844 I N T ôc quel eft l’homme fenfé qui ofât aborder le pays
qu’habite ¥ intolérant ?
On lit clans Origene , dans Minutius-Felix , dans
les peres des trois premiers liecles : la religionfeper-
fuade & ne fe commande pas. L’homme doit être libre
dans le choix de fon culte ; le perfêcuteur fait haïr fon
Dieu ; le perfêcuteur calomnie fa religion. Dites-moi fi
c’eft l’ignorance ou l’impofture qui a fait ces maximes
?
Dans un état intolérant, le prince ne feroit qu’un
bourreau aux gages du prêtre. Le prince eft le pere
commun de fes fujets ; & fon apoftolat eft de les ren-
dre tous heureux.
S’il fuffifoit de publier une loi pour être en droit
de fé v ir , il n’y auroit point de tyran.
Il ÿ a des circonftances où l’on eft auffi fortement
perfuadéde l’erreur que de la vérité. Cela .ne peut
être contefté que par celui qui n’a jamais été fince-
rement dans l’erreur.
Si votre vérité me profcrit, mon erreur que je
prends pour la vérité , vous profcrira.
Ceffez d’être violens „ou ceffez de reprocher la
violence aux Payèns ôc aux Mufulmans.
Lorfque vous haïffez votre frere , Ôc que vous
prêchez la haine à votre prochain , eft-ce l’cfpritde
Dieu qui vous infpire ?
Le Chrift a dit : mon royaume n’ejl pas de ce monde-,
ôc vous , fon difciple , vous voulez tyrannifer ce
monde !
Il a dit, je fuis doux & humble de coeur ; êtes vous
doux ôc humble de coeur ?
Il a dit : bienheureux les débonnaires, les pacifiques,
& les miféricordieux. Sondez votre eonfcience , ÔC
voyez fi vous méritez cette bénédiâion ; êtes vous
débonnaire, pacifique, miféricordieux?.
Il a dit, je fuis l ’agneau qui a été, mené à la boucherie
fans fe plaindre ,* &vous êtes tout prêt à prendre
le couteau du boucher , & à égorger celui pour
qui le fang de l ’agneau a été verfé.
Il a dit ,fi l ’on vous perfécute, fuye^ ; & vous chaf-
fez ceux qui vous laiffent d ire, & qui ne demandent
pas mieux que de paître doucement à côté de vous.
Il a dit : vous voudriez que je fijfe tomber le feu du
ciel fur vos ennemis : vous ne fave{ quel efprit vous anime
; & je vous le répété avec lui fmtolérans , vous
ne favez quel efprit vous anime.
Ecoutez S. Jean : mes petits enfans, aime^ vous les
uns les autres.
Saint Athanafe ; s ’ils perfécutent, cela feul ejl une
preuve manifejle qu’ils n’ont ni piété ni crainte de Dieu.
C’ejl le propre de la piété, non de contraindre, mais de
petfuader , à Cimitation du Sauveur, qui laiffoit à chacun
la liberté de lefuivre. Pour le diable, comme il n’a
pas la vérité , il vient avec des haches & des coignées.
Saint Jean Chrifoftome : JeJ'us-Qhrifi demande à fes
difciples s ’ils veulent s’en aller aujji ; parce- que ce doivent
être les paroles de celui qui ne fait point de violence.
Salvien : Ces hommes font dans Üerreur, mais ils y
font fans le favoir. Ils fe trompent parmi nous , mais ils
ne Je trompent pas parmi eux. Ils s ’ejliment f i bons catholiques
qu’ils nous appellent hérétiques. Ce qu’ils font
a notre egard, nous le fommes au leur ; ils errent, mais
abonne intention. Quel fer a leur fort à Venir ? il n’y a
que le grand juge qui le fâche. En attendant, il les toléré.
S. Auguftin Que ceux-là vous maltraitent, qui ignorent
avec quelle peine on trouve la vérité, & combien il
f i difficile de fe garantir de l ’erreur. Que ceux-là vous
maltraitent, qui ne fçaventpas combien il ejl rare & pénible
de furmonter les phantomes de la chair. Que ceux-
là vous maltraitent, qui ne favent pas combien il faut
gémir&foupirerpour comprendre quelque choje de Dieu.
