
a fait donner à cette île le nom qu’elle porte, qui
lignifie pays de glace. Quelques-unes de ces montagnes
font des volcans, 8c jettent des flammes en
de certains tems ; le mont Hecla eft fur-tout fameux
par fes éruptions. Foye{ Hecla. (Giogrj) Vljlande
porte par-tout des marques indubitables des ravages
que les éruptions des volcans y ont caufés, par les
la v es , les pierres-ponces, les cendres 8c le foufre
que l’on y rencontre à chaque pas. Les tremble-
mens de terre y font très-fréquens, 8c tout femble
annoncer que ce pays a fouffert de terribles révolutions.
Un feigneur Norvégien nommé Ingolphe, s’étant
mis à la tête de plufieurs de fes compatriotes, mé-
contens comme lui de la tyrannie de Ha raid roi de
Norvège, paffa en l’an 874 dans l’île d'Ijlande, &
s’y établit avec fa colonie compofée de fugitifs.
Leur exemple fut bien-tôt fuivi par un grand nombre
d’autres Norvégiens, 8c depuis ce tems les If-
landois ont confervé une hiftoire très-complette de
leur île. Nous voyons que ces fugitifs y établirent
une république qui fe foutint vigoureufement contre
les efforts de Harald 8c de fes fucceffeurs ; elle
ne fut foumife au royaume de Norvège , que quatre
cent ans après, avec lequel Vljlande fut enfin
réunie à la couronne de Dannemarc.
Qn a toujours crû que Vljlande étoit Vultima Thule
des Romains ; mais un grand nombre de circonftan-
ces femblent prouver que jamais les anciens n’ont
pouffé leur navigation fi loin dans le Nord.
Vljlande n’a reçu que fort tard la lumière de l’Evangile
; Jonâs fixe cette époque à l’an 1000. de
l ’ére chrétienne. Cette île a produit plufieurs auteurs
célébrés, dont les écrits ont jette un très-grand
jour furl’hiftôire des peuples du Nord , 8c fur la religion
des anciens Celtes qui habitoient la Scandinavie.
D e ce nombre font Sæmund Sigfuffon, qui
naquit en 1057 ; Arc Frode , Snorro Sturlefon, qui
naquit en 1179» 8c qui après avoir rempli deux fois
la dignité de juge fuprème Ijlande , fut affaflïné
par une fa&ion en 1x41. C ’eft à lui qu’on eft redevable
deLedda, ou delà mythologie iflandoije, dont
nous allons parler. Parmi les hiftoriens on compte
aufli Jonas Arngrim, Torfæus, &c. La defeription
qui nous a été donnée de Vljlande par M. Anderfon,
eft très-peu fidele, elle n’a été faite , de l’aveu de,
l’auteur même, que fur les relations de perfonnes
qui ne connoiffoient ce pays que très-imparfaitement
; la defeription la plus moderne & la plus
exa&e, eft celle qui a été publiée à Coppenhague
en 17 5 1 , par M. Horrebov iflandois de nation , 8c
témoin oculaire de tout ce qu’il rapporte. ( — )
De VEdda, ou delà Mythologie des Iflandois. VEd-
da eft un livre qui renferme la Théologie, la Théogonie
, 8c la Coîmologie des anciens Celtes Scandinaves
, c’eft-à-dire des peuples qui habitoient la Norvèg
e , la Suede, le D anemarck, &c. Le mot à’Ed-
da, fignifie en langue gothique ayeule ; on l’appelle
Eddades Ijlandois, parce que ce font des auteurs
iflandois qui nous ont confervé ce morceau curieux
de la Mythologie commune à toutes les nations
feptentrionales de l’Europe. Dès l’antiquité la plus
reculée, lès Celtes ont connu la Poéfie ; leurs poètes
, qui s’appelloient'i'cû/Jes, faifoient des hymnes
pour célébrer les dieux 8c les héros ; ces hymnes
s’apprenoient par coeur ; c’étoit-là la feule maniéré
de tranfmettre à leur poftérité les exploits de leurs
ayeux & les dogmes de leur religion ;il n’étoit point
permis de les écrire ; cè ne fut qu’après que Vljlande
eût ernhraffé le Chriftianilme, qu’un auteur iflandois
, nommé Sæmund Sigfujjon , écrivit VEdda,
pour conlervçr parmi fes compatriotes l’intelligence
d’un grand nombre de poéfies qui avoient été faites
d’après une religion qu’ils venoient d’abandonner,
mais dont les hymnes étoient encore dans la bouche
de tout le monde. Il paroît que ce recueil de
Sæmund s’eft perdu ; il ne nous en refte que trois
morceaux qui font parvenus jufqu’à nous. 110 ans
après Sæmund, un lavant iflandois, nommé Snorro
Sturlejon, d’une des familles les plus illuftres de fon
pays , dont il remplit deux fois la première magiftra-
ture, donna une nouvelle Edda, moins étendue que
la première ; dans laquellè il ne fit qu’extraire ce
qu’il y avoit de plus important dans la Mythologie
ancienne ; il en forma un fyftème abrégé, où l’on
pût trouver toutes les fables propres à expliquer les
expreflions figurées, rapportées dans les poéfies de-
fon pays. Il donna à fon ouvrage la forme d’un dialogue
ou entretien d’un roi de Suede à la cour des
dieux. Les principaux dogmes de la Théologie des
Celtes, y font expofés, non d’après leurs philofo-
phes , mais d’après leurs jcaldes ou poètes ; ce livre
fait connoître les dieux que tout le Nord a adorés
avant le Chriftianifme.
