fion. On chercha dans cette adtion obfcurede la lune
la caufe de tous les effets , dont on ignoroit la véritable
fourçe. L’ignorance en augmenta extraordinairement
le nombre, & les efprits animes par que -
que correfpondance réellement obfervee entrequel-
cnies phénomènes de l’économie animale & les périodes
de la lune , fe livrèrent à cet enthoufialme ie-
niillant, a d if , qu’entraîne ordinairement le nouveau
merveilleux, & que les fuccès animent, por-
tèrent cette doftrine à l’ excès, & la rendirent infou-
tenable.'La même.chofe arrivaà l’égard des autres
aftres; on leur attribua non-feulement a vertu de
produire les maladies, ou d’entretenir la faute buvant
leur différens afpefts, leur paffage, leur fitua-
tion, &c. Mais on crut en même tems qu ils avoient
le pouvoir de régler les aûions m o ra lesd e changer
les moeurs,le caraaere, le génie, la fortune^des hommes.
On les fit préfider aux plus grands evénemens,
& on prétendit trouver dans leurs mouvemens la con-
noiffance la plus exafte de l’avenir.Cette doctrine ain-
fi outrée, remplie d’abfurdités, défigurée par les tables,
le menfonge, la fuperftition, fut pendant long-
tems méprifée Sc négligée par les fçavans, & tomba en
conféquence entre les mains des ignorans Sc des xm-
pofteurs, nation extrêmement étendue dans tous les
tems, qui d’abord trompés eux-mêmes, trompèrent
enfuite les autres. Les uns aveugles de bonne f o i ,
croyoient ce qu’ils enfeignoient ; d’autres aflez éclairés
pour fentir le ridicule Sc le faux de leur doctrine,
ne laiffoient pas de la publier Sc de la vanter. Bien
des gens font encore de même aujourd’hui,toit pour
foutenir une réputation établie, foit dans l’efperance
d’augmenter leur fortune aux dépens du peuple,S c
fouvent des grands aflez fots pour les écouter, les
croire, les admirer & les payer. Une admiration fte-
rile , illucrative, n’eft pour l’ordinaire le partage que
du vrai favant. . ..
L ’influence des aftres étoit particulièrement en v igueur
chez les Châldéens, les Egyptiens Sc les Juifs.
Elle entroit dans la philofophie cabaliftique de ces derniers
peuples , qui penfoient que chaque planete in-
fluoit principalement fur une partie déterminée du
corps humain, Sc lui communiquoit f i/z/ae/z«qu’elle
recevoit d’un ange, qui étoit lui-meme fournis à 1 influence
particulière d’une fplendeur ou fephirot, nom
qu’ils donnoientaux émanations, perfeâionsou attributs
de la divinité ; de façon , fuivant cette doctrine,
que Dieu influoitfurles fplendeurs , les fplen-
deurs’ fur les anges, les anges fur les planètes, les
planètes fur l’homme. Voye^ C abale. Les caba-
liftes croyoient que tout ce qui eft dans la nature ,
étoit écrit au ciel en caratteres hébreux ; quelques-
uns même affuroient l’y avoir lu. Moyfe, félon Pic
de la Mirandole, avoit exprimé tous les effets des
aftres par le terme de lumière, parce qu’il la regar-
doit comme le véhicule de toutës leurs influences. Ce
fameux légiflateur eut beaucoup d’égard aux aftres
dans la compofition de fa lo i, Sc régla des cérémonies
& des pratiques de religion, fur l’influence particulière
qu’il prêtoit aux uns& aux autres. Il ordonna
que le jour du repos on préviendrait Sc l’on dé-
tourneroit par la priere & la dévotion les mauvaifes
influences de Saturne, qui préfidôi't au jour ; mit la
defenfe du meurtre fous Mars, &c.Voye{ Cabale ;
& il eft fingulier qu’ on remarqué férieufement, que
Mars efl plus ptopte a ies produire qu’à en arrêter le
cours.
Hippocrate le premier Sc le plus exaft obferva-
teur, fit entrer cette partiè de l’Aftronomie dont il
eft ici queftion, dans là Medecine dont il fut le refti-
tuteur , ou pour mieux dire le créateur ; & il la re-
gardoit comme fi intéreffante , qu’il refufoit le nom
de médecin à ceux qui ne la poffédoient pas. « Per-
,> fonne, dit-il dans la préface de fon livre > de flgni-
»fie. vit. & mort, ne doit confier fa fanté Sc fa vie à
» celui qui ne fait pas l’Aftronomie, parce qu’il ne
,> peut jamais parvenir fans cette connoiffance à la.