Que ceux-là vous maltraitent 9 qui ne font point tombés
dans l ’erreur.
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S. Hilaire. Vous vousferve\> de la contrainte dafis
une caufe ou il ne faut que la raifon ; vous employer la
force où i l ne faut que la lumière.
Les conftitutions du pape S. Clément. Le Sauveur
a laijfé aux hommes Puf âge de leur libre arbitre , ne Us
punjjfant pas d’une mort temporelle, mais les ajfignant
en .tautre monde , pour y rendre compte de leurs délions.
Les peres d’un concile de Tolede. Ne faites à per-
fonne aucune forte de violence, pour l’amener à la foi ;
car Dieu fait miféricorde à qui il veut. & j l endurcit
qui il lui plaît.
On remplirait des volumes de ces citations trop
oubliées des chrétiens de nos jours.
S. Martin fe repentit toute fa vie d’avoir communiqué
avec des persécuteurs d’hérétiques.
Les hommes fages ont tous defapprouvé la violence
que l’empereur Juftinien fît aux Samaritains.
Les écrivains qui ont confeillé les loix pénales
contre l’incrédulité , ont été déteftés.
Dans ces derniers teins l’apologifte de la révoca-1-
tion de l’édit de Nantes, a paffé pour un homme de
fang, avec lequel il ne falloit pas partager le même
toît.
Quelle eft la voie de l’humanité ? eft-ce celle du
perfêcuteur qui frappe, ou celle du perfécuté qui fe
plaint ?
Si un prince incrédule a un droit inconteftabJc
à l’obéiflànce de fon fujet, un fujet mécroyant a un
droit inconteftable à la prote&ion de fon prince.
C ’eft une obligation réciproque.
Si le prince dit que le fujet mécroyant eft indigne
de v iv r e , n’eft-il pas à craindre que le fujet ne dife
que lé prince infidèle eft indigne de régner? IntoU-
rans , hommes de fang , voyez les fuites de vos
principes 6c frémiffez-en. Hommes que j’aime, quels
que foient vos fèntimens ; c’eft pour vous que j’ai
recueilli ces penféesque je vous conjure de méditer.
Médifez-les, 6c vous abdiquerez un fyftème atroce
qui ne convient ni à la droiture de l’efprit ni à la
bonté du coeur.
Opérez votre falut. Priez pour le mien, ôc croyez
que tout ce que vous vous permettrez au-delà eft
d’une injuftice abominable aux yeux de Dieu &
des hommes.
INTOLÉRANT, f. m. ( Morale, ) U intolérant ou
le perfêcuteur, eft celui qui oublie qu’un homme eft
fon femblable , 6c qui le traite comme une bête
cruelle, parce qu’il a upe opinion différente de la
fienne. La religion fert de prétexte à cette injufte
tyrannie , dont l’effet eft de ne pouvoir fouffrir
une façon de penfer différente de la fienne, tandis
que fa véritable fource vient de l’aveuglement,
de la préfomption , & de la méchanceté du coeur
humain. Elle eft fi grande cette méchanceté , que
tout homme de lettres, qui cherche ici bas le repos,
doit fans ceffe prier Dieu de lui faire trouver grâce
auprès des intolérans ; ceux de cet ordre ne font
pas d’ordinaire les plus habiles , & les plus zélés
ne font pas toujours les plus gens de bien ; mais les
gouverneurs des états doivent tenir pour bons fujets
tous les habitans pacifiques. Un feul eft notre
doûeur, favoir Jefus-Chrift , 6c nous fommes tous
freres, dit l’Ecriture. (D . J .)
L’intolérant doit être regardé dans tous les lieux
du monde comme un homme qui facrifie l’efprit ôc
les préceptes de fa religion à fon orgueil ; c’eft le
téméraire qui croit que l’arche doit être foutenue
par fes mains ; c’eft prefque toujours un homme fans
religion, & à qui il eft plus facile d’avoir du zele
que des moeurs. Voyei IN TOLÉRANCE & T O L É R
A N C E .
