S6o I M A livres embellis d’eftampes, qu'ils aiment Us images.
On fait des images &c médailles avec la colle de
?poiffon. Pour cet effet, prenez de la colle de poif-
fon bien nette & bien claire ; brifez-la avec un marteau
; lavez-la d’abord en eau claire & fraiche, en-
fuite en eau tiede ; ayez un pot neuf ; mettez-la
dans ce pot à tremper dans de l’eau pendant une
nuit ; faites-la bouillir doucement une heure jufqu’à
ce qu’elle prenne corps ; elle en aura fufHfamment,
f i elle fait la goûte liir l’ongle. Cela fa it , ayez
vos moules prêts ; ferrez-les à l’entour d’une corde,
ou avec du coton , ou d’une meche de lampe, qui
ferve à retenir la colle ; frottez-les de miel ; verl'ez-
deflus la colle jufqu’à ce que tout le moule en foit
couvert ; expofez-les au foleil ; la colle s’égalifera
& fe féchera ; quand elle fera feche, l’image fe détachera
du creux, d’elle-même, fera mince comme le
papier, ou de l’épaiffeur d’une médaille, félon la
quantité de colle dont on aura couvert le moule.
Les traits les plus déliés feront rendus, & l'image
fera luftrée. Si on l’eût voulu colorer , on eût teint
l ’eau dans laquelle on a fait bouillir la colle, foit
•avec le bois de Bréfil, de Fernambouc, foit avec
la graine d’Avignon, le bois d’Inde, &c. Il faut que
l’eau n’ait qu’une teinte légère, & que la colle ne
foit pas trop épaiffe ; l'image en viendra d’autant
plus belle.
* IMAGINAIRE, adj. ( Gram. ) qui n’eft que
dans l ’imagination ; ainfi l’on dit en ce fens un bonheur
imaginaire, une peine imaginaire. Sous ce point
de v u e , imaginaire ne s’oppofe point à réel ; car un
bonheur imaginaire eft un bonheur ré e l, une peine
imaginaire eft une peine réelle. Que la chofe foit ou
ne foit pas comme je l’imagine, je fouffre ou je fuis
heureux ; ainfi l'imaginaire peut être dans le motif,
dans l’objet ; mais la réalité eft toujours dans la fen-
fation. Le malade imaginaire eft vraiment malade,
d’efprit au moins, finon de corps. Nous ferions trop
malheureux , fi nous n’avions beaucoup de biens
imaginaires.
Imaginaire , adj. on appelle ainfi en Algebreles
racines paires de quantités négatives. La raifon de
cette dénomination eft , que toute puiffance paire
d’une quantité quelconque, pofitive ou négative, a
néceffairement le ligne , parce que + par ■ +■ , ou
— par —, donnent également + ; Voye^ Q uarré ,
P uissance,N égatif 6* Mu l tipl ica t io n . D ’oit
il s’en fuit que toute puiffance paire, tout quarré,
par exemple, qui a le ligne — , n’a point de racine
poftible ( voyc^ Racine/) , & qu’ainfi la racine d’une
telle puiffance eft impofîible ou imaginaire. Les
quantités imaginaires font oppofées aux quantités
réelles. Voye{ RÉEL & ÉQUATION.
Non-feulement toute racine paire d’une quantité
négative, comme y/ — aa, eft imaginaire; mais encore
fi on y joint une quantité réelle b , le toiit devient
imaginaire ; ainfi b -j- y/ ,— aa eft imaginaire ,
ce qui eft évident ; car fi b -+• y/ — aa étoit égal à
une quantité réelle on auroit y / — a a — c— b t
ce qui eft impofîible.
■ Les quantités compofées de réel & d’imaginaire,
s’appellent mixtes imaginaires, & les autres imaginaires
jimples.
J’ai démontré le premier dans les mémoires de
l ’académie de Berlin, pour l ’année 1746, & même
dans un ouvrage antérieur, envoyé à l ’académie de
Berlin au commencement de 1746, que toute quantité
imaginaire donnée à volonté, & de telle formé
qu’on voudra, peut tou jours fe réduire à «4- f y/ — 1,
e & ƒéta'nt des quantifés.réelles. M. Euler a démontré
depuis cette même propofition, dans les mémoires
de l’académie de Berlin 1749-, mais il eft aifé de
I MA voir que fa démonftration ne différé en aucune façon
de la mienne. Pour s’en convaincre, on peut
comparer la page 273 des mémoires de Berlin de
174 9, avec l’article 79 de ma differtation fur les
vents.