M. J. P. Refenius publia en 1665 à Coppenhague
, le texte de VEdda en ancien iflandois ; il y joignit
une traduftion latine & une autre traduéiion
danoife. Énfin, M. Mallet, profeffeur des Belles-
Lettres françoifes à Coppenhague, a publié en 1756,
une traduûion françoile de VEdda des Ijlandois ;
c’eft un des monumens les plus curieux de l’antiquité
; il eft dépouillé d’inutilités, 8c rédigé par un
homme judicieux, favant, 8c philofophe ; VEdda
eft à la fuite de fon introduction à l’hiftoire de D anemarck.
Nous allons tirer de cet ouvrage intéreffant
les principaux points de la Mythologie des anciens
Scandinaves.
Ils adméttoient un dieu nommé Aljader ou Odin'
qui v it toûjours, qui gouverne tout fon royaume,
8c les grandes chofes comme les petites ; il a créé le
ciel & la terre ; il a fait les hommes, & leur a donné
une ame qui doit vivre 8c qui ne fe perdra jamais, même
après que le corps fe fera réduit en poufliere & en
cendres. Tous les hommes juftes doivent habiter
avec ce dieu, d’abord dans un féjour appellé val-
halla, 8c enfuite dans un lieu nommé gimle ou vin-
golf, palais d’amitié ; mais les méchans iront vers
nela, la mort ; & de-là à nijlheim, l ’enfer, en-bas
dans le neuvième monde ; & enfuite après la de-
ftruâion de l’univers dans un féjour appellé na-
(Irand. Ce dieu avant que de former le ciel 8c la
terre vivoit avec les géants ; un pôeme ancien des
peuples du Nord, appellé volujpa, dit de lui « au
» commencement du tems, lorfqu’il n’y avoit rien,
» ni rivage, ni mer, ni fondement au-deflous, on
» ne voyoit point de terre en-bas, ni de ciel en haut;
» un vafte abyme étoit tout; on ne voyoit de ver-
» dure nulle part ». Dieu créa nijlheim, ou le féjour
des fcelérats, avant que de créer la terre. Au
milieu de ce féjour funefte eft une fontaine qui fe
nomme Huergelmar, d’où découlent les fleuves ap-
pellés l’angoiffe, l’ennemi de la joie, le féjour de la
mort, la perdition, le goufre, la tempête, le tourbillon
, le rugiffement, le hurlement, le vafte 8c le
bruyant, qui coule près dés grilles du féjour de la
mort, qui s ’appelloit Hela. Cette Hela avoit le gouvernement
de neuf mondes, pour qu’elle y diftri-
bue deslogemensü ceux qui lui font envoyés ; c ’eft-
à-dire à tous ceux qui meurent de maladie ou de
vieillefle ; elle poffede dans l’enfer de vaftes appar-
temens , défendus par des grilles; fa falle eft là doü-
leur ; fa table eft la famine ; fon çoûteau la faim ;
fon valet le retard; fa fervante la lenteur; fa porte
le précipice; fon veftibUle la langueur; fon lit la
maigreur & la maladie; fa tente la maiédi&ion : la
moitié de fon corps eft bleue, l ’autre moitié eft revêtue
de la peau 8c de la couleur humaine ;elle'a un
regard effrayant ; mais ayant toutes chofes exiftoit
lin lieu nommé mujpelheim; c’eft un monde lumineux
, ardent , inhabitable aux étrangers ,
fitué à l’extrémité de la terre ; Surtur le noir y tient
fon empire ; dans fes mains brille une épée flamboyante
; il viendra à la fin du monde ; il vaincra
tous les dieux, 8c livrera l’univérs en proie aux
flammes.
