foutenue & bien dirigée, elle trouvera toujours en
elle-même la consommation de les retours que nous
portons même déjà chez nos voifins. Elle a la propriété
de Ponticheri qui lui affure le commerce de
la côte de Coromandel & de Bengale, les îles de
Bourbon & Maurice, la quantité de fonds & dé vaif-
feaux néceflaires, la représentation de Ses a&ions
fur la place qui lui font une fécondé valeur réelle,
circulante, & libre, des fondemens peut-être équi-
valens à ceux de la compagnie des Indes d’Angleterre,
& des établiffemens Solides, quoique beaucoup
moins étendus que ceux de la Compagnie des
Indes orientales de Hollande. Enfin Ses retours font
très-confidérables , puisqu’ils vont présentement
( 1 7 5 1 ) à plus de 14 millions par an. (D .J .)
INDES , ( Compagnie Hollandoife des. j Commerce.
Il y a en Hollande deux-Compagnies des Indes, lo -
rientale & l’occidentale, dont je vais parler en peu
de mots, bien fâché de ne pouvoir m’étendre..
De la Compagnie orientale. Le defefpoir & la vengeance,
dit M. Savary, & il dit bien v ra i, furent
les premiers guides qui apprirent le chemin des Indes
aux Hollandois, cette nation née pour le commerce.
L ’Efpagne leur ayant fermé tous Ses ports, & fous
le prétexte de la religion, les perfecutant avec une
rigueur, pour ne pas dire avec une-barbarie extrême,
ils entreprirent en 1595 d’aller chercher en Afie le
commerce libre & affuré qu’on leurrefufoit en Europe
, afin d’acquérir des fonds pour entretenir leurs
armées, & maintenir leurs privilèges & leur liberté.
La néceflité infpira en 1594 à quelques Zelandois
encouragés par le P. Maurice, le projet de le frayer
une nouvelle route pour la Chine & les Indes orientales
par le nord-eft, comme on vient de le tenter
tout récemment avec quelque vraiffemblance de
fuccès ; mais d’un côté les froids extrêmes de la
nouvelle Zemble, & de l’autre les glaces impénétrables
du détroit deWeigatz, ruinèrent & rebutèrent
les efcadres qui y Surent alors envoyées, de
même qu’elles rebutèrent les Anglois qui dès l’an
15^3 avoient travaille a la meme recherche.^
Cependant, tandis que les armateurs de Zélande
tentoient inutilement & malheureufement ce paffa-
ge , d’autres compagnies prirent avec fuccès en
1^9^ la route ordinaire des Portugais, pour Se rendre
en Afie. Cette derniere entreprise fut fi heu-
reufe, qu’en moins de Sept ans divers particuliers
armèrent jufqu’à dix ou douze flottes qui prefque
toutes retournèrent avec des profits immenfes.
Les états généraux appréhendant que ces diverfes
compagnies particulières ne Se nuififfent, leurs directeurs
furent affemblés, & consentirent à l’union,
dont le traité fut confirmé par leurs H. P. le 20 Mars
î 6 o i , époque bien remarquable, puisqu’elle eft celle
du plus célébré, du plus durable, & du plus Solide
ëtabliffement de commerce qui ait jamais été fait
dans le monde. ■ . .
Le premier fonds de cette compagnie fut de 6
millions 600 mille florins ( environ 13 millions 910
mille livres de notre monnoie ) & lés états généraux
lui accordèrent un oÛroi ou conceffion exclufive
pour z i ans. Par cet oftroi déjà renouvelle cinq
fois (en 1741 ) , & qui coûte à chaque renouvellement
environ 2 millions de florins à la compagnie,
elle a droit de contracter des alliances, de bâtir des
forterefles, d’y fnettre des gouverneurs & garni-
fons, des officiers de juftice &: de police, en raifant
néanmoins les traités au nom de leurs H. P. auquel
nom fe prêtent auffi les fermens des officiers tant de
guerre que de juftice. Soixante directeurs partagés
en diverfes chambres, font la régie de la compagnie,
& l’on fait qu’il n’eft rien de plus fage & de plus
prudemment concerté que la police & la difeipline
avec laquelle tout y eft réglé.