J’ai démontré de plus , dans les mêmes mémoires
de 1746, que toute racine imaginaire d’une équation
quelconque pouvoit toûjours fe réduire à e + ƒ
y/ — 1 , c & ƒ étant des quantités réelles. M. Euler
a donné de fon cô té, dans les mémoires de 1749,
line démonftration de cette propofition , qui différé
entièrement de la mienne, & qui ne me paroît pas
aufïi fimple. On peut voir les démonftrations des
deux propofitions dont je viens de parler, dans lé
traité de M. de Bougainville le jeune , fur le calcul
intégral.
Un corollaire de cette propofition, qui eft démontré
fort Amplement dans Içs mémoires de Berlin
1746, c’eft que fi e 4- f y/ — 1 eft une des racines
d’une équation, e — ƒ y/ -- ie n fera une autre ; &
voilà pourquoi les racines imaginaires des équations
vont toûjours en nombre pair. Voye[ Racine.
Deux quantités imaginaires jointes enfemble peuvent
former une quantité réelle; p. ex. y/ a+ £ y/ — 1
+ y/ a — £ y/ — 1 eft une quantité réelle. V Cas
IrrI éductible. (O ) maginaire , ( Docimaflique. ) poids imaginaire
OU fiôif. Voye^ POIDS FICTIF.
IMAGINATION, IMAGINER, ( Logique, Mé-
taphyf Litterat. & Beaux-Arts. ) c’eft le pouvoir que
chaque être fenfible éprouve en foi de fe repréfen-
ter dans fon efprit les chofes fenfibles ; cette faculté
dépend de la mémoire. On voit des hommes , des
animaux , des jardins ; ces perceptions entrent par
les fens, la mémoire les retient, l'imagination les
compofe ; voilà pourquoi les anciens Grecs appelèrent
les Mufes filles de Mémoire.
Il eft très-effentiel de remarquer que ces facultés
de recevoir des idées, de les retenir j de les compo-
fer, font au rang des chofes dont nous ne pouvons
rendre aucune raifon ; ces refforts invifibles de noire
être font dans la main de l’Être fuprême qui
nous a faits, & non dans la nôtre.
Peut-être ce don de D ie u , l’imagination , eft-il le
feul infiniment avec lequel nous composions des
idées, & même les plus métaphyfiques.
Vous prononcez le mot de triangle, mais vous ne
prononcez qu’un fon fi vous ne vous repréfentez pas
l ’image d’un triangle quelconque; vous n’avez certainement
eu l’idée d’un triangle que parce que vous
en avez vû fi vous avez des y e u x , ou touché fi vous
êtes aveugle. Vous ne pouvez penfer au triangle eil
général fi votre imagination ne fe figure, au moins
confufément, quelque triangle particulier. Vous
calculez; mais il faut que vous vous repréfentiez des
unités redoublées, fans quoi il n’y a que votre main
qui opéré.
Vous prononcez les termes âbftraits, grandeur
vérité, jufiice i f in i, infini • mais ce mbt grandeur,
eft-il autre choie qu’un mouvement de votre langue
qui frappe l’a ir ,fi vous n’avez pas l’image de
quelque grandeur? Que veulent dire ces mots vérité
^ menfange, fi vous n’avez pas apperçu par vos
fens que telle chofe qu’on vous àvoit dit exiftoit en
effet, & que telle autre n’exiftoit pas ? & de cettë
expérience ne çornpôfçz - vous pas l’idée générale
de vérité & demenfonge ? & quand on vous demande
ce que'vous entendez par ces mots , pouvez^
v.ous vous empêcher de vous figurer quelque image
fenfible, qui vous fait fouvenir qu’on vous a dit
quelquefois ce qui étoit, & fort.fouvént ce qui n’é^
toit pas ?
