fcrupulenfe à des circonftances légères 6c minutièu-
fe s , elledifparoîtprefquedans le tranfport des grandes
pallions. Une mere qui vient de perdre fon fils
ne s’apperçoit pas du defordre de fes vêtemens. Une
femme tendre & paflionnée , que le penchant de Ton
coeur, le trouble de fon efprit 6c l’yvreffe de fes fens
abandonne à l’impétuofité des defirs de fon amant,
feroit ridicule fi elle fe reflouvenoit d’être décente ,
dans un inftànt où elle a oublié des confidérations
plus importantes. Elle eft rentrée dans l’état de nature
: c’eft fon impreffion qu’elle fuit, 6c qui difpofe
d ’elle & de fes mouvemens. Le moment du tranfport
pafle , la décence renaîtra ; 6c fi elle foupire encore
, fes foupirs feront décens.
* INDÉCIS, adj. (Gramm.) qui fe prend aufli quelquefois
fubftantivement. Onlaiffeen Philofophie, en
Théologie »beaucoup de queftions indécifes. Il y a des
hommes indécis fur lefquels il ne faut pas compter
plus que fur des enfans. Ils voyent un poids égal à
toutes les raifons ; les inconvéniens les plus réels 6c
les plus légers les frappent également ; ils tremblent
toûjours de faire un faux pas. Ce n’eft jamais la rai-
fon , mais la circonftance qui les détermine. C ’eft le
dernier qui leur parle qu’ils croyent. Si l’on pouvoit
comparer les mouvemens de l’amequi délibéré à celui
d’un pendule , comme on diftingue dans le mouvement
du pendule l’inftant où il commence à fe
mouvoir , la durée de fes ofcillations , 6c l’inftant
où il fe fixe ; dans le mouvement de l’efprit qui délibéré
, il y auroit le moment où l’examen commence,
la durée de l’examen ou Yindécifion, 6c le moment
où Yindécifion ceffe, celui de larélolution 6c du repos.
INDÉCLINABLE , adj. terme de Grammaire. On
a diftingué à l’article F o r m a t i o n deux fortes de
dérivation, l’une philofophique, & l’autre grammaticale.
La dérivation philofophique fert à l’expref-
-fion des idées accefloires propres à la nature d’une
idée primitive. La dérivation grammaticale fert à
l’exprelfion des points de vûe fous lefquels une idée
principale peut être envifagée dans l’ordre analytique
de l’énonciation. C’eft la dérivation philofophique
qui forme, d’après une même idée primitive,
des mots de différentes efpeces, où l’on retrouve une
même racine commune , fymbole de l’idée primitiv
e , avec les additions différentes deftinées à repré-
fenter l ’idée fpécifique qui la modifie, comme A Mo,
AMor, AMicitia , A Miens , AManter , AMatoriè ,
A Alice, &c. C ’eft la dérivation grammaticle qui fait
prendre à un même mot diverfes inflexions, félon
les divers afpeétsfous lefquels on envifage dans l’ordre
analytique la même idée principale dont il eft le
fymbole invariable , comme AMICus , A M l Ci ,
AMICo, AMICum, AMICorum, & c. Ce n’eft que relativement
à cette fécondé efpece que les Grammairiens
emploient les termes déclinable 6c indéclinable.
Un fimple coup d’oeil jetté fur les différentes efpeces
de mots, 6c fur l’unanimité des ufages de toutes
les langues à cet égard, conduit naturellement à
les partager en deux claffes générales, caraétérifées
•par des différences purement matérielles,mais pourtant
effentielles, qui font la déclinabilité & Yindécli-
.nabilité.
La première claffe comprend toutes les efpeces
de mots q u i, dans la plûpart des langues, reçoivent
des inflexions deftinées à défigner les divers points
de vûe fous lefquels l’ordre analytique préfente l’idée
principale de leur Lignification ; ainfi les mots déclinables
font les noms, les pronoms, les adjeûifs 6c
les verbes.
La fécondé claffe comprend les efpeces de mots
q u i, en quelque langue que ce foit, gardent dans le
difeours une forme immuable , parce que l’idée principale
de leur lignification y eft toujours envilagée
-fous le même afpeû ; ainfi les mots indéclinables {ont
les prépofitiôns, les adverbes, les conjônûions&'les
interjetions.
