Quand ils étoiênt appellés pour voir un malade , ils
commençoient par le confiderer allez long*tems, puis
ils fouffloient fur lui. Si cela ne produifoit rien , ils
entroient dans une efpece de fureur, s’agitoient,
crioient, menaçoient le démon en lui parlant & lui
pouffant des eftocades, comme s’ils l’euffent vu de-;
vant leurs y e u x , 6c finiffoient pàr arracher de terre un
bâton auquelétoit attaché un petit os,qu’ils avoient
eu la précaution de planter en entrant dans la caban-
n e , 6c ils.prononçoient qu’ils avoient extirpé la
caufe du mal.
Chez les Natchez, autre nation d’Amérique ,
les jongleurs fönt bien payés quand le malade guérit
; mais s’il meurt, il leur en coûte fouverit-la vie
à eux-mêmes. D ’autresjongleurs .'entreprennent de
procurer la pluie 6c le beau tems. Vers le printems
on fe cottife poiir acheter de ces prétendus magiciens
un tems favorable aux biens de la terre. Si c’eft de
là pluie qu’on demande, ils fe rempliflent la bouche
d’eau, & avec un chalumeau dont un bóut eft perce
de plùfieurs trous comme un entonnoir, ils foufflent
en l’air du côté où ils apperçoivent quelque nuage.
S’il eft queftion d’avoir du beau tems, ils montent
fur le toit de leurs cabanes, 6c font ligne aux nua7
ges de paffer outre. Si cela arrive, ils danfent 6c
chantent autour de leurs idoles, avalent de la fumée
de tabac, & préfentent au ciel leurs calumets.
Si on obtient ce. qu’ils ont promis, ils font bien ré-
compenfés ; s’ils ne réulîtffent pas, ils font mis à
mort fans miféricorde. Hifi. de la nouv. Franc, tom. 1. Journal d'un voyage d'Amérique, pag. 2/4 , 23 i ,
3 4 7 ,3 Co 6* fuiv. 3 6 8 , 428 & 427.
IONIDES , f. f. plur. ( Mythologie. ) nymphes qui
étoient adorées près d’Héraclée en Epire. Elles
avoient un temple fur le bord d’une fontaine qui fe
jettoit dans dans lejCytherus.
IONIE, f. f. ( Géog. une. ) partie de Péloponnefe
oh les Ioniens s’établirent fous le nom de Pélafgts
Ægialiéens ; ils furent nommés Ioniens d’ion fils de
Xuthus. L ’Ionie étoit une partie de la prefqu’ifle
que nous appelions prefentement la Morée. Les Iô-
niens paffoient pour les peuples les plus voluptueux
de PAfie ; leur mufique, leurs danfes 6c leur poëfié
fe fentoient de leur molleffe ; leurs vers étoient d’une
cadence aufli agréable, que la compofition en eft
difficile.
La Ionie proprement dite, étoit une contrée de l’A-
fie mineure, fur la côte occidentale. Strabon lui afli-
gne les douze villes fuivantes , Milet, Ephefe, Ery-
thres,Clazomene,Priene,Lébede,Théon, Colopho-
n e , Myus & Phocée en terre ferme ; Samos 6c CKio,
capitales des ifles de même nom ; Milet au midi, 6c
Phocée au nord, étoient les dernieres villes de VIonie.
L’Ionie reçut de fort bonne heure les lumières de
l’Evangile, 6c même dès le tems des Apôtres ; elle
eut des villes épifcopales, entre lefquelles Ephefe
femble avoir tenu le premier rang. (D . J. )
* IONIEN, ad}. (Littéral.') Il fe dit d’un pié
compofé qui entroit dans la verfification. Il y avoit
le grand 6c le petit ionien ; le grand ionien étoit com-
polë d’un fpondée 6c d’un pyrrhique ( voye^ S p o n d
é e & P y r r h i q u e ) : & l e petit, d’un pyrrhiqueôc
d’un fpondée.