I M A Avez-vous la notion de jüfte & d’injufte autrement
que par des âftions qui vous ont paru telles ?
Vous avez commencé dans votre enfance par apprendre
à lire fous uïi maître ; vous aviez envie de
bien épeller, & vous avez mal épelle. Votre maître
vous a battu, cela vous a paru très-injufte ; vous
avez vû le falaire refufé à un ouvrier, & cent autres
chofes pareilles. L’idée abftraite du jufte & de l’in-
jufte eft-elle autre chofe que ces faits confufément
mêlés dans votre imagination ?
Le fini eft-il dans votre efprit autre chofe que l’image
de quelque mefure bornée ? L’infini eft-il autre
chofe que l’image de cette même mefure que
vous prolongez fans fin ?
Toutes ces opérations ne fe font-elles pas dans
vous à-peu-près de la même maniéré que vous lifez
un livre ? vous y lifez les chofes, & vous ne vous
occupez pas des cara&eres de l’alphabet, fans lef-
quels pourtant vous n’auriez aucune notion de ces
chofes. Faites-y un moment d’attention , & alors
vous appercevrez ces cara&eres fur lefquels gliffoit
votre vûe ; ainfi tous vos raifonnemens, toutes vos
connoiffances, font fondées fur des images tracées
dans votre cerveau : vous ne vous en appercevez
pas; mais arrêtez-voiis un moment pour y fonger,
& alors vous voyez que çes images font la bafe de
toutes vos notions ; c’eft au leéteur à pefer cette
idée, à l’étendre, à la reâifieh
Le célébré Adiffon dans fes onze effais fur l'imagination,
dont il a enrichi les feuilles du fpe&ateur,
dit d’abord que le fens de la vûe eft celui qui fournit
feul les idées à l'imagination ; cependant, il faut
avouer que les autres fens y contribuent auffi. Un
aveugle né entend dans fon imagination i’harmonie
que ne frappe plus fon oreille ; il eft à table en fon-
ge ; les objets qui ont réfifté ou cédé à fes mains,
font encore le même effet dans fa tête : il eft vrai
que le fens de la vûe fournit feul les images ; & comme
c’eft un efpece de toucher qui s’étend jufqu’aux
étoiles , fon immenfe étendue enrichit plus l'imagination
que tous les autres fens enfemble. .
Il y a deux fortes d’imagination, l’une qui confifté
à retenir une fimple impreffion des objets ; l’autre
qui arrange ces images reçues, & lés combine en
mille maniérés. La première a été appelléé imagina*
tion paQive, la fécondé active ; la paffive ne va pas
beaucoup au-delà de la mémoire, elle eft commune
aux hommes & aux animaux ; de-là vient que le
chaffeur & fon chien pourfuivent également des bêtes
dans leurs rêves, qu’ils entendent également le
bruit des cors ; que l’un c r ie , & que l’autre jappe en
dormant. Les hommes & les bêtes font alors plus
que fe reffouvenir, car les fonges ne font jamais des
images fidelles ; cette efpece d'imagination compofe
les objets, mais ce n’eft point en elle l’entendement
qui agit, c’eft la mémoire qui fe méprend.
Cette imaginationpajjivt n’a pas certainement be-
foin du fecours de notre volonté, ni dans le fom-
meil, ni dans la Veille ; elle fe peint malgré nous
ce que nos yeux ont v u , elle entend ce que nous
avons entendu, & touche ce que nous avons touché
; elle y ajoûte, elle en diminue : c’eft un fens
intérieur qui agit avec empire ; auffi rien n’eft - il
plus commun que d’entendre dire, ôn n'eft pas le
maître de fon imagination.
C ’eft ici qu’on doit s’étonner & le convaincre dé
fon peu de pouvoir. D ’où vient qu’on fait quelquefois
en fonge des difeours fuivis & éloquens , des
yers meilleurs qu’on n’en feroit fur le même fujet
«tant éveillé ? que l’on réfoud même des problèmes
de mathématiques ? voilà certainement dès idées
irès-combinées, qui ne dépendent de nous en aucune
maniéré. O r , s’il eft inconteftable que des idées
fuivies fe forment en nous, malgré nous. pendant
' Tome V l l f ?
