il A V E R T I S S E M E N T .
Notre principal objet étoit de raffembler les découvertes des fiecles précédens ; (ans avoir négligé
cette première vue, nous n’exagérerons point en appréciant à plufieurs volumes in-folio ce
que nous avons porté de richeffes nouvelles au dépôt des 'connoiffances anciennes. Qu’une révolution
dont le germe fe forme peut-être dans quelque canton ignoré de la terre, ou fe couve
fecretement au centre même des contrées policées , éclate avec le tems, renverfe les villes, difperfe.
de nouveau les peuples, & ramene l’ignorance & les ténèbres j s’il feconferve u entier de cet Ouvrage, tout ne fera pas perdu. n feul exemplair^
On ne pourra du-moins nouscontefter, je penfe, que notre travail ne foit au niveau de notre
liecle, & c’eft cjueique chofe. L’homme le plus éclairé y trouvera des idées qui lui font inconnues
, & des faits qu’il ignore. Puiffe i’inftru&ion générale s’avancer d’un pas fi rapide que dans
vingt ans d’ici il y ait à peine en mille de nos pages une feule ligne qui ne foit populaire 1
C’eft aux Maîtres du monde à hâter cette heureufe révolution. Ce font eux qui étendent ou ref-
ferrent la fphere des lumières. Heureux le tems où ils auront tous compris que leur fécurité confifte
à commander à des hommes inftruits ! Les grands attentats n’ont jamais été commis que par des
fanatiques aveuglés. Oferions-nous murmurer de nos peines & regretter nos années de travaux,
fi nous pouvions nous flatter d’avoir afloibli cet eiprit de vertige ft contraire au repos des fociétés,
& d’avoir amené nos femblables à s’aimer, à fe tolérer & à reconnoître enfin la fupériorité de la
Morale univerfelle fur toutes les morales particulières qui infpirent la haine & le trouble, & qui
rompent ou relâchent le lien général & commun?
Tel a été par-tout notre but. Le grand & rare honneur que nos ennemis auront recueilli des
obftacles qu’ils nous ont fufcités ! L entreprife qu’ils ont traverfée avec tant d’acharnement, s’eft
achevée. S’il y a quelque chofe de bien, ce n’eft pas eux qu’on en louera, & peut-être les accufera-
t-on de fes défauts. Quoi qu’il en foit, nous les invitons à feuilleter ces derniers volumes. Qu’ils
épuifent fur eux toute la févérité de leur critique, & qu’ils verfent fur nous toute l’amertume de
leur fiel, nous fommes prêts à pardonner cent injures pour une bonne obfervation. S’ils reconnoiflent
qu’ils nous ont vu conftamment profternés devant les deux chofes qui font le bonheur des fociétés
& les feules qui foient vraiment dignes d’hommages, la Vertu & la Vérité, ils nous trouveront in-
différens à toutes leurs imputations.
Quant à nos Collègues, nous les fupplions de confidérer que les matériaux de ces derniers volumes
ont été raffemblés à la hâte & difpofés dans le trouble : que l’impreflion s’en eft faite avec une rapidité
fans exemple : qu’il étoit impofîible à un homme, quel qu’il fut, de conferver en une aufli longue
révifion , toute la tête qu’exigeoit une infinité de matières diverfes, & la plupart très-abftraites : &
que s’il eft arrivé que des fautes, même groflieres, aient défiguré leurs articles , ils ne peuvent en
être ni offenfés ni furpris. Mais pour que la confidératiori dont ils jouiflent, & qui doit leur être
précieufe, ne fe trouve compromife en aucune maniéré, nous conféntons que tous les défauts de
cette édition nous foient imputés fans réferve. Après une déclaration aufli illimitée & aufli précife.
fi quelques-uns oublioient la nécefîité ou nous avons été de travailler loin de leurs yeux & de
leurs confeils , ce ne pourroit être que l’effet d’un mécontentement que nous ne nous fommes
jamais propofé de leur donner, & auquel il nous étoit impoflible de nous fouftraire. Eh qu’avions-
nous de mieux à faire que d’appeller à notre fecours tous ceux dont l’amitié & les lumières nous
avoient fi bien fervis ? N’avons-nous pas été cent fois avertis de notre infuflifance ? Avons-nous
refufé de la reconnoître ? Eft-il un feul de nos Collègues à qui dans des tems plus heureux nous
n’ayons donné toutes les marques poflibles de déférence ? Nous açcufera-t-on d’avoir ignoré
combien leur concours étoit effentiel à la perfection de l’Ouvrage? Si l’on nous en accufe, c’eft
une derniere peine qui nous étoit réfervée, & à laquelle il faut encore fe réfigner.
