phràfes le mérite de la brièveté à une locution plein
e , qui fans avoir plus de clarté, auroit le délagré-
■ ïnent inféparable des longueurs fuperflues.
S’il eft facile de ramener à un nombre fixe de chefs
principaux les écarts qui déterminent les différens
-idiotifmes, il n’en eft pas de même de vues particulières
qui peuvent y influer : la variété de ces caufes
eft trop grande , l’influence en eft trop délicate -, la
•complication en eft quelquefois trop embarraffante
pour pouvoir établir à ce fujet quelque chofe de bien
certain. Mais il n’en eft pas moins confiant qu’elles
tiennent toutes, plus ou moins , augénie des diverfes
langues , qu’elles en font des émanations, & qu’elles
•peuvent en devenir des indices. « Il en eft des peu-
» pies entiers comme d’un homme particulier , dit
du Tremblay, traité des langues , chap. z z ; leur
» langage eft la v ive expreflion de leurs moeurs, de
-» leur génie & de leurs inclinations ; & il ne faudroit
» que bien examiner ce langage pour pénétrer toutes
,» les penfées de leur ame & tous les mouvemens de
«leur coeur. Chaque langue' doit donc néceffaire-
» ment tenir des perfections 6c des défauts du peu-
» pie qui la parle. Elles auront chacune en parricu-
.» lie r , difoit-il un peu plus haut, quelque perfection
•» qui ne fe trouvera pas dans les autres, parcequ’elles
» tiennent toutes des moeurs 6c du génie des peuples
qui les parlent : elles auront chacune des termes 6c
.» des façons de parler qui leur feront propres, & qui
*> feront comme le caraCtere de ce génie ». On re-
connoît en effet le flegme oriental dans la répétition
de l’adjeCtif ou de l’adverbe ; amen, amen ; fanchis ,
fanclus , fanclus : la vivacité françoife n’a pu s ’en accommoda
, 6c très-joint eft bien plus à Ion gré que
Joint t faint -, faint.
Mais fi l’on veut démêler dans les idiotifmes réguliers
ou irréguliers, ce que le génie particulier de la
langue peut y avoir contribué , la première chofe
effentielle qu’il y ait à faire, c’eft de s’affurer d’une
bonne interprétation littérale. Elle fuppofe deux
chofes; la traduction rigoufeufe de chaque mot par
fa lignification propre, 6c la réduction de toute la
phrafe à la plénitude de la conftruCtion analytique,
qui feule peut remplir les vuides de l’ellipfe, corriger
les redondances du pléonafme , redreffer les
écarts de l’inverfion, & faire rentrer tout dans le
fyftème invariable de la Grammaire générale.
« Je fais bien, dit M. du Marfais, Meth. pour ap-
» prendre la langue latine , pag. 14 , que cette traduc-
» tion littérale fait d’abord de la peine à ceux qui
» n’en connoiffent point le motif ; ils ne voyent pas
» que le but que l’on fe propofe dans cette maniéré
» de traduire, n’eft que de montrer comment on par-
» loit latin ; ce qui ne peut fe faire qu’en expliquant
» chaque mot latin par le mot françois qui lui ré-
» pond.
»Dans les premières années de notre enfance,
» nous lions certaines idées à certaines impreflîons ;
» l’habitude confirme cette liaifon. Les eiprits ani-
» maux prennent une route déterminée pour chaque
» idée particulière ; de forte que lorfqu’on veut dans
» la fuite exciter la même idée d’une maniéré diffé-
» rente, on caufe dans le cerveau un mouvement
» contraire à celui auquel il eft accoutumé, & ce
*> mouvement excite ou de la furprife ou de la rifée,
» 6c quelquefois même de la douleur : c’eft pour-
» quoi chaque peuple différent trouve extraordinaire
» l’habillement ou le langage d’un autre peuple. On
» rit à Florence de la maniéré dont un François pro-
» nonce le latin ou l’italien, & l’on fe moque à Pa-
» ris de la prononciation du Florentin. D e même la
» plûpart de ceux qui entendent traduire pater ejus ,
» le pere de lu i, au lieu de fon pere 5 font d’abord por-
» tés à fe moquer de la traduction. »Cependant comme la manière la plus.courte
» pour faire entendre la façon de s’habiller des etràflr-
» gers , c’eft de faire voir leurs habits tels qu’ils font,
» 6c non pas d’habiller un étranger à la françoife ;
» de même la meilleure méthode pour apprendre les
$» langues étrangères, c’eft de s’inftruire du tour ori-
» ginal, ce qu’on ne peut faire que par la tradudïioii
» littérale.
