prife dans le fens qui fe préfente naturellement, elle
éft trop générale ; c’eft-à-dire fi l’on penfe , comme
c’eft le fentiment unanimement reçu , que la ftagnation
du fang eft un principe qui doit précéder &
produire Vinflammation. Cette propofition ainfi donnée
univerfellement eft fauffe. Il y a bien des inflammations
excitées par le feu , les cauftiques aftifs, &c.
qui fuivent de trop près l’application de la caufe >
pour qu’on puiffe fuppofer que le fang a dû s’arrêter
avant que les fymptomes paruffent : cette fup-
pofition feroit d’ailleurs gratuite & démontrée faufle
, parce que ces caufes fuffifent pour augmenter
l'irritabilité & exciter les fymptomes inflammatoires.
Il eft bien vrai que dans ces inflammations çet arrêt
du fang ne tarde pas à avoir lieu ; ainli dans certains
cas il eft caufe , dans d’autres il eft l’effet de
Vinflammation. La tumeur préfente dans toute inflammation
, quoiqu’inobfervable dans celles qui font
internes, toujours confiante malgré la fyncope & la
mort même, le fiége de Vinflammation & les caufes
qui la produifent concourent à fournir des preuves
inconteftables de ce fait. Par ftagnation, herence ,
arrêt du fang, &c. je n’entends pas le repos abfolu,
mais feulement fon mouvement retardé de façon
qu’il aborde plus vite à la partie qu’il n’en revient.
2°. L ’inflammation n’a lieu que dans les petits vaif-
feaux artériels, fanguins ou lymphatiques. La ftagnation
qui fe feroit dans les gros troncs feroit fui-
vie de la fyncope ou de la mort ; fi par une ligature
on intercepte dans un vaiffeau artériel confidérable
le mouvement du fang , l’animal fur qui on fait l’expérience
devient inquiet, s’agite & meurtrdans les
convuliions, & l’on n’apperçoit d’autre inflammation
que celle des petits rameaux qui rampent dans
lès parois de l’artere lié e , dans lefquels la ligature
a gêné ou interrompu le cours des humeurs. La pro-
polition qui annonce que le fiége de Vinflammation
n’eft que dans les vaifleaux artériels , eft fondée fur
le peu de contraûilité ou fenlibilité des v eines, fur
leur difpofition, qui eft telle que le fang va toujours
d’un endroit plus difficile dans un plus large & plus
aifé. Elle eft cependant trop générale, à moins que
fous le nom d’arteres on ne veuille aufli comprendre
les veines qui en font les fondions , & dont les
ramifications fe multiplient en convergeant : la veine-
porte eft dans ce cas-là ; aufli je penfe que c’eft dans
les extrémités qu’eft le fiége de Vinflammation fourde
du foie , fi difficile à connoître & à guérir. Nous
avons ajouté que les vaifleaux fufceptibles d’inflammation
étoient fanguins eu lymphatiques ; en effet,
le fang peut s’arrêter dans les premiers, ou s’égarer
dans les lymphatiques qui naiffent des vaifleaux fanguins
; ce qui produit Vinflammation par erreur de
lieu de Boerhaave, le premier qui ait développé
cette idée , qui ne lui appartient pas , que Chirac
pourroit revendiquer avant lu i , mais dont la découverte
doit être, avec plus de raifon, comme l’a
déjà remarqué M. Fizes, attribuée au célébré Vieu t
fen s , médecin de Montpellier , le plus grand des
anatomiftes françois. Il expofe fort clairement cette
do&rine dans fon traité intitulé : Novumfyftema va-
forum. Il dit avoir vu dans les inteftins d’un homme
mort d’une inflammation dans cette partie-là, les
vaifleaux lymphatiques nouvellement découverts,
tous remplis de fang, « qui par leur replis tortueux
» & leur entrelacement réitéré préfentoient un fpec-
» tade étonnant & fort agréable ; & de cette obfer-
» vation il fuit clairement, ajoute ce grand mede-
»> cin, que le fang trop abondant ou raréfié peut quel-
» quefois s’épancher dans les vaifleaux lympnati-
» ques dilatés , y arrêter & produire une nouvelle
» inflammation dont je n’ai eu aucune idée claire
» avant d’avoir découvert l’origine , l’infertion &
» les diftributions des vaifleaux l'ecretoires du corps
» humain ». Boerhaave n’ignoroit pas la vérité de
ce fait, rapporté par Vieuflens ; cependant fans lui
en rendre de juftes hommages, il donne cette idée
comme lui appartenante. Les anciens avoîent eu
quelque idée de cette inflammation. Galien dit dans
un endroit ( Method. med. lib. X . cap. x . ) que Vin-
flammation eft quelquefois fx violente , que non-feulement
les petits vaifleaux fanguins font engorgés,'
mais même les vaftes efpaces qui font entre ces
vaifleaux font diftendus par un fang chaud & abondant
: on pourroit croire qu’il veut parler des petites
ramifications lymphatiques qui font dans le tiffu
cellulaire. On voit un exemple frapant & démonf-
tratif de cette inflammation dafis l’ophtalmie, oit la
cornée opaque arrofée dans l’état naturel des feuls
lymphatiques tranfparens, paroît alors n’être qu’un
tiffu de vaifleaux fanguins gonflés : l'inflammation
des tendons, des o s, des cartilages, &c. offre le même
fpeftacle & la même preuve. Il y a d’ailleurs des
obfervations qui démontrent que le fang peut fe
faire jour à-travers les plus petits vaifleaux ; ainfi
on a vu des perfonnes dont la fueur étoit entremêlée
de globules rouges ; on voit des crachats
teints de fang, fans qu’on puiffe foupçonner la rupture
des petits vaifleaux ; les tuyaux excrétoires de
la matrice à-travers lefquels il ne fuinte ordinairement
qu’une humeur ténue &lympide, laiffentdans le te ms
de la menftruation pafler du fang rouge en quantité j
li dans ces vaifleaux lymphatiques encore irritables,
au lieu du fang, la lymphe , au tranfport de laquelle
ils font^deftinés, vient à s’arrêter, il fe formera une
inflammation blanche, que Boerhaave appelle dît
fécond genre, & qui eft connue fous le nom à'oedème
chaud; cet auteur s’abandonnant à fa théorie, penfe
qu’il peut y avoir autant de genres d’inflammation ,
qu’il y a de genres décroiffans de vaifleaux féreux $
mais il ne fait pas attention que l ’obftruélion nefuf-
fit pas, il faut outre cela qu’elle ait lieu dans les
vaifleaux irritables ; fans cela il fe forme un skirrhe,
ou un oedeme, & non une inflammation féreufe ; les
expériences apprennent qu’on n’apperçoit aucune
trace d’irritabilité dans les vaifleaux lymphatiques
qui font parvenus à une certaine petiteffe. L’on peut
conclure de ce que nous avons d it , que toutes les
parties qui ont des vaifleaux fanguins ou lymphatiques
du premier & fécond genre, font fujettes à Vinflammation
y & conféquemment il n’y a point de partie
à l’abri de cette affeélion, puifque les admirables
& malheureufement perdues inje&ions de Ruifch,
nous apprennent que toutes les parties ont des vaif-
feaux affez confidérables ; il n’eft pas jufqu’aux os
qui ne puiffent être fufceptibles inflammation. Galien
aflïire qu’ils peuvent s’enflammer même indépendamment
des membranes qui les environnent ;
les obfervations de Heine ( voye^fon traité de Vinflammation
des os ) confirment cette affertion.
Les caufes qui produifent Vinflammation, peuvent
fe réduire à deux chefs principaux ; favoir à celles
qui augmentent d’abord l’irritabilité dans la partie
avant de produire la ftagnation, & à celles dont
l’effet primitif eft cette ftagnation qui détermine en-
fuite & excite l’augmentation de contraftilité : ces
deux caufes peuvent agir enfemble & fe compliquer.
Ou peut ranger If la première claffe toutes les caufes
irritantes, le feu, les cauftiques, les veficatoires,
le froid extrêmement âcre, les applications huileu-
fes, rances, ou Amplement emplaftiques, qui agiffent
en arrêtant la tranfpiration , les friétions, l’écoulement
ou le dépôt de quelque humeur qui ait une
âcreté très-marquée, comme il arrive aux hydropiques
, aux jambes defquels on obferve des legere?
inflammations excitées par la férofité qui s’échappe,
aux femmes qui ont des fleurs blanches d’un mauvais
iqara&ere, ou un flux gonorrhoïque virulent, tout I
l’intérieur du. vagin eft enflammé. L ’éréfipele fcor- I
butique dépend aufli de la même caufe : toutes ces ]
inflammations paroiffent .participer davantage de l’éréfipele
que du phlegmon. Je crois que dans l’éré—
Jipele le fang eft le plus fpuvent mêlé avec la matière
de la tranfpiration,.ou avec quelqu’autre humeur
ténue, acre, & fur-toutbilieufe.Les éréfipeles
qui furviennent à des coleres effrénées dépendroient-
elles d’un dérangement excité dans le foie ? Ce qu’il
y a de bien certain, c’eft que bien des éréfipeles, &
liir-tout ceux qui font périodiques , méritent lou-
vent d’être attribués à quelque changement opéré
dans ce vifeere ; c’eft la pratique & l’obfervation
qui ont donné naiffance à cette idée. Les inflammations
qui furviennent aux bleffures, luxations , dif-
îorfions , & en un mot aux affeÛions dolorifiques,
doivent être aufli renfermées dans cette claffe.
La fécondé claffe établie des caufes qui excitent
l'inflammation , comprend celles qui produifent d’abord
l’hérence du fang ou l’obftruâion des vaifleaux,
& qui y difpofent. Pour que le fang s’arrête ou coule
plus difficilement dans les vaifleaux de quelque partie
, il faut que fa maffe augmente par-deffus la capacité
des vaifleaux ; ce qui peut arrive r, ou par
l ’augmentation abfolue du lang, ou par la diminution
de la capacité des vaifleaux, ou enfin par le
concours de ces deux caufes , l ’inflammation n’ayant
lieu que dans les petits vaifleaux , où à peine les
globules fanguins peuvent paffer à la fuite l’un de
l’autre, il eft évident que fi les globules font trop
fortement liés les uns aux autres pour pouvoir fe
defunir par l’aôion très - foible de ces petits vaif-
feaux , l’obftruâion fe formera : or ce vice pourra
être produit par le froid, les venins coagulans, les
fpiritueux, abforbans , acides, aufteres, invifquans
& agiffans topiquement. Cette difpofition fera engendrée
& entretenue dans le corps par l ’ufage immodéré
des liqueurs fpiritueufes, aromatiques, vi-
neufes, par les exercices violens, la pléthore, la fup-
preflion des excrétions fanguines, l’augmentation
des féreufes ; la maffe du fang augmentera encore ,
eu égard à la capacité de ces petits vaifleaux, fi plu-
fieurs globules pouffés avec trop de rapidité fe pré-
fentent en même tems à l ’embouchure d’un vaifléau
qui n’en peut admettre qu’un ; c’eft le cas de la fievre.
Parmi les caufes qui peuvent diminuer la capacité
des vaifleaux , fe préfente d’abord la compreflion,
qui peut être excitée par des corps étrangers , ' des
tentes , de« tampons, par exemple, placés mal-à-
propos dans les plaies par des chirurgiens inhabiles,
par des ligatures trop ferrées , par les parties dures
d.e norre corps déplacées ou rompues, comme il arrive
dans les fraélures, luxations , par le poids du
corps fur une partie ; ainfi il furvient des inflammations
au coxis, aùx trochanters, aux épaules des
perfonnes qui reftent long-tems couchées fur le dos.
La compreflion peut aufli être produite par un fang
trop abondant & raréfié , diftendant certains vail-
feaux ; ceux qui font voifins fouffrent de cette dif-
îenfion ; leur capacité en eft par - là diminuée :
c ’eft ce qui a lieu dans les fievres ardentes inflammatoires.
L ’allongement des vaifleaux, leur diftorfion peut,
en changeant leur figure , en diminuer le diamètre ;
on fait que de toutes les figures ifopérimetres, le
cylindre e ft , après la fphere, celle qui contient le
plus de maffe ; fi cette figure change de capacité,
elle diminue néceffairement : cette caufe peut avoir
lieu dans les luxations, diftorfions de membres ; c ’eft
elle q u i, de concert avec la douleur violente, produit
les inflammations qu’on obferve chez les criminels
qui ont fouffert la torture.
Enfin la capacité peut être rétrécie par la propre
I contraéHIité des vaifleaux ; leurs parois ont une force
qui les fait tendre à fe rapprocher de l’axe : cette
force eft toujours combattue & empêchée d’avoir
fon effet par le mouvement &c la préfence du fang ;
fi cette force augmente, ou que la force qui la contrebalance
diminue,alors les parois approchées mutuellement
accourciront le diamètre, & rendront le
paffage plus étroit. Toutes les caufês qui rendent
1 irritabilité plus forte, augmentent cette tendance :
ces caufes ont été détaillées plus haut ; e?eft ce qui
prouve encore que la ftagnation du fang fuit de près
l’augmentation de l’irritabilité ; le mouvement & la
quantité de fang qui retiennent en équilibre cette
tendance venant à diminuer , elle aura aüfîitôt fon
effet ; c’eft ce qui arrive dans les hémorrhagies, &
c’eft la caufe la plus fréquente des inflammations qui
furviennent aux bleffures & aux opérations les
vaifleaux coupés obéiffant à cette force j fe retirent.,
fe cachent dans les chairs, & après que lé
mouvement ôt la quantité du fang ont été diminués
par l’hémorrhagie, leurs parois s’appliquent mutuellement
, le paffage eft prefqu’entierement bouché ;
c’eft ce qui fait que ces inflammations fe terminent
toujours par la fuppuration.
Enfin , fans que le fang augmente en maffe, ou le
vaiffeau diminue en capacité , la proportion peut
être dérangée & y avoir obftruélion ; c’eft lorfque
le fang s'égare dans les vaifleaux lymphatiques ; il
faut même pour cela que l’embouchure de ces-vaifi.
féaux foit dilatée ; la trop grande quantité de fang ,
fon mouvement trop rapide, fa raréfaftion produifent
fouvent cet effet. Il eft affez ordinaire de voir
les vaifleaux de la cornée engorgés de fang dans les
perfonnes pléthoriques ; la chaleur, & fur-tout une
chaleur humide en eft la caufe la plus fréquente ;
rien n’eft fi propre à relâcher, affoiblir les vaifleaux
& à y attirer le fang ; c’eft ce qui fait que les ophtalmies
font fi communes, & comme épidémiques dans
les conftitutions chaudes & humides fans vents
Hippocr. ep'tdem. Lib. I II. ) ; mais ces caufes pro-
uifent encore plus fûrement cet effet fi' elles font
fuivies des caufes contraires ; c’eft-à-dire.fi à la chaleur
fuccedele froid ; à l’agitation des humeurs leur
repos ; à 4a raréfa&ion du fang fa condenfation ,
parce qu’alors le fang refte dans les vaifleaux où il
étoit entré ; c’eft la r-aifon pourquoi il furvient des
inflammations aux perfonnes qui ayant extrêmement
chaud, s’expofent au froid, ou boivent de l’eau extrêmement
fraîche.
Telles font les caufes qui peuvent produire la ftagnation
inflammatoire du fang ; telle eft leur différente
façon d’agir : j’en paffe beaucoup d’autres (ous
filence qui peuvent donner naiffance à l’obftruâion ;
je ne parle ici que de celles qui peuvent l’occafion-
ner promptement , & qui peuvent feules produire
Vinflammation : car une obftru&ion qui fe formeroit
peu-à-peu ne feroit aucune violence aux arteres ,
qui prêteroient infenfiblement fans fouffrir aucune
irritation , & fans entraîner conféquemment les
fymptomes inflammatoires.
Mais de quelque façon que foit amenée l’obftruc-
tion ; quelque caufe que ce foit ( pourvu qu’elle ait
agi promptement ) qui ait gêné, retardé, empêché
le mouvement du fang dans des vaifleaux fournis
aux lois de la circulation, ce fang, toujours pouffé
par l’abord continuel de celui qui fuit, agira contre
les parois des vaifleaux avec d’autant plus de force
, que fon ad ion, félon l’a x e , fera plus empêché ,
fon mouvement inteftin, qui eft continuellement
bridé & retenu par le mouvement progreflif, augmentera
: double caufe de l’irritation qu’il excitera
dans fes vaifleaux ; l’irritabilité animée par-là ou
par toute autre caufe irritante étrangère , deviendra
plus aétive ; les phénoiqpnes qui en dépendent