Si l’on ajoute aux années de notre vie qui s’étoient écoulées lorfque nous avons projetté cet Ouvrage
, celles que nous avons données à fon exécution , on concevra facilement que nous avons
plus vécu qu’il ne nous refte à vivre. Mais nous aurons obtenu la ré.compenfe que nous attendions
de nos Contemporains Sc de nos ne veux, fi nous leur faifons dire un jour que nous n’avons pas vécu
tout-à-fait inutilement.
E N C Y C L O P É D I E ,
o u
DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES,
DES ARTS ET DES MÉTIERS.
H
, fubftantif féminin, (Qtamfn.) acl’epfht albae ht.u itième lettre de notre Voye{ Alphabet.
Il n’eft pas unanimement
àVoiié par tous les Grammairiens
que ce caraôere foit une
lettre, & ceux qui en font une
lettre ne font pas même d’accord
entre eux ; les uns prétendant que c’eft line con-
fonne, & les autres, qu’elle n’eft qu’un figne d’af-
piration. Il eft certain que le plus effentiel eft de
convenir de la valeur de ce Caraftere ; mais il ne
fçauroit être indifférent à la Grammaire de ne fça-
voir à quelle claffe on doit le rapporter. Effayons
donc d ’approfondir cette queftioh, & cherchons-en
la folution dans les idées générales.
Les lettres font les lignes des élélnens de la v o ix ,
lavoir des fons & des articulations.-.^»-^. LETTRES*
Le fon eft une limple émiflxon de la v o ix , dont les
différences effentielles dépendent de la forme du
•paffage que la bouche prête à l’air qui en eft la matière
, voyt{ Soï* ; & les voyelles font les lettres def-
ïinëes à la repréfentation des fons. Voyt^ Voyel-
xes. L’articulation eft une modification des fons
produite par le mouvement fubit & inftantané de
quelqu’une des parties mobiles de l’organe de la
parole ; & les eonfonnes font les lettres deftinées à la
repréfentation des articulations. Ceci mérite d’être
développé.
Dans une thèfè foütenue aux écoles de Médêcine
le 13 Janvier 1757 (&n ut cauris animantibusita &
homïni ,fua voxpeculiaris ?), M. Savary prétend que
l ’interception momentanée du fon eft ce qui confti-
tue l’effence des eonfonnes, c’ eft-à-dire en diftin-
guant le figne de la chofe lignifiée, l’effence des articulations
: fans cette interception. la voix ne fe-
Tomc ÉIU.
H
Eôit.qü’urie cacophonie’, dont lès. variations mêmes
feroierlt fans agrément.1
J’avoue que l’ïntercepti’ôn du fon caraftérife en
quelque forte toutes1 lés articulations unanimement
ïècoiinues, parce qu’elles font toutes produites par
des mbuveméns qui embarraffent en effet l’émiflïon
d,e la voix. Si les parties mobiles de l’organe ref-
toient dans l’état où ce mouvement les met d’abord ,
Ou l’on n’entendrôit rien, bu l’on n’entendroit qu’un
fifflement câufé par l’échappement contraint de l’air
hors de la bouché : pour s’en afsûrer, on n’a qu’à
réunir les levres comme pour articuler un p , ou approcher
la leVré inférieure des dents fupérieures
comme pour prononcer un v , & tâcher de produire
le fon à , fans changer cette pofition. Dans le premier
cas, on h’entendra rien jufqu’à ce que les levres
fe féparent ; & dans le fécond cas, on n’aura qu’un
fifflement infprmg, .
VoHà donc deux chofes à diftinguer dans I’afticu-
latiôn ; le fnouvement inftantané de quelque partie
mobile de l’organe, & l’interception momentanée
du fon : laquelle des deux eft repréfentée par les con-
fonnes ? Ce n’eft affûrément ni l’une ni l’autre. Le
mouvement en foi n’eft point du reffort de l’audition;
& l’interception du fon , qui eft un véritable
filence , n’en eft pas davantage. Cependant l’oreille
diftingue très - fenfiblement les chofes repréfentées
parles eonfonnes; autrement quelle différence trou-
veroit-elle entre les mots vanité, qualité, qui fe ré-
duifent également aux trois fons a-i-é,-quand on en
fupprime les eonfonnes ?
La vérité eft que le mouvement des parties mobiles
de l’organe eft la caufe phyfique de ce qui fait
l’effence de l’articulation ; l’interceptioft du fon eft
l’effet immédiat de cette caufe phyfique à l’égard
de certaines parties mobiles ; mais cet effet n’eft