* INTONATION, f. f. (Gram.) c’ eft l’aftion
d’entonner ; faire l’intonation d’un chant, c’eft le
commencer ôc donner le ton fur lequel il doit être
I N T
pourfuivi. Voyt{ E n t o n n e r & T o n . Intonation fe
prend encore dans un autre fens : on dit d’un mufi-
cien, qu’il a ¥ intonation jufte, lorfqu’il exécute avec
précifion les intervalles de la mufique. La jufteffe
de Vintonation dépend de la v o ix , de l’oreille Ôc de
l ’exercice.
INTR A -CO STAU X , en Anatomie, font des muf-
cles qui paroiffent aufîi-tôt qu’on a enlevé la plèvre
; il font fix, fept, huit ou neuf de chaque côté ;
& naiffent auprès de la tubérofité des côtes : ils
montent obliquement ôc finiffent à la première côte
qui leur eft fupérieure, ou à la fécondé; on les appelle
les intra-coftaux de Verrheyen, & les fous-cof-
taux de M . de Winflow. Voye£ S o u s - c o s t a u x .
INTRADOS, ( Coupe des pierres. ) Voye^ D o e l e .
* INTRADUISIBLE, adj. ( Gramm. ) qu’on ne
peut traduire. Un auteur eft intraduifible, lorfqu’il
y a peu de termes dans la langue du tradutteur qui
rendent ou la même idée, ou précifément la même
colleâiond’idées qu’ils ont dans la langue de l’auteur.
* INTRAITABLE, adj. (Gram.) Un homme eft intraitable lorfque la durete de fon carattere, la
férocité de fon efprit, l’inflexibilité de fon humeur,
la fierté rude de fes moeurs repouffent tous ceux
qui ont à traiter, agir, ou eonverfer avec lui. Les
honneurs &C la richefle rendent quelquefois intraitables.
La maladie en fait autant.
* INTRANT, f. m. (Lite. ) c’eft celui qui eft
choifi & député par la nation, pour l’éleûion d’un
nouveau retteur. Il y a quatre intrans,, parce qu’il
■ y a quatre nations dans l’u h iv e r f ité c e font ces
vocaux qui font le re&eur ; ils votent en particulier.
Lorfque leurs voix font partagées, c’eft le
recteur en exercice qui débarre.
INTRÉPIDITÉ, 1. f. (Morale.) L ’intrépidité eft
une force extraordinaire de l’ame qui l’éleve au-
deffus des troubles, des defordres, & des émotions
que la vue des grands périls pourrait exciter en
elle ; & c’eft par cette force que les héros fe main-
liennent en un état paifible, Ôc confervent l’ufage
libre de leur raifon dans les accidens les plus fur-
prenans ôc les plus terribles.
L’intrépidité doit foutenir le coeur dans les conjurations,
au lieu que la feule valeur lui fournit
toute la fermeté qui lui eft néceffaire dans les périls
de la guerre.
Souvent entre l’homme intrépide ôc le furieux il
n’ eft de différence vifible que la caufe qui les anime.
Celui-ci pour des biens frivoles, pour des honneurs
chimériques qu’on acheteroit encore trop cher par
un fimple defir, facrifiera fes amufemens, fa tranquillité
, fa vie même. L’autre au contraire connoît
le prix de fon exiftence, les charmes du plaifir, 6c
la douceur du repos : il y renoncera cependant pour
affronter le s . hafards, les fouffrances , & la mort
même, fi la juftice 6c fon devoir l’ordonnent ; mais
il n’y renoncera qu’à ce prix. Sa vertu lui eft plus
chere que fa vie , que fes plaifirs ôc fon repos ; mais
c’eft le feul avantage qu’il préféré à tous ceux-là.
Un moyen propre à redoubler ¥ intrépidité y c’eft
"d’être homme de bien. Yotre eonfcience alors vous
•donnant une douce fécurité fur le fort de l’autre
v ie , vous en ferez plus dilpofé à fa ire , s’il en eft
befoin, le facrifice de celle-ci. « Dans une bataille,
» ditXenophon, ceux qui craignent le plus les dieux,
>> font ceux qui craignent le moins les hommes ».
Pour ne point redouter la mort, il faut avoir des
^moeurs bien pures, ou être un f'eéîérat bien aveugle
par l’habitude du crime. Voilà deux moyens
pour ne pas fuir le danger : choififfez.
