&
■ dans Pondre- analytique précédé filentïi 'diûtwni'f
*ion parce que je dirois.en françois la fin du filence«
■ mais parce que la-caufe précédé l ’effet, ce qui eft
également la raifon'de la conftruûion françoifeï
fineniMÜ. encore un cas qui a facaufe dans le verbe
auulit:i qui doitpar conféquent le précéder; & attu-
Ht a pour raifon de fon inflexion le lujet dits hodier*
nus t dont la terminaifon directe indique que rien
■ ne le précédé & ne le modifie»
Il eft donc évident que dans toutes les langues
-la ..parole ne tranfmet la penfée qu’autant qu’elle
q>eint fidèlement la fuccéflion analytique des idées
qui en font l’objet, & que l’abftradion y confidere
féparément. Dans quelques idiomes cette fuccéflion
des idée&efl reprélentée par celle des mots qui en
font les lignes ; dans d’autres elle eft feulement
■ défignée par les inflexions des mots qui au moyen
de cette marque de relation, peuvent fans confér
quence pour le fens, prendre dans le difcours telle
■ autre place que d’autres vûes peuvent leur affigner:
mais à travers ces différences confidérables du génie
des langues, on reconnoît fenfiblement l’imprelîion
Imiforme de la pâture qui eft une, qui eft Ample,,
qui eft immuable , & qui établit par-tout une exa&e
conformité entre la progreflion des idées & celle
des mots qui le repréfentent,
Je dis Yimpreffion dt La nature, parce que c ’eft en
'effet une fuite'.nécelfaire de i’effence & de la nature
de la parole, .La parole doit peindre la penfée & en
•etre l ’image ; c ’eft une vérité unanimement reconnue.
Mais la penfée eft indivifi.ble , & ne peut par
conféquent. être par elle-même l’objet immédiat
d’aucune image,- il faut néceffairement recourir à
l ’abftra&ion, & confidérer l ’une après l’autre les
idées qui en. font l ’objet & leurs relations ; c’eft
donc l ’analyfe de la penfée qui feule peut être figurée
par la parole. Or jl eft de la nature de toute
image de reprèfenter fidellement fon original ; ainfi
la nature de la parole exige qu’elle peigne exactement
les idées objectives de la penfée & leurs rela*
tions. Ces relations fuppofent une fuccéflion dans
leurs termes ;. la priorité eft propre à l’un, la pof-
tériorité eft effentielle à l’autre : cette fuccéflion des
idées, fondée fur leurs relations, eft donc en effet
l ’o,bjet naturel de l ’image que la parole doit produir
e , & l’ordre analytique eft l’ordre naturel qui doit
fervir de b afeà la fyntaxe de'toutes les langues.
- C ’eft à des traits pareils que M. Pluche lui-même
reconnoît.la nature dans les langues» » Dans toutes
» les langues., dît-il dès le commencement de fa
» Mèchaniqut, tant anciennes que modernes, il faut
» bien diftinguer ce que la nature enfeigne. .. d’a-
» vec ce qui eft l’ouvrage des hommes * d’ayec ce
» qui eft d’une inftitution arbitraire. Ce que la na-
» ture leur a appris çft le même par-tout ; il fe fou-
» tient avec égalité ; & ce qu’il étoit dans les pre-
» miers tems du genre humain, il l’eft encore aujo
u rd 'h u i. Majs.ce qui provient des hommes dans
>> chaque langue, ce. que-les événemens y ont oc-?
>> cafibnrié , varie fans, fin d’une langue à l’autre, &
>* fe trouve fans'fiabilité même dans chacune d’el-
» les. Ay,qirrtant.de changemens & de viciflitudes,
» on s’imagiriérQit que le. premier fond des langues,
» 1 ouvrage de la.nature , a dû s’anéantir & le dé-
» figurer jufqu’à.n’ être plus recpnnoiffable. Mais,,
» quoique .le langage des, hommes foit aufli chan-
» géant que leiu. conduite , la nature s’y retrouve.
» Son ouvrage ne peut en aucune langue ni fe dé-
^ n.i . fo-.cheher ». Je n’ajoûte à un texte fi
précis qu une. firpple queftion. Que refte-t-il de commun
à toutes les. langues ,.que;, d’employer les mêmes
efpeces dé. mots , &'de les rapporter à l’ordre
.analytique?.