» Au refte il n’y a pas lieu de craindre que cette
» façon d’expliquer apprenne à mal parler françois.
» i°.Pius o.na l’efprit-jufte 6c net, mieux on écrit
» 6c mieux on parle : or il n’y a rien qui foit plus
» propre à donner aux jeunes gens de la netteté & de
« la jufteffe d’elprit, que de les exercer à la traduc-
» tiôn littérale , parce qu’elle oblige à la précifion ,
» à la propriété des termes, & à une certaine exac-
» titude qui empêche l’efprit de s’égarer à des idées
» étrangères.
» 2°. La traduction littérale fait fentir la différence
» des deux langues. Plus le tour latin eft éloigné du
» tour françois j moins on doit craindre qu’on l’imite
» dans le dilcours. Elle faitxonnoître le génie de la
» langue latine ; enfuite l’ulage, mieux que le maî-
» tre , apprend le tour de la langue françoife. Arti-
xle de M. de Beaurée.
IDOLE, IDOLATRE, IDOLATRIE ; idole vient
du grec nie?, figure , uS'oXoç, repréfentation d'une figure
, XctTpîuiv, fervir, révérer> adorer-, Ce mot adorer eft
latin, & a beaucoup d’acceptions différentes ; il figni1-
fie porter la main à la bouche en parlant avec refpeft 5
fe courber, fe mettre à genoux, faluer, 6c enfin communément
rendre un culte jüprême-.
Il eft utile de remarquer ici qlie lé dictionnaire de
Trévoux commence cet article par dire que tous les
Payens étoient idolâtres^ 6c que les Indiens font encore
des peuples idolâtres : premièrement, on n’ap-
pella perlonne payen avant Théodofe le jeune ; ce
nom fut donné alors aux habitans des bourgs d’Ita»-,
lie , pagorum incolapagani, qui conferverent leur ancienne
religion : fecondement, l’Indouftan eft ma^
hométan, 6c les Mahométans font les implacables
ennemis des images & de l’idolâtrie : troifiémement ,
on ne doit point appeller idolâtres beaucoup de peu-*
pies de l’Inde qui font de l’ancienne religion des Per-
fe s , ni certaines côtes qui n’ont point d'idoles.
S'il y a jamais eu un gouvernement idolâtre. Il paroît
que jamais il n’y a eu aucun peuple fur la terre qui
ait pris le nom d’idolâtre. Ce mot eft une injure que
les Gentils , les Politéiftes fembloient mériter ; mais
il eft bien certain que fi on avoit demandé au fénat
dé Rome, à l’aréopage d’Athènes, à la cour des rois
de Perfe, êtes-vous idolâtres ? ils auroient à peine entendu
cette queftion. Nul n’auroit répondu,nous adorons
des images,des idoles. On ne trouve ce mot idolâtre
, idolâtrie y ni dans Homere , ni dans Héfiode,
ni dans Hérodote, ni dans aucun auteur de la religion
des Gentils. Il n’y a jamais eu aucun éd it, aucune
loi qui ordonnât qu’on adorât des idoles, qu’on
les fervît en dieux, qu’on les crût des dieux.
Quand les capitaines romains 6c carthaginois fai-
foient un traité, ils atteftoient toutes les divinités ;
c’eft en leur préfence, difoient-ils, que nous jurons
la paix : or les ftatues de tous ces dieux , dont le dér
nombrement étoit très- long, n’étoit pas dans la tente
des généraux ; ils regardoient les dieux comme pré-
fens aux actions des hommes, comme témoins. comme
juges, & ce n’étoit pas aflurément le fimulacre
qui conftituoit la divinité.