Les mots confidérés de cette maniéré font cjfen-
tiellement déclinables , ou effentiellement indéclinables *
6c fi l’unanimité des ufages combinés des langues ne
nous trompe pas fur ces deux propriétés.oppofées, elles
naiffent effectivement de la nature des efpeces de
mots qu’elles différencient ; 6c l’examen raifonné de
ces deux caraéteres doit nous conduire à la connoif-
fance d,e la nature même des mots, comme l’examen
des effets conduit à la connoiffance des caufes. Voyeç
M o t .
Au refte, il ne faut pas fe méprendre fur le véritable
fens dans lequel on doit entendre la déclinabilité
& Yindéclinabilité ejjentielle. Ces deux exprefîions
ne veulent dire que la poflibilité ou l’impoflibilité
abfolue de varier les inflexions des mots relativement
aux vues de l’ordre analytique ; mais la déclinabilité
ne fuppofe point du tout que la variation
aCtuelle des inflexions doive être admife néceffaire-
ment, quoique Yindéclinabilité l’exclue néceffaire-
ment : c ’eft que la non exiftence eft une fuite né-
ceffaire de l’impoflibilité ; mais l’exiftence, en fup-
pofant la poflibilité, n’en eft pas une fuite néceflaire.
En effet, les mots effentiellement déclinables ne
font pas déclinés dans toutes les langues ; 6c dans
celles où ils font déclinés , ils ne l’y font pas aux
mêmes égards. Le verbe , par exemple, décliné pref-
que par-tout, ne l’eft point dans la langue franque ,
qui ne fait ufage que de l’infinitif ; la place qu’il occupe
&les'mots qui l’accompagnent déterminent les
diverfes applications dont il eft fufceptible. Les noms
qui en grec, en latin, en allemand, reçoivent des
nombres 6c des cas , ne reçoivent que des nombres
en françois, en italien, en efpagnol 6c en anglois ,
quoique maintsGrammairiens croyent y voir des cas,
au moyen des prépofitions qui les remplacent effectivement
, mais qui ne le font pas pour cela. Les
verbes latins n’ont.que trois modes perfonnels, l’indicatif,
l’impératif &c le fubjonCiif : ces trois modes
fe trouvent aufli en grec 6c en françois ; mais les
Grecs ont de plus un optatif qui leur eft propre, &
nous avons un mode fuppofitifqui n’eft pas dans les
deux autres langues.
Il y a dans les diverfes langues de la terre mille
variétés femblables, fuites naturelles de la liberté de
l’ufage, décidé quelquefois par le génie propre de
chaque idiome, 6c quelquefois par le fimple hafard
ou le pur caprice. Que les noms ayent en g rec, en
latin & en allemand des nombres & des cas , 6c que
dans nos langues analogues de l’Europe ils n’ayent
que des nombres, c’eft génie ; mais qu’en latin, par
exemple , où les noms 6c les adje&its fe déclinent,
il y en ait que l’ufage a privés des inflexions que
l’analogie leur deftinoit, c’eft hafard ou caprice.
Il me femble que c’eft aufli caprice ou hazard, que
ces noms ou ces adje&ifs anomaux foient les feuls
qu’il ait plû aux Grammairiens d’appeller fpéciale-
ment indéclinables. J’aimerois beaucoup mieux que
cette dénomination eût été réfervée pour défigner la
propriété de toute une efpece, en y ajoûtant, fi l’on
eût voulu, la diftin&ion de Yindéclinabilité naturelle
ÔC de Yindéclinabilité ufuelle: dans ce ca s , les anomaux
dont il s’agit ic i , auroient dû plutôt fe nommer
indéclinés qu’indéclinables , parce que leur indé-
clinabilité eft un fait particulier qui déroge à l’analogie
commune par accident, & non une fuite de cette
analogie.