Les Hollandois, après avoir été quelque tems fur
la défenfive, attaquèrent au fond de l’Afie ces mêmes
maîtres qui jouiffoient alors des découvertes
des Portugais, les vainquirent, les chafferent, &
devinrent en moins de 60 ans les Souverains de l’orient.
La compagnie formée en 1602 gagnoit déjà
près de 3 cent pour cent en 1620. Elle a choifi le
cap de bonne Efpérance pour le lieu des rafraichiffe-
mens de Ses flottes ; elle a établi dans les Indes orientales
40 comptoirs , bâti 25 forterefles, entr’autres
en 16 19 , & pour le centre de Son commerce, la
ville de Batavia, la plus belle de l’Afie, dans laquelle
réfident plus de 30 mille Chinois, Javanois, Cha-
layes, Amboiniens, &c. & oit abordent toutes les nations
du monde.
D e p lus, cette compagnie a ordinairement dans
les Indes plus de 100 vaifleaux depuis 30 jufqu’à
60-pieces de canon, 12 à 20 mille hommes de troupes
réglées, un gouverneur qui ne paroît en public
qu’avec la pompe des ro is , fans que ce fafte afia-
tique , dit M. de Voltaire, corrompe la frugale fim-
plicité des Hollandois en Europe. Heureux L s’ils
favent la conferver en rappellant le commerce général
qui s’échappe tous les jours de leurs mains par
plufieurs détours, paffe dans le nord, ou fe fait ailleurs
directement fans leur entremife.
En effet il faut convenir que le commerce & cette
frugalité font Punique reffource des provinces unies;
car quoique leur compagnie orientale fe trouve la
feule qui ait eu le bonheur de fe maintenir toujours'
avec éclat fur fon premier fonds, fans aucun appel
nouveau, fes grands fuccès font en partie l’effet
du hafard qui l’a rendue maîtreffe des épiceries ;
tréfors -aulfi réels que ceux du Pérou, dont la culture
eft auffi falütaire à la Santé, que le travail des
mines eft nuifible, tréfors enfin dont l’univers ne
fauroit Se paffer. Mais fi jamais ce hafard, ou plutôt
la jaloufie éclairée , l’induftrie vigilante, offre à
quelqu’autre peuple la culture de ces mêmes épiceries
fi enviées, alors cette célébré compagnie aura
bien de la peine à Soutenir les frais immenfes de Se9
armemens, de fes troupes, de fes vaifleaux, de la
régie de tant de forterefles & de tant de comptoirs.
Déjà depuis plufieurs années quelques nations de
l’Europe font en concurrence avec ellepour le poivre
qu’elle ne fournit prefque plus à la France ert
particulier. Déjà , . . . Mais qu’on jette feulement
les yeux fur le fort de la compagnie occidentale.
De la compagnie occidentale. Elle commença en
16 2 1 , avec les mêmes lois, les mêmes privilèges
que la compagnie orientale, & même avec un fonds
plus confidérable, car il fut de 7 millions 200000
florins, partagés en aftions de 6000 florins argent
de banque, ce qui fit en tout 1200 aôions, & les
états généraux pour favorifer cette compagnie, lui
firent préfent de trois vaifleaux montés de 600 fol-
dats. Ses conquêtes & fes efpérances furent d’abord
des plus brillantes. Il paroît parles regiftres de cette
compagnie; que depuis l’an 1623 jufqu’en 16 36 ,
elle avoit équipé 800 vaifleaux tant pour la guerre
que pour le commerce dont la dépenfe montoit à
451 millions de florins , & qu’elle en avoit enlevé
aux Portugais ou aux ESpagnols 545 qu’on eftimoit
60 millions de florins, outre environ 30 millions
d’autres dépouilles. Elle fut pendant les premières
années en état de faire des répartitions de 20,25 & 50
pour cent. Elle s’empara de la baie de tous les Saints,
de Fernanbouc , & de la meilleure partie du Bréfil.
Cependant cette rapide profpérité ne fut pas de
longue durée. Ces conquêtes même fi glorîeufes &
fi avaht^geufes l’engagerent à faire des efforts qui
l’épuiferent : d’autres caufes qu’il feroit inutile de
rapporter , concoururent à fon défaftre : il Suffira
de dire qu’elle perdit fes conquêtes, qu’elle n’a jamais
pu fe relever, & qu.’elle fut diffoute à l’expiration
de. fon fécond oftroi, le 20 Septembre 1674. Alors
11 fe forma une nouvelle compagnie compofée des
anciens participans & de leurs créanciers ; c’eft
cette compagnie qui fubfifte aujourd’hui, mais feulement
avec quelques médiocres établiffemens en
Afrique, une portion dans la Société de Surinan, &
le refte de fon commerce eft prefque réduit à une
traite de Negres dans le peu de terrein qu’elle poffede
en Amérique. (D . ƒ.)