Io n i e n , eft (en Mufique) le nom de l’un des
quinze modes des Grecs. Ariftoxene & Alypius l’appellent
aufli iaflien. Voyeç M o d e . ( S )
IONIENNE, ME R ( Géog. anc. ) Ionius udo, dans
Horace ; mer qui lave les côtes d’Ionie dans l’Afie
mineure. Elle avoit au nord la mer Iapigienne, à
l ’eft la mer de Crete, au fud la mer des Syrtes, 6c à
l’oueft la mer de Sicile. Io fille d’Inaque, fameufe
par fa métamorphofe & fes erreurs, laifla fon nom
à ce pays & à la mer qui l’environne. Ce fut de-là
que partirent ces Ioniens qui allèrent s’établir fur
les côtes occidentales de l’Afie mineure, dans cette
contrée qui prit depuis lé nom d'Ionie. Le caprice de
quelques Géographes modernes a voulu. que. l’on
donnât très-improprement le nom de mer Ionienne à
cette partie de la Méditerranée:qui eft entre la Gria,
la Sicile 6c la Calabre : mais nos Navigateurs n’ont
point adopté ce mot ; ils partagent cette mer, 6c di-
fent, la mer de Grèce, la mer de Sicile , la mer de Calabre
, &c. ( .U .J .)
* IONIQUE, Secle. (Hijloire de la Philofophie.)
L’hiftoire de la philofophie .des Grecs fe divile en fa-
buleufe, politique 6c feâaire ; 6c la fe&aire en Ionique
6c en Pythagorique. Thalès eft à la tête de la
fede Ionique, 6c c’eft de fon école que font fortis
les Philofophes Ioniens, Socrate avec la foule de fes
difciples, les Académiciens,,les Cyrénaïques , les
Eriftiques, lesPéripatéticiens, les Cyniques & les
Stoïciens. On l ’appelle fecle Ionique de la patrie de
fon fondateur, Milet en Ionie. Pythagorefonda la
fe&e appellée de fon nom la Pythagorique ,6c celle-
ci donna naiffanceà l’Eléatique, à l’Héraclitique, à
l ’Epicurienne 6c à la Pyfrhonienne. Voye{ à l'article
G r e c s , P h i l o s o p h i e des G r e c s ; 6c l’hiftoire
de chacune de ces fedes, à leurs noms.
Thalès naquit à Milet, d Examias 6c de Cleobu-
line, de la famille des Thalides, une des plus diftin-
guées delaPhoenicie, la première année de la trente-
cinquieme olympiade. L’état de fes parens, les foins
qu’on prit de fon éducation 9 fes talens, l’élévation
de fon.ame, & une infinité de circonftances heit-
reufes le portèrent à l’adminiftration des affaires publiques.
Cependant fa vie fut d’abord privée ; il
pafl’a quelque tems fous Thrafibule, homme d’un génie
peu commun, 6c d’une expérience confommée.
Il y en a qui le marient ; d’autres le retiennent dans
le célibat, 6c lui donnent pour héritier le fils de fa
foeur, 6c la vraifemblance eft pour ces derniers.
Quand on lui demandoit pourquoi il refufoit à la nature
le tribut, que tout homme lui doit, en fe remplaçant
dans l’efpece par un certain nombre d’en-
fans : je ne veux point avoir d’enfans, répondoit-il,
parce que je les aime ; les foins qu’ils exigent, les
évenemens auxquels ils font expofés, rendent la vie
trop pénible & trop agitée. Le légiflateur Solon,
qui regardoit la propagation de l’efpece d’un oeil politique,
n’approuvoit pas cette façon de penfer, &
Thalès qui ne l ’ignoroit pas, fe propofa d’amener
Solon à fon fentiment par un moyen aufli.ingénieux
que cruel. Un jour il envoyé à Solon un meffager
lui porter la nouvelle de la mort de fon fils ; ce pere
tendre en eft aufli-tôt plongé dans la douleur la plus
profonde : alors Thalès vient à lui, 6c lui dit en l ’abordant
d’un air riant, eh bien, trouvez-vous encore
qu’il foit fort doux d’avoir des enfans ? La tyrannie
n’eut point d’ennemis plus déclarés. Il crut
que les confeils d’un particulier auroient plus de
poids dans fa fociété que les ordres d’un magiftrat,
6c il n’imita point les lept Sages qui l’avoient précédé
, 6c qui tous avoient été à la tête du gouvernement.