Quoi qu’il en foit de la dénomination , ces anomaux
indéclinables n’apportent dans l’élocution latine
aucune équivoque ; & il eft d’un ufage bien entendu,
quand on fait l’analyfe d’une phrafe latine où
il s’en trouve , de leur attribuer les mêmes fonctions
qu’aux mots déclinés, Ainfi en analyfant cette.
propofition interjeCtive de Virgile , cornu fent ille,
ïl eft fage de dire que cornu eft à l’ablatif comme
complément de la prépofition fous-entendue cum
(a v e c ) , quoique cornu n’ait réellement aucun cas au
fingulier : c’eft faire allufion à l’analogie latine, 6c
c’eft comme fi l ’on difoit que cornu auroit été mis a
l ’ablatif, fi l’ufage l’eût décliné comme les autres
noms. J’avoue cependant qu’il y auroit plus de juf-
teffe 6c de vérité à fe fervir plutôt de ce tour conditionnel
que de {’affirmation pofitive ; 6c j’en ufe
ainfi quand il s’agit de l’infinitif, qui eft un vrai nom
indéclinable : dans turpe ejl mentiri, par exemple , je
dis qqe l’infinitif mentiri eft le fujet du verbe eji, &
qifil" feroit au nominatif s’il étoit déclinable : dans
clamare cùepit, que clamare eft le complément objectif
de ccepit, & qu’il feroit à l’accufatif s’il étoit déclinable
, &c.Voye^ INFINITIF.
Mais ce qui eft raifonnable par rapport à la phrafe
latine , feroit ridicule 6c faux dans la phrafe fran-
çoife. Dire que dans j'obéis au roi, au roi eft au datif,
c’eft introduire dans notre langue un jargon qui
lui eft étranger ,6c y fuppofer une analogie qu’elle
ne connoît pas, $«.pÇapiÇuv. ( 5 . E . R. M. )
INDÉFINI, adj. (Géomét.) Voyeç InTiNI.
Indéfini , ('Gramm.) ce mot eft encore un de
ceux que les Grammairiens emploient comme techniques
en diverfes occafiôns ; 6c il fignifie la même
chofe qu’indéterminé. On dit fens indéfini, article indéfini
, pronom indéfini, tems indéfini. '
i° . Sens indéfini. « Chaque mot, dit M. du Mar-
» fais ( Tropes ,part. I I I . art. ij. pag. 23 3 .) , a une
» certaine 'lignification dans le difeours, autrement
» il ne fignifieroit rien ; mais ce fens , quoique dé-
» terminé (c’eft-à-dire, quoique fixé à être tel) » ne
» marque pas toujours précifément un tel individu,
» un tel particulier ; ainfi on appelle fens indéterminé
» ou indéfini, celui qui marque une idée vague,
» une penfée générale, qu’on ne fait point tomber
» fur un objet particulier ».
Les adjeCtifs & les verbes , confidérés en eux-
mêmes , n’ont qu’un fens indéfini, par rapport à l’objet
auquel leur lignification eft appliquable : grand,
durable, expriment à la vérité quelque être grand,
quelque objet durable ; mais cet être, cet objet, eft-
ce un ëfprit ou un corps ? eft-ce un corps animé ou
inanimé ? eft-ce un homme ou une brute ? &c. La
nature de l’être eft indéfinie , & ce n’eft que par des
applications particulières que ces mots fortiront de
cette indétermination, pour prendre un fens défini,
du-moins à quelques égards ; un grand homme une
grande entreprife, un ouvrage durable , une efiime durable.
C ’eft la même chofe des verbes confidérés hors
ide toute application.
Je dis que les applications particulières tirent ces
mots de leur indétermination , du-moins d quelques
égards. C’eft que toute application qui n’eft pas ab-
folument individuelle ou fpécifique, c’eft-à-dire qui
ne tombe pas précifément fur un individu ou fur toute
une efpece, laiffe toujours quelque chofe d’indéfini
dans le fens : ainfi quand on dit un grand homme, le
mot grand eft défini par fon application à l’éfpece
humaine ; mais ce n’eft pas à toute l’efpece, ni à tel
individu de l ’efpece ; ainfi le fens demeure encore
indéfini à quelques égards , quoiqu’à d’autres il foit
déterminé.
Les noms appellatifs font pareillement indéfinis en
eux-mêmes. Homme, cheval, argument, défignentà
la vérité telle ou telle nature ; mais fi l’on veut qu’ils
défignent tel individu , ou la totalité des individus
auxquels cette nature peut convenir, il faut y ajouter
d’autres mots qui en faffent difparoître le fens indéfini
: paf exemple, cet homme ejl favant, l’homme ejl fujet à terreur, & c . Voyez A B S T R A C T IO N , A p -
p e l l a t i f , A r t i c l e ,
2®. Article indéfini. Quelques Grammairiens fran*
çois , à la tête defquels il faut mettre l’auteur de la
Grammaire générale , Part. ï l . ch. vij , ont diftingué
deux fortes d’articles, l’un défini, comme le , la ; 6c
l ’autre indéfini, comme un, une, pour lequel on met
de ou des au pluriel.