Tirons enfin la derniere conféquence. Qu’eft-ce
que ŸlAverfiou} ÊVft une conftmftion oii les H
■ H un ordre renverie , relativement
à 1 ordre analytique de la fucceffion des idées. Ain.
il Aüxamiv, vainquit Darim', eft en — une
«onftruéhqn; drredte ; il en eft de même ràand on
dit en latin , Alexander-vuit Daria* : mais'frfân
d i t , -Dama* via, Mmrarkr .'alors' il y a M H
M. l’abbé de Condiïlâc,
EJJai.fuM origme des coie. kunt. par,. I l H H ÏÛp.
'*•. <; Car la fubordrnation qui eft entre les ldi,s
» awonle egalement les deux confiruffibris latines':
» en voici la preuve, t e s idées fe modifient dans le
» diicours félon que 1 une explique l’autre, l’étend,
» o n y met quelque reftriaion. Par-là elles fontna-
» turellement fubordonnés entr’elles, mais plus où.
»moins,immédiatement, à proportion que leur
» liaflon eft elle-meme plus ou moins immédiate.
» Le nominatif ( c ’eft-à-dire le fujet ) eft lié avec le
i J rV n verbe avec fon régime, l’adje&if avec
» fon fubftantif &c. Mais la liaifon n’eft pas aufli
» étroite entre le régime du verbe & fon nomina-
» t i f , puifque ces deux noms ne fe modifient que
» par le moyen du verbe. L’idée de Darius , paf
» exemple, eft immédiatement liée à celle de vain*
» quit, celle de vainquit à celle d’Alexandre ; & la
» lubordmation qui eft entre ces trois idées con*
» lerve le même ordre.
>> Cette obfervation fait comprendre que pbur ne
M choquer 1 arrangement naturel des idées, il
» fuffit de fe conformer à la plus grande liaifon qui
» eft entre elles. Or c’eft ce qui fe rencontre égale-
» ment dans les deux conftrudions latines, Alexan-
» der vicit Darium , Darium vieil Alexander ; elles
» font donc aufli naturelles l’une que l’autre» Ôn ne
» fe trompe à ce lujet, que parce qu’on prend pouf
» plus naturel un ordre qui n’eft qu’une habitude que
» le çarattere de notre langue nous a fait contra&er.
» 11 y a cependant dans le françois même des conf-
» truchons qui auroieni pu faire éviter cette er-
» reur, puilque le nominatif y eft beaucoup mieux
» aptes le verbe: on dit par exemple, Darius que
» Vainquit Alexandre » .
Voilà peut-être l’objedion la plus forte que l’on
puiffe faire contre la dodrine des inverfions telle
que je 1 expofe i c i , parce qu’elle femble fortir du
fonds meme j’en puilè les principes.- Elle' n’eft
pourtant pas. infoluble ; & j’ofe le dire hardiment,
elle eft plus ingénieufe que folide.
L auteur s attache uniquement à l’idée générale
& vague.de liaifon; & i l eft vrai qu’à partir de-là,
les deux conftru&ions latines font également naturelles,
parce que les mots qui ont entr’euxdes liai*
fons immédiates, y font liées immédiatement ;
Alexander vicie ô\\ vicit Alexander ; c’eft la même
chofe quant à la liaifon, & i l en eft de même de vi*
crt Darium ou Darium vicit : l’idée vague de liaifon
n’indique ni priorité ni poftériorité. Mais puifque la
parole doit être l’image de l’analyfe de la penfée;
en fera-t-elle une image bien parfaite, fi elle fe contente
d’en crayonner Amplement les traits les pluâ
generaux ? Il Faut dans votre portrait deux y e u x ,
un nez, une bouche, un teint, &c. entrez dans le
premier attelîer, vous y trouverez tout cela : eft-ce
votre portrait ? Non; parce que ces yeux ne font
pas vos yeux, ce nez n’eft pas votre nez, cette bou-;
che n eft pas votre bouche , ce teint n’eft pas votre
teint, &c. Ou fi vous voulez , toutes ces partieà
font reffemblantes, mais elles ne font pas à leur
place ; ces yeux font trop rapjJfbèhés , cette bouche
eft trop voïfine du nez, ce nez eft trop de côté
&c. Il en eft de même de la parole ; il ne fuffit pas
d’y rendre fenfible la liaifon des mots, pour peindre
l’anaiyfe de la penfée, même en fe conformant à
la plus grande liaifon, à la liaifon la plus immédiate'
des idées. Il faut peindre telle liaifon, fondée fur
tel rapport ; ce rapport a un premier terme, puis un
fécond: s’ils fe fui vent immédiatement, la plus grande
liaifon eft obfervée ; mais fi vous peignez d’abord le
fécond & enfuite le premier, il eft palpable que vous
renverfez la nature , tout autant qu’un peintre qui
nous préfenteroit l’image d’un arbre ayant les racines
en haut & les feuilles en terre : ce peintre fe
conformeroit autant à la plus grande liaifon des parties
de l’arbre , que vous à celle dès idées.