» perfeélion néceffaire dans cet art. Ceux au con-
» traire, dit-il ailleurs, (/. de aer.aquis. & loc.') qui ont
» exaftementobfervé les changemens de feins, le
» lever & le coucher des aftres, Sc qui auront bien
» remarqué la maniéré dont ‘toutes ces chofes fe-
» ront arrivées, pourront prédire quelle fera l’an-
» n ée, les maladies qui régneront, Sc l’ordre qu’elles
» fuivront ». C ’eft d’après ces obfervations qu’Hip-
pocrate recommande, & qu’il a fans doute faites lui-
même , qu’il a compofé les aphorifmes où font très-
exattement clalfées les maladies propres à chaque
faifon , relativement aux tems , aux pluies , aux
vents qui ont régné dans cette même faifon Sc
dans les précédentes. Voyeç Aphorism es, lib. I I I .
Mais ceux parmi les aftres , dont l’influence lui pa*
roît plus marquée & plus importante à obferver,
font les pliyades, l'arclure & le chien ; il veut quon
fafle une plus grande attention au lever 6c au coucher
de ces étoiles, ou conftellatiôns, parce que ces
jours font remarquables, Sc comme critiques dans
• les maladies, par la mort,-op la guérifon des ma-
' lades, ou par quelque métaftafe confidérable. lib*
de acre, aquâ. Et lorfqu’il commence la defeription
de quelque épidémie, il a foin de marquer expref-
fément la conftitution de l’année, l’état des faifons,
& la pofition de ces étoiles. Il avertit aufli d’avoir
égard aux grands changemens de tems qui fe font
aux folftices & aux équinoxes, pour ne pas donner
alors des remedes aftifs, qui produiroient de
mauvais effets. Il confeille aufli de s’abftenir en même
tems des opérations qui fe font par le fer ou le
feu ; il veut qu’on les différé à un tems plus tranquille.
Galien, commentateur & feftateur zélé de la doctrine
d’Hippocrate, a particulièrement goûté fes
idées fur Yinfluence des aflres fur le corps humain.
Il les a confirmées, étendues dans un traité fait ex
■ profeffo fur cette matière, Sc dans le cours de fes
: autres ouvrages. Il donne beaucoup plus à la lune
que ne faifoit Hippocrate ; Sc c’eft principalement
avec fa période qu’il fait accorder fçs jours critiques.
Leur prétendu rapport avec une efficacité in-
trinfeque des jours & des nombres fuppofés par Hippocrate,
étant ufé,affoibli parle tems, & renverl'é
par les argumens vi&orieux d’Afclépiade. Galien
n’eut d’autre reffource que dans Yinfluence de la lune
pour expliquer la marche des crifès ; Sc pour faire
mieux appercevoir la correfpondance des jours
critiques fameux, le 7 , le 14 & le 2 1 , avec les phafes
de la lune, il imagina un mois médicinal, analogue
au mois lunaire ; il donna par ce moyen à fon lyf-
tème des crifes, combiné avec Y influx lunaire, un
air de vraiflemblance capable d’en' impofer, & plus
que fuffifant pour lé faire adopter par des médecins
qui ne favoient penfer que d’après lui, & qui re-
gardoient fon nom à la tête d’un ouvrage, d’une
opinion , comme un titre authentique de vérité, Sc
comme la preuve la plus inconteftable. Voyei l'article
Crise. Il admettoit aufli Yinfluence des autres
aftres, des planètes, des étoiles, qu’il prouvoit
ainfi , partant du principe que l’a&ion du foleil fur
la terre ne pouvoit être révoquée en doute. « Si l’af-
» pe& réciproque des aftres ne produit aucun effet,
» Sc que le foleil, lafourcede la vie Sc de la lumière,
» réglé lui-feul les quatre faifons de l’année, ellesfe-
» ront tous les ans exa&ement les mêmes , & n’of-
» friront aucune variété dans leur température, puif-
» que le foleil n’a pas chaque année un cours diffé-
» rent. Puis donc qu’on obferve tant de variations,
» il faut recourir à quelqu’autre caufe dans laquelle
» on n’obferve pas cette uniformité ». Comment, in
fecund. lib. prorrketic. On ne fauroit niet que ce raisonnement