Ces morceaux tirés de VEdda, font connoître
quelle étoit l’imagination de ces anciens C e ltes, 8c
leurs idées fur la formation du monde 8c fur fa de-
ftruttion, qui devoit entraîner les dieux 8c les hommes.
On voit aufli que leurs dogmes tendoient à exciter
le courage, puifqu’ils afltgnoient des places
aux enfers pour ceux qui mouroient de vieillefle
& de maladie ; quant à ceux qui périflbient dans les
combats, ils alloient au fortir de ce monde dans un
féjour nommé valhalla, ou le palais d’O d in où ils
paffoient leur tems en feftins & en batailles. Foye{
O din , 8c voye^ V a lh a l la .
Suivant cette mythologie, il y avoit trois grands
dieux ; Odin, qui s’appelloit le pere des dieux & des
hommes, & de toutes les chofes produites par fa
vertu ; Frigga, la terre^toit fa fille 8c fa femme, &
il a eu d’elle le dieu TkW; c ’étoient-là les trois grandes
divinités des peuples du Nord. Ils reconnoif-
foient outre cela plufieurs autres dieux fiibalternes ;
Balder etoit le fécond fils d’Odin ; on croit que c’eft
Belenus ou le Soleil. Niord étoit le Neptune des
Scandinaves ; il e'it un fils 8c une fille nommés Frey
& Frtya ; le premier étoit le dieu qui préfidoit aux
faifons ; Frey a étoit la déeffe de l’Amour ou la V énus
des Celtes. Tyr, étoit le dieu de la guerre , très-
révéré par des peuples chez qui la valeur étoit la
plus haute des vertus. Heimdall étoit un dieu puif-
îant ; on l’appelloit le gardien des dieux ; il défen-
doit le pont de Bifrofl, c’eft-à-dire , l’arc-en-ciel,
pour empêcher les géants d’y paffer pour aller attaquer
les dieux dans le ciel. Le dieu Hoeder étoit aveugle
, mais extrêmement fort ; Fidar étoit un dieu
puiffant ; F ali ou File étoit fils d'Odin 8c de Rinda;
Uller étoit le gendre de Thor ; Forjete étoit fils de
Balder ; c’étoit le dieu de la réconciliation, & il
aflbupilfoit toutes les querelles..
Quelques-uns mettent Loke au rang des dieux ;
mais il étoit fils d’un géant, 8c VEdda l’appelle le
calomniateur des dieux, l’artifan des tromperies ,
& l’opprobre des dieux & des hommes ; il paroît
que les Scandinaves vouloient defigner fous ce nom
le diable ou le mauvais principe.
Les deefles dont il eft fait mention dans l’Eddà,
font Frigga, femme d’Od in , c ’eft la terre ; Saga
Eira, déelfe de la Medecine.; Gijione, déeffe de la
Chafteté ; F y lia, compagne & confidente de Frigga;
Frey a , la déeffe de l’Amour, à qui on donnoit auffi
le nom de Funadis, déeffe de l’Efpérance ; Siona ,
la déeffe qui enflamme les amans les uns pour les
autres ; Lovna réconcilie les amans brouillés ; Fara
préfide aux fermens & aux promeffes des amans ;
yora deeffe de la Prudence .; Synia eft la gardienne
de la porte du palais des dieux ; Lyna , délivre des
dangers ; Snotra eft la déeffe de la Science ; Gna eft
la ménagère de Frigga ; Sol & B il, étoient encore
fles, déeffes. Il y avoit outre cela les déeffes nommées
Fîlkyries : elles choififfoient ceux qui dévoient
avoir la gloire d’être tués dans les combats ; enfin ,
Jord & Rinda , font aufli mifes au rang des déefles.
Outre ces déeffes, chaque homme a une divinité
qui détermine la durée & les évenemens de fa vie.
Les trois principales: font Urd, le paffé; Werandi,
le préfeht ; & Sculde , l’avenir.
Tous ces dieux & ces déeffes paffoient leùr tems
flans le féjour célefte à boire de l’hydromel, & à voir
les combats des héros admis avec eux dans le Fal-
halla ; fouvent ils alloient eux-mêmes chercher des
avantures, dont quelquefois ils fe tiroient très-mal ;
ils combattoient des géants, des génies, des magiciens,
& d’autres êtres imaginaires, dont cette mythologie
eft remplie.
