination vive dans les cas les plüs
deleiperés, le premier qui ait fait jouer la machine
dans lè corps humain, regardôit la ftagriatiôn du
lang dans les petites artérioles comme câufe fufilmante
àeVinflammation. Cela pofé, difoit-fl, le fang
qui continuellement pouffé par le coeur, vient heurter
contre c'es obftrudi'ons, rebrôuffe chemin, paffé
plus vîte pâv les vaiflèaux collatéraux; parce qu’une
plus grande quantité doit paffer dans un tems donne.
Il arrive donc au coeur par un chemin plus court,
par conféquent plus promptement; & en plus grande
quantité; d’oiis’enfuit encore la fievre générale;
qu’il doit regarder dans fon fyftème comme compagne
infeparable de l'inflammation. Cette explication
n’eft qu’un enchaînement de principes faux & contraires
aux lois du mouvement ; car, félon ces lois,
un corps mu avec un certain degré de viteffe, rencontrant
un Corps de la même dénfité"en repos, lui
communique là moitié de fa viteffe ; donc le fang
pouffé par le coeur contre celui qui eft arrêté, doit
perdre de fa viteffe loin d’en acquérir une nouvelle ;
loin donc de tiraverfer plus vite les vaiffeaux adjoints,
donc il ne doit pas non plus arriver plus
prôniptemerit au coeur ; car fouvent le paffage par
les vaiffeaux collatéraux rt’abrege point le chemin ;
d’ailleurs il doit y parvenir en moindre quantité;
puifqu’urie partie des extrémités capillaires lui re-
fiife une ifl'ue ; il eft démontré que là maffe d’uil
fluide qui s’échappe d’un tube pâr différens orifices;
eft proportionnelle à leur nombre. Si dans une pompe
de trôis orifices égaux ; von en bouche deux, le
pifton continuant de jouer avec la même force, la
quantité du fluide qui fortira par le feul orifice fera
fous-triple de celle qui s’échappoit auparavant par
les trdis. Ainfi les petits Vaiffeaux s’ëtànt bouchés
par la fuppofitidn ; lÿ maffe du fang qui fera tranf-
mife au coeur diminuera à proportion ; donc ceS
obftacles ne tendront qu’à diminuer la force & la
vitefle des contrarions du coeur, loin de les augmenter
; la gangrené & la fyncopé dans ces circon-
ftances feroient plus à craindre que l'inflammation
&c la fievre;
M. Fizes, aüfli fameux profefl*eur éri I’iiniverfité
de Montpellier, fuit exactement l’opinion de Dei-
dier ; il penfe avec lui que la ftàgnation du fang fuffit
pour augmenter fa vitéfle dans les vaiflèaux voi-
flns , & même par tout le corps ; il ajoute qiie lés
parties fibreûfës du fang embarraffant l’emboiichure
des vaiffeaux lymphatiques, la lymphe ne fera point
fépàrée. Or cette fecrétion qui, feldrt lui, arrête le
cours du fang, n’ayant pas lieu; lé fang ira d’autant
plus vite ; quë fà yitefle dans les extrémités artérielles
furpafle celle de la lymphe dans fes Vaiffeaux appropriés
: citons les propres termes de l’auteur ; poiir
ne pas paroîtré les avoir dbfcurcis : hinc fahguinis
celeriias in eâ proportiohe crefcet qaâfanguinis per vafâ
miriimàpr 'ojecliceleritds Lymphaperduclus exiguos flueh•
iis ccleritatem fuperàt ; ce qui donne encore la raifon
fi recherchée de l’augmentation prétendue dans là
vitefle du fang, foit dans la partie, foit dans tout le
corps : c’eft aflurément prendre bien de la peine
pour donner la raifon d’Un fait qui h’eft rien rfioinis
qu’évident ; il me femble voir tous lès Chimiftes
difputer, èntafîer des volumes ; pour rendre raifon
d’une dent d’or fuppofée naturelle à ûn erifant qui
étoit à la cour d’un duc de Tofcane , tandis que le
fait étoit.faux; ou les Phyficiens fe mettre à la tof--
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