I n d e s O r i e n t a l e s , compagnie des................en
Danemark, ( Commerce. ) Je me propofe de tracer
ici l’établiffement, les viciffitudes & l’état préfent
de la compagnie des Indes orientales en Danemark :
ce fera l’extrait fort abrégé d’un mémoire très-curieux
fur ce fujet, que M. le comte d’Eckelbath, ci-
devant miniftrede S. M. D . en France, a bien voulu
me communiquer, & pour lequel je lui renouvelle
mes remerciemens.
. Chrétien IV , roi de Danemark, voyant les avantages
que des puiffances voifines tiroient de la navigation
d e Y Inde ,.réfolut d’encourager fes fujets à
entreprendre ce même commerce : il y réuflît, & il
fe forma fous fes yeux la première compagnie des
Indes Orientales en Danemark, à laquelle il donna,
par fa déclaration du 17 Mars 16 16, un oétroi pour
12 ans, lui accorda un privilège exclufif, lui fit préfent
des bâtimens néceflaires pour fervir de magasins
, lui permit d’employer des pilotes & des matelots
de fa flotte , s’intéreffa dans cette compagnie,
& engagea les feigneurs de fa cour d’en faire autant,
en aflignant une part fur leurs appointemens pour
être jointe au fonds de la compagnie.
Comme on s’occupoit à équiper trois vaifleaux ,
qui dévoient partir pour les Indes fous la conduite
de Roland Crape , & pour tenter d’obtenir de quelque
prince indien la permiffion de fonder un établit;
fement fur la côte de Coromandel ; un événement
favorable augmenta les efpérances de l ’entreprife.
Jean de Weffeck, directeur du comptoir hollandois
de Caliâcatta & de la côte de'Çoromandel, envoya
en 1611 Marcellus Bofckhouwer, fon faôeur, à.Ce.y-
lon , muni de lettres de créance du prince Maurice
d’Orange & des états généraux, pour y négocier un
traité de commerce avec l’empereur de Candy , le
premier & le plus puiffant des rois de Ceylon. Sa
négociation fut heureufe, il la termina favorablement
; mais quand il voulut s’en retourner, l’empereur
, qui l’affe&ionnoit, lui en refufa la permiflion,
fous prétexte qu’il devoit refter en fa cour, en qualité
de miniftre ou d’otage, jufqu’à ce que fa nation
eût rempli les conditions du traité, & fourni les
troupes & l’artillerie ftipulées pour chaffer les Portugais
de fon empire. Cependant les Hollandois, déjà
allez occupés de leurs guerres dans YInde , négligèrent
cette affaire, & le lecours promis n’arriva point.
Pendant ce tems-là Bofckhouwer s’av.ançoit toujours
dans les bonnes grâces de l’empereur Cenuwie-
raat Adafcyn , qui l’élevoit aux plus grandes dignités.
Il fut fait prince de Migomme , de Kokelecor,
d’Anangepare & de Mivitigale, chevalier de l’ordre
du foleil d’o r , préfident du confeil de guerre, premier
miniftre de toutes les affaires amiral général
des forces maritimes. Tel eft le titre faftueux
qu’il'fe donne dans fa lettre écrite au roi Chrétien IV,
datée du cap de Bonne-Efpérance le 27 Juillet 1.619.
Bofckhouwer paffa quatre années à la.cour de
Candy ; mais voyant que les Hollandois ne pen-
foient plus à lu i, & s’ennuyant d’un efclavage honorable
, il perfuada l’empereur de lui permettre
d’aller lui-même hâter le fecours promis , & au cas
qu’il n^ pût l’obtenir des Hollandois , d’en traiter
avec d’autres nations. L’empereur lui fit expédier
des pleins pouvoirs pour toutes les puiflançes avec
Tome V I ll%
lefquelles il jugeroit à-propos de négocier, & Bofckhouwer,
chargé de fes lettres,partit de l*ifle de C eylon
en 1615.