De quel oeil voyoient-ils donc les ftatues de leurs
fauffes divinités dans les temples? du même oe il, s’il
étoit permis de s ’exprimer ainfi, que nous voyons
lès images des vrais objets de notre vénération. L ’erreur
n ’étoit pas d’adorer un morceau de bois ou de
marbre, mais d’adorer une fauffe divinité repréfen-
tée par ce bois 6c par çe marbre. La différence entre
eux & nous n’eft pas qu’ils enflent des images, 6c
que nous n’en ayons point ; qu’ils aient fait des prières
devant des images , 6c que nous n’en faifions
point : la différence eft que leurs images figuroient
des êtres fantaftiques dans une religion fauffe, &
que les nôtres figurent des êtres réels dans une religion
véritable.
Quand le cpnful Pline adreffefesprières aux dieux
immortels, dans l’exorde du panégyrique de Trajan,
ce n’eft pas à des images qu’il les adreffe ; ces images
n’étoient pas immortelles.
Ni les derniers teins du paganifme, ni les plus reculés
, n’offrent pas un feu! fait qui puiffe faire conclure
qu’on adorât réellement une idole. Homere ne
parle que des dieux qui habitent le haut olympe : le
palladium, quoique tombé du c ie l, n’étoit qu’un
gage facré de la protection de Pallas ; c’étoit elle
qu’on adoroit dans le palladium.
Mais les Romains & les G recs fe mettoient à genoux
devant des ftatues, leur donnoient des couronnes
, de l’encens, des fleurs , les promenoienf en
triomphe dans les places publiques : nous avons
fan&ifié ces coutumes, & nous ne fommes point idolâtres.
Les femmes en tems de féchereffe portoient les
ftatues des faux dieux après avoir jeûné. Elles mar-
choient piés nuds, les cheveux épars, &c aufli tôt il
pieu voit à fceaux, comme dit ironiquement Pétrone,
& flatim urceatim pluebat. Nous avons confacré cet
ufage illégitime chez les Gentils , 6c légitime parmi
nous. Dans combien de villes ne porte t on pas nuds
piés les châffes des faints pour obtenir les bontés de
l ’Etre fuprème par leur interceflîon ?
Si un turc, un lettré chinois étoit témoin de ces
cérémonies , il pourroit par ignorance nous accu-
fer d’abord de mettre noire confiance dans les fimu-
laçres que nous promenons ainfi en proceflion ; mais
il fuffiroit d’un mot pour le détromper.
On eft furpris du nombre prodigieux de déclamations
débitées contre Yidolâtrie des Romains 6c des
Grecs ; 6c enfuite on eft plus furpris encore quand
on voit qu’en effet ils n’étoient point idolâtres ; que
leur loi ne leur ordonnoit point du tout de rapporter
leur culte à des fimulacres.
Il y a-voit des temples plus privilégiés que les autres
; la grande Diane d’Ephèfe avoit plus de réputation
qu’une Diane de village , que dans un autre
de fes temples. La ftatue de Jupiter Olympien atti-
roit plus d’offrandes que celle de Jupiter Paphlago-
nien. Mais puifqu’il faut toujours oppoferici les coutumes
d’une religion vraie à celles d’une religion
fauffe, n’avons nous pas eu depuis plufieursfiecles,
plus de dévotion à certaines autels qu’à d’autres ?
Ne feroit-il pas ridicule de faifir ce prétexte pour
nous acculer d’idolâtrie ?
On n’avoit imaginé qu’une feule Diane, un feul
Apollon , 6c un feul Efculape ; non pas autant d’A-
pollons, de Dianes, 6c d’Efeulapes, qu’ils avoient
de temples 6c de ftatues ; il eft donc prouvé autant
qu’un point d’hiftoire peut l ’ê tre, que les anciens
ne croyoient pas qu’une ftatue fût une divinité, que
le culte ne pouvoir être rapporté à cette ftatue , à
cette idole, 6c que par conféquent les anciens n’étoient
point idolâtres.
:U;ne populace groflieré & fuperftitieufe qui ne
raifonnoit point, qui ne fa voit ni douter, ni nier,
ni croire, qui couroit aux temples par ©ifiveté, 6c
parce que les petits y font égaux aux grands ; qui
portoit fpn offrande par coutume, qui parloit continuellement
de miracles fans en avoir examiné aucun,
& qui n’étoit guere au-deffus des victimes
qu’elle amenoit ; cette populace, dis-je, pouvoit
bien à la vue de la grande Diane, & de Jupiter tonnant
, être frappé d’une horreur religieufe, 6i adorer
fans le favoir la ftatue même. C’eft ce qui eft arrivé
quelquefois dans nos- temples à nos payfans
grofliers ; 6c on n’a pas manqué de les inftruire que
c’eft aux bienhetir-eux, aux immortels reçus dans le
ciel, qu’ils doivent demander leur interceflîon, 6c
non à des figures de bois & de pierre -, 6c qu’ils ne
doivent adorer que Dieu feul.
