dans cet inftant oh le ver de terre qu’on foule du
pié montre quelque énergie , ils etoient li pauvres
de talens 6c de reffources, que dans tout l’ordre il
ne s’eft pas trouvé un homme qui sût dire un mot
qui fît ouvrir les oreilles. Ils n’avoient plus de voix,
& ils a voient fermé d’avance toutes les bouches qui
auroient pu s’ouvrir en leur faveur»
Ils étoient haïs ou enviés.
Pendant que les études fe relevoient dans î’uni-
verfité , elles achevoient de tomber dans leur college
, & cela lorfqu’on étoit à demi convaincu que
pour le meilleur çmp'oi du tems, la bonne culture
de l’efprit, & la confervation des moeurs & de la
fanté, il n’y avoit guere de comparaifon à faire
entre l’inftitution publique 6c l’éducation domef-
tique.
Ces hommes fe font mêlés de trop d’affaires di-
verfes ; ils ont eu trop de confiance en leur crédit.
Leur général s’étoit ridiculement perfuadé que
fon bonnet à trois cornes couvroit la tête d’un potentat,
& il a infultélorfqu’ilfalloit demander grâce.
Le procès avec les créanciers du pere la Valette
les a couverts d’opprobre.
Ils furent bien, imprudens, lorfqu’ils publièrent
leurs conftitutions ; ils le furent bien davantage,
lorlqu’oubliant combien leur exiftence étoit précaire
, ils mirent des magiftrats qui les haïffoient à portée
de connoître de leur régime, 6c de comparer ce
fyftème de fanatifme, d’indépendance 6cdemachia-
vélifme, avec les lois de l’état.
Et puis, cette révolte des habitans du Paraguay,
ne dut-elle pas attirer l’attention des fouverains, 6c
leur donner à penlèr ? 6c ces deux parricides exécutés
dans l’intervalle d’une année ?
Enfin, le moment fatal étoit venu ; le fanatifme
l’a connu , & en a profité.
Qu’eft-ce qui auroit pu fauver l’ordre, contre
tant de circonftances réunies qui l’avoient amené
au bord du précipice ? un feul homme, comme Bour-
daloue peut - être, s’il eût exifté parmi les Jifuius ;
mais il falloit en connoître le prix, laiffer aux mondains
le foin d’accumuler des richeffes, 6c fonger
à reffufciter Cheminais de fa cendre.
Ce n’eft ni par haine, ni par reffentiment contre
les Jifuius, que j’ai écrit ces chofes ; mon but a été
de juftifier le gouvernement qui les a abandonnés,
les magiftrats qui en ont fait juftice , & d’apprendre
aux religieux de cet ordre qui tenteront un jour
de fe rétablir dans ce royaume , s’ils y réufliffent,
comme je le crois, à quelles conditions ils peuvent
elpérer de s’y maintenir.
JÉSUITESSES , f. f. ( Hifi. ecclef ) ordre de religieufes
, qui avoient des maifons en Italie 6c en Flandres.
Elles fuivoient la réglé des Jifuius, 6c quoique
leur ordre n’eût point été approuvé par le faint ne-
g e , elles avoient plufieurs maifons, auxquelles elles
donnoient le nom de colleges ; d’autres qui portoient
celui de noviciat, dans lefquelles il y avoit une fu-
périeure, entre les mains de qui les religieufes fai-
ioient leurs voeux de pauvreté, de chafteté 6c d’o-
béiffance ; mais elles ne gardoient point de clôture ,
& fe mêloient de prêcher. Ce furent deux filles an-
gloifes , nommées V arda & T uitia, qui étoient en
Flandres, lefquelles inftruites & excitées par le pere
Gérard, reôeur du college, & quelques autres Jé-
fuites, établirent cet ordre ; leur deflein étoit d’en-
vover de ces filles prêcher en Angleterre. Warda
devint bientôt fupérieure générale de plus de deux
cent religieufes. Le pape Urbain VIII. fupprimacet
ordre par une bulle du 13 Janvier 1630, adreffée
à fon nonce de la baffe Allemagne , & imprimée
à Rome en 1631. Bulla Urbani FU I . Vilfon, rap-
portê Heidegger» Hifi. papatus, § . $6.
JESUPOLIS, ( Géog. ) ville de Pologne, dans la
petite Rufiie, au Palatinat de Lemberg,
. JËSURA, f. m. {Hiß. nat. Bot.) c’èft un arbriffeau
du Japon, d’environ trois coudées de haut, qui ref-
femble zwphilirrea. Ses feuilles font garnies de poils,
longues de trois pouces, ovales, terminées par une
pointe , avec un bord très-découpé. Ses baies font
de la groffeur d’un pois, rouges 6c charnues.