INTRIGUE, f. f. (Morale.) conduite détournée
de gens qui cherchent à parvenir, à s’avancer,
a obtenir des emplois, des grâces, des honneurs ,
•par la canale 6c le manege. C ’eft la reffource des
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âmes foibles & vitieufes, comme l’efcrime eft le
metier des lâches.
In t r i g u e , (Belles-Lettres.) affemblage de plu-
heurs evenemens ou circonftances qui fe rencontrent
dans une affaire, & qui embarraffent ceux qui
y font intéreffés. n
Ce mot vient du latin intricare, & celui-ci, fui-
vant Nonius, de tria, entrave qui vient du grecôpmç
cheveux tquod pullos gallinaceos involvant & impediant
capilu, Tripand adopte cette conjeaure , & affure
que ce mot fe dit proprement des poulets qui ont les
pies empêtrés parmi des cheveux, & qu’il vient du
grec ev, ©pç, cheveux.
intrigue, dans ce fens, eft le noeud ou la conduite
d une piece dramatique, ou d’un roman, c’eft-à-
dire, le plus haut point d’embarras où fe trouvent
les principaux perfonnages,par l ’artifice ou la fourbe
de certaines perfonnes, & par la rencontre de plusieurs
evenemens fortuits qu’ils ne peuvent débrouiller.
Voye^ Noeud.
Il y a toujours deux deffeins dans la tragédie, la
coraedie ou le poëme épique. Le premier & le principal
eft celui du héros ; le fécond comprend tous
les deflems de ceux qui s’oppofent à fes prétentions.
Les caufes oppoféesjjroduifent auffi des effets op-
pofes, favoir, les efforts du héros pour l’exécution
de fon deffein, & les efforts de ceux qui lui font
contraires.
> Comme ces caufes & ces deffeins font le commencement
de 1 aftion, de même ces efforts contraires
en font le milieu, & forment une difficulté & un
noeud qui fait la plus grande partie du poëme ; elle
dure autant de tems que l’efprit du leéteur eft fuf-
pendu fur l’événement de ces efforts contraires. La
folution ou dénouement commence, lorfque l ’on
commence à voir cette difficulté levée & les doutes
éclaircis. Voye^ A c t i o n , F a b l e , &c.
Homere & Virgile ont divifé en deux chacun dé
leurs trois poëmes , & ils ont mis un noeud 6c un
dénouement particulier en chaque partie.
La première partie de l’iliade eft la colere d’Achille
, qui veut fe venger d’Agamemnon par le moyen
d’Heftor 6c des Troïens. Le noeud comprend le combat
de trois jours qui fe donne enl’abfence d’Achill
e , ôc confifte d’une part dans la refiftance d’Agr-
memnon & des Grecs ; 6c de l’autre, dans l’humeur
vindicative & inexorable d’Achille, qui ne lui permet
pas de fe reconcilier. Les pertes des Grecs & le
defefpoir d Agamemnon difpofent au dénouement,
par la fatisfaâionqui en revient au héros irrité. La
mort de Patrocle, jointe aux offres d’Agamemnon ,
qui feules avoient été fans effet, lèvent cette difficulté,
& font le dénouement de la première partie.
Cette meme mort eft auffi le commencement de la
fécondé partie, puifqu’elle fait prendre à Achille
le deffein de fe venger d’Heâor ; mais ce héros s’op-
pofe à ce deffein, & cela forme la fécondé intrigue ,
qui comprend le combat du dernier jour.
Virgile a fait dans fon poëme le même partage
qu’Homere. La première partie eft le voyage & Fai-
rivée d’Enée en Italie ; la fécondé eft fon établiffe-
ment. L’oppofition qu’il effuie de la part de Junon
dans ees deux entreprifes., eft le noeud général de
l’a&ion entière.
Quant au choix du noeud & à la maniéré d’en
faire le dénouement, il eft certain qu’ils doivent naître
naturellement du fond & du fujet du poëme. L e
P. le Boflii donne troisjmanieres de formelle noeud
d’un poëme ; la première eft celle dont nous venons
de parler ; la fécondé eft prife de la fable 6c du deffein
du poëte ; la troifieme confifte à former le
noeud, de telle forte que le dénouement en foit une
fuite naturelle, Voye^ Catastrophe & Dénouement,
%