Il fe rendit d’abord aux établiffemens des Hollandois
dans Y Inde ; mais les trouvant par-tout en guerre
, & par conféquent hors d’état de faire une nouvelle
entreprife , il paffa la même année en Europe,
& arriva en Hollande. La métamorphofe d’un facteur
en prince,les airs qu’il fe donnoit, & le cérémonial
qu’il exigeoit, déplurent à la compagnie des
Indes & à fes anciens maîtres. Il en fut piqué ; &
apprenant qu’on travailloit en Danemark à l’établiffement
d’une nouvelle compagnie des Indes, il partit
pour Copenhague, & y arriva au mois de Juin
1617 avec fa femme, dite la princeffe de Migomme.
Bofckhouwer fut bien reçu du roi de Danemark,
qui accepta la propofition d’un traité avec l’empereur
de Candy, & le ligna le 2 d’Août 1618. En con-
féquence fa majefté fit armer deux vaifleaux de guerre
, l’Elephant & le Chriftian, avec la Yacht l’Ore-
fund , & en donna le commandement à Ove Gied-.
de , alors âgé de 26 ans , qui mourut en 1661 amiral
& fénateur du royaume. La compagnie arma de
fon côté le D avid , la Patience & le Copenhague.
Tous ces vaifleaux partirent du Sond le 29 Novembre
1618 , & firent route enfemble jufqu’au-delà du
cap de Bonne-Efpérance , où Roland Crape fe fé-
para de M. de Giedde, & fe rendit avec les trois
vaifleaux de la compagnie, fur la côte de Coromandel
, pour laquelle il étoit deftiné.
Après une navigation fort pénible , M. de Giedde
arriva le 16 Mai 1620 fur les côtes de Ceylon , &
le 12 Juin il jetta l’ancre au port de Cotjares , fitué
dans la baie de Trinquemale. Les Portugais , qui
vouloient encore faire les maîtres delà merde Y Inde 9
lui avoient enlevé le Yacht l’Orefund. Mais ce qui
dérangea le plus cette expédition, ce fut le décès de
Bofckhouwer, qui, après avoir doublé le cap, mourut
à bord de M. de Giedde.
L’empereur de Candy reçut d ’abord affèz bien les
Danois, & fit rendre plufieurs honneurs à leur amiral
; mais ayant appris la mort de fon miniftre, que
félon.les apparences on avoit eu loin de lui cacher
en arrivant, il changea de fentiment, refufa de ratifier
le traité, & accufa Bofckhouwer d’avoir patte
les bornes de fon pouvoir, & d’avoir promis au delà
de ce qu’il étoit poflible d’exécuter. Les Portugais
de leur côté appuyèrent fous main les fentimens de
l’empereur, & lui offrirent leur affiftance en cas que
ces nouveaux hôtes vouluffent entreprendre de le
chagriner.
M. de Giedde, après être refté quatre mois fans
fruit à Ce ylon, partit du port de Cotjares, & arriva
à Tranquebar, fur la côte de Coromandel, le 25
.d’Oftobre 1620. En quittant la rade , il eut le malheur
de voir fon vaiffeau le Chriftian toucher & s’en-
grever tellement, qu’il fut obligé de l ’abandonner.
Les Portugais en profitèrent, & garnirent des canons
qu’ils tirèrent de ce navire, un fort qu’ils conf-
truifirent dans la baie de Trinquemale immédiatement
après le départ des Danois.
Roland Crape., pendant ce tems-là, avoit fait fon
trajet fort heureufement. Arrivé à la cote de,Coromandel
, il s’arrêta devant Ca rika l, ville maritime
<du Tanjour, y mit pié à terre , & fe rendit auprès
du Naicke, ou prince Majabare, nommé Ra go un a-
d e , duquel il obtint en propre pour Ja .compagnie,
le village de Trangambar j aujourd’hui Tranquebar,
à un mille & demi au nord de Carikal. Il y fit bâtir
des habitations & un comptoir en maçonnerie, qu’il
affura du côté de la terre par deux battions garnis
de fauconneaux, & enferma la place d’un bon mur.
Il jetta encore les fondemens d’une citadelle à quatre
battions,de lui donna le nom de Dansborg. Elle
P P p p ij