de Galien ne foit très-plaufible, très-,
fatisfaïfant Sc très-favorable à Yinfluence des aflres ;
il indique d’ailleurs par-là une caufe phyfiqued’un
fait dont on n’a encore aujourd’hui que des caufes
morales. Ce dogme particulier n’avoit befoin que
de l’autorité de Galien * pour devenir une des lois
fondamentales de la Médecine clinique ; il fut adopté
parle commun des médecins, qui n’avoient d’autre
réglé que les décifions de Galien. Quelques médecins
s’éloignant du chemin battu ,'oferent cenfurer
cette do&rine quelquefois faufle, fouvent outrée
par fes partifans ; mais ils furent bientôt accablés
par le nombre. Les médecins routiniers ont toujours
fouffertle plus impatiemment, que les autres s’écar-
taffent de leur façon de faire & de penfer. L’Aftro-
logie devenant plus à la mode, la théorie de la Médecine
s’en reflfentit. Comme il eft arrivé toutes les
fois que la Phyfique a changé de face , la Médecine
n’a jamais été la derniere à en admettre les erreurs
dominantes ; les médecins furent plus attachés que
jamais à Yinfluence des aflres. Quelques-uns fentant
rimpolfibilité de faire accorder tous les cas avec
les périodes de la lune, eurent recours aux autres
aftres , aux étoiles fixes, aux planètes. Bientôt
ces mêmes aftres furent regardés comme les principales
caufes de maladie,to tuov & l’on expliqua par leur
aftionle fameux d’Hippocrate, mot qui a fubi
une quantité d’interprétations toutes oppofées, &
qui n’eft par conféquent pas encore défini. On ne,
manquoit jamais de confulter les aftres avant d’aller
voir un malade ; & l’on donnoit des remedes, ou l’on
s’en abftenoit entièrement, fuivant qu’on jugeoit
les aftres favorables ou contraires. On fuivit les dif-
tinotions frivoles établies par les aftrologuçs des jours
heureux & malheureux, & la Médecine devint alors
ce qu’elle avoit été dans les premiers fiecles, appel-
lés tems d'ignorance ; l’Aftrologie fut regardée comme
Voeil gauche de la Medecine , tandis que ïAnatomie paf-
foitpour être le droit. On alloit plus loin j on comparoit
un médecin deftituéde cette connoiflance à un aveugle
qui marchant fans bâton , bronche chaque
inftant, & porte en tremblant de côté d’autre des
pas mal-afiurés ; un rien le détourne , & il eft dans
la crainte de s’égarer : ce n’eft que par hafard & à
tâtons qu’il fuit le bon chemin.
Les Alchimiftes, fi oppofés par la nature de leurs
prétentions aux idées reçues, c eft-a-dire au Gale-
nifme, n’oublierent rien pour le détruire ; mais ils
refpe&erent Yinfluence des aftres, ils renchérirent
tnême fur ce que les anciens avoient dit, & lui firent
jouer un plus grand rôle en Medecine. Ils confidé-
rerent d’abord l’homme comme une machine analogue
à celle du monde entier, & l’appellerent mi-
crocofme, /j.ty.po>iov{Âoç, mot grec qui lignifie petit-
monde. Ils donnèrent aux vifeeres principaux les
noms des planètes dont ils tiroient, fuivant eu x,
leurs influences fpéciales, & avec lefquelles ils
croyoient entrevoir quelque rapport ; ainfi le coeur
confideré comme le principe de la vie du microcofme,
fut comparé au foleil, en prit le nom & en reçut les
influences. Le cerveau fut appellé 'lune , & cet aftre
fut cenfé préfider à fes avions. En un mot, on penfa
que Jupiter influoit fur les poumons, Mars fiir le
foie , Saturne fur la rate, Venus fur les reins, &
Mercure fur les parties de la génération. Les Alchimiftes
ayant fuppofé les mêmes influences des planètes
ou des aftres auxquels.ils donnoient le nom,
fur les fept métaux, de façon que chaque planete
avoit une aâion particulière fur un métal détermine
qui prit en conféquence fori nom : ils appelèrent
Y or, foleil; l’argent, lune; le vif-argent, Mercure;
le cuivre, Venus ; le fe r , Mars, & le plomb, Saturne.