Non content de cette première diftinétion, la T ou-
che vint après M. Arnauld 6c M. Lancelot, 6c dit qu’il
y avoit trois articles indéfinis : « Les deux premiers ,
» dit-il, fervent pour les noms des chofesqui fe pren-
» nent par parties dans un fens indéfini : le premier
» eft polir les fubftantifs, 6c le fécond pour les ad~
» je&ifs ; je les appelle articles indéfinis partitifs : le
» troifiertie article indéfini fert à marquer le nombre
» des chofes, 6c c’eft pour cela que je le nomme numéral
». U art de bien parler françois, liv. II. ch. j. Le
P. Buflîer& M. Reftaut, à quelques différences près,
ont adopté le même fvftème ; & tous ont eu en vue
d’établir des cas & des déclinaifons dans nos noms, à
l’imitation des noms grecs 6c latins ; comme fi la
Grammaire particulière d’une langue ne devoit pas
être en quelque forte le code des décifions de l’ufage
de cette langue, plutôt que la copie inconféquente
de la Grammaire d’une langue étrangère.
Je ne dois pas répéter ici les raifons qui prouvent
ue nous n’avons en effet ni cas ni déclinaifons
voye^ ces mots) ; mais j’obferverai d’abord avec M.
Duclos (Rem. fur le ckap. yij. de la I I . Part, de la
Gramm. généré) « que ces divifions d’articles, défini,
» indéfini, n’ont fervi qu’à jetter de la çonfufion fur
» la nature de l’article. Je ne prétends pas dire qu’un
» mot ne puiffe être pris dans un fens indéfini, c’eft-
» à-dire dans fa fignification vague 6c générale ; mais
» loin qu’il y ait un article pour la marquer, il faut
» alors le fupprimer. On d it , par exemple , qu’un
» homme a ete traité avec honneur ; comme il ne s’agit
» pas de fpécifier l’honneur particulier qu’on lui a
» rendu, on n’y met point d’article ; honneur eft pris
» indéfiniment » , parce qu’il eft employé en cette oc*
currence dans fon acception primitive, félon la-
» quelle , comme tout autre nom appellatif, il ne
préfente à l’efprit que l’idée générale d’une nature
commune à plufieurs individus, ou à plufieurs efpeces
, mais abftraétion faite des efpeces 6c des individus.
« Il n’y a , continue l’habile fecrétaire de i’A-
» cadémie rrançoife, qu’une feule efpece d’article,
» qui eft le pour le mafculin, dont on fait la pouiç
» le féminin , 6c les pour le pluriel des deux genres :
» le bien, la vertu, /’injuftice ; les biens , les vertus ,
» les injuftices ».
En effet, dès qu’il eft arrêté que nos noms ne fu-
biffent à leur terminaifon aucun changement qui
puiffe être regardé comme cas , que les fens accef-
îoires fepréfentés par les cas en grec , en latin, en
allemand > 6c en toute autre langue qu’on voudra,
font fuppléés en françois , 6c dans tous les idiomes
qui ont à cet égjard le même génie, par la place même
des noms dans la phrafe, pu par les prépofitions
qui les .précèdent ; enfin que la deftination de l’article
eft de faire prendre le nom dans un fens précis
& déterminé : il eft certain, ou qu’il ne peut y avoir
qu’un article, ou que s’il y en a plufieurs, ce feront
différentes efpeces du même genre, diftinguées entre
elles par les différentes idées accefloires ajoutées
à l’idée commune du genre.
Dans la première hypothèfe, où l’on ne recon-
noîtroit pour article que le, la , les, la conséquence
eft toute fimple. Si l’on veut déterminer un nom
foit en l’appliquant à toute l’efpece dont il exprime
la nature, foit en l’appliquant à un feul individu dé-,
términé de l’efpece, il faut employer l’article ; c’eft
pour cela feul qu’il eft inftitué : Chomme ejl mortel,
détermination fpécifique ; l ’homme dont je vous parle ,
&c. détermination individuelle. Si on veut employer,