VEdda parle enfuite d’un tems appellé ragnaro-
kur, ou le crcpujcule des dieux : ce tems eft annoncé
par un froid rigoureux & par trois .hivers affreux ;
le monde entier fera en guerre & en difeorde ; les
freres s’égorgeront les uns les autres ; le fils s’armera
contre fon pere, & les malheurs fe fuccéderont jufqu’à
la chute du monde. Un loup monftrueux nommé
Fenris, dévorera le foleil ; un autre monftre
emportera la lune ; les étoiles difparoîtront ; la terre
& les montagnes feront violemment ébranlées ; les
.géants & les monftres déclarent la guerre aux dieux
réunis; & Odin lui-même finit par être dévoré. Alors
le monde fera embrafé, & fera place à un féjour
heureux appellé Gimle, le c ie l, où il y aura un palais
d’or pur : c’eft-là que feront ceux d’entre les
dieux qui auront furvécu à la ruine du monde, &
qu’habiteront les hommes bons & juftes : pour les
mechans, ils iront dans le Naßrande, bâtiment vafte
conftruit de cadavres de ferpens, où coule un fleuve
empoifonné , fur lequel flotteront les parjures 8c
les meurtriers. D ’où l’on voit que ces peuples di-
ftinguoient deux cieux, le Falhalla 8c le Gimle; 8c
deux enfers, Niflheim 6c Naßrande.
Les idées de ces peuples fur la formation de la
terre 8c la création de l’homme, n ’étoient pas moins
fingulieres que le refte de leur do&rine. Voici comme
en parlent leurs poètes : « dans l’aurore des fie-
» clés, il n’y avoit ni mer, ni rivage, ni zéphirs ra-
» fraîchiffans ; tout n’étoit qu’un vafte abîme fans
» herbes 8r fans femençes. Le foleil n’avoit point
» de palais ; les étoiles ne connoiffoient point leurs
» demeures ; la lune ignoroit fon pouvoir ; alors il
» y avoit un monde lumineux 8c enflammé du côté
,» du midi ; de ce monde des torrens de feux étin-
» célans s’écouloient fans ceffe dans l’abîme qui étoit
» au feptentrion, en s’éloignant de leur fource ces
» torrens fe congeloiehr dans l ’abîme, ,8c lé remplif-
» foientde feories 8c de glaces. Ainfi l’abîme fe com-
!» Ma ; mais il y reftoit au-dedans un air léger 8c im-
» mobile, 8c des vapeurs glacées.s’en exhaloient ;
n alors un foufle de chaleur étant venu du midi,
» fondit ces vapeurs, & en forma des goûtes vivan-
» te s , d’où naquit le géant Ymer ». .De la fueur de
ce géant il naquit un mâle 8t une femelle d’où for-
tit une race de géans méchans, ainfi que leur auteur
Ymer. Il naquit aufli une autre race meilleure
qui s’allia avec celle cVYmer : cette race s ’appella
la famille de Bor , du nom du premier de cette famille
, qui fut pere d'Odin. Les defeendans de Bor
tuerent le géant Ymer, 8c exterminèrent toute fa
race, à l’exception d’un defes fils 8c de fa famille,
qui échappa à leur vengeance ; lés enfans de Bor
formèrent un nouveau monde du corps du géant
Ymer ; fon fang forma la mer 8c les fleuves ; fa chair
fit la. terre ; fes os firent les montagnes ; fes dents firent
les rochers ; ils firent de fon crâne la voûte du
ciel ; elle étoit foutenue par quatre nains nommés
Sud, Nord, Efi, & Ouefl ; ils y placèrent des flambeaux
pour éclairer cette voûte ; ils .firent la terre
ronde, 8c la ceignirent de l’Océan, fur les rivages
duquel ils placèrent desgéàns. Les filsfie Bor fe promenant
un jour furies bords de la mer, trouvèrent
deux morceaux de bois flottans, dont ils formèrent
l ’homme 8c la femme ; l’aîné désfils de Bor leur donna
l’ame & la v ie; le. fécond, le mouvement & la
fcience ; le troifieme , la parole, l’ouie, la vû e , la
beauté , 8c des vêtemens. Cet homme fut nommé
Askus, & fa femme Emhla ; tous leshommes qui
habitent la terre en font. defcendus.
La fécondé partie de VEdda9 ou de.la M ytholo