Mais fon goût pour la Philofophie naturelle
& l’étude des Mathématiques, l’arracha de bonne
heure aux affaires. Le defir de s’inftruire de la Religion
6c de fes myfteres le fit paffer en Crete ; il ef-
péroit démêler dans le culte 6c la théogonie de ces
peuples ce que les tems les plus reculés avoient penfe
de la naiffance du monde & de fes révolutions. De
la Crete il alla en Afie. Il vit les Phéniciens, fi célébrés
alors par leurs connoiffances aftronomiques.
Il voulut dans fa vieilleflë converfer avec les prêtres
de l’Egypte. Il apprit à ceux qu’il alloit interroger, à
mefurer la hauteur de leur pyramide, par fon ombre
6c par celle d’un bâton. Qu’etoit ce donc que ces Géomètres
Egyptiens ? De retour de fes voyages, les
grands que la curiofité 6c l’amour-propre appellent
toujours autour des Philofophes , recherchèrent fon .
intimité ; mais il préféra l’étude, la retraite 6c le re- S
pos. à tous les avantages de leur commerce. C ’eft I
de lui dont il eft queftion dans la vieille & ridicule I
fablè de cet aftronome qui regarde aux aftres, 6c I
qui n’apperçoit pas une folle qui eft à fes piés. Bien j
ou mal imaginée, il falloit en étendre la moralité én g
l’appliquant aux grandes vues de l’homme & à la j
courte durée de fa vie ; il projette dans l’avenir, 6c j il a un tombeau ouvert à côté de lui. Thalès attei- I
gnit l’âge de quatre-vingt-dix ans. S’étant impru- I
demment engagé dans la foule que les jeux olym- 8
piques attiroient, il y périt de chaleur & de foif. j
On raconte de lui que, pour montrer à fes con- 8
citoyens combien il étoit facile au philofophe de s’enrichir, il acheta tout le produit des oliviers 8
de Milet 6c de C h io , fur la connoiffance que
l’Aftronomie lui avoit donnée d’une récolte abondante.
Il ne fut pas feulement philofophe, il fut
aufli poète. Les uns lui attribuent un Traité de la
nature des chofes, un autre de l’Aftronomie nautique
& des points tropiques & équinoxiaux. Mais ceux
qui affurent que Thalès n’a rien laifle, paroiffent
àvoirraifon. Il ne faut pas confondre le philofophe
de Milet avec le légiflateur 6c le poète de la Crete.
Il eut pour difciple Anaximandre.
Il y a plufieurs circonftances qui rendent l’hiftoire
de la feâe Ionienne difficile à fuivre. Peu d’écrits 6c 8
de difciples ; le myftere, la crainte du ridicule, le B
mépris du peuple, l’effroi de la fuperftition, la dou- "
ble do&rine, la vanité qui laifle les autres dans l’ignorance
, le goût général pour la Morale, l’éloignement
des efprits de l’étude des Sciences naturelles1,
l’autorité de Socrate qui les avoit abandonnées
, l’inexaftitude de Platon qui ramenant tout à
fes idées, corrompoit tout ; la brièveté 6c l’infidélité
d’Ariftote qui mutile, altéré 6c tronque ce qu’il
touche ; les révolutions des tems qui défigurent les
Opinions, 6c ne les laiffent jamais paffèr inta&es aux
bons efprits qui auroient pu les expofer nettement,
s’ils avoient paru plutôt ; la fureur de dépouiller les
contemporains, qui recule autant qu’elle peur l’origine
des découvertes ; que fçais-je encore } 6c après
cela quel fonds pouvons-nous faire fur ce que nous
allons expofer de la doûrine de Thalès ? 4
De la naijjance des chofes. L’eau eft le principe
de tout : tout en vient 6c tout s’y réfout.
Il n’y a qu’un monde ; il eft l’ouvrage d’un Dieu :
donc il eft très-parfait.
Dieu eft l ’ame du monde.
Le monde eft dans le lieu, la chofe la plus vafte
qui foit.
Il n’y a point de vuide.
Tout eft en viciflitude, & l’état des chofes eft
momentané.
La matière fe divife fans cefle ; mais cette divi-
fion a fa limite..
La nuit ëxifta la première.
Le mélange naît de la compofition des élémens.
Les étoiles font d’une nature terreftre, mais enflammée.
.
La lune eft éclairée par fe foleil.
C ’eft l’interpofition de la lune qui nous éclipfé le
foleil.
Il n’y a qu’une terre; elle eft au centre du monde.