Mais vous demeurez perfuadé que je fuis dans
l’erreur, & que cette erreur eft l’effet de l’habitude
que notre langue nous a fait contrafter. M. l’abbé
Batteux, dont vous adoptez le nouveau fyftème,
penfe comme vous , que nous ne fommes point, nous
autres françois, placés, comme il faudroit V être, pour
juger j î les conflruclions des Latins font plus naturelles
que les nôtres (Cours deBelles-Lettres,éd. 1753 yt.lV.
p. 29<?.) Croyez-vous donc férieufement être mieux
placé pour juger des conftruûions latines, que ceux
qui en penfent autrement que vous ? Si vous n’ofez
le dire, pourquoi prononcez-vous ? Mais difons-le
hardiment, nous fommes placés comme il faut pour
juger de la nature des inverfions , fi nous ne nous livrons
pas à des préjugés, à des intérêts de fyftême,
fi l’amour delà nouveauté ne nous feduit point au
préjudice de la vérité, & fi nous confultons fans
prévention les notions fondamentales de l’élocution.
J’avoue qu e , comme la langue latine n’eft pas
aujourd’hui une langue vivante, & que nous ne la
connoiffons que dans les livres, par l’étude & par
de fréquentes leftures des bons auteurs , nous ne
fommes pas toujours en état de lentir la différence
délicate qu’il y a entre une expreflîon & une autre.
Nous pouvons nous tromper dans le choix & dans
l’affortiment des mots ; bien des fineffes fans doute
nous échappent ; & n’ayant plus fur la vraie prononciation
du latin que des conjectures peu certaines
; comment ferions-noiis affurés des lois de cette
harmonie merveilleuie dont les ouvrages de Cicéron
, de Quintilien & autres , nous donnent une fi
grande idée, comment .en fuiv rions-nous les vûes
dans la conftruCtion de notre latin faétice ? comment
les démêlerions-nous dans celui des meilleurs auteurs
?
Mais ces fineffes d’élocution, cesdélicateffesd’ex-
preflïon, ces agrémens harmoniques > font toutes
chofes indifférentes au but que fe propofe la Grammaire,
qui n’envifage que l’énonciation de la penfée.
Peu importe à la clarté de cette énonciation , qu’il
y ait des diffonnances dans la phrafe , qu’il s’y rencontre
des bâillemens , que l’intérêt de la paflion y
foit négligé, & que la néceflité de l’ordre analytique
donne à l’enfemble un air fec & dur. La Grammaire
n’eft chargée que de deflîner l’analyfe de la
penfée qu’on veut énoncer ; elle doit, pour ainfi-
dire, lui faire prendre un corps, lui donner des membres
& les placer ; mais elle n’eft point chargée de
colorier fon deffein; c ’eft l’affaire de l’élocution oratoire.
Or le deffein de l’analyfe de la penfée eft l’ouvrage
du pur raifonnement;& l’immutabilité de l’original
preferit à la copie des réglés invariables, qui
font par conféquent à la portée de tous les hommes
fans diftinclion de tems, de climats, ni de langues :
la raifon eft de tous les tems, de tous les climats &
de toutes les langues. Aufli ce que penfent les Grammairiens
modernes de toutes les langues fur Yinver-
jio n , eft exa&cment la même chofe que ce qu’en
ont penfé les Latins mêmes, que l’habitude d’aucune
langue analogue n’avoitféduits.