Les Grecs & les Romains augmentèrent le nombre
de leurs dieux par des apotheofes ;les Grecs di-
vinifoient les conquérans, comme Bacchus, Hercule,
Perfée. Rome dreffa des autels à fes empereurs.
Nos apotheofes font d’un genre bien plus fu-
blime ; qous n’avons égard ni au rang, ni aux conquêtes.
Nous avons élevé des temples à des hommes
Amplement vertueux qui ferpient la plupart
ignorés fur La terre , s’ils n’étoient placés dans le
ciel. Les apothéoles des anciens font faites par la
flatterie ; les nôtres par le refpeâ pour la vertu. Mais
ces anciennes apothéofes font encore une preuve
convaincante que les Grecs & les Romains n’étoient
point idolâtres. Il eft clair qu’ils n’admetroient pas
plus une vertu divine dans la ftatue d’Augufte & de
Claudine, que ,daj)s. leurs médailles. Cicéron dans
fes ouvrages philolophiques ne laiffe pasfoupçonner
feulement qu’on puiffe le méprendre aux ftatues des
dieux , & les .confondre avec les dieux mêmes. Ses
interlocuteurs foudroient la religion établie ; mais
aucun d’eux m’imagine d’acculer les Romains de
prendre du marbre pç de l’airain pour des divinités.
Lucrèce ne reprpebe cette fottile à perlonne, lui
qui reproche tout aux luperftitieux : donc encore
une fo is , cette opinion n’exiftoit pas, & l’erreur du
politéïfme n’étpit pas erreur d'idolâtrie.
Horace fait parler une ftatue de Pfiape : il lui fait
dire: j'étais autrefois un tronc de figuier ; un charpentier
ne fichant s'il feroit de moi un dieû ou Un banc ,fè
détermina enfin à me foire dieu, 6cc. Que conclure
de cette plaifànterie ? Priap^ étoit de cCs petites divinités
fubalternes, abandonnées aux railleurs; &
cette plâilanterie même eft la preuve la plus forte
que cette figure de Priàpe qu’on iriétroit dans les
potagers pour effrayer les oil’eaux, n’étoit pas fort
révérée,'
Dacier,en digne commentateur, n’a pas manqué
d’obferver que Baruc avoit prédit cette avanture,
en difant, ils ne feront, que ce que voudront -les ouvriers ;
mais il pouvoit obferver aufli qu’on en peut dire autant
de toutes les ftatues : on peut d’un bloc de marbre
tirer tout aulfi-bien une cuvette, qu’une figure
d’Alexandre ou de J[upiter, ou de quelque chofe de
plus refpejftabfe. La matière dont étoient formés les
chérubins du faint des faints, âurqit pu fervir également
aux fonctions les plus viles. Un tronc, un
autel en fon<-ils moins révérés, parce que l’ouvrier
en pouvoit faire une table de cuifîne ?
Dattier au lieu de conclure que lès Romains ado-
roient la ftatue de Priape, & que Baruc l’avoit prédit
,devdit donc conclure que les Romains s’en moc-
quoient. Confultez tôus les auteurs qûi parlent des
ftatues de ieurs dieux, vous n’en trouverez aucun
qui parle d'idolâtrie ; ils difent expreffément le contraire
: .vous voyez dans Martial.
Qui finxit faerçs ayro v$l rnarmort vultus >
Non fofit Ule deos.
Dans Oyide. Coliturpro Joye, forma. Joyis. . jj
Dans Staee. Nu lia autem effigies _nyj.ii çornrriiffo métallo.
Forma Dei montes hahitarc ac numina
gaudet.
Dans Lucain. EJt-ne Dei nifi terra & pontus, & aer ?
•On feroit un volume de tous les paffages qui dé-
pofent que des images n’étoient que des images.
Il n’y a que le cas ou-les ftatues rendoient des ora