Ce font des vents éthéfiens qui foufflant contre le
cours du Nil, le retardent, 6c caufent fes inonda-'
lions.
Des chofesfpirituelles. Il y a un premier D ieu, le
plus ancien ; il n’a point eu de commencement, il
n’aura point çle fin.
Ce Dieu eft incompréhenfible. Rien ne lui eft caché
; il voit ,au fond de nos coeurs.
Il y a des démons ou génies & des héros, '
Les héros font nos âmes féparces de nos corps. Us
font bons, fi les âmes ont' été bonnes ; médians, fi
elles ont été mauVaifes.
L’ame humaine fe meut toujours 6c d’elle-même.
Les chofes inanimées ne font pas fans fentiment
ni fans ame.
L’âme eft immortelle.
C’eft la néceflité qui gouverne tout.
La neceflîte eft la puiffance immuable 6c la volonté
confiante de la Providence.
Géométrie de Thalès. Elle fe réduit à quelques pro-
pofitions élémentaires fur les lignes, les angles & les
triangles ; fon aftronomie à quelques obfervations
fur le lever 6c le coucher des étoiles, 6c autres phénomènes.
Mais il faut obferver à l’honneur de ce philofophe
que la Philofophie naturelle étoit alors au berceau,
6c qu’elle a fait fes premiers pas avec lui.
Quant aux axiomes de fa morale, voici ce que
Démétrius de Phalere nous en a tranfmis. Il faut fe
rappeller fon ami, quand il eft abfent. C ’eft l’ame 6c
non le corps qu’il faut foigner. Avoir pour fes peres
les égards qu’on exige de fes enfans. L’intempérance
en tout eft nuiftble. L’ignorant eft infupportable.
Apprendre aux autres ce qu’on fçait de mieux. II y
a un milieu à tout. Ne pas accorder fa confiance
fans choix.
Interrogé fur l’art de bien v iv re , il répondit : ne
faites point ce que vous blâmeriez en un autre.
Vous ferez heureux, fi vous êtes fain , riche 6c bien
né. Il eft difficile defe connoître, mais cela eft effen-
tiel. Sans cela ? comment conformer fa conduite aux
lois de la nature ?
Anaximandre marcha fur les traces de Thalès. Il
naquit à Milet dans la quarante-deuxieme olympiade.
Il paffa toute fa vie dans l ’école. Le tems de fa mort
eft incertain. On prétend qu’il n’a vécu que 74 ans.
Il paffe pour avoir porté les Mathématiques fort
au-delà du point où Thalès le.s. avoit laiffées. Il mesura
le diamètre de la terre 6c le. tour de la mer. II
inventa le gnomon. Il fixa les points des équinoxes
6c des folftices. Il conftruifit une fphere. Il eut aufli
fa phyfiologie.
Selon lui-j le principe des chofes étoit infini, un
non en nombre, mais en grandeur ; immuable dan&
le tout, variable dans les parties ; tout en émanoii ,
tout s’y refolvoit.
Le ciel eft un compofé de froid & de chaud.
Il y a une infinité de mondes qui naiffenf, périf-
fent, 6c rentrent dans l’infini.
Les étoiles font des réceptacles de feu qu’elles af-
pirent & exfpirent : elles font rondes ; elles font en-
B traînées dàns leur mouvement par celui des fpheres.
Les aftres font des dieux.
Le foleil eft au lieu le plus haut, la lune plus bas ;
après la lune, les étoiles fixes 6c les étoiles errantes.
L’orbe du foleil eft vingt-huit fois plus grand que
celui de la terre ; il répand le feu dans; l’univers,
comme la poufîiere feroit difperfée de deffus une
roue creufe & trouée, emportée fur elle-même avec
vîteffe.
L’orbe de la lune eft à Celui de la terre comme
1 à 19.
Il attribue les éclipfes à Pobftruâion des orifices
des trous par lefquels la lumière s’échappe. ‘
Le vent eft un mouvement de l’air ; lés, éclairs 6c
le tonnerre, des effets de fa compreflioh dans une
nue, 6c de la rupture de la nue.
La terre eft au centre ; elle eft ronde ; rien ne la
foutient; elle y refte par fa diftance égale de tous
les corps.
Cefmogonie P Anaximandre. L’infini a produit des
orbes & des mondes : la révolution perpétuelle eft
la caufe de la génération 6c de la deftru&ion ; la