Dans le dialogue de partiùone oratorio., où les
deux Cicerons pere & fils font interlocuteurs , Je
fils prie fon pere de lui expliquer comment il faut
Tome VIII.
s’y prendre pour exprimer la même penfée en plu-
fieurs maniérés différentes. Le pere répond qu’on
peut varier le difcours premièrement, en fubfti-
tuant d’autres mots à la place de ceux dont on s’eft
fervi d abord : id totum genus fitum i verborum. n commutatione Ce premier point eft indifférent à notre
fujet ; mais ce qui fuit y vient ttès-à-propos : in con* JTuAncTlIisO autem verbis triplex adhiberi potefl COMMV- , nec verborum, fed OROINIS tantummodà ; iuptf ac utumlfeermitcl DIRECTE’ diclum fit, ficut NATURA , INVERTATUR ordo , & idem quafifur- asitiqmu ev ePrfEusR rIeNtrCoqISueE .d iEcalotuqru e; nddeii naduet eidme me xIeNrcTitEatRioC ImSaE ■* xime in hoc toto convertendigenereverfatur. (cap. vij.)
Rien de plus clair que ce paffage ; il y eft queftion
des mors confidérés dans l’enfemble de l’énonciation
& par rapport à leur conftruclion ; & l’orateur romain
caraâérife trois arrangemens différens , félon
lefquelson peut varier cette conftru&ion, commuta- tioordinis.
Le premier arrangement eft dire# & naturel, direclêficut natura ipfa tulerit.
Le fécond eft le renverfement exad dii premier ;
c’eft Yinverfion proprement dite : dans l ’un on va directement
du commencement à la fin, de l’origine
au dernier terme, du haut en bas ; dans l’autre, on
va de la fin au commencement, du dernier terme à
l’origine, du bas en haut, fursùm-verfies, à reculons, rttrb. On voit que Cicéron eft plus difficile que M.
l’abbé de Condillac,& qu’il n’auroit pas jugé que l’on
fuivît également l’ordre direCt de la nature dans les
dviecuitx Aplherxaafensd.e, rAlexander vicit Darium , & Darium ; U n’y a , félon ce grand orateur,
que l’une des deux qui foit naturelle, l’autre en eft Y inv erfion , invertitur or do.
Lé troifieme arrangement s’éloigne encore plus
de l’ordre naturel ; il en rompt l’enchaînement en
vciisoél-a, nlets la liaifon la plus immédiate des parties, in
mots y font permifte rapprochés fans affinité 6c comme au hazard,inverfion, ; ce n’eft plus ce qu’il
faut nommer c’eft l’hyperbate & l’efpece
clûje.d’hyperbate Voyt{à laquelle on donne le nom de fyn- Hyperb ate & Syn chise. Tel eft
xl’aanrrdaenr gement de cette phrafe, vicit Darium Ale,
parce que l’idée d’Alexander y eft féparée
de celle de vicit, à laquelle elle doit être liée immédiatement.
Cicéron nous a donné lui-même l’exemple de ces
trois arrangemens, dans trois endroits-différens où
aild é mneoj necreib lias même penfee. Legi tuas Hueras quibus , &c. ce font les premiers mots d’une
leept tvriej. qu’il écrit à Lentulus ( Ep.-.ad fdmil. lib. VII. ipfa tu l)i tCette phrafe eft écrite directe, ficut natura ; ou du moins cet arrangement eft celui
que Cicéron prétendoit caraftérifer par ces mots ,
& cela me fuffit. Mais dans la lettre iv. du liv. ///.
Cicéron met au commencement ce qu’il avoit mis
à la fin dans la précédente ; litteras tuas accepi ; c’eft
tlrab qfuéec.ondé forte d’arrangement, fursitm-versus , re- Voici la troifieme forte, qui eft Iorfque les
mots corrélatifs font féparés & coupés par d’autres
fmedo tfsu a, vienste raccicsèip iaot qluitete prearsm. iEftep . : arda rfaasm tuial.s lqibu idIeIm. .e .p .. xiij.
J’avoue que cette application des principes de
Cicéron , aux exemples que j’ai empruntés de fes
lettres , n’eft pas de lui-même ; & que les défen-
feurs du nouveau fyftême peuvent encore prétendre
que je l’ai faite à mon gré, que je facrifîe à l’erreur où m’a jette l’habitude de ma langue, &
qu’il y a cependant dans le françois même, comme
le remarque l’auteur de Yeffai fur Vorigine des con- noiffances humaines, des conltruftions qui auroient
pû faire éviter cette erreur, puifque le nominatif y