L’analogie qui fe trouva entre les noms & les
influciiccs d’uné partie du corps & du métal correfi
pondant, fit attribuer à ce métal la vertu fpécifique
de guérir les maladies de cette partie ; ainfi l’or fut
regardé comme le fpécifique des maladies du coeur ,
& le s teintures folaires pafloient pour être éminemment
cordiales ; l’argent fut affeûé au cerveau ; le
fer au foie, & ainfi des autres. Ils avoient confervé
les diftinétioris des humeurs reçûes chez les anciens
en pituite, bile St mélancholie : ces humeurs rece-
voient aufli les influences des mêmes planètes qui
influoient fur les vifeeres dans lefquels fe faifoit leur
fecrétion, & leur dérangement étoit rétabli par le
même métal qui étoit confacré à ces parties; de
façon que toute leur medecine confiftoit à connoitre
la partie malade & la nature de l’humeur peccante
, le remede approprié étoit prêt. Il feroit bien à
fouhaiter que toutes ces idées fuflènt aufli réelles
qu’elles font ou qu’elles parOiflent chimériques, &
qu’on pût réduire la Medecine à cette fimplicité, Sc
la porter à ce point de certitude qui réfulteroient
de la précieufe découverte d’un fpécifique aflïiré
pour chaque maladie ; mais malheureufement l’ac-
complifîement de ce fouhait eft encore très-éloigné ,
& il eft même à craindre qu’il n’ait jamais lieu, Sc
que nous foyons toujours réduits à la eonjefture Sc
au tâtonnement dans la fcience la plus intéreflante
& la plus précieufe, en un mot où il s’agit de la
fanté Sc de la vie des hommes ; fcience qui exige-
roit par-là le plus de certitude Sc de pénétration.
Quelque ridicules qu’ayent paru les prétentions des
Alchimiftes fur Yinfluence particulière des aftres Sc
fur l’efficacité des métaux, on a eu de'la peine à
nier l’aâion de la lune fur le cerveau des fous, on,
n’a pas cefle de les appeller lunatiques (
pavovs ); on a confervé les noms planétaires des métaux
, les teintures folaires de Minficht ont été long-
tems à la mode, Sc encore aujourd’hui l’or entre
dans les fameufes gouttes du général la Motte ; les
martiaux font toujours Sc méritent d’être regardés
comme très-efficaces dans les maladies du foie ; Sc
l’on emploie dans les maladies chroniques du poumon
l’anti-hc&iqué de Poterius, qui n’a d’autre mérite
(fi c’en eft un ) que de contenir de l’étaim
Ces mêmes planètes qui, par leur influence falu-
taire, entretiennent la v ie Sc la fanté de chaque vif-
cere particulier, occafionnent par leur afpeft finiftre
des dérangemens dans l’aftion de cés mêmes vifeeres
, Sc deviennent par-là, fuivant les Alchimiftes,
caufes de maladie ; on leur a principalement attribué
celles dont les caufes font très-obfcures, inconnues
, la pefte, la petite vérole, les maladies épidémiques
& les fievres intermittentes, dont la théorie
a été fi fort difeutée & fi peu éclaircie Les médecins
qui ont bien fenti la difficulté d’expliquer les retours
variés & conftans des accès fébrils, ont eu recours
aux aftres, qui étoientpouf les médecins de ce tems
ce qu’eft pour plufieurs d’aujourd’hui la nature,
l ’idole & l'afyle de l ’ignorance. Ils leur ont donné
l’emploi de diftribuer les accès ftiivant l’humeur qui
les produifoit ; ainfi la lune par fon influence fur la
pituite étoit eenfée produire les fievres quotidiennes
; Saturne, à qui la mélancholie étoit lubordon-
née, donnoit naiflance aux fievres quartes ; le cholérique
Mars dominant fur la b ile, avoit le difîriét
des fievres tierces ; enfin on commit aux foins de Jupiter
le fang & les fievres continues qui étoient
fuppofées en dépendre. Zacutus lufit. de medic. prin-
cip. D ’autres médecins ont attribué tous ces effets
à la lune ; & ils ont crû que fes différentes pofitions,
fes phafes, fes afpefts, avoient la vertu dé changer
le type des fievres, Sc d’exciter tantôt les tierces,
tantôt les quartes, & c . conciliât, de different, febr.
88. Pour compléter les excès auxquels on s’eft
porté fur Yinfluence des aflres 3 on pourroit y ajou