I M A 1
notre fommeil, qui nous affurera qu’elles ne font
pas produites de même dans la veille ? eft-il un homme
qui prévoie l’idée qu’il aura dans une minute ?
ne paroît-il pas qu’elles nous font données comme
les mouvemens de nos membres ? & fi le pere Mal-
Iebranche s’en étoit tenu à dire que toutes les idées
font données de D ieu , auroit-on pû le combattre ?
I Cette faculté paffive, indépendante de la réflexion
, eft la fource de nos paflions & de nos erreurs.
Loin de dépendre de la volonté, elle la détermine ;
elle nous pouffe vers les objets qu’eile peint, ou
nous en détourne, félon la maniéré dont elle les re-
prçfente. L’image d’un danger infpire la crainte*
celle d’un bien donne des defirs violens : elle feule
produit l’enthôufiafme de g loire, de parti, de.fana-
tifme ; c’eft elle qui répandit tant de maladies de
l’efprit, en faifant imaginer à des cervelles foibles
fortement frappées, que leurs cqrps étoient chan-i
gés en d’autres corps ; c’eft elle qui perfuada à tant
d’hommes qu’ils étoient obfédés ou cnforcelcs, &
qu’ils alloient effeftivement au fabat, parce qu’on
leur difoit qu’ils y alloient. Cette efpece d'imagination
feryile, partage ordinaire du peuple ignorant,
a ete l’inftrument dont l’imagination forte de certains
hommes s’eft fervie pour dominer. C ’eft encore cette
imagination paffive des cerveaux aifés à ébranler *
qui fait quelquefois paffer dans les enfans les marques
évidentes d’une impreffion qu’une mere a reçue
; les exemples en font innombrables, & celui
qui éçrit cet article en a vû de fi frappans, qu’il dé-
mentiroit fes yeux s’il en doutoit ; cet effet d'imagination
n’eft guere explicable , mais aucun autre effet
ne l’eft davantage. On ne conçoit pas mieux
comment nous avons des perceptions, comment
nous les retenons , comment nous les arrangeons.
II y a l’infini entre nous & les premiers refforts de
notre être.
Vimagination activé eft celle qui joint la réflexion,
la combinaifon à la mémoire ; elle rapproche plu-
fieufs objets diftans, elle fépare ceux qui fe mêlent,
les compofe & les change ; elle femble créer quand
elle ne fait qu’arranger, car il n’eft pas donné à
l’homme de fe faire des. idées, il ne peut que les modifier;
Cetté imagination active eft donc au fond une faculté
auffi indépendante de nous que l'imagination
paffive ; & une preuve qu’elle ne dépend pas de nous,
c’eft que.fi vous propofez à cent perfonnes également
ignorantes d'imaginer telle machine nouvelle
il y en aura quatre-vingt-dix-neuf qui n'imagineront
rien malgré leurs efforts. Si la centième imagine quelque
chofe, n’eft-il pas évident que c’eft un don particulier
qu’elle a reçu ? c’èft ce don que l’on appelle
génie ; c’eft-là qu’on a reconnu quelque chofe d’inf-
piré & de divin.
Ce don de la nature eft imagination d'invention
dans lés arts, dans l’ordonnance d’un tableau, dans
celle d’un poème. Elle ne peut exifter fans la mémoire
; mats elle s’en fért comme d’uii inftrument
avec lequel elle fait tous fes ouvrages.
Après avoir vû qti’oh foülevoit line grofle p ierre
que la main ne pouvoit remuer, l'imagination active
inventa les leviers, & enfuite les forces mouvantes
compofées, qui ne font que des leviers déguifés.
Il faut fe peindre d’abord dans l’efprit les machines
& leurs effets pour les exécuter.
Ce n’eft pas cette forte dû imagination que le vulgaire
appelle, ainfi que la mémoire, Y ennemie du ju gement
; au contraire, elle ne peut agir qu’avec un
jugement profond. Elle combiné fans cefle fes tableaux
, elle corrige fes erreurs, elle éleve tous fes
édifices avec ordre. II y a une imagination étonnante
dans la mathématique pratique, & Archimede a voit
au DiçjjlS autant d'imagination qu’Homere. C ’eft par
B B d b ij