JESUS-CHRIST ,{Hifi. & Philofoph. ) fondateur
de la religion chrétienne» Cette religion , qu’on peut
appeller la Philofophie par excellence, fi l’on veut
s’en tenir à la chofe fans difputer fur les mots, a
beaucoup influé fur la Morale 6c fur la Métaphyfi-
que des anciens pour l’épurer, & la Métaphyfique
6c la Morale des anciens fur la religion chrétienne ,
pour la corrompre. C ’eft fous ce point de vue que
nous nous propofons de la confidérer. Foyc^ ce que
nous en avons déjà dit k l’article C h r is t ia n ism e .
Mais pour fermer la bouche à certains calomniateurs
obfcurs,qui nous accufent de traiter la doftrine de
Jejiis-Chrifi comme un fyftème, nous ajouterons avec
faint Clément d’Alexandrie , <1 >Xo<ro<poi Xiyovrai çraô
vp.iv [Xiv oi roQiaç tpavrtç rav Travrav S'vpmpyv nui S'tS&e—
y.a.xin , toutUti tou viou t S &tou ; Philojophi apud nos di-
cuntur qui amant fapientiam , qua eß omnium opifex &
magißra , hoc eß filii D ei cogniùoncm.
A parler rigoureufement, Jefus-Chriß ne fut point
un philofophe ; ce fut un Dieu. Il ne vint point pro-
pofer aux hommes des opinions, mais leur annoncer
des oracles ; il ne vint point faire des fyllogifmes ,
mais des miracles ; les apôtres ne furent point des
philofophes, mais des infpirés. Paul ceffa d’être un
philofophe lorfqu’il devint un prédicateur. Fuerat
Paulus Athenis , dit Tertulien, & ißam fapientiam hu*
manam , adfcclatricem 6* interpolatricem veritatis de
congreffibus noverat, ipfam quoque in Juas hoirefes multi-
partitam varietate feclarum invicem repugnantium. Quid.
ergo Athenis & Jerofolymis ? quid academia & ecclefice ?
quid hareticis & chrißianis ? nobis curiofitate non opus
eß , poß Jefum Chriftum , nec inquifitione poß evange
lium. Cum credimus , nihil defideramus ultra credere*
Hoc enim prius credimus , non effe quod ultra credere
debemus. Paul avoit été à Athènes ; fes difputes avec
fes Philofophes lui avoient appris à connoître la vanité
de leur doûrine , de leurs prétentions , de.
leurs vérités, 6c toute cette multitude de feâes op-
pofées qui les divifoit. Mais qu’y a-t-il de commun
entre Athènes & Jérufalem ? entre des feftaires &
des chrétiens ? il ne nous refte plus de curiofité, après
avoir ouï la parole de Jefus-Chrifi, plus de recherche
après avoir lû l’Evangile» Lorfque nous croyons ,
nous ne délirons point à rien croire au-delà ; nous
croyons même d’abord que nous ne devons rien
croire au-delà de ce que nous croyons.
Voilà la diftin&ion d’Athènes 6c de Jérufalem, de
l’académie 6c de l’Eglife, bien déterminée. Ici l’on
raifonne ; là on croit. Ici l’on étudie ; là on fait tout
ce qu’il importe de favoirîlci on ne reconnoît aucune
autorité ; là il en eft une infaillible. Le philofophe dit
amicus Plato, amicus Arißoteles, fed magis arnica veritas.
J’aime Platon, j’aime Ariftote, mais j’aime encore
davantage la vérité. Le chrétien a bien plus de
droit à cet axiome , car fon Dieu eft pour lui la vérité
même.
Cependant ce qui devoit arriver arriva 5 & il faut,
convenir i° . que la fimplicité du Chriftianifme ne
tarda pas à fe reffentir de la diverfité des opinions
philofophiques qui partageoient fes premiers fe&a-
teurs. Les Egyptiens conferverent le goût de l ’allégorie
; les Pytagoriciens, les Platoniciens, les Stoïciens,
renoncèrent à leurs erreurs, mais non à leur
maniéré de préfenter la vérité. Ils attaquèrent tous
la doârine des Juifs & des Gentils, mais avec des
armes qui leur étoient propres. Le mal n’étoit pas
grand, mais il en annonçoit un autre. Les opinions
philofophiques ne tardèrent pas à s’entrelacer avec
les dogmes chrétiens , 6c l’on v it tout-à-coup éclore
de ce mélange une multitude incroyable d’héréfies*
la plûpart fous un faux air de philofophie. On en a
un exemple frappant, entre autres dans celle des
Valentiniens. W Ê m l ’article Va l e n t in ie n s. De là
cette haine des Peres contre la Philofophie, avec laquelle
leurs fucceffeurs ne fe font jamais bien reconciliés.
Tout fyftème leur fut également odieux, fi
l ’on en excepte le Platonifme. Un auteur du feizie-
sne ficelé nous a expofé cette diftinétion, avec fon
motif 6c fes inconvéniens, beaucoup mieux que
nous ne le pourrions faire. Voici comment il s’en exprime.
La citation fera longue ; mais elle eft pleine
d’éloquence & de vérité. P lato humaniter & plufquam
par erat, bénigne'à nojlris fufeeptus ,cum etknicus effet,
& hoftium famojîffmus antejîgnamus, & vanis tum
Grotcorum , 'tum exterarum gentium fuperflitionibus opprime
imbut us y & mentis acumine & variorum dogma-
tum cognitione , 6* fumofâ illâ ad Ægyptùm navigation.
lngenïi fu i , alioqui praclarijjimi vires adeo ro-
boravtrit, & patria eloquentia ufque adeo difeiplinas
adauxit, ut Jïve de D eo , & de ipjius una quadam nef-
cio quâ trinitate , bonitate , providentia , Jive de mundi
creatione, de coeltftibus mentibus, de detmonibus y jive de
anima y Jive tandem de moribusfermonem habuerit, Joins
à Grcecorum numéro ad fublimem fapientia gracie metam
pervenijfe videretur. Hinc nojlri prima mali lobes. Hinc
haritici fpargtre voces ambiguas in vulgus auji funt ;
hinc fuperjïuionum, mendaciorum, & pravitatum omne
genus in Ecclefiam Dei , agmine ftr3o , cccpit irruere.
Hinc Eccléjice parietibus , uclis , columnis ac poflibus
fanclis horrificum quoddam & nefarium omni imbutum
odio atque feelere bellum, haretici intttlerunt : & qui dan
tanta fuit in captivo Platane fapientia, tantaque lepo-
ris eloquentia dulcldo , ut parum abfuerit, quin de vic-
toribuSy triumpko ipfe aclus, triumpharet. Nam, ut à pri-
mis nojlrorum patrum proceribus exordiar , j i Clementem
'Alexandrinum infpicimus , quanti ille Platonan fece-
t it , plujquam fexcentis in locis , dum libet, videre licet,
(f tanquam veri amaiorem à primo fere fuorum librorum
limine falutavit. Si vero etiam Origenem , quam fréquenter
in ejufdem fententiam iverit, magno quidem fui
& chrijliana reipublica documento experimur. Si Jujii-
num y gavijus ipfe olim ejl y fe in Platonis doctrinam in-
cidiffe. Si Eufebium, nojlra ille ad Platonem cuncla fere
ad jatietatem ufque retulit. Si Theodoretum , adeo illius
doclrina perculjus ejl,utcum Grcecos ajfeclus curaffe ten-
taffet y medicamerua non fine Platane préparante , illis
adhibere f it au fus. Si vero tandem Augujlinumy dijjimu-
lem ne pro millibus unum , quod referere piget. Platonis
ille quidem , jam , non dicla , verum décréta , & eadem
facrofancla apellare non dubitavit. Vide igitur quantos ,
' qualefque viros viclus ille grcecus ad fui benevolehtiam
de fe triumphantes pellexerit ; ut nec aliis deinde artibus
ipfemet Plato in multorum animis fefe veluti hojlis de-
terrimus injînuaverit ; quem tant en vel egregie corrigi ,
\>el adhïbïta potius cautione legi, quam veluti capùvum
fervari proefliùjfet. Joan. Bapt. Crifp.
Je ne vois pas pourquoi le Platonifme a été repro-
. ché* aux premiers difciples de Jefus-Chrifi,, & pourquoi
l’on s’eft donné la peine de les en défendre. Y a-
t-il eu aucun fyftème de Philofophie qui ne contînt
. quelques vérités? & les Chrétiens devoient-ils les
. rejetter parce qu’elles avoient été connues, avancées
ou prouvées par des Payens ? Ce n’étoit pas l’a-
. vis de faint Juftin , qui dit des Philofophes, quacum-
que apud omnes recle dicla fu n t , noflra Chrifiianorum
fu n t , & qui retint des idées de Platon tout ce qu’il
en put concilier avec la morale & les dogmes du
Chriftianifme. Qu’importe en effet au dogme de la
Trinité, qu’un métaphyficien, à force de fubtilifèr
fes idées, ait ou non rencontré je ne fais quelle opi-
> nion qui lui foit analogue ? Qu’en conclure , finon
qu,ç ce myftere Ipin d’être impolfible, comme l’impie
le prétend, n’eft pas tout-à-fait inacceflible à la
raifon.
i° . Q u’emportés par la chaleur de la difpute, no*
premiers doâeurs fe font quelquefois embarrafféa,
dans des paralogifmes, ont mal choifi leurs argu-
mens, & montré peu d’exaéfitude dans leur logique.
30. Qu’ils ont outré le mépris de la raifon & de«
fciences naturelles.
4°• Q u en fuivant à la rigueur quelqu’un de leurs
préceptes, la religion qui doit être le lien de la fo-
ciété, en deviendroit la deftruâion.
50. Qu’il faut attribuer ces défauts aux circonftances
des tems & aux pallions dès hommes, 6c non
à la religion qui eft divine , & qui montre par-tout
ce caraâere.
Après ces obfervations fur la do&rine des Peres
en général, nous allons parcourir leurs fentimens
particuliers, félon l’ordre dans lequel l’hiftoire d®
l’Eglife nous les préfente.
Saint Juftin fut un des premiers Philofophes qui
embrafferent la do&rine évangélique. Il reçut au
commencement du fécond fiecle, 6c figna de fon
fang la foi qu’il avoit défendue par fes écrits. Il avoit
d’abord été ftoïcien, enfuite péripatéticien, pytago-
rien, platonicien, lorfque la confiance avec laquelle
les Chrétiens alloient au martyre, lui fit foupçon-
ner I’impofture des accufations dont on les noircit-
foit. Telle fut l’origine de fa converfion. Sa nouvelle
façon de penfer ne le rendit point intolérant ; au
contraire, il ne balança pas de donner le nom de
Chrétiens, 6c de fauver tous ceux qui avant 6c après
Jefus-Chrifi, avoient fçû faire un bon ufage de leurs
raifons. Quicumque , dit-il ,fecundum rationem & ver-
bum vixere , Chrifliani fu n t , quamvis atkoti , id efi p
nullius numinis çultores habiti funt, quales inter Grcecos
fuere Socrates, Heraclitus, & his JimileSy inter barbaros
autem Abraham & Ananias & Avarias & Mifael &•
Elias, & aliicomplures;6c celui qui nie la conféquence
que nous venons de tirer de ce paffage, & que nous
pourrions inférer d’un grand nombre d’autres, eft ,
félon Brucker, d’aufli mauvaife foi que s’il difputoit
en plein midi contre la lumière du jour.
Juftin penfoit encore, & cette opinion lui étoit
commune avec Platon 6c la plûpart des peres de fon
tems , que lès Anges avoient habité avec les filles
des hommes, 6c qu’ils avoient des corps propres à
la génération.
D ’où il s’enfuit que quelques éloges qu’on puiffe
donner d’ailleurs à la piété & à l’érudition de Bullus,
de Baltus 8c de le Nourri, ils nuifent plus à la religion
qu’ils ne la fervent, par l’importance qu’ils fem-
blent attacher aux chofes , lorfqu’on les voit occupés
à obfcurcir des queftions fort claires. Saint Juftin
étoit homme , & s’il s’eft trompé en quelques
points, pourquoi n’en pas convenir ?
Tatien fyrien d’origine, gentil de religion, fo-
phifte de profeflion, fut difciple de faint Juftin. II
partagea avec fon maître la haine 6c les perfécu-
tions du cynique Crefcence. Entraîné par la chaleur
de fon imagination, Tatien fe fit un chriftianifme
mélé de philofophie orientale 6c égyptienne. Ce mélange
malheureux fouilla un peu l ’apologie qu’il écrivit
pour la vérité du Chriftianifme, apologie d’ailleurs
pleine de vérité, de force 6c de lens. Celui-ci
fut l’auteur de l ’héréfie des Encratites. Foye[ cet article.
Cet exemple ne fera pas le feul d’hommes transfuges
de la Philofophie que l’Eglife reçut d’abord
dans fon giron, & qu’elle fut enfuite obligée d’en rejetter
comme hérétiques.
Sans entrer dans le détail de fes opinions, on voit
qu’il étoit dans le fyftème des émanations ; qu’il
croyoit que l’ame meurt & réfufeite avec le corps ;
que ce n’étoit point une